mardi 26 février 2013

Nouvelle Star ou nous, Valstar ?

Ce soir, c'est la finale de la Nouvelle Star en France ; je précise pour tous mes ô combien nombreux lecteurs des pays hors hexagone qui, un, apprendront la nouvelle, deux, apprendront qu'il existe une déclinaison française de Pop Idol et, trois, last but not least, apprendront que j'ai suivi assidument ce télé-crochet depuis ses débuts. Mais c'est de la merde ! s'offusqueront certains. Or, non. Or, aussi, je ne sais pas si je regarderais la finale ce soir. Et je vais tacher d'expliquer pourquoi. Je ne veux pas, d'abord, parler de tous les télécrochets : la Star Academy, par exemple, n'est qu'une émission de téléréalité déguisée. Pour une Olivia Ruiz de talent, une exception qui ne revendique absolument pas l'émission qui elle même ne revendique pas du tout Olivia Ruiz, combien de restes ? Je dis ça dans un style alimentaire car c'est précisément la seule chose qu'a su produire l'émission : des têtes de gondoles. Jenifer doit sa carrière (enfin, devait, compte tenu que sa carrière est aujourd'hui bien plus derrière elle que devant) au fait qu'elle fut la première à gagner, au temps où l'émission battait des records d'audience. Nolwen Leroy, fausse Isabelle Adjani de supermarché, n'a jamais su convaincre qu'elle était essentielle au paysage musical français quand bien même elle a vendu par containers entiers son album de bretonneries ; mais tous les dix ans, grosso modo, on a droit à un revival breton, un coup Alan Stivell, un autre Manau et sa Tribu de Dana, aujourd'hui Nolwenn Leroy, donc. Il n'y a qu'un truc que peut revendiquer Nolwenn Leroy : avoir été la première à s'associer avec un musicien reconnu, en l'occurrence Laurent Voulzy, pour pondre un album, l'association faisant précisément l'affaire des deux, la chanteuse y gagnant en crédibilité ce que l'autre gagnait en ventes de disques et en captation du public jeune. Car, oui, les petites filles qui avaient fait gagner Nolwenn Leroy ne connaissaient pas plus Laurent Voulzy, que celles qui ont fait gagner Elodie Frégé quelques années plus tard ne connaissaient Benjamin Biolay. Je mets ce dernier exemple en exergue car il a généré ce qu'il pouvait y avoir de meilleur en la matière, rappelant les associations entre Gainsbourg et quelques unes de ses créatures/muses/égéries, Biolay allant même jusqu'à confier une reprise de Gainsbourg à ladite Frégé, Le velours des vierges, sur l'album qu'il lui produisit.



