mercredi 24 octobre 2012

Une pièce du puzzle

J'ai souvent dans l'idée de passer d'un sujet à l'autre ici, comme on peut le faire, sur d'autres sujets, dans la "vraie vie". De la même manière, histoire de ne pas lasser mon lectorat, je me suis toujours dit que j'allais alterner les sujets français et internationaux. D'autant plus que j'ai, à en croire les statistiques de ce blog, un gros following en Russie, Lituanie ou Allemagne, ce que j'ai beaucoup de mal à m'expliquer (en cet instant se forment des images d'un agent du KGB glissant à un autre "Chef, on est repérés !") mais bon, voilà. Or, dans le souci essentiel de faire que ce que j'ai envie de faire, na-na-na-na-nè-reu, et puis parce qu'il arrive, dans la vraie vie, que le sujet de la veille déborde sur le lendemain, je reprends mon sujet d'hier où il m'avait amené : Jay Alanski.
J'avais bien sûr vu le nom de Jay Alanski derrière quantité de chansons de Lio comme Banana Split. J'ai même du voir son nom au revers du single des Innocents, Jodie, qu'il avait produit. Mais je n'ai commencé à réellement m'intéresser à son nom qu'avec le deuxième album de Jil Caplan, La charmeuse de serpents. Cet album était bien au dessus de tout ce qui se faisait alors dans le domaine de la variété française. Il y avait une attention portée à tous les morceaux, que ce soient dans la composition ou les arrangements, et même dans la façon parfaite qu'ils avaient de s'enchaîner sur l'album, qui révélaient une envie de faire de la "bonne chanson française" comme un artisan rêve de faire de la "belle ouvrage", si vous voyez ce que je veux dire. Et comme, la pochette indiquait que c'était "joué, arrangé et produit par Jay Alanski" et qu'il était l'auteur et compositeur (Caplan co-signe 3 chansons sur les quinze de l'album), je m'en suis assez vite fait l'image d'un pygmalion  maniaque préférant se cloitrer dans son studio et laissant briller sa créature, Jil Caplan en l'occurrence. Je m'en suis même assez vite fait l'idée d'un couple plus forcément sur la même longueur d'ondes ; mais était-ce la réalité ou juste des images que je plaquais sur les thèmes développés dans des chansons comme Tout c'qui nous sépare ou le très beau duo Je t'apprends rien ?
En fait, je n'ai jamais vraiment su s'il s'était effectivement passé quelque chose entre le créateur et sa créature (c'est lui qui a trouvé le nom de Jil Caplan inspiré de La mort aux trousses d'Hitchcock). Je sais juste qu'après Avant qu'il ne soit trop tard, dernier album qu'il ait fait pour elle, la musique de Jil Caplan ne m'a plus intéressé que très anecdotiquement. Je suis d'ailleurs un grand fan de ce dernier album qui a été, en 93, un très très gros fiasco. Un morceau comme La grande malle (III) (oui, parce que, sur l'album, y avait La grande malle (I) et La grande malle (II) aussi, mais bon fallait bien choisir) me met toujours une pêche incroyable avec ses "toudoudoudou doutou toutoudou" (ou quelque chose comme ça) et montre bien qu'au delà de Caplan (finalement assez peu présente dans le morceau), c'était bien Jay Alanski qui me fascinait.



Reste qu'il avait, comme qui dirait, le cul entre deux chaises : celui d'une variétoche facile que pouvaient programmer les radios et une ambition que je sentais plus artistique. Une sensation dont j'eus la confirmation trois ans plus tard avec la parution sur F.Com, le label électro alors très pointu de Laurent Garnier, des premiers EP d'A Reminiscent Drive. A Reminiscent Drive, c'est le pseudo de Jay Alanski qui faisait absolument tout sur ces disques et s'était pour le coup totalement libéré des textes n'offrant plus que des musiques derrière ce masque d'artiste Ambient. Tous les morceaux de ces EP (dont la plupart se retrouveront sur le premier et magnifique album Mercy Street) auraient pu figurer sur une compilation Cafe Del Mar ; plus exactement, sur les premières compilations du nom, quand le nom, précisément n'était pas encore galvaudé comme il le sera plus tard, à l'instar de cette musique. Nombre d'artistes ont en effet pu croire, durant les années qui ont suivi, qu'en faisant dans l'éthéré, ils allaient faire dans l'inspiré. Mais peu sont arrivés à comprendre toute la complexité d'un morceau comme Sky, si simple en apparence mais qui dégage une véritable ambiance, un climat, quelque chose d'habité.



Il y a eu un autre album d'A Reminiscent Drive, Ambrosia, puis Jay Alanski a repris son patronyme, retrouvant également sa voix sur l'album Les yeux crevés. Pas très fan. Et, du coup, j'ai un peu lâché l'affaire. J'ai jeté un coup d'oreille à Derrière la porte qui marquait ses retrouvailles avec Jil Caplan en 2007, ai été heureux de voir qu'ils avaient retrouvé la recette de leur accord (notamment sur le très réussi On n'entre plus chez toi) mais en même temps, c'est comme si je n'y étais plus. Les autres non plus d'ailleurs qui ont (très) peu acheté l'album. Pour les besoins de ce post, j'ai même trouvé sur la bio officielle de Jay Alanski, qu'il faisait ces temps-ci des titres sous le nom de sEYmour disponibles gratuitement via son Bandcamp. Et The New Gun ou The Sour Milk n'ont vraiment pas à rougir par rapport à tout ce qui se fait aujourd'hui.





Il n'empêche que, malgré le fait que j'ai tendance à le classer haut dans mon panthéon personnel du paysage musical français, Jay Alanski trouve plus facilement sa place dans la catégorie des Beautiful Losers. J'ai d'ailleurs constaté, toujours en lisant sa bio, que The Beautiful Losers était le nom de son premier groupe, signataire d'un album visiblement culte pour certains qui bénéficia même d'une réédition il y a quelques années. En écrivant tout ce post, je me suis d'ailleurs dit plusieurs fois que je n'avais qu'une vision très parcellaire de Jay Alanski. Je ne connaissais pas ses premières aventures discographiques, ni ses dernières, et encore moins l'immense production photo et vidéo dont il est l'auteur ces dernières années. Mais l'image que j'en ai (qui n'a peut-être rien à voir avec le vrai Jay Alanski mais je pourrais en dire autant de tous les artistes dont je parle) est celle d'un artiste aussi à part que brillant. C'est sans doute d'ailleurs parce qu'il brillait en tant que compositeur, producteur, musicien, artiste, vidéaste, photographe, que, finalement, il n'a su briller réellement nulle part. Il ne faudrait pas non plus oublier ses talents d'auteur car celui qui a longtemps été associé au génial parolier Jacques Duvall (pour Banana split notamment), savait lui aussi manier le verbe. Il n'y a qu'à écouter Palais royal qu'il avait fait pour Chamfort et qui est pour moi, une pièce maîtresse de ce puzzle un peu foutraque qu'est Jay Alanski.



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