J'aime assez cette photo que je suis allé chercher sur le site des Lotus Eaters, un pauvre site où l'on trouve en tout et pour tout, deux photos, un fichier mp3 et une fiche contact. Un pauvre groupe, de toutes façons, que ces Lotus Eaters anéantis par la formule parfaite qu'ils avaient trouvée dès leur première chanson, la bien nommée donc The first picture of you. Avant même d'avoir un contrat, avant même d'avoir tourné en Angleterre, le groupe de Liverpool enregistra la chanson pour les fameuses sessions de John Peel pour la BBC. Quand on écoute cette version aujourd'hui, on se rend compte qu'on n'est pas si loin de la version qui sera gravée sur disque un an plus tard et on comprend mieux la foire d'empoigne à laquelle se livrèrent les plus grands labels de l'époque pour pouvoir signer le groupe. Un an plus tard donc, le disque sortait et finissait même, à la fin de l'année, à en croire cette note Wikipedia, par être le titre le plus diffusé par les radios britanniques en 1983. Un disque si bon qu'à l'original, trop court, je préfère la version longue où l'on savoure mieux l'intro magnifique et l'avancée vers la batterie qui rompt cette espèce de temps en suspension dans lequel laisse le début de la chanson. Au passage, c'est précisément cette version longue qui est le plus postée sur le Net.
Outre le fait que cette chanson annonce tout le répertoire de Prefab Sprout, elle sonne pour moi, comme quelque chose de fragile, délicat et donc, suspendu. Comme si on avait réussi à figer dans le son, les premiers bourgeons du printemps ou les premières gelées blanches qui illuminent une campagne (anglaise, ça va de soi), même si, je le sais, la chanson parle de l'été. D'ailleurs, c'est paradoxal, pour moi, elle évoque plus les longs manteaux de laine, ces lodens qui ont emmitouflé mon adolescence et que j'allais chiner à Londres. Peut-être parce que je l'ai découverte en automne ou en hiver, allez savoir... En tout cas, ce titre est également synonyme pour moi de l'adolescence (ben oui, que voulez vous, on y revient) d'où la photo que j'aime bien, prise, précisément sur le tournage du clip de First picture of you, et où le groupe présente des allures très adolescentes, mals dans leurs peaux, qui regardent leur chaussure. Des jeunes gens magnifiques et qui ne le savent pas, tout comme ils n'ont alors aucune idée de la grandeur, de la majesté de la chanson qu'ils viennent d'écrire et qu'ils vont illustrer en image. L'album est forcément en dessous même si plus d'un groupe aimerait sans doute, encore aujourd'hui, signer un premier essai comme No sense of sin.
Un album assez culte toutefois pour avoir fait l'objet d'une réédition en 1998, qui a mené à la reformation du groupe. Car, c'est assez drôle quand on sait leurs débuts, si tôt après la parution de ce premier album et son échec commercial, la maison de disques vira les Lotus Eaters qui décidèrent alors de se séparer. Je n'ai pas vraiment suivi le restant de leur carrière pour tout vous dire même si je sais qu'ils reçurent d'élogieuses critiques pour l'album suivant sorti en 2001, soit dix sept ans après le premier. Les critiques qui l'encensèrent alors avaient sans doute, comme moi, étaient bercés, dans leur adolescence par cette chanson de toute beauté, et rendre hommage à ses créateurs était sans doute pour eux une façon de rendre hommage à ce temps béni mais perdu. Un peu à la manière, je pense, dont on accueille aujourd'hui le retour de My Bloody Valentine après vingt deux ans d'absence. Un retour sur lequel je ne dirais pas grand chose d'autre n'ayant jamais été un grand fan (ni un grand détracteur d'ailleurs). Je ne connais pas beaucoup d'équivalent aux Lotus Eaters. Du moins d'équivalents de cette époque car je pense qu'ils ont inspiré une ribambelle de jeunes gens fragiles depuis. Toutefois, quand je pense à eux, pas très loin derrière, m'arrive le souvenir d'un autre groupe de Liverpool, qui, lui, survécut le temps de deux albums. Le premier, le plus beau, Pacific Street, était sorti justement la même année que l'album des Lotus Eaters. Mais l'album des Pale Fountains, puisque c'est d'eux dont il s'agit, était de loin plus réussi. Et contenait là encore une merveille où le temps était suspendu et qui cristallise en quelque sorte l'adolescence. D'ailleurs si j'ai toujours adoré cette chanson, je n'avais, jusqu'à il y a quelques minutes, jamais lu ses paroles. Or Unless commence comme ça : There was a lonely boy / Or should I say / He was seventeen. Bref encore une chanson qui cristallise l'adolescence dans toute sa délicatesse, sa beauté, sa fragilité, sa solitude et son côté éternellement éphémère.
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