Mettons aussi tout de suite hors jeu The Voice, l'émission du moment, vaste supercherie basée sur la surprise. Savez vous que notre inconscient associe deux sensations qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre ? Vous entendez une voix magnifique, par exemple, et, basé sur votre vécu, vos acquis, votre expérience, vous associez instantanément cette voix à un physique, disons, avantageux, tandis que quand vous voyez une vache, vous l'associez immédiatement au son "meuh" et non à "miaou", par exemple. C'est le principe de la synesthésie, soit l'association inconsciente donc de deux sensations, perceptions différentes, un concept sur lequel je vous conseille ce passionnant numéro de l'émission non moins passionnante du encore plus passionnant Jean-Claude Ameisein sur France Inter, Sur l'épaule de Darwin. Mais, après avoir évoqué cette émission qui tire ses auditeurs vers le haut, revenons sur cette émission qui tire ses spectateurs vers le bas. Supposons donc que la vache qui se présente devant vous ne fasse pas "meuh" mais bien "miaou", et vous de faire "waouh"! C'est l'effet Susan Boyle dont on ne suppose pas que le gosier cache une Céline Dion. Or, tout le concept de The Voice repose sur cet effet de surprise. D'ailleurs, quand c'est réellement surprenant, le téléspectateur se retrouve dans la peau du juré : il ne voit pas qui chante, entend une voix de fille et, boum, c'est un garçon. Dingue. Sauf qu'une fois passé l'effet de surprise, il ne reste pas grand chose et les choses qui restent finissent par rentrer dans l'ordre : les moches se font éliminer et on garde ceux qui ont une bonne image. Car, outre le fait que The Voice a un jury tout pourri (Garou, Florent Pagny, tiens-la-revoilà Jenifer et Bertignac qui doit sacrément avoir besoin d'argent pour oublier qu'il jouait de la guitare sur Argent trop cher avec Téléphone), tout le problème de l'émission est là : un artiste, ce n'est pas qu'une voix. C'est aussi une image, une attitude, un geste et l'ignorer dès le départ, c'est ignorer la nature même de l'artiste ou, tout du moins, de l'interprète. Résultat des courses : le gagnant de la pourtant hypermédiatisée The Voice a fait un flop total. Ceux qui suivent me diront qu'on peut en dire autant d'un paquet de gagnants de la Nouvelle Star. Et c'est vrai : qui se souvient de Jonathan Cerrada, Steve Estatoff et Myriam Abel, les premiers gagnants de Nouvelle Star. Pourtant Nouvelle Star m'a convaincu dès le début. D'abord parce qu'il y avait un jury intéressant constitué de professionnels plus crédibles et dont on avait au moins l'impression qu'ils n'étaient pas là en promo (contrairement au jury de The Voice qui sont aussi là, surtout là pour se montrer) mais bien plus pour trouver des talents. Et l'émission en a trouvé dès le départ : si c'est Jonathan Cerrada qui a gagné la première édition, souvenez-vous que c'est dans la même qu'il y avait Thierry Amiel qui a beaucoup fait pour la crédibilité de l'émission. Quand les autres concurrents interprétaient les tubes du moment, il s'était fait une spécialité de reprendre des classiques de la chanson française (Brel, Barbara, Ferré) en sachant qui plus est les sublimer. On peut, on doit ne pas être ravi de la suite de la carrière de Thierry Amiel car il n'a pas trouvé de compositeur à la hauteur de sa voix. Mais on ne peut nier la qualité de son interprétation quand il interprétait Amsterdam (le son est pourri - un VHS, sans doute - mais permet quand même de se (re)faire une bonne idée du truc).



"Des moments exceptionnels, des moments qui savent nous marquer". Ainsi Varda Kakon, très passagère jurée, qualifiait la prestation d'Amiel (oui, appelons le par son nom, car il a bien mérité, contrairement à d'autre candidats, de n'être pas qu'un prénom). Et c'est vrai qu'on avait l'impression qu'il jouait sa vie à ce moment là et, grosso modo, c'est exactement l'enjeu de Nouvelle star. Pas de moments exceptionnels, pas de moments qui savent nous marquer, et tu te retrouveras au mieux à chanter dans les bals populaires, au pire, à la caisse du supermarché. C'est la (belle) vie ou la mort. Thierry Amiel est un candidat d'ailleurs assez symbolique pour la Nouvelle Star. Il a par exemple montré qu'il fallait être exceptionnel non pas un soir mais tout au long des différents numéros de l'émission, à surprendre constamment l'auditeur et (télé)spectateur : c'est un peu comme jouer une carrière en accéléré. Il est aussi le premier concurrent atypique, ce truc qu'avait la Nouvelle Star d'aller chercher des interprètes un peu hors norme, hors moule, hors conventions. Et puis, donc, il a fait les frais le premier de cette règle qui fait que l'on n'est pas pour autant lancé en brillant dans l'émission. Aussi vue soit-elle, la Nouvelle Star n'est qu'un tremplin et pour réussir, il faut savoir rebondir. De deux choses l'une : soit vous êtes un interprète hors pair et vous savez vous entourer, soit vous êtes un artiste. Prenons la première catégorie : soit Christophe Willem qui a donné ses lettres de noblesse à l'émission. D'abord parce qu'il a su impressionner tout au long des différents numéros mais surtout parce qu'il a choisi de faire son premier album avec Zazie, qui est quand même une artiste à part dans la chanson française et qui a su lui signé LE tube qui lui fallait (le très bon Double je), et Bertrand Burgalat, producteur doué, très underground mais seul capable d'apporter des arrangements aussi classes que ceux qu'il apporte à l'irrésistible duo Pourquoi tu t'en vas, avec Valérie Lemercier, qui fait, qu'aujourd'hui encore, on peut réécouter le premier album de Christophe Willem avec plaisir.



Deuxième option : vous êtes un artiste avec un véritable univers. Bref, vous êtes Julien Doré. Ne comptez que sur vous ! A raison : le premier album de Julien Doré, et plus encore, le second, Bichon, sont de vraies réussites, réécoutez BB Baleine, autre duo (décidément!) avec Françoise Hardy, pour vous en convaincre.



Vous me direz, c'est peu, deux artistes (et encore, puisque l'un des deux n'est, à mon avis, qu'un très bon interprète) pour une émission qui compte neuf éditions. Bon, d'abord j'ai pas fini. N'empêche, vous n'avez pas totalement tort. Déjà, cela montre que l'on ne trouve pas de vrais artistes, et encore moins des stars, à tous les coins de rue et chaque année. Il y a de très mauvaises éditions de la Nouvelle Star où personne ne se distingue, ce qui génère un suspense certes, mais fleure la catastrophe, tant, quand vous ne vous distinguez pas de la concurrence ne serait-ce que d'une pauvre petite émission de télé, vous aurez du mal à vous distinguer de la concurrence ailleurs. Ca n'empêche qu'on peut prendre du plaisir à regarder la Nouvelle Star, y compris dans les éditions moyennes. Pour ce côté vie ou mort, justement. Pas tant pour le côté jeu du cirque que parce que ce crucial enjeu est capable de générer chez l'aspirant à la gloire : soit de magnifiques moments de musique. C'est ceux là qu'on attend, c'est ceux là qui ont su créé la mythologie de l'émission. Tant qu'à faire, impressionnez à la première édition, c'est le plus marquant, façon Camélia Jordana, quand, de sa voix vraiment pas comme les autres, elle transforme la bluette de Carla Bruni, en possible classique de Barbara.



Voilà, des moments comme ceux-là font que je regarde la NOuvelle Star. Enfin... que je regardAIS. Ce soir, je vais aller prendre un verre sans me dire que je rate la finale. Car qu'est-ce que je rate ? La gagnante est toute trouvée dans la mesure où Sophie-Tith, 16 ans, a non seulement une voix classe et rauque, mais très dans l'air du temps, façon Florence Welsh de Florence + the Machine. D'où, notamment, problème car ce n'est pas en cherchant l'air du temps que cette émission a repéré des artistes mais en le créant. L'autre problème, c'est que des moments forts, cette année, il n'y en a pas eu beaucoup. Pas eu du tout ? Je suis à deux doigts de le penser mais mes deux doigts me servent plutôt à vomir sur toutes les faussetés entendues au cours de cette saison et sur l'hypocrisie des jurés. Au bout d'un moment les gars, ça commence à se voir. Et s'entendre surtout. A aucun moment cette année, je n'ai eu l'impression que les jurés aient pu penser d'une interprétation "Putain, c'est génial", comme vous le verrez très clairement s'inscrire sur les lèvres de Lio, jurée d'alors, les larmes aux yeux, à la fin du Over the rainbow de Luce.



Toutefois le cas Luce montre aussi que la Nouvelle Star est tout aussi capable de créer des talents que d'en gâcher. Luce a fait un plutôt bon premier album avec de très jolies chansons (comme L'amour blême) mais ça n'a pas suffