dimanche 14 octobre 2012

Feuilles mortes

Dimanche matin d'automne. Il pleut et l'on a qu'une envie : rester à l'intérieur, à bouquiner ou écouter de la musique, voire les deux. De cocooner quoi.  Je pose ça en préambule pour vous expliquer le sujet de mon post du jour. Car comme d'habitude, une foultitude de sujets se sont présentés à moi, ce blog virant un peu à l'obsession, mais bonne obsession, je vous rassure. Me retrouver devant un ordinateur, un dimanche matin, avec un vrai plaisir d'écrire, c'est délicieux. Peu importe donc que j'ai du mal à trouver le sommeil en me demandant si je vais parler de ceci ou cela, en me demandant si je le tournerais de cette façon ou de cette manière... Peu importe car nous sommes dimanche matin, et j'écris. Et comme nous sommes en ce petit dimanche matin d'automne, j'ai finalement trouvé ce qui allait s'imposer comme le sujet du jour, à savoir précisément (du moins aussi précisément que je puisse articuler ma pensée) une musique pour accompagner un instant. Et ce qui constituait à ce moment là, soit il y a quelques minutes, le parfait complément musical à cet instant, je l'ai trouvé en fouillant dans mes récentes acquisitions et en m'arrêtant sur un album sur lequel je suis un peu vite passé. En même temps, c'est une habitude chez moi mais ce qui me surprend ici, c'est que d'autres aussi sont vite passé à autre chose ; je ne dis pas que Lianne La Havas, puisque c'est elle dont il s'agit, n'a pas eu son petit quart d'heure de gloire avec l'album Is your love big enough ? Je me souviens, par exemple, l'avoir souvent vue à la rentrée à la télévision, avec un argumentaire, sans doute mis au point par sa maison de disque et repris par tous les présentateurs des émissions où elle figurait, qui disait que Prince et Stevie Wonder raffolaient de sa musique. Ce que je veux bien croire vu les qualités d'auteur compositrice de cette musicienne émérite. On a même pas mal entendu son titre Age, sur les plateaux télé donc ou à la radio.  Il n'empêche qu'à peine un mois après avoir créé le buzz, on n'entend plus franchement parler d'elle. Je ne vais pas vous dire que l'album de Lianne La Havas est révolutionnaire mais c'est un bon album où la chanteuse n'est jamais aussi bonne qu'accompagnée de sa seule guitare. Et puis il y a cette chanson, au dessus du lot, et qui correspond pleinement à l'idée que je me fais de ce dimanche matin.



Sur les commentaires accompagnant la vidéo de No room for doubt, il semble que plus d'un se plaigne que Lianne ait fait ce duo avec Willy Mason. Moi, c'est ce que j'ai immédiatement adoré dans ce duo, ce qui rend ce duo magique : la voix plaintive de Willy Mason. Une voix qui semble avoir un siècle et c'est d'ailleurs ce que je me suis dit quand j'ai écouté l'album la première fois : que la chanteuse avait du ressortir de la naphtaline un vieux chanteur de jazz ou de rock. En fait, Willy Mason est un jeune chanteur américain d'à peine 27 ans. Dommage que son répertoire n'aille pas creuser dans cette fragilité envoutante pour proposer un rock un peu country, en tout cas très ricain, qui n'est pas forcément ma tasse de thé rappelant plus Bruce Springsteen que Robert Wyatt avec qui je l'avais initialement confondu.
Je ne vous cache pas que j'ai longtemps hésité avant de choisir le morceau de Robert Wyatt que j'allais poster ici. J'aime, par exemple, beaucoup les deux titres qu'il a enregistré avec le groupe electro Ultramarine en 1993 (dont ce Kingdom), les titres auxquels il a prêté sa voix pour la bande originale du Peuple Migrateur de Bruno Coulais, ou le duo qu'il a enregistré avec Ben Watt (d'Everything ButThe Girl) en 1982, Walter and John. L'émotion que me procure sa voix est, je pense, d'autant plus forte maintenant que je connais son histoire ; Robert Wyatt, batteur au sein du célèbre groupe de prog rock Soft Machine (bon, je dis célèbre parce que je me documente, mais je connais pas parce que 1) j'écoute pas de prog rock et 2) Soft Machine, c'était fin des années 60/début 70, soit donc un âge où j'étais en couches culotte) tomba du quatrième étage d'une villa, dans une fête où il était passablement éméché. Suite à l'accident, il s'est retrouvé paralysé dans une chaise roulante, abandonnant la batterie mais continuant à expérimenter dans plein de styles musicaux différents, devenant, au fil du temps, une véritable figure culte underground que plus d'un musicien cite comme une influence quand il ne l'invite pas, donc, à collaborer sur leurs albums (comme, entre autres, Björk et Ryuichy Sakamoto). Après cette petite page d'histoire, revenons à mon histoire et la première fois où j'ai croisé la voix du bonhomme sans même connaître tous ces détails. C'était en 1984 et la Grande Bretagne était alors en pleine vague neo jazzy, une appellation qu'on accolait alors à Sade, The Style Council, Everything But The Girl ou Working Week. Ces derniers, avant de recruter une chanteuse officielle, avaient d'ailleurs emprunté la chanteuse d'Everything But The Girl, Tracey Thorn pour leur premier single, l'introuvable, et c'est dommage, Venceremos (we will win) où, donc, se marie à la voix de Tracey, celle de Robert Wyatt.



Ca gratte parce que c'est du vinyle ; on ne trouve sur Itunes que la version que Working Week enregistra un an plus tard avec, donc, sa chanteuse officielle. Ca le fait forcément moins, Tracey Thorn faisant partie de mon Top 3 personnelle des plus grandes voix féminines (et j'aurais bien le temps de vous dévoiler la troisième un de ces quatre, bande de petits curieux qui avaient compris, en bons lecteurs de ce blog, que Kate Bush en fait aussi partie). C'est d'ailleurs parce qu'elle a cette voix incomparable que, je pense, Ben Watt s'est effacé derrière celle qui est aussi sa compagne à la ville, au sein de leur groupe, Everything But The Girl. Et aussi belle que je trouve la voix de Tracey Thorn, je trouve dommage que Ben Watt n'ait pas d'avantage associé sa voix, là encore, toute en fragilité, au timbre parfait de Tracey. C'est le cas dans le très beau On my mind, un des premiers titres d'Everything But The Girl. Une chanson aussi émouvante que l'est pour moi le fait de les redécouvrir dans cette vidéo où l'un comme l'autre n'avaient pas encore 20 ans.



Cette chanson est aussi une autre chanson parfaite pour dimanche matin d'automne. Et tant qu'on est à remonter le temps, et à regarder tomber les feuilles mortes, j'ajouterais une dernière chanson que j'ai découverte il y a deux ans sur l'album Tumbleweed Connection d'Elton John (1970). J'ai découvert totalement par hasard ce titre alors que j'écoutais des chansons postées sur les blogs tout en travaillant à autre chose. J'ai immédiatement adoré et admets avoir été un peu surpris en découvrant son auteur. Sans détester sa musique, je n'ai jamais été un grand fan d'Elton John. Mais cette chanson avait quelque chose que je n'avais jamais rencontré dans aucune de ses compositions. Et pour cause, cette chanson n'est pas de lui mais de Lesley Duncan (qui la chante d'ailleurs avec lui). Et je pense que si cette chanson avait été postée sur le blog où je l'ai découverte, c'était précisément (ça coïncide au niveau de la période) parce Lesley Duncan venait de mourir. Son histoire est, elle aussi, assez émouvante. Elle fut considérée comme une des premières auteur compositrices britanniques mais ne rencontra jamais le succès qu'à travers les autres, puisque choriste très demandée, on retrouve sa voix notamment sur le Dark side of the moon de Pink Floyd. Puis elle se retira, avec sa famille, sur l'île de Mull en Ecosse, où, jusqu'à sa mort en  2010 des suites d'une longue maladie cérébrovasculaire, elle n'était, pour ses voisins, que la petite dame qui cultivait son jardin. D'où l'étonnement de ces derniers à son enterrement où Elton John envoya des fleurs et David Bowie, un message de condoléances. Etait-elle heureuse, comme elle semblait l'être, à cultiver son jardin ou bien nourrissait-elle des regrets ? Il semble qu'à son chevet, son mari lui ait fait écouter cette chanson, déclarant : "It was as peaceful, I think, as death can be, and a relief after her years of struggle". Aussi paisible que peut l'être la mort donc. Si ça ne vous dérange pas, contentons nous d'un "aussi paisible qu'un dimanche matin d'automne".

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