jeudi 28 février 2013

Des chiffres et des lettres

Cent. Je n'ai pas compté, n'ai pas eu à le faire, la machine m'indique bien que ceci est le centième post de ce blog. Tout comme la machine m'a indiqué que des pages avaient été vues depuis l'Inde, l'Afrique du Sud ou le Canada. Vous vous sentez fliqués ? Moi aussi. Une surveillance, qui plus est, incorrecte. Pour ne reprendre que l'exemple de ce blog, qui me dit que le Lituanien qui est arrivé là n'est pas arrivé totalement par hasard à l'occasion d'une recherche Google et reparti aussitôt. Pas grave : sitôt passé, sitôt compté. J'ai une machine, en particulier, qui me flique bien mal : c'est le lecteur Itunes. Ce serait si simple pour un individu ne me connaissant pas d'aller voir sur Itunes de quoi est constituée la liste des titres les plus écoutés et d'en déduire qui je suis. Si simple et si faux. D'abord parce que nous sommes deux à nous servir d'Itunes dans cette maison, ce qui fait qu'on obtient bien plus les morceaux les plus écoutés par le couple que par l'un des deux individus le constituant. Et encore ! Car, nous n'avons pas les mêmes façons d'écouter de la musique ; quand trois écoutes du même disque, en ce qui me concerne, est une marque incontestable de l'amour que je lui porte, mon copain lui, moins boulimique et sans doute plus obsessionnel, écoutera le même titre jusqu'à la lie. Ce qui fait notamment qu'on trouve le Dance with me d'Adam Green dans les premiers d'un des classements alors que ce n'est pas franchement ma tasse de thé. Oui, je dis d'un des classements, car il y en a plusieurs qui correspondent au nombre de fois où j'ai changé d'ordinateur. Soit, comme tout le monde, au fur et à mesure que la technologie dans le domaine avance, un paquet de fois. Or, à chaque fois que je réinstalle Itunes, c'est comme si je remettais les pendules à zéro. La comptabilité Itunes ne reflète donc pas réellement les disques écoutés depuis que j'ai Itunes mais les disques écoutés depuis l'acquisition de l'ordinateur sur lequel je l'utilise. Elle est au mieux le reflet d'un laps de temps. Possédant toujours mon vieil ordinateur, je suis allé consulter la liste de ce qui y tournait le plus jusqu'à fin 2011 et depuis... euh, je sais pas trop. Toujours est-il que le n°1 de cette liste est le Sophie Calle n°108 de Cali.



Vous pourriez en déduire un peu vite que je suis (ou nous sommes) fan(s) de Cali et me demander ce que je pense de son dernier album. Et je ne saurais foutrement rien vous répondre dans la mesure où je ne l'ai pas écouté. Il eut été plus judicieux d'y voir un goût prononcé non seulement pour cette chanson mais aussi pour l'artiste contemporaine Sophie Calle, qui, dans Prenez soin de vous, avait demandé à 107 femmes de différents horizons (avocate, danseuse, religieuse, sportive...) de faire un commentaire de l'e-mail de rupture qu'elle s'était vue envoyer. Cali s'était proposé pour un 108ème, donc, commentaire. Et la chanson étant quand même sacrément réussie, elle est restée longtemps en boucle. Mais, si je cherche la même chanson dans les 200 titres les plus écoutés depuis l'acquisition de mon nouvel ordinateur, je ne la trouve nulle part. Je sais d'ailleurs que certains morceaux de mon actuel Top 10 connaîtront un sort similaire à un moment ou un autre pour une autre histoire de chiffre. Pour avoir le meilleur son possible sur un fichier son, il faut que le morceau (désolé d'être technique mais je vous promets ça va pas durer longtemps) soit encodé au plus haut débit qu'on puisse trouver soit, à l'heure actuelle, 320 kbits/s. Or, on trouve sur le Net quantité de fichiers qui sont encodés à un pauvre 128 Kbits/s, ce qui ne pose aucun problème à la plupart d'entre nous mais me tourmente aujourd'hui assez pour que j'envisage de réencoder une bonne partie de ma discothèque. Ce qui est clair en tout cas pour les morceaux nouveaux et que j'aime beaucoup, comme certains du Top 10 donc, c'est que, dès que j'aurais trouvé une meilleure version, elle viendra remplacer l'ancienne. Et repartira de zéro. On ne saura donc pas, d'ici peu, à quel point j'ai pu écouter La ballade de Jim reprise par Paradis.



Sans compter (enfin si, en comptant, justement) que Itunes me flique à ce point mal qu'il oublie une écoute pourtant essentielle : l'écoute de mon Ipod. Tout ce que je peux lire sur mon Ipod n'apparaît en effet pas dans l'historique de mes écoutes. Or, c'est là, quand j'ai le casque sur les oreilles, que je peux m'adonner, le son à fond, à quelques unes de mes obsessions musicales, intemporelles ou du moment. Enfin, évidemment, Itunes ne comptera jamais ce que j'ai écouté avant Itunes qui compte souvent bien plus que ce qui est, précisément, compté. Au bout du compte, la musique n'est pas une affaire de statistiques, ne peut se résumer à une affaire de chiffres. Tout juste je pense, et je le pense depuis cent posts maintenant, peut-elle s'exprimer par les mots, par les lettres. Et ce même si le titre le plus écouté sur mon Itunes, le génialissime Midnight City, est l'oeuvre d'un artiste qui porte un numéro : M83. Eh bien moi, monsieur, je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre.

mercredi 27 février 2013

Relaxation sur les dunes

Me voici encore une fois en train de me demander ce qui m'amène à parler de ce morceau plutôt qu'un autre : à bien y réfléchir, je me suis dit qu'il y avait un peu si ce n'est de rage au moins d'aigreur dans mon post d'hier. Et faut faire gaffe à l'aigreur ou la rage (générée par exemple par la lecture des quotidiens du jours, quand ce n'est pas la radio qui reviennent sur la sortie, wow, du nouveau Bowie, dont, au passage, il commence enfin à se dire, discrêtement, mais la rumeur devrait se propager et confirmer ce que j'avais écrit ici, qu'en fin de compte il ne serait pas si wow que ça mais fermons cette longue parenthèse), c'est pas bon pour l'estomac, c'est pas bon pour la santé. J'imagine donc que telle une grande respiration telle celle que vous prenez au yoga pour vous apaiser m'est venue cette inspiration, un baume pour l'esprit, un appel au calme, une visite sur les dunes du désert dont on sentirait le sable vous chatouiller, une brise légère venant parfois atténuer la chaleur du soleil pour ne conserver qu'une sensation de bien-être.Voilà : vous êtes dans ce que je ressens à l'écoute du Valencia de Rachid Taha.



J'ADORE cette chanson même si je n'aime pas tout chez Rachid Taha à qui je reconnais toutefois le mérite d'avoir été l'un des premiers à avoir injecté une bonne dose d'électronique à sa musique à une époque (1993) où la chose n'était pas encore très courante en France. Souvenez-vous de Voilà, voilà. C'est curieux car la chanson dit "voilà, voilà, qu'ça r'commence" et c'est grosso modo ce que je me suis dit en m'apercevant, à l'instant, que cette chanson vient d'être réenregistrée dans une version allstars (Mick Jones, Camélia Jordana, Eric Cantona (!), Oxmo Puccino, Rodolphe Burger...) pour le prochain album de Taha à paraître... en mars 2013 ! Comme si, en évoquant ici leur nom, j'évoquais leur retour...  Sauf que cette nouvelle version de Voilà, voilà plus rock, plus rêche ne m'intéresse pas du tout. J'étais bien plus pour le son de Taha il y a vingt ans, une sorte de trance tribale dont l'un des summums fut Indie (1+1+1) où il conviait déjà un certain nombre de chanteurs (je ne me rappelle plus de l'anglaise et de l'indienne, mais la partie française était assurée par Bruno Maman déjà évoqué ici).



En fait, j'accorde bien plus la paternité de ce son à son producteur, Steve Hillage, un drôle de bonhomme qui a commencé comme guitariste dans les années 70, fit les grandes heures des hippies de Gong et délivra quelques albums expérimentaux ces mêmes années, qui, quelques années plus tard, allaient se mettre à tourner sur les platines des DJs ambient, relançant la carrière de Steve Hillage dans la musique techno via le groupe System 7. Mais, avouons le, je n'ai pas pour autant écouté plus de System 7 que je n'ai de Gong dans ma discothèque. Ma connexion avec Steve Hillage, c'est à Simple Minds que je la dois puisqu'on lui doit la production notamment de Promised you a miracle.



Si j'écris "notamment", c'est parce qu'il a produit tout l'album New Gold Dream (81-82-83-84), immense point de repère dans ma construction personnelle et musicale, et qui contient, entre autres, cette petite perle que je n'ai cessé de jouer en 1982 et qui fait qu'alors, c'était trop cool d'écouter Simple Minds. Si ça vous semble daté, le son a lui semblé assez actuel à David Guetta pour qu'il fasse d'un sample de Someone somewhere in summertime la base d'un de ses tubes, The world is mine. Mais je ne suis plus du tout sur mes dunes du désert ; non, je suis sur les plages de mon adolescence, celles de Royan, mais avec un peu de soleil et de ganja, vous allez voir que ça peut aussi vous y emmener surtout si vous écoutez l'instrumental Somebody up there likes you, dont l'atmosphère finalement n'est pas si lointaine de Valencia. Fermez les yeux, sentez le sable et décontractez vous.

mardi 26 février 2013

Nouvelle Star ou nous, Valstar ?

Ce soir, c'est la finale de la Nouvelle Star en France ; je précise pour tous mes ô combien nombreux lecteurs des pays hors hexagone qui, un, apprendront la nouvelle, deux, apprendront qu'il existe une déclinaison française de Pop Idol et, trois, last but not least, apprendront que j'ai suivi assidument ce télé-crochet depuis ses débuts. Mais c'est de la merde ! s'offusqueront certains. Or, non. Or, aussi, je ne sais pas si je regarderais la finale ce soir. Et je vais tacher d'expliquer pourquoi. Je ne veux pas, d'abord, parler de tous les télécrochets : la Star Academy, par exemple, n'est qu'une émission de téléréalité déguisée. Pour une Olivia Ruiz de talent, une exception qui ne revendique absolument pas l'émission qui elle même ne revendique pas du tout Olivia Ruiz, combien de restes ? Je dis ça dans un style alimentaire car c'est précisément la seule chose qu'a su produire l'émission : des têtes de gondoles. Jenifer doit sa carrière (enfin, devait, compte tenu que sa carrière est aujourd'hui bien plus derrière elle que devant) au fait qu'elle fut la première à gagner, au temps où l'émission battait des records d'audience. Nolwen Leroy, fausse Isabelle Adjani de supermarché, n'a jamais su convaincre qu'elle était essentielle au paysage musical français quand bien même elle a vendu par containers entiers son album de bretonneries ; mais tous les dix ans, grosso modo, on a droit à un revival breton, un coup Alan Stivell, un autre Manau et sa Tribu de Dana, aujourd'hui Nolwenn Leroy, donc. Il n'y a qu'un truc que peut revendiquer Nolwenn Leroy : avoir été la première à s'associer avec un musicien reconnu, en l'occurrence Laurent Voulzy, pour pondre un album, l'association faisant précisément l'affaire des deux, la chanteuse y gagnant en crédibilité ce que l'autre gagnait en ventes de disques et en captation du public jeune. Car, oui, les petites filles qui avaient fait gagner Nolwenn Leroy ne connaissaient pas plus Laurent Voulzy, que celles qui ont fait gagner Elodie Frégé quelques années plus tard ne connaissaient Benjamin Biolay. Je mets ce dernier exemple en exergue car il a généré ce qu'il pouvait y avoir de meilleur en la matière, rappelant les associations entre Gainsbourg et quelques unes de ses créatures/muses/égéries, Biolay allant même jusqu'à confier une reprise de Gainsbourg à ladite Frégé, Le velours des vierges, sur l'album qu'il lui produisit.



Mettons aussi tout de suite hors jeu The Voice, l'émission du moment, vaste supercherie basée sur la surprise. Savez vous que notre inconscient associe deux sensations qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre ? Vous entendez une voix magnifique, par exemple, et, basé sur votre vécu, vos acquis, votre expérience, vous associez instantanément cette voix à un physique, disons, avantageux, tandis que quand vous voyez une vache, vous l'associez immédiatement au son "meuh" et non à "miaou", par exemple. C'est le principe de la synesthésie, soit l'association inconsciente donc de deux sensations, perceptions différentes, un concept sur lequel je vous conseille ce passionnant numéro de l'émission non moins passionnante du encore plus passionnant Jean-Claude Ameisein sur France Inter, Sur l'épaule de Darwin. Mais, après avoir évoqué cette émission qui tire ses auditeurs vers le haut, revenons sur cette émission qui tire ses spectateurs vers le bas. Supposons donc que la vache qui se présente devant vous ne fasse pas "meuh" mais bien "miaou", et vous de faire "waouh"! C'est l'effet Susan Boyle dont on ne suppose pas que le gosier cache une Céline Dion. Or, tout le concept de The Voice repose sur cet effet de surprise. D'ailleurs, quand c'est réellement surprenant, le téléspectateur se retrouve dans la peau du juré : il ne voit pas qui chante, entend une voix de fille et, boum, c'est un garçon. Dingue. Sauf qu'une fois passé l'effet de surprise, il ne reste pas grand chose et les choses qui restent finissent par rentrer dans l'ordre : les moches se font éliminer et on garde ceux qui ont une bonne image. Car, outre le fait que The Voice a un jury tout pourri (Garou, Florent Pagny, tiens-la-revoilà Jenifer et Bertignac qui doit sacrément avoir besoin d'argent pour oublier qu'il jouait de la guitare sur Argent trop cher avec Téléphone), tout le problème de l'émission est là : un artiste, ce n'est pas qu'une voix. C'est aussi une image, une attitude, un geste et l'ignorer dès le départ, c'est ignorer la nature même de l'artiste ou, tout du moins, de l'interprète. Résultat des courses : le gagnant de la pourtant hypermédiatisée The Voice a fait un flop total. Ceux qui suivent me diront qu'on peut en dire autant d'un paquet de gagnants de la Nouvelle Star. Et c'est vrai : qui se souvient de Jonathan Cerrada, Steve Estatoff et Myriam Abel, les premiers gagnants de Nouvelle Star. Pourtant Nouvelle Star m'a convaincu dès le début. D'abord parce qu'il y avait un jury intéressant constitué de professionnels plus crédibles et dont on avait au moins l'impression qu'ils n'étaient pas là en promo (contrairement au jury de The Voice qui sont aussi là, surtout là pour se montrer) mais bien plus pour trouver des talents. Et l'émission en a trouvé dès le départ : si c'est Jonathan Cerrada qui a gagné la première édition, souvenez-vous que c'est dans la même qu'il y avait Thierry Amiel qui a beaucoup fait pour la crédibilité de l'émission. Quand les autres concurrents interprétaient les tubes du moment, il s'était fait une spécialité de reprendre des classiques de la chanson française (Brel, Barbara, Ferré) en sachant qui plus est les sublimer. On peut, on doit ne pas être ravi de la suite de la carrière de Thierry Amiel car il n'a pas trouvé de compositeur à la hauteur de sa voix. Mais on ne peut nier la qualité de son interprétation quand il interprétait Amsterdam (le son est pourri - un VHS, sans doute - mais permet quand même de se (re)faire une bonne idée du truc).



"Des moments exceptionnels, des moments qui savent nous marquer". Ainsi Varda Kakon, très passagère jurée, qualifiait la prestation d'Amiel (oui, appelons le par son nom, car il a bien mérité, contrairement à d'autre candidats, de n'être pas qu'un prénom). Et c'est vrai qu'on avait l'impression qu'il jouait sa vie à ce moment là et, grosso modo, c'est exactement l'enjeu de Nouvelle star. Pas de moments exceptionnels, pas de moments qui savent nous marquer, et tu te retrouveras au mieux à chanter dans les bals populaires, au pire, à la caisse du supermarché. C'est la (belle) vie ou la mort. Thierry Amiel est un candidat d'ailleurs assez symbolique pour la Nouvelle Star. Il a par exemple montré qu'il fallait être exceptionnel non pas un soir mais tout au long des différents numéros de l'émission, à surprendre constamment l'auditeur et (télé)spectateur : c'est un peu comme jouer une carrière en accéléré. Il est aussi le premier concurrent atypique, ce truc qu'avait la Nouvelle Star d'aller chercher des interprètes un peu hors norme, hors moule, hors conventions. Et puis, donc, il a fait les frais le premier de cette règle qui fait que l'on n'est pas pour autant lancé en brillant dans l'émission. Aussi vue soit-elle, la Nouvelle Star n'est qu'un tremplin et pour réussir, il faut savoir rebondir. De deux choses l'une : soit vous êtes un interprète hors pair et vous savez vous entourer, soit vous êtes un artiste. Prenons la première catégorie : soit Christophe Willem qui a donné ses lettres de noblesse à l'émission. D'abord parce qu'il a su impressionner tout au long des différents numéros mais surtout parce qu'il a choisi de faire son premier album avec Zazie, qui est quand même une artiste à part dans la chanson française et qui a su lui signé LE tube qui lui fallait (le très bon Double je), et Bertrand Burgalat, producteur doué, très underground mais seul capable d'apporter des arrangements aussi classes que ceux qu'il apporte à l'irrésistible duo Pourquoi tu t'en vas, avec Valérie Lemercier, qui fait, qu'aujourd'hui encore, on peut réécouter le premier album de Christophe Willem avec plaisir.



Deuxième option : vous êtes un artiste avec un véritable univers. Bref, vous êtes Julien Doré. Ne comptez que sur vous ! A raison : le premier album de Julien Doré, et plus encore, le second, Bichon, sont de vraies réussites, réécoutez BB Baleine, autre duo (décidément!) avec Françoise Hardy, pour vous en convaincre.



Vous me direz, c'est peu, deux artistes (et encore, puisque l'un des deux n'est, à mon avis, qu'un très bon interprète) pour une émission qui compte neuf éditions. Bon, d'abord j'ai pas fini. N'empêche, vous n'avez pas totalement tort. Déjà, cela montre que l'on ne trouve pas de vrais artistes, et encore moins des stars, à tous les coins de rue et chaque année. Il y a de très mauvaises éditions de la Nouvelle Star où personne ne se distingue, ce qui génère un suspense certes, mais fleure la catastrophe, tant, quand vous ne vous distinguez pas de la concurrence ne serait-ce que d'une pauvre petite émission de télé, vous aurez du mal à vous distinguer de la concurrence ailleurs. Ca n'empêche qu'on peut prendre du plaisir à regarder la Nouvelle Star, y compris dans les éditions moyennes. Pour ce côté vie ou mort, justement. Pas tant pour le côté jeu du cirque que parce que ce crucial enjeu est capable de générer chez l'aspirant à la gloire : soit de magnifiques moments de musique. C'est ceux là qu'on attend, c'est ceux là qui ont su créé la mythologie de l'émission. Tant qu'à faire, impressionnez à la première édition, c'est le plus marquant, façon Camélia Jordana, quand, de sa voix vraiment pas comme les autres, elle transforme la bluette de Carla Bruni, en possible classique de Barbara.



Voilà, des moments comme ceux-là font que je regarde la NOuvelle Star. Enfin... que je regardAIS. Ce soir, je vais aller prendre un verre sans me dire que je rate la finale. Car qu'est-ce que je rate ? La gagnante est toute trouvée dans la mesure où Sophie-Tith, 16 ans, a non seulement une voix classe et rauque, mais très dans l'air du temps, façon Florence Welsh de Florence + the Machine. D'où, notamment, problème car ce n'est pas en cherchant l'air du temps que cette émission a repéré des artistes mais en le créant. L'autre problème, c'est que des moments forts, cette année, il n'y en a pas eu beaucoup. Pas eu du tout ? Je suis à deux doigts de le penser mais mes deux doigts me servent plutôt à vomir sur toutes les faussetés entendues au cours de cette saison et sur l'hypocrisie des jurés. Au bout d'un moment les gars, ça commence à se voir. Et s'entendre surtout. A aucun moment cette année, je n'ai eu l'impression que les jurés aient pu penser d'une interprétation "Putain, c'est génial", comme vous le verrez très clairement s'inscrire sur les lèvres de Lio, jurée d'alors, les larmes aux yeux, à la fin du Over the rainbow de Luce.



Toutefois le cas Luce montre aussi que la Nouvelle Star est tout aussi capable de créer des talents que d'en gâcher. Luce a fait un plutôt bon premier album avec de très jolies chansons (comme L'amour blême) mais ça n'a pas suffi. L'étiquette Nouvelle Star lui restait collée au front. Impossible de s'en débarrasser. L'émission lui a fait plus d'ombre qu'elle ne lui a offert de lumière. Et que dire de Cédric O'Heix ? Qui ? s'interrogeront même les plus fans. Mais si : Cédric, ancien capitaine de la marine marchande, ombrageux interprète au physique de Ken (sans Barbie) comme l'avait surnommé Lio. Je n'ai rien à vous montrer de Cédric dans l'émission tant je l'y trouvais pas terrible, quelconque, oubliable. Je l'avais d'ailleurs, comme vous, oublié et je ne sais plus comment je suis tombé sur Celtic yukulele. Par hasard, comme ça. J'ai eu du mal même à faire le lien avec Nouvelle Star. Parce qu'il y a une intensité dans cette chanson qui n'est pas sans me rappeler le Miossec du premier album ou certains Murat. Une écoute rapide de La Horde sur Itunes, premier album du bonhomme sorti l'année dernière, me confirmait ma première impression. Mais Cédric était le loser qui avait perdu la saison 3. Pas le jeune artiste auquel on se serait peut-être un peu plus intéressé s'il avait surgi de nulle part. Pensez : un ancien capitaine de la marine marchande avec ce physique et cette intensité dans les chansons, on aurait pu vendre le concept ! Too bad : il avait déjà été vendu par Nouvelle Star. N'empêche, je préfère encore réécouter Celtic Yukulélé que d'écouter une autre chanson estropiée par un candidat de la dernière édition de la nouvelle saison de la Nouvelle Star. "Ne va pas penser que je rentre / Je ne rentrerais pas ce soir" chante O'Heix. Moi non plus.

samedi 23 février 2013

L'air de rien

Ce doit être très compliqué, quand on fait de la musique lounge, de savoir à quel moment on s'est trop affalé. Lounge, c'est précisément cela en anglais : s'étendre paresseusement. Mais à quel moment la paresse s'installe-t-elle dans votre musique ? Ou le mauvais côté de la paresse ? Que la musique vous invite à paresser, soit, mais qu'elle finisse par paresser elle même en est une autre. Est-ce que la paresse à laquelle invite la musique lounge amène aussi l'ennui ? Et si oui, à quel moment exactement ?Toutes ces interrogations me sont dictées par le goût de plus en plus prononcé (ça fait un moment que je l'ai entendu mais, le réentendant ce matin, je me disais encore que c'était vachement bien) pour le deuxième single de Tomorrow's World, Pleurer et chanter. Et même si ce nom ne vous dit rien (ce qui est logique à ce stade d'une carrière débutante - l'album est pour le 8 avril), vous allez, si vous n'êtes pas trop bouché, reconnaître aisément la patte d'un des deux musiciens de ce duo.



Oui, la moitié masculine du duo mixte Tomorrow's World est aussi une moitié d'un autre duo nettement plus connu : Air (et pour ceux que ça intéresse, la moitié féminine du groupe, Lou Hayter, joue des claviers dans un petit groupe anglais prometteur mais qui n'a jamais dépassé le stade de la promesse, New Young Pony Club). Pour être précis, il s'agit de Jean-Benoit Dunckel que Nicolas Godin, après un premier single réalisé en solo, avait invité très vite à rejoindre Air. C'est curieux car sur la foi de ce premier single, Modular mix, j'avais plutôt tendance à attribuer la paternité du son Air à Nicolas Godin.



A ma décharge, j'ajoute que Jean-Benoît Dunckel avait sorti un album solo en 2006 sous le nom de Darkel qui ne m'avait guère convaincu. Or, avec Tomorrow's World, Dunckel retrouve exactement la formule de ce qui me plaît dans Air. Un truc très éthéré, une flagrance très volatile mais qui laisse une empreinte, comme un parfum qui n'en finit plus de vous envoûter. C'est justement le problème des derniers albums d'Air : des trucs similaires mais qui ne laissent, à la fin, que peu de choses auxquelles vous raccrocher. Pour parler du dernier en date, Le voyage dans la lune, paru l'année dernière, j'avais été, comme beaucoup de critiques, plutôt convaincu. Mais convaincu ne veut pas dire emballé et en l'occurrence, après une écoute, j'avais non seulement tout oublié mais de plus je n'avais aucune envie d'y revenir. Ce fut d'ailleurs le cas de beaucoup, l'album n'ayant trouvé sa place dans aucun des best of de l'année 2012 qui m'ait été donné de lire. Pourtant à une époque, les disques de Air m'étaient indispensables. L'inaugural Moon Safari avait laissé le tube Sexy boy, mais bien plus, pour moi, cette ambiance pastorale à laquelle Beth Hirsh contribuait de sa jolie voix sur You make it easy et le somptueux et cotonneux All I Need.



J'avais été d'autant plus convaincu par la bande originale de Virgin Suicides que Playground Love, son single, était le premier descendant réellement à la hauteur d'Everybody's got to learn sometimes des Korgis, chanson dont j'ai déjà dit, ici, le plus grand bien et qu'Air, me semble-t-il (l'ai-je lu quelque part ?) avait en tête au moment de sa composition.



Et je trouvais que Air était définitivement devenu un grand groupe avec son troisième album 10000 Hz Legend. Ce n'était d'ailleurs pas un hasard pour moi si Nigel Godrich, le producteur de Radiohead, en avait signé la production et si Beck était venu les rejoindre sur un ou deux morceaux. Cela signifiait qu'ils n'étaient plus les petits frenchies considérés comme des anomalies dans le paysage mondial musical (depuis quand les Français font de la bonne musique !? Ben, depuis Air justement) mais comme de vrais musiciens capables de tutoyer les plus grands. Il y a, d'après moi, sur cet album, quelques uns des meilleurs morceaux du groupe comme How does it make you feel, Lucky and Unhappy et surtout Don't be light. Je dis surtout parce que on peut, un peu vite, considérer Air comme un groupe à la musique aussi légère que le nom qu'il se sont choisis. Mais avec Don't be light, ils s'avéraient également aussi essentiel, aussi vital que leur nom. Don't be light comme un mot d'ordre auquel ils obéissaient pleinement (et pour réellement s'en rendre compte, je recommande la version intégrale de la chanson sur leur album et non la version single du clip ci-dessous, clip nonobstant très, très réussi).



Les deux albums suivants sont encore très réussis même si je préfère Talkie Walkie en 2004 à Pocket Symphony paru trois ans plus tard. Et il ne faut pas oublier dans cette liste, l'album de Charlotte Gainsbourg, 5:55. C'est  le très bel écrin qui pouvait justifier le retour de Charlotte Gainsbourg à la chanson. Toutefois le réduire à un album d'Air serait trop simple tant l'interprétation y est magnifique. C'est vraiment une rencontre entre deux univers se sublimant l'un l'autre, disons autant un album du groupe que de la chanteuse.



C'est après que ça se gâte. A partir de l'album Love 2, suivi donc de ce Voyage sur la lune. Pourtant les ingrédients sont les mêmes. Alors qu'est-ce qu'il manque ? Quel est ce truc invisible, indicible, ce soupçon de je-ne-sais-quoi, ce petit rien qui fait tout et qui n'est plus là alors même qu'il est à nouveau à l'ouvrage dans Tomorrow's World, ou, tout du moins, dans ce morceau de Tomorrow's World ? Tentons une explication : la passion, voilà ce qui manque. Cette envie, ce besoin de faire de la musique ensemble qu'avait Air au début de leur carrière et qui s'est sans doute transformé en habitude. Et l'habitude use un couple. Avec Tomorrow's World, Jean-Benoit Dunckel retrouve la flamme. Comme la promesse d'un nouvel amour. Vous savez ce moment au début d'une relation où l'on sent son coeur gazouiller, où l'on se dit que tout est possible, que l'on peut, que l'on veut tout explorer. Pour qu'Air existe encore, il faudra que la flamme revienne. Et peut-être reviendra-t-elle après que cette nouvelle flamme se soit éteinte. C'est bien connu : une flamme s'éteint quand l'Air vient à manquer.

jeudi 21 février 2013

Sister Siouxsie

C'est difficile de parler de Siouxsie and the Banshees sans parler d'une de mes soeurs. Je veux parler de la soeur anglaise, ce qui veut dire celle qui est partie en Grande Bretagne en 1979 où elle est rapidement devenue punk. Les premiers retours de ma soeur à Royan furent placés sous cette égide : la jeune fille sage et brune qui était partie outre manche revenait avec des cheveux verts ou roses coiffés en pétard, des fringues démentielles, un parfum patchouli et des maquillages masques aussi outrés qu'élégants, ce qui faisait un sacré contraste avec la population du troisième âge depuis toujours majoritaire dans la station balnéaire. A la rigueur, maintenant que j'y repense, seuls quelques cheveux bleus de certaines mamies pouvaient tenir la comparaison bien involontairement. Pour moi, cela a sans doute été fascinant. Une dose de frisson, de danger, de liberté que j'associais à ma soeur bien sûr, mais, au-delà, à l'Angleterre et aux punks. Quand vinrent quelques années plus tard mes premiers voyages en Albion, ma soeur et mon beauf, qui s'étaient connus dans un squat, avaient beau s'être quelque peu rangés, ils n'en restaient pas moins un couple punk aux frusques sombres et la musique pour aller avec. Or, mon (ex) beauf, passionné de musique, l'était aussi de Siouxsie and the Banshees, dont il possédait jusqu'au moindre pirate. Et c'est sans doute pour tout cela, et parce qu'elle porte ce prénom, que j'associe aujourd'hui encore la chanson de Siouxsie and the Banshees, Christine, à ma soeur.


Est-ce pour cela que j'ai une tendresse particulière pour Siouxsie ? Sans doute. Sans doute aussi parce que la musique de Siouxsie reste l'une des meilleures qui soit issue de la scène punk. Je dis bien issue et non pas punk, ni même gothique, un mouvement auquel on a trop tendance à l'accoler. Or qu'est-ce que la musique de Siouxsie si ce n'est de l'excellente musique pop. Et ce dès son premier single, Honk Kong Garden et son petit xylophone, un arrangement un rien trop stylé pour de la musique seulement punk, si vous voyez ce que je veux dire.



D'ailleurs ce qui me fait dire que Siouxsie and the Banshees est avant tout un groupe de pop, ce sont leurs singles. C'est ce qu'ils réussissaient le mieux et c'est ce qui me fait penser que si l'on doit s'acheter un album de Siouxsie, c'est son best of qui les rassemble, moi qui, pourtant ne goûte que très peu aux compilations. Evidemment ce n'est pas de la pop mignonne et gentille mais plutôt une pop étrange, un peu barrée, hors norme mais au final d'une grande élégance. Ce n'est pas un hasard si, il y a quelques années, sur la compilation des musiques qu'il aimait, Karl Lagerfeld avait choisi le Spellbound de Siouxsie. La chanson garde des années après sa création une classe folle. Ce n'est pas un accessoire de saison qui a mal vieilli comme beaucoup de morceaux de la scène punk mais un truc impeccable comme la majorité de la production des singles du groupe. D'ailleurs c'est difficile pour moi d'en choisir un : pourquoi Spellbound plutôt qu'Israël ? Et pourquoi pas les deux qui bénéficient de l'impeccable jeu de guitare de John McGeoch.





Si je parle de leur guitariste d'alors, ce n'est pas seulement parce qu'il avait un jeu qui fit dire des années plus tard à Siouxsie que c'était la personne avec qui elle avait préféré collaborer. C'est aussi, et surtout, parce que Siouxsie and the Banshees étaient aussi passionnants par leur constante mutation. Pour moi qui étais fan de musique, c'était génial car c'était comme jouer à un jeu des sept familles du rock, où je voyais non seulement comment le groupe avait changé de physionomie autour de son noyau dur (Siouxsie, le batteur Budgie, et le bassiste Severin) mais aussi de son. Par exemple, difficile de ne pas reconnaître la patte de Robert Smith, qui se partageait alors entre The Cure et les Banshees, dans Swimming horses.



Et à ce petit jeu des différentes incarnations des Banshees, c'est la dernière, celle qu'ils présentèrent dès 1988 avec l'album Peepshow qui m'intéresse le plus. Les Banshees accueillaient en leur sein Martin McCarrick qui est un musicien que j'admirais déjà pour son travail avec This Mortal Coil et Marc Almond. Et c'est lui, violoncelliste de formation, qui a amené des sons nouveaux chez Siouxsie comme l'accordéon qu'on retrouve aussi bien sur le frénétique Peek-a-Boo que sur la sublime ballade The last beat of my heart.



Ce n'est pas un hasard de terminer mon parcours dans la carrière de Siouxsie avec cette chanson. D'abord parce qu'elle fait partie du meilleur album de Siouxsie. Si j'ai déjà écrit qu'il valait mieux se reporter au best of, si l'on me demande quel est le meilleur album de Siouxsie, le meilleur original s'entend, c'est sans conteste celui-ci que je citerais puisque toutes les chansons y sont réussies. Mais ce titre, peut-être mieux que d'autres, montre aussi ce qu'on a pas assez dit de Siouxsie : que c'était, que c'est une très grande chanteuse. A force d'incarner avec force talent une icône rock, on en a fini par oublier le plus important. Car oui, Siouxsie était une image merveilleuse, à punaiser sur vos murs quand vous étiez ado. Je me souviens, lorsque ma chambre était recouverte d'images que j'allais découper dans le New Musical Express, en avoir eu plusieurs de Siouxsie, dont une carte postale, signée Anton Corbijn (à qui Depeche Mode et U2 doivent la plupart de leur imagerie) qui avait fait de Siouxsie l'un de ses modèles préférées. Hélas je n'ai retrouvé qu'une partie de la carte.


Et donc on résume trop souvent Siouxsie à cette image (ou une autre, enfin, vous m'aurez compris). Presque une malédiction en fait, cette photogénie. Or la musique portée par cette voix unique est toute aussi intéressante. Je pense aussi qu'il a toujours manqué ce "je ne sais quoi" à Siouxsie and the Banshees pour devenir le groupe de première division qu'ils auraient du devenir. Oui, ils étaient connus, oui, ils ont eu des succès, mais ils n'ont jamais joué dans la même cour que The Cure, Depeche Mode ou U2, dans la cour des grands. Dans leur propre patrie par exemple, Siouxsie and the Banshees n'ont jamais eu que deux titres dans le Top 10 où leur plus gros succès reste... une reprise des Beatles (l'excellent au demeurant Dear Prudence). Il leur aurait fallu un tube planétaire comme Tim Burton a bien essayé de leur offrir en leur confiant le générique du deuxième Batman, Face to face, qui hélas n'eut pas le succès escompté. Il leur devait, ou, du moins, il lui devait bien ça tant sa Catwoman partage plus d'un point commun avec l'imagerie développée au cours des années par Siouxsie. Si ça se trouve, c'était peut-être ça le côté punk de Siouxsie : fuck le succès ! Du moins celui des stades. Pas besoin de ça pour laisser une empreinte. Et force est de constater qu'à la fin, elle a eu raison puisque, pas plus tard que l'année dernière, elle reçut le Ivor Novello Inspiration Award (prix très respecté outre manche) après avoir été récompensée l'année précédente aux Q (du très bon magazine du même nom) Awards pour "Outstanding contribution to music". N'empêche, j'aurais toujours l'impression qu'elle méritait mieux, même si c'est déjà beaucoup, que reine de l'underground. Mais ce doit être comme dans cet autre film de Tim Burton, L'étrange Noël de Monsieur Jack ; aussi séduisant soit le sombre côté des choses, il reste toujours, précisément, dans l'ombre. D'ailleurs n'ai-je pas moi même été injuste avec Siouxsie à l'avoir abandonné lâchement à l'orée des nineties ? J'ai du écouter cinq minutes le dernier album de Siouxsie and the Banshees, et sans doute moins encore les deux derniers albums de The Creatures, le duo qu'elle avait formé avec Budgie (qui fut aussi, accessoirement, son mari). Sans doute parce que le noir n'allait plus avec les couleurs des raves en vogue durant ces années-là ; d'ailleurs ma soeur ne portait plus alors que des tenues au couleurs aussi aciiiiiid que la musique qu'elle écoutait alors. Peut-être aussi parce que Siouxsie a perdu le truc ou que j'ai perdu le truc avec elle, allez savoir, puisque son album solo Mantaray, sorti en 2007, pourtant réussi, n'a pas trouvé grâce à mes oreilles. Parmi mes regrets, restera aussi toujours celui de ne pas l'avoir entendu entonner une chanson de Massive Attack dont elle aurait, me semble-t-il, été une magnifique interprète ; pourquoi Massive Attack, dans leur exploration des grandes voix des eighties, ne l'ont pas choisie, je n'en sais rien. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter cette chanson que j'avais totalement zappée, pourtant très belle, et sur laquelle je suis tombée par hasard en faisant quelques recherches pour ce post. Deux icônes pour le prix d'une : c'est ce que dit le texte qui accompagne cette vidéo et c'eut pu être l'argument publicitaire sur la pochette du disque. Soit, donc, Morrissey et Siouxsie qui avec Interlude annonçaient avec deux ans d'avance le duo Nick Cave & Kylie Minogue.



Toujours en faisant des recherches pour ce post, je suis tombé sur cette photo de Siouxsie prise lors des Q Awards en 2011.


C'est un peu comme tomber sur une vieille copine et sourire en se disant que celle là, décidément, elle ne changera jamais, malgré le temps qui passe. C'est sourire avec tendresse. Comme on sourit à sa soeur.

mardi 19 février 2013

Le malheur des autres

J'hésitais aujourd'hui entre deux sujets : l'un dicté par un récent achat autour de la mélancolie, et l'autre où je voulais parler d'achats qui vous sont dictés par d'autres. Comme souvent ils se télescopent et je vais tâcher de vous expliquer pourquoi. Lors de mon récent voyage américain, je me suis fait un petit plaisir en achetant un livre qui semblait m'être totalement destiné : This will end in tears - the miserabilist guide to music.

  
Dans ce livre, l'auteur qui écrit que la plupart de ses chansons préférées sont des chansons tristes, tente de comprendre pourquoi les écouter lui fait autant de bien, pourquoi la mélancolie lui fait autant de bien, voire le rend heureux. N'allez donc pas penser que ce post va être dépressif. "La dépression", explique-t-il, "est bien différente de la mélancolie. La dépression est un état clinique. La mélancolie provient de la méditation sur soi même. Et ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose qu'être mélancolique". Evidemment tout ça est écrit en anglais et c'est assez drôle car, en français dans le texte, la mélancolie est aussi un état clinique. Mais peut-être vaut-il mieux traduire le mot anglais "melancholy" par l'anglicisme "spleen". Tout ça nous éloigne un peu du sujet. J'aurais sans doute l'occasion de revenir sur ce livre constitué de profils d'artistes réputés tristes (dans l'ordre alphabétique d'Antony and the Johnsons à Robert Wyatt en passant par Billie Holliday ou Edith Piaf), d'essais autour de classiques morceaux triste et autour de sujets (la rupture, la mort ou le temps dans les chansons) ainsi que d'un Top 100 des chansons les plus tristes. Ce que je veux dire aujourd'hui, c'est que ce qui est mélancolique pour lui peut être éminemment dépressif pour moi, et vice versa. Mieux (ou pire) encore, certaines chansons recensées ici ne sont en rien tristes pour moi. Ca ne veut pas dire que je suis en désaccord complet avec tout ce qui est écrit. Pour reprendre le titre du livre qui est aussi celui du premier album de This Mortal Coil, je suis totalement d'accord pour classer, avec l'auteur, Song to the siren par le groupe (en l'espèce, le couple des Cocteau Twins mais, donc, sous l'appellation This Mortal Coil) parmi les 100 chansons les plus tristes.



J'ai bien plus de mal à classer les Cure ou Depeche Mode parmi les artistes tristes comme cela est fait ici. Je ne dis pas que tout est rose et ensoleillé sous le ciel de ces deux groupes anglais, loin de là. Mais est-ce qu'une ambiance noire est signe de tristesse ? D'autant que pour ces deux groupes, les chansons recensées dans le livre sont parfois de vrais classiques de discothèque, en tout cas des classiques en ce qui me concerne. Que ce soit le Killing an arab de The Cure ou Enjoy the silence de Depeche Mode.



Un temps, j'ai pensé écrire qu'il m'était difficile de concevoir sautiller sur une chanson triste. Evidemment ce serait totalement faux. Il suffit de se rappeler de ce que j'ai écrit ici pour en attester. Et puis concernant un autre morceau que j'ai déjà posté ici me revient cette anecdote. Durant les premières années de notre relation, mon copain me demandait sans arrêt ce que pouvait être la chanson qu'il entendait systématiquement à la fermeture de sa boîte de nuit favorite quand il était adolescent. Il avait beau me répéter "Do I love you / Yes I love you" qui semblait, d'après lui, être le leitmotiv de cette chanson, impossible de trouver la réponse à sa quête. Je crois que c'est totalement par hasard, un jour que la chanson jouait sur Itunes qu'il a reconnu LE morceau. Or, je n'aurais jamais pensé un instant qu'on puisse s'amuser, car c'était ça que lui rappelait le morceau, des soirées à n'en plus finir et, donc, à franchement s'amuser, sur Tinseltown in the rain de The Blue Nile, qui est, pour moi, une chanson on ne peut plus lacrymale. Or c'est bien là où je voulais en venir. Mais, avant d'y venir, laissez moi donner d'autres exemples. Dans le livre, on trouve aussi deux chapitres sur des artistes francophones : Edith Piaf et Jacques Brel. L'Hymne à l'amour est ainsi mis en avant. Mais, sans doute à cause du côté monument de la chanson française que représente aussi bien son interprète que la chanson, moi, cette chanson ne me fait rien. Quand j'entends les premières notes, j'ai plus envie de lui dire "Ta gueule" qu'autre chose. Il n'en va de même pour Jacques Brel. D'abord parce que Ne me quitte pas, sa chanson phare, me fait quelque chose. Mais, de la même manière qu'Avec le temps de Léo Ferré par exemple, je trouve cette chanson, pour le coup, dépressive ; la frontière avec la mélancolie est définitivement franchie et du coup, ça ne me fait pas le bien qu'est sensé me procurer cette chanson mais bien plus de mal qu'autre chose. Non merci, je vais passer mon tour. Je trouve plus de retenue à La chanson des vieux amants, assez en tout cas pour qu'elle ne me fasse pas totalement couler par le fond.



Bref, force est de constater que, si j'ai des points communs avec l'auteur de ce livre, j'ai aussi nombre de points de désaccords. Allons maintenant à l'autre sujet du jour, qui, donc, finira, vous allez voir par être le même. Lors de ma lecture frénétique de la presse spécialisée, il m'est arrivé d'être si convaincu par la lecture d'un article que je finissais par acheter l'album. Bon, ce n'est pas un papier, aussi bien écrit soit-il, qui pouvait m'amener là mais, bien plus, la lecture de deux, trois, dix, vingt papiers allant tous dans le même sens. C'est ce qui s'est passé il y a une dizaine d'années avec la réédition de l'album de Neil Young, On the beach. 


Peut-être convaincu par la jolie pochette, peut-être aussi un peu par Murat qui le citait sans cesse en référence, mais bien plus encore par l'unanimité critique autour de l'album, je finissais par l'acheter. Ce qui est stupide. Je sais pertinemment que je déteste Neil Young. Je n'aime pas sa voix nasillarde et sa musique ne m'a jamais parlé. Ou plutôt si, mais, tout le monde vous le dira, c'est pire : via l'album Trans en 1982, que tous les fans de Neil Young abhorrent, improbable rencontre du guitariste avec... les synthés. Je ne dis pas que je supporte encore intégralement Computer age mais j'aime bien le son des claviers très vintage sur l'intro.



Qui donc aurait pu croire que j'aurais pu changer et d'un seul coup aimer un album de Neil Young ? Euh... moi ? Faut croire. L'un de mes autres ratages fut l'achat, toujours à l'occasion d'une réédition de l'album de Love, Forever changes. 
Allez voir n'importe quel classement des plus grands disques de l'histoire du rock'n'roll et vous aurez des chances de trouver cet album de 1967, que, personnellement, je ne connaissais pas et qui me fait m'interroger aujourd'hui sur la véritable nécessité de le connaître. Parce qu'encore une fois, ce disque ne m'a pas parlé à l'exception, et encore, de Alone again or qui ouvre l'album. Peut-être qu'il a inspiré une foultitude d'artistes et peut-être même parmi ceux que j'aime. Mais, ça ne ME fait rien. Oui, moi, moi, moi ! Je ne suis quand même pas là pour vous parler des sept cent millions de Chinois. Pourquoi l'ai-je acheté ? Outre l'unanimisme critique qui entourait là encore l'album, il y a que j'ai toujours eu un faible pour l'année 1967 qui fut un véritable bouillonnement rock'n'roll. Et dans le bouillon, je récupère, même si c'est plus gras, même si c'est une pièce moins convoitée ou, en tout cas, qu'on voit moins dans les classements, le Days of Future Passed des Moody Blues : un concept album autour d'une journée avec des morceaux pour chacun de ses moments, de l'aube à la nuit qu'on passait dans le satin (le fameux Nights in white satin) et dans lequel j'avoue un faible pour l'après midi, Forever afternoon (tuesday ?), à voir ci-dessous avec des morceaux de "beautiful pictures of nature" dedans, nous dit l'auteur de la vidéo qui a sans doute un peu trop fumé de plantes de la "nature".



Je viens d'ailleurs de récupérer cet album et aurais sans doute bien plus de bonheur à le réécouter qu'à tenter une nouvelle fois de faire surgir un quelconque plaisir des albums de Love et Neil Young, pourtant nettement mieux considérés. Ca ne veut pas dire que ces albums sont mauvais ; non, je ne suis pas seul contre le reste du monde, à détenir la vérité absolue. Je pense même qu'ils doivent être de sacrément bons albums pour avoir lu tout ce que j'ai lu sur eux. Et les auteurs de ces papiers doivent surement les écouter de temps en temps chez eux en prenant bien plus leur pied qu'à, mettons, écouter l'album des Moody Blues. Parce que, oui, ce qui marche pour les uns ne marche pas nécessairement chez les autres. Pour revenir aux chansons tristes, si j'ai toujours pensé, et l'ai entendu répéter, que le rire n'était pas fédérateur, parce qu'on ne rit pas des mêmes choses, j'avais tendance à supposer que c'était l'inverse pour le drame. Or pourquoi devrions-nous pleurer des mêmes choses ? Il existe sans doute autant de raisons de pleurer ou de ne pas pleurer qu'il y a d'êtres humains et de sentiments, de vécus afférents. Comme sur n'importe quel sujet, en matière de musique, on peut se retrouver sur certains points, différer, voire s'opposer sur d'autres. Bref, prenez ici ce qui vous plaît, rejetez ce que vous voulez. Tout marche. Car ceci ne parle que de moi. De bouts de moi. L'intégrale de tout ça ne marche qu'avec moi. Mais si certains de ces bouts marchent aussi avec vous, vous m'en verrez forcément ravi. Oui, tout marche, et c'est peut-être là que je ne suis pas d'accord avec la Critique, qui honnit ceci et porte aux nues cela. Or la Critique ne peut pas vous connaître, ni vous, ni moi. Et ne peut pas prévoir l'effet qu'aura sur vous une musique, une chanson, un morceau, une voix, un album, un artiste jugé plus pauvre qu'un autre alors que vous le chérirez plus que tout au monde. Pour terminer, justement, cherchant à terminer ce papier sur un peu de musique, j'ai tapé "different" puis "same" dans le moteur de recherche de l'Itunes. Il en est ressorti notamment Same old scene de l'album Flesh + Blood de Roxy Music sorti en 1980. Récemment, l'intégralité des albums studios de Roxy Music se voyait rééditée. Dans cet article très respectable du très respecté site Pitchfork, vous verrez que l'album Flesh + Blood est considéré comme le moins bon du groupe. Comme vous l'aurez compris, c'est aussi mon préféré. Le bonheur des uns...

samedi 16 février 2013

Ceci n'est pas matériel

Comme souvent, un sujet en appelant un autre, en parlant ici de trésor caché, j'ai immédiatement pensé à It's Immaterial. Ce dont je me félicite puisqu'en vue d'écrire cette bafouille à ce groupe qui le mérite plus qu'amplement, j'ai réécouté leurs deux seuls et magnifiques albums durant les deux derniers jours. Albums que j'avais déjà écouté et réécouté et réécouté et récouté... à de très, très, très.... multiples, nombreuses, innombrables reprises par le passé. En allant chercher de quoi documenter ce post, je suis tombé plusieurs fois sur d'autres posts où l'on parlait du groupe de Liverpool le plus sous évalué, sous estimé du monde. Je suis presque d'accord avec cette assertion. Je précise "presque" parce qu'à mon avis, pas besoin de préciser leur ville d'origine pour affirmer qu'It's Immaterial est le groupe le plus sous estimé, sous évalué au monde. Pourtant It's Immaterial aurait tout pour devenir le groupe culte qu'ils ne sont jamais devenus : soit deux albums parfaits (et plus encore, mais nous n'en sommes pas encore là) qui pourraient nourrir des générations de musiciens. Mais, allez savoir pourquoi, contrairement à The Blue Nile, dont je rappelais ici le sort plus enviable et qui a, aujourd'hui, définitivement acquis ce statut, It's Immaterial, qui a, un temps, partagé le même producteur que The Blue Nile, Collum Malcolm, n'est pas un groupe culte. Ou alors d'un culte dont je serais à la fois le grand sorcier et le seul (ou presque) disciple, ce qui ne suffit pas à faire un culte. Alors tachons de vous convertir, vous les lecteurs, vous les infidèles, mais rassurez-vous, le paradis peut-être atteint aujourd'hui.
Commençons donc par le commencement, ce qui n'est déjà pas simple puisque, si It's Immaterial s'est formé en 1981 autour d'anciens membres du groupe Yacht (et n'allez pas me demander quelle musique faisait Yacht), leur véritable histoire, ou du moins celle que j'ai envie de vous raconter débute, pour une raison que j'ignore, cinq ans plus tard, c'est à dire au moment où It's Immaterial sort son premier album et marque quelques esprits avec le single Driving away from home qui aura les honneurs des charts britanniques.



Ce seul hit les a logiquement inscrit dans la longue liste des one-hit-wonders, une étiquette bien limitative en l'espèce. Déjà, cette petite chanson, sous ses petits airs western un peu facile (la guitare et l'harmonica, sans doute), n'est pas tout à fait comme les autres. Réécoutez les dissonances dans l'intro, presque une marque de fabrique de leur musique, ce n'est pas très commun. Et puis il y a cette espèce de détachement désabusé dans la voix qu'elle soit parlée ou chantée, un truc qui ressemble au son que ferait l'ironie. D'ailleurs, il semblerait que les textes du groupe soient justement plein d'ironie, de wry wit, comme le dit leur note biographique Wikipedia, qu'on pourrait traduire par un trait d'esprit pince sans rire. Je n'ai pas eu besoin de lire les paroles des chansons pour le comprendre juste le titre de l'album, qui est sans doute l'un des meilleurs titres que je connaisse : Life's hard and then you die. Mais bien plus que les paroles, je trouve que cette ironie, ce ton désabusé transpire réellement dans leur son, et particulièrement dans la manière de chanter de John Campbell, la moitié du duo. Ah oui, car vous ai-je dit qu'It's Immaterial, du moins dans la forme qu'ils prirent dès ce premier album, était un duo ? Ce qui leur vaut d'ailleurs dans cette fameuse note Wikipedia d'être comparé à des Pet Shop Boys indies. C'est curieux parce que je me disais, avant d'avoir lu cette note, que cette faculté à faire passer de l'ironie ou ce ton détaché désabusé dans la voix, je ne la connaissais justement que chez Neil Tennant, le chanteur des Pet Shop Boys. Du coup, j'en viens à me demander si ce que vous chantez, les textes donc, influe sur votre voix, pas seulement sur l'interprétation, mais sur la voix elle même. Ca pourrait faire l'objet d'un post passionnant mais je vous rappelle que nous sommes déjà au milieu d'un autre qui ne l'est pas moins (le premier qui baille, je le tape). Reprenons : la comparaison avec les Pet Shop Boys s'échoue sur la qualité de la musique, les Pet Shop Boys aimant flirter avec la vulgarité, voire dépasser franchement la ligne du bon goût (Go West, au secours !), tandis qu'It's Immaterial n'a jamais visé et atteint qu'un but en matière de musique : l'excellence. Le premier album inaugurait la formule avec quelques dissonances donc, cette voix à la fois pince sans rire et touchante, nombre d’instruments comme le violon, l'harmonica, l'accordéon, et autres cuivres le tout sur un tempo plutôt sautillant et quelques espagnolades qui donnent parfois un ton western comme dans The sweet life par exemple.



Mais bien que très appréciable à ce rythme, la musique d'It's Immaterial l'est encore plus quand elle ralentit comme sur Lullaby qui fermait ce premier album et annonçait ce qu'allait être le second.



L'accueil réservé à ce premier album, l'accueil critique bien sûr, sinon nous n'en serions pas là, fut assez bon. Mais donc, le public ne suivit absolument pas. Ce qui fit dire à l'époque à nos deux compères qu'ils avaient été si déçus, précisément, par l'accueil qui fut fait à Life's hard and then you die qu'ils eurent du mal à se remettre à écrire des pop songs. Enfin des pop songs... La structure couplets / refrain n'est pas réellement clair sur Song, l'album qui suivit en 1990, ce qui leur fit dire, aussi et plus tard, que "c'était un suicide commercial mais qui valait définitivement le coup". Je confirme. A vrai dire, c'est très compliqué de choisir une chanson de cet album tant tout est bon dans Song. On pense un peu à The Blue Nile, producteur oblige, pour cette façon de délivrer les titres dans un écrin enveloppant, une atmosphère feutrée. Une mélancolie traverse toutes les chansons où le son est moins acoustique, faisant une part plus belle aux claviers. Le tempo est considérablement ralenti mais It's Immaterial ne se prive pas de jolies calvacades comme dans In the neighborhood que j'ai choisi pour montrer comment leurs obsessions sont toujours les mêmes : des dissonances, une voix mi parlée mi chantée, quelques teintes flamenco. Mais la qualité est montée d'un ton. Et puis il y a ce "Goodbye suburbia / I'm leaving" qui revient en leitmotiv à la fin et qui me touche particulièrement. C'est un peu comme quand on quitte une petite ville de province pour aller dans la grande ville : c'est un soulagement et à la fois un déchirement. Ca ne parle peut être absolument pas de ça, mais c'est en tout cas ce que ça m'évoque.



D'ailleurs, c'est peut-être pour ça que j'aime autant It's Immaterial, c'est parce que l'ambiance qu'ils installent dans leurs chansons résonne comme autant de moments de ma propre vie. Par exemple, c'est très compliqué de faire comprendre le sentiment de tristesse réconfortante qui peut se dégager d'une station balnéaire en automne ou hiver, comme Royan, quand les vagues se déchainent sous un ciel oscillant entre gris clair et gris foncé, quand il ne pleut pas. Or It's Immaterial capte totalement, pour moi, ce truc indicible dans New Brighton in the rain (et désolé pour le son, mais y a que ça sur Youtube, de quoi inciter à acheter l'album...)



Bref, comme vous l'aurez constaté, je n'en finirais plus d'écrire sur It's Immaterial et particulièrement sur ce Song, puisque si l'histoire a conservé une toute petite trace du premier album, une toute toute petite, elle n'en aura conservé aucune du second qui pourtant le méritait tant. Enfin non : qui le mérite tant. Car l'histoire ne s'écrit pas qu'au passé. Comme souvent de vieilles obsessions viennent percuter mon présent et c'est ainsi qu'en préparant ce blog, j'ai appris qu'il y avait un troisième album d'It's Immaterial qui n'est jamais sorti, House for sale. Mieux, en 2011, It's Immaterial s'est manifesté en postant plusieurs nouvelles chansons (extraits de House for sale pour certaines) sur le Web, notamment sur son Soundcloud. En voici deux qui prouvent qu'ils n'ont absolument pas perdu la main.





Peut-être ne vous ai-je pas du tout convaincu de l'intérêt quasi vital d'It's Immaterial. Peut-être ça n'est que moi. Mais vous ne pouvez pas savoir ce que ça m'a fait d'apprendre que, des années après, John Campbell et Martin Dempsey continuent à se voir chaque semaine et à faire de la musique ensemble. J'espère que ça leur fait autant de bien qu'à moi de les écouter. Ce qui pose la question de savoir pour qui vous faites de la musique : pour vous ou pour l'(éventuel) auditeur. Les deux, mon capitaine. Car de la même façon que j'écris pour moi, j'aime me savoir lu. Et aussi agréable que doit être de faire de la musique, ce doit être terrible de penser qu'on n'est pas écouté. Un sentiment doux amer, une impression qui berce la musique d'It's Immaterial.

mercredi 13 février 2013

Voix et tripes (hop)

Cela fait déjà quelques jours, depuis qu'il a dévoilé son nouveau single dans l'émission de Zane Lowe sur la BBC que je voulais parler du nouveau James Blake. Je me rappelle le choc que ça a été il y a deux ans de découvrir pour la première fois son univers via Wilhelm's Scream. Ou plutôt de l'avoir vraiment découvert via Wilhelm's Scream. Parce qu'avant cette chanson, j'avais fait la rencontre de James Blake via un autre morceau qui s'appelait CMYK que j'aime beaucoup, mais.



Mais, outre que je trouve Wilhelm's scream bien meilleur en terme de composition, ce titre a un élément on ne peut plus déterminant dans mon amour pour James Blake : sa voix.



James Blake a-t-il au moins conscience de l'effet que procure sa voix ? Enfin, je veux dire James Blake mesure-t-il l'intérêt de sa voix dans sa musique ? C'est une question qu'on est logiquement en droit de se demander puisque ses premiers singles, comme CMYK étaient précisément instrumentaux. Peut-être était-ce un effet, du style, je sais faire ça mais vous n'avez pas encore entendu le meilleur. Ou peut-être n'a-t-il pas envie d'être connu pour ça. D'ailleurs, c'est peut-être pour ça qu'en bon bidouilleur, il passe sa voix à travers une montagne d'effets, autotune, écho et autre déformation faisant tout pour ce qui s'avère impossible : l'abimer. C'est rigolo d'ailleurs parce que Zane Lowe, lui parlant de son nouveau single, lui disant à quel point sa musique lui avait manqué, personne n'étant capable, continuait-il, de faire ne serait-ce qu'un dixième d'une musique qui sonne comme la sienne, concluait par : "I think that's a small but privileged list of musicians that have their own voice". Traduisez qu'il pense qu'il n'y a qu'une petite mais très privilégiée liste de musiciens qui ont leur propre style. Car en utilisant le terme "voice", il voulait bien plus parler du style de James Blake, ou, si l'on veut jouer avec les mots, de la voie musicale qu'emprunte James Blake, que de sa réelle voix. Pourtant la voie de James Blake ne serait rien sans sa voix, ce que prouve magistralement le nouveau single Retrograde et son fredonnement d'ouverture notamment.



La voix de James Blake, c'est un mur des lamentations. Quelque chose de déchirant et de terriblement humain et, là où la voix de James Blake indique sa voie à James Blake, c'est lorsqu'elle va se frotter à des machines prétendument totalement déshumanisés, créant un contraste d'une rare intensité. En cela, il est vrai que cette voie est rarement empruntée. Mais rarement ne veut pas dire jamais et je me suis souvenu d'une plainte toute aussi déchirante, d'une voix tout aussi belle et qui n'hésitait pas à se faire triturer par tous les filtres possibles et inimaginables, même si elle pouvait aussi apparaître dans le simple apparat de toute sa beauté comme c'est le cas dans le Roads qui suit : soit la voix de Beth Gibbons sur le premier album de Portishead, il y a dix neuf ans (oui, je sais, ça fait mal - en tout cas, moi, ça m'a fait mal).



D'ailleurs rien ne se créant, tout se recyclant, James Blake n'est-il pas le descendant du trip hop ? Je dirais même plus, comme Dupont ou Dupond, le meilleur descendant du meilleur du trip hop ? Parce que le son trip hop, soit donc ces mélopées sur fond de beats hip hop engourdis, a beau avoir bercé les années 90, franchement, est-ce qu'en trois albums, la messe n'avait pas été dite ? Un espèce de trio magique arrivé dans un mouchoir de poche avec outre le susmentionné Dummy de Portishead et Protection de Massive Attack et Maxinquaye, le premier album de Tricky. De là découlera tout le reste, des variations, parfois brillantes mais variations tout de même autour de la formule originelle.



On pourra m'opposer le fait que Blue lines de Massive Attack avait tout autant, voire bien plus, mis le feu aux poudres (blanches) du trip hop quelques années plus tôt. On n'aura pas tort. Comme quoi, on n'est pas toujours un con. Mais ce que je voulais synthétiser dans ce trio d'albums, c'est le moment où cette musique trip hop, encore très black du temps de Blue Lines, devient aussi, alors, la musique des petits blancs, gavé des ambiances sombres des années 80. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si Massive Attack convoquera les plus déchirantes voix de ces années là pour donner corps à leur musique. Sinead O'Connor, Elizabeth Fraser et, à l'origine, Tracey Thorn qui leur donne, on peut dire (mais on peut en discuter) leur meilleur titre et à l'occasion celui de cet album, Protection donc.



Des musiques comme autant de variations d'un blues profondément urbain et industrialisé en quelque sorte. Mais pourquoi rappeler tout ça, me direz-vous, quand tous ces titres et ces trois albums en particulier, sont devenus des classiques que tout le monde connaît, soit tout le contraire des trésors cachés dont je parlais hier ? Parce que je doute aujourd'hui du "tout le monde les connaît". Hier soir, l'un des concurrents de la nouvelle et médiocre édition de la Nouvelle Star, une petite vingtaine d'années, reprenait (très très mal) Tombé pour la France d'Etienne Daho, une chanson, nous apprenait le présentateur, qu'il ne connaissait pas. James Blake n'a que vingt quatre ans ; après tout, qui nous dit qu'il connaît ces illustres ancêtres dont il est aujourd'hui le plus brillant descendant ?

mardi 12 février 2013

L'autre côté

Fut un temps où il y avait les faces B. Soit, allais-je écrire, la face un peu malaimée. Sauf qu'à la réflexion... Si l'on prend les choses par le commencement, face A et face B ramènent donc à l'équation du vinyle, et plus encore, du 45 tours. Or la face A, c'était le tube, la face qui prenait le soleil tandis que l'autre se retrouvait la face collée à la platine, cachée, dans l'ombre. Mais si la face A était destinée à la gloire, au grand public, il n'en reste pas moins que la face B était la face où se réfugiaient les curieux, les vrais fans de musique. On y mettait d'ailleurs généralement des curiosités : des choses qui ne rentraient pas forcément dans le répertoire usuel de l'artiste, qui avaient donc bien du mal à se loger sur un album mais qui n'en était pas moins un des visages dudit artiste. C'est un peu comme grimper une montagne par la face nord. C'était aussi un temps béni où vous pouviez choisir : aujourd'hui, quand un artiste sort un nouveau single, comme son nom l'indique, ce n'est qu'un seul titre sous forme de fichier son qui parvient aux radios. Pas question de choisir, on a choisi pour vous. A tort ou à raison. A tort car j'ai récemment appris, par exemple, que Ain't no sunshine, le sublime classique de Bill Withers était une face B. Et ce sont les DJs qui ont préféré programmer cette face plutôt que Harlem en face A. Qui les en blâmera ?



Mais bon, si cet exemple montre que le vrai trésor était en face B, force est de constater que ce n'était pas le plus souvent la règle. On pouvait s'attacher à des morceaux en face B mais comme on chérit une petit chose fragile, un être à part. Prenez So de Soft Cell que j'ai tant aimé que j'en ai fait le générique d'une de mes émissions quand je faisais de la radio libre : c'est un titre instrumental. Un très bon titre instrumental, assurément, si l'on tient compte du fait que des années plus tard, j'ai retrouvé ce titre mixé au milieu d'autres morceaux électroniques, mais instrumental seulement. Il prive donc de la voix de Marc Almond qui était la moitié de Soft Cell. Bref, ce n'était représentatif que d'une moitié de Soft Cell, en l'occurrence Dave Ball, les claviers de Soft Cell. Le morceau annonce d'ailleurs clairement ce que Dave Ball allait faire plus tard, dans les années 90, avec The Grid, des morceaux comme Higher Peaks. Ne me demandez pas, en revanche, ce que représente la vidéo ci-dessous de So, je n'en ai fichtrement aucune idée mais elle présente l'avantage, eh bien d'avoir le titre en bande son.



Toutefois, il existe deux face B que je chéris plus que tout au monde, sans lesquels mon monde de musique ne serait pas tout à fait le même. Ce ne sera pas une surprise pour les lecteurs habituels de ce blog d'apprendre que l'une d'entre elle est signée Kate Bush. En 1985, le premier single du fabuleux Hounds of love, est le non moins fabuleux Running up that hill. Mais, si j'ai le plus grand respect pour cette chanson, que dire alors de la face B, Under the ivy. Sous le lierre donc, ce qui, d'une certaine façon ramenait à l'album précédent, The dreaming, et à sa pochette, où plus exactement le dos de la pochette (déjà une histoire de face B!) où les titres apparaissaient sur fond de lierre. Kate Bush a expliqué que cette chanson racontait juste ce qu'elle chante : l'histoire de quelqu'un qui se retire de la fête, pour aller vers un lieu secret. C'est nostalgique, continuait-elle, parce que c'est peut-être la dernière fois qu'aura lieu ce rendez-vous secret. Malgré les explications, je continue à me dire que c'est une chanson pour ses fans à qui elle aimerait tant donner, sans doute, rendez-vous chez elle, dans ce manoir que j'imagine recouvert de lierre et où elle enregistre ses albums. Un peu comme si elle indiquait la route. Je sais qu'elle chante : "It wouldn't take me long / To tell you how to find it" mais pour moi, c'est comme si elle chantait "It wouldn't take me long / To tell you how to find me". Et ça rend la chanson éminemment personnelle, tant pour elle, que pour moi le fan. Evidemment tout ça ne serait rien si le texte n'était servi par une mélodie exceptionnelle servie par un piano et une voix d'une rare intensité.



La deuxième face B qui relève du miracle est beaucoup plus surprenante pour moi également. Je veux dire qu'elle m'a surprise quand je l'ai découverte car je ne m'attendais pas à ça après ce que j'avais écouté en face A. C'était en 1987, le duo, composé des frères Kane, Hue and Cry, sortait l'un de ses premiers titres, I refuse, une pop un peu sophistiquée (j'ai appris qu'on dit sophisti-pop, qu'il y a une étiquette pour ça, ce que je trouve dans un même élan, fascinant et consternant) mais gentille. Or, en face B donc, il y avait ce morceau, Joe and Josephine, que je trouvais immédiatement grandiose, la voix me filait des frissons, le piano, les nappes de synthé un peu plus loin, tout s'agençait magnifiquement bien. Tout s'agence magnifiquement bien car je suis toujours totalement fou de cette chanson qui fait partie de ces petits trésors cachés que je ne veux pas cacher d'avantage, d'où ce blog, tant caché, en la matière, ce serait gâché. J'étais tellement fou de cette chanson que je me suis précipité sur le premier album de Hue and Cry, car, pensais-je, le groupe qui l'avait écrite ne pouvait me réserver que de bonnes surprises. La vraie surprise, c'est qu'il n'y avait rien de vraiment bon sur l'album de Hue and Cry. Au point que j'en suis aujourd'hui à me demander ce que représentait cette chanson pour le duo : un truc à part, certes, mais l'ont-ils mis en face B parce que c'était seulement à part, ou, parce qu'ils trouvaient ça moins bon ? Je me demande ce qu'aurait été la carrière de ce groupe s'ils avaient décidé de creuser ce filon. Ils ont décidé d'exploiter une autre mine où, pour ma part, je n'ai trouvé aucune pépite. La face B, c'est peut-être ça : des mines qu'on a décidé de ne pas exploiter. peut-être parce que ce n'est pas assez rentable. Pourtant pour une chanson comme ça, je donnerais bien tout l'or du monde.

vendredi 8 février 2013

Boule à facettes

Depuis les débuts de ce blog, je tente de comprendre ce qui fait de vous l'auditeur que vous êtes, ou, plus spécialement, ce qui fait de moi l'auditeur que je suis. De la même façon qu'on peut avoir des goûts ou des dégoûts très particuliers, le regard ou l'oreille qu'on porte sur des artistes passe-partout peut aussi être intéressant. Quand je dis passe-partout, il faut le prendre au pied de la lettre. L'artiste qui passe partout, c'est la star planétaire à laquelle vous ne pouvez avoir échappé. Et si vous ne faites ni partie du fan club, ni du club des anti, alors votre avis m'intéresse. Prenons une de ces stars. Elles ne sont pas légion : pour faire partie du lot, il faut avoir enchaîné une série de gros succès sur au moins deux décennies, à mon avis. Parce que des vedettes qui les enchainent sur quelques années, il y en a à la pelle. Des stars qui font ça sur plusieurs décennies, il y a Madonna. A force de parler de ses looks, de ses scandales, bref de ses stratégies pour rester au top, on en oublierait presque la musique. C'est d'autant plus curieux qu'elle en a fait, historiquement, son premier atout. Je vous invite pour vous en convaincre à observer la pochette de son premier single sorti en 1982 : Everybody.


Madonna n'est nulle part. Il s'agissait en fait, pour la maison de disques, de faire croire à une artiste black. D'où son absence sur la pochette. Mais rien que ça en dit long sur le jugement qu'avait alors les patrons de Sire qui l'avaient signé sur la qualité, à défaut de la chanson, au moins du chant de la Madonne. Evidemment la situation allait s'éclaircir avec le clip.




Everybody n'est ni une mauvaise chanson, ni un chef d'oeuvre. Plutôt un petit truc malin pour le dancefloor ; si j'ai quelques réserves sur le couplet, le refrain est imparable et les claviers vintage sont quand même très bien foutus et très catchy. Aux Etats Unis, la chanson ne rentra pas dans le Bilboard 100 (l'équivalent de notre Top 50 mais avec 100 titres si vous préférez) mais fit n°3 dans le Billboard club et montra clairement la voie à Madonna : celle de la musique dance. Ca peut paraître prétentieux de dire que j'ai découvert Madonna avec ce single mais c'est vrai : il y avait à la radio où je bossais un copain qui était bien plus passionné de funk que je ne l'étais et qui adorait ce titre, que je trouvais mignon et gentil, comme à peu près toute la musique de ce répertoire à l'époque. Et c'est sans doute pourquoi je ne me suis pas intéressé plus que ça à sa musique par la suite. Je n'ai connu de l'inaugural album Madonna que ses hits Holiday et Lucky star, qui, en quelque sorte exploitaient le filon. Quant à l'album qui fit d'elle une star, Like a virgin, je le trouve tout bonnement insupportable. Pourtant j'étais très enclin à l'apprécier vu qu'il était produit par Nile Rodgers, de Chic, que je vénérais pour ses productions, dont celle, je l'ai déjà écrit, très controversée pour le Let's dance de Bowie, la raison, d'ailleurs, pour laquelle Madonna l'engagea pour l'album. Je trouve que c'est balourd, je n'aime pas le son des synthés, ni l'interprétation de Madonna. Sauf Love don't live here anymore, justement parce qu'elle y chante bien et que la chanson est belle, même si c'est une reprise. Je préfère largement la Madonna suivante, celle de Into the groove qui renouait précisément avec le son des origines. Sauf que là, il n'y a plus rien à jeter : refrain, couplets, pont, tout est parfait, une vraie bombe des dancefloors.



Si j'ai moins d'antipathie pour True blue, je ne trouve toujours pas le résultat très intéressant. La chanson titre et Papa don't preach m'exaspèrent et le reste me laisse indifférent. La véritable aventure musicale de Madonna (il faut toujours lire mon aventure musicale avec Madonna, mais je ne vais pas le répéter à chaque fois), c'est l'album Like a prayer. J'avais eu l'album par hasard, gagné dans un concours, mais il m'avait vraiment passionné. Bien sûr il y a des moments plus faiblards mais il y a quand même un paquet de très bonnes chansons : des tubes de qualité comme la chanson titre et Express yourself, et des chansons moins connues mais qui n'en demeurent pas moins passionnantes que ce soient le très Beatlesien Dear Jessie, la sublime ballade Oh father, l'ovni Act of contrition et bien sûr le duo grâce auquel elle allait devenir crédible pour un paquet de gens : Love song. Parce qu'il était co-signé et co-interprété par Prince, celui-ci, alors éminemment respectable, adoubait, d'une certaine façon, Madonna, prévenant en quelque sorte : "attention, il y a aussi de la musique ici".



L'album Like a prayer est d'autant plus important qu'il m'a permis de supporter tout ce qui allait suivre. Car à part sa collaboration avec Lenny Kravitz, le temps du très réussi Justify my love, les deux albums suivants sont de vraies catastrophes, des accidents industriels, Erotica ne tenant que par la controverse du livre de photos qu'elle fit à l'époque (nous ne sommes donc plus, clairement, dans le registre musical) et Bedtime stories ne tenant par rien, pas même sa collaboration avec Björk sur le morceau titre. Sans doute parce que la musique passait alors au second plan pour Madonna, trop occupée à gérer son image, son business, ses tournées, son lancement (sans cesse raté) au cinéma : autant de considérations bien peu musicales. Et c'est précisément quand elle s'est remise à  la musique qu'elle est redevenue passionnante. Car Madonna a de bonnes oreilles. Quand est sorti Frozen, cela faisait déjà un moment que l'album Hinterland de Strange Cargo tournait en boucle chez moi.



C'est sans aucun doute ce même album, pourtant peu connu, qui a convaincu Madonna de s'associer à William Orbitt, le musicien derrière Strange Cargo. Et quelle association ! Je suis tombé totalement amoureux de Frozen et ai encore les poils qui se dressent quand j'entends l'intro de ce morceau. En fait, c'est sans doute le son qu'aurait du avoir sa collaboration avec Massive Attack si celle ci avait été fructueuse et non pas qu'anecdotique comme ce fut le cas de la reprise de Marvin Gaye, I want you, réalisée trois ans plus tôt. Les violons, l'ambiance, tout est là ; sauf que c'est donc à un musicien inconnu qu'elle le devait, ce qui est assez logique, puisque William Orbitt avait tout à prouver et allait donc tout donner pour que sa collaboration soit réussie, tandis que cette nouvelle collaboration n'avait déjà plus rien d'essentiel pour Massive Attack qui avait déjà montré, ailleurs et mieux, ce qu'ils savaient faire.



Si je trouve que Ray of light est un vrai tournant dans la carrière de Madonna, c'est parce que, pour la première fois, elle faisait un album cohérent où aucun morceau ne fait tache. Et comme la musique passait enfin au premier plan, elle allait, qui plus est, enfoncer le clou avec l'album suivant, enchainant pour la première fois, deux très bons albums. Music n'a rien à envier à son prédécesseur. Surtout il installait Madonna dans une stratégie que j'appellerais de recherche : pas le nez en l'air à renifler l'air du temps, mais bien plus à prospecter les talents et donc le son de demain. Franchement, qui, à part elle, aurait parié un kopek à l'époque sur Mirwais ? Pourtant c'était le bon cheval aussi bien capable de larguer une bombe dancefloor comme Music que d'écrire d'excellents titres, instant classics, comme l'impeccable Don't tell me.



Tant pis si l'album suivant, American life, n'était pas à la hauteur ; Madonna avait déjà marqué tellement de points avec ce coup double. Qui plus est, American life n'est pas un mauvais album. Juste moins bon, plus ordinaire, moins attachant. Mais si, objectivement, on peut désigner Ray of light ou Music, comme le meilleur album de Madonna, c'est très subjectivement que je remets ce titre à Confessions on a dancefloor où, là encore Madonna était allé chercher l'inconnu Stuart Price. Inconnu du grand public mais connu du petit cercle de privilégiés dont j'étais qui avait adoré ses albums sous l'étiquette Les Rythmes Digitales. Rythmes Digitales qui restent pour moi synonyme de Sometimes, un titre que j'ai du écouter un demi milliard de fois, qui revisitait bien avant l'heure (c'était en 1999) les années 80, allant même jusqu'à faire de... Nik Kershaw le vocaliste de cette chanson.



Cette association s'annonçait donc sous les meilleures auspices mais elle dépassa toutes mes attentes. Parce que dans Confessions on a dance floor, Madonna ne rencontre pas seulement la musique électronique, qui lui livra ses plus beaux moments musicaux ; elle la rencontre sur le dancefloor, dans son élément. Résultat : il n'y a pas un seul morceau faiblard sur cet album : absolument tous les titres auraient pu sortir en single. Evidemment, on peut trouver Hung up, un peu facile, accroché qu'il est à un gimmick malin, le sample du Gimme, Gimme, Gimme d'Abba. Mais ça marche. Et puis surtout, les morceaux même s'ils semblent légers révèlent une vraie profondeur. Tout est dans le titre : confessions on a dancefloor. Mais là, comme souvent, je ne parle pas du texte mais de la musique qui n'en finit pas de me charmer écoute après écoute. D'ailleurs, Hung up n'est qu'une parenthèse, un rêve éveillé, même si elle met dans l'ambiance. Le morceau sur l'album se termine par le bruit d'une trotteuse qui enchaîne directement, sur la plage deux, avec une sonnerie stridente façon réveil matin. On sonne l'alarme : c'est là que les choses sérieuses commencent. Et bien plus que Hung up, c'est ce deuxième morceau Get together qui m'a ferré.



Sous ces apparences légères - parce que tout ce qui fait danser a des apparences légères - Confessions on a dancefloor est un vrai concept album, où toutes les chansons s'enchainent, un album de dance music sur la dance music. C'est ce qu'on fait de mieux avec Madonna : enchaîner ses tubes par un DJ en boîte sauf qu'ici, c'est Madonna qui s'y colle. C'est elle qui les enchaîne, c'est elle, la boîte. Ce n'est pas compliqué de comprendre pourquoi Madonna a totalement changé de tactique après cet album : il suffit d'aller voir le classement de ses singles aux Etats Unis sur la page Wikipedia consacrée à ses singles. On y constate que Music fut son dernier n°1 aux States où Hung up, pourtant n°1 partout dans le monde, n'a réussi là-bas qu'à se hisser à la septième place. Or Madonna presque autant qu'une artiste (plus, diront beaucoup) est une business woman. Le business n'étant plus ce qu'il était outre Atlantique, il a fallu le relancer en abandonnant les petits Européens et en allant s'adonner à des plaisirs plus américains. D'où 4 minutes en duo avec Justin Timberlake et produit par Timbaland. Mais, contrairement à ce qu'elle avait fait jusqu'alors, Madonna ne donnait plus le mouvement ; elle le suivait.  Elle essayait de ranimer des souvenirs avec la pochette prétendument provoc et réellement laide de Hard Candy au son putassier. J'ai cru, l'année dernière, qu'elle pourrait peut-être retrouver de sa superbe grâce à Martin Solveig, qui sait parfois avoir le sens de la formule, comme lorsqu'il s'associe à Thomas Mars de Phoenix pour The night out.



Malheureusement Martin Solveig n'est pas constant et si Gimme all yur luvin a pu faire illusion cinq minutes, c'est précisément le temps qu'a duré le charme de la chanson qu'il avait fait pour Madonna et j'ai fini par carrément jeter à la poubelle l'album MDNA que j'avais téléchargé. Je ne sais pas si Madonna pourra rebondir. Bien sûr, l'un de ses plus grands talents jusqu'à présent est d'avoir toujours su, justement, rebondir. Mais Madonna est (était ?) une reine des dancefloors. Je me rappelle quand je sortais en boîte, adolescent, avoir regardé avec une certaine condescendance les gens qui avaient dépassé la quarantaine ; qu'est-ce qu'ils venaient faire là ? Etait-ce vraiment leur place ? Plus tard, lors des raves, la donne avait changé : on croisait aussi bien des ados que d'anciens punks, bien plus âgés, et tous ces gens là communiaient la main dans la main, les yeux chargés, tout en sautant en l'air. L'âge ne comptait plus et je me dis que ce n'est pas un hasard si Madonna connut son firmament artistique grâce à des artistes qui venaient peu ou prou de cette scène, alors qu'elle n'était plus une petite jeunette. Mais la scène rave, c'était il y a des années, un siècle, et j'ai l'impression que l'on est revenu à une époque nettement plus conformiste où l'on a recreusé le fossé des générations et où, du coup, sur le dancefloor, occupé par les jeunes gens, les plus vieux ayant décidé de se rassoir, on a du mal à supporter les gesticulations de la vieille dame indigne et un peu embarrassante qu'est devenue Madonna. Il faudrait qu'elle se réinvente. Mais où ? C'est bien là le problème car Madonna, malgré ses innombrables changements de look, ses nombreuses incarnations, réincarnations, ses multiples facettes, n'a jamais eu qu'un seul domaine, celui de la piste de danse. Un lieu où aujourd'hui, et jusqu'à nouvel ordre, elle ne semble plus la bienvenue.

jeudi 7 février 2013

Tenue des grands soirs

Il y a quelques jours je suis tombé sur cet article du Guardian sur une expo qui a lieu en ce moment à Londres. Le peintre Nicola Tyson montre pour la première fois une série de photos qu'il avait prises alors qu'il n'avait que dix-huit ans lorsqu'il sortait aux Bowie Nights du Billy's Nightclub de Soho. Ces soirées précédèrent celles plus connues du Blitz nightclub où l'on pouvait croiser à la toute fin des années 70, début des années 80, tous ceux qui allaient connaître des gloires éphémères ou non dans les années suivantes et qu'on allait ranger pour la plupart sous l'étiquette Nouveaux Romantiques. Les Blitz Kids, comme on les a aussi appelés, ont fait l'objet d'une pièce de théâtre, Taboo, écrite par Boy George, sans doute le plus connu des Kids en question. Mais il y avait aussi, par exemple (en fait pas donné au hasard mais simplement parce qu'il me serait impossible de les caser après) les Spandau Ballet, qui, avant bien avant de pondre l'insupportable True, ont su faire de très bonnes chansons très catchy comme To cut a long story short en 1980.



On voit bien dans cette vidéo que ce qui comptait alors autant que le son, voire plus, c'était l'image. Si ces Kids se revendiquaient de Bowie, c'était autant pour l'aspect visuel que pour l'aspect musical. David Bowie, lui même, ne s'y est pas trompé, qui est allé traîner ses guêtres au Blitz afin d'y recruter les figurants de la vidéo d'Ashes to ashes, mais aussi d'y trouver quelques idée pour son look d'alors.



Au nombre des figurants d'Ashes to ashes, il y a Steve Strange qui n'avait pas encore connu la gloire avec Visage. Steve Strange était l'une des figures majeures des Bowie nights ; on le voit sur plusieurs photos de Nicola Tyson. J'en ai choisi une (allez voir les autres sur l'article du Guardian) où l'on voit pourtant deux stars bien plus mineures, dans tous les sens du terme, Jeremy Healy (à gauche) et Andy Polaris (au centre).


Sur la photo on leur donne à peine seize ans, ce qui, à deux, trois ans près, doit justement être leur âge. Ca fait aussi bizarre que de regarder une de ces vieilles photos dans nos albums ou dans la boite à chaussure qu'on avait oublié au grenier, où on se cherche encore, où la longueur de cheveu, de pantalon ou autre, l'attitude, la qualité de la peau, du look, la prise en main de la clope au bec sont plus qu'approximatives, pour ne pas dire embarrassantes. On se demande : "Mais qui c'était déjà, lui ?" (en l'occurrence, le troisième sur la droite dont le photographe a oublié jusqu'au nom). Une chose est sûre : ce sont de vrais branleurs. Pourtant ce sont eux qui vont prendre le pouvoir quelques années plus tard. Ce sont eux qui vont prendre les rênes de la pop. Ce sont eux qui vont dominer le monde. Andy Polaris deviendra le chanteur d'Animal Nightlife, petit groupe entre jazz et soul qui eut quelques touts petits hits (comme Mr Solitaire). Jeremy Healy m'a bien plus intéressé avec son pourtant très éphémère groupe Haysi Fantayzee, duo responsable d'un seul album, le toujours euphorisant Battle hymns for children singing dont est tiré le sautillant et mini tube Shiny shiny en 1983.



Après avoir été cet improbable chanteur qui accusait Boy George de lui avoir piqué son look, Jeremy Healy est devenu un DJ très célèbre allant notamment collaboré avec de grands couturiers pour signer la bande son de leurs défilés. L'autre moitié du groupe, la très belle Kate Garner devint elle une photographe de renom signant quelques belles pochettes de disques (on lui doit notamment celle du Lion and the Cobra, le premier album de Sinead O'Connor) et autres contributions pour magazines de mode. Très anecdotiquement, mais en même temps pas tant que ça, elle apparaissait aussi, en 1983, dans le clip de Who's that girl de Eurythmics, aux côtés des Bananarama ou de Marilyn (créature qui fut en blond, le succès et l'intelligence en moins, ce que Boy George fut en brun), autres figures des Bowie Nights.



Cela montre juste que ce petit monde se fréquentait, s'appréciait (plus ou moins, ça va de soi), se stimulait, chacun cherchant sans doute autant à impressionner son voisin qu'à faire un hit single (de toutes façons, ils ne pensaient pas encore aux hit singles au temps des Bowie Nights du Billy's Nightclub). Un vrai bouillon de culture, musicale s'entend. Et de cette saine (enfin saine... sex, drugs and rock'n'roll quand même !) émulation ressortit un bon paquet de la pop music du début des eighties, et, mine de rien, un bon paquet de chansons que je porte encore aujourd'hui aux nues. Mais, à force d'envisager l'image comme leur force motrice, je pense qu'on a précisément oublié que nombre de ces groupes faisait aussi de la bonne musique. Prenons Steve Strange qui fut le premier de toute cette prolixe galerie de personnages haut en couleurs à s'embarquer dans une aventure musicale, celle de Visage. Steve Strange était précisément le "visage" de ce supergroupe qui rassemblait des membres d'Ultravox et de Magazine. Mais bien qu'intéressante, je n'ai jamais été passionné par la musique de ces deux groupes comme j'ai pu l'être par celle de Visage. Evidemment, il y a Fade to grey, mais c'est l'arbre qui cache la forêt, ou plutôt le single qui cachent deux albums de toute beauté, Visage en 1980 et The anvil en 1982, dont est extrait The damned don't cry.



Deux ans après The anvil, il y a eu un dernier album de Visage mais les membres d'Ultravox et de Magazine avaient alors préféré laisser tomber, laissant le seul Strange aux manettes d'un désastre. Le seul talent de Steve Strange, outre celui d'avoir trouvé l'image qui correspondait pile poil à son temps, était d'avoir su fédérer ces musiciens dans ce projet, les stimuler jusqu'à rendre la formule passionnante, comme il avait su, plus tôt, montrer la voie à tous ces jeunes gens des Bowie's Nights dont il était l'une des vedettes incontestées. Mais, comme souvent, ce ne sont pas ceux qui sèment qui récoltent les fruits. Car si Visage n’eut droit qu'à un énorme succès, à l'heure où les membres du groupe de Steve Strange mettaient les voiles, Boy George embarquait pour la gloire avec Culture Club. C'est somme toute assez logique car, si la musique de Culture Club est sans doute l'une des moins passionnantes de ce qui sortit de ce lot, elle en reste non moins la plus mainstream, la plus accessible : de la bonne pop music (au moins, là encore, le temps des deux premiers albums) sans chercher à innover dans le son puisqu'ils le faisaient déjà dans l'image, Boy George étant le seul à avoir su durablement imprimer dans l'oeil international la silhouette du typical Blitz Kids. Pas étonnant dès lors, que leur musique ne m'ait réellement touché qu'une seule fois, via un single qui eut son heure de gloire partout, sauf... en France où il n'est jamais sorti. Time (Clock of the heart) était sorti entre le premier et deuxième album et, la France se traînant toujours un train de retard, la maison de disques, ici, avait préféré le zapper. Reste que Time, même si elle est une chanson extrêmement réussie, très classieuse avec tous ses violons, reste de format extrêmement classique.



Pourquoi ces gamins là ? Pourquoi ces Bowie Nights ont-elles su générer le son et l'image du début des Eighties ? Sans doute parce qu'à l'époque, si vous vous sentiez un tant soit peu créatif, un tant soit peu artiste, il n'y avait de meilleur moyen d'expression que... vous même. Ce n'est pas moi qui le dit mais Nicola Tyson, le fameux photographe des Bowie Nights. Il explique qu'il n'est pas devenu un membre important du Blitz qui a suivi, car cela requérait d'être "massivement dévoué à un look". Lui, c'était pas son truc, il était, à l'époque, juste un "mec costume cravate", ce qui, nonobstant, était, pour un type de 18 ans à la fin des années 70, forcément un look. Mais poursuit-il, il gardait tout les trucs un peu bizarre dans sa tête, les ressortant plus tard dans sa peinture. Or, les gamins des Bowie Nights mettaient tous ces trucs un peu bizarres dans leur look. Et, heureux hasard ou instinctif pressentiment, la décennie qui débutait allait instaurer le règne de l'image : Video killed the radio stars, je vous le rappelle. Et MTV, qui naissait et faisait de l'image, allait en toute logique piocher là où l'image était la plus forte. Et d'assoir nos branleurs des Bowie Nights sur le trône de la pop music mondial. Fin du conte de fée. Sauf que la vie, bien sûr, n'est pas un conte de fées, que tout ça ne pouvait durer, et dans les faits ne dura, que quelques années. Car les images avec le temps, même les plus colorées, virent au gris. Mais ça aussi, les gamins des Bowie Nights l'avaient, sans le savoir et dès le départ, anticipé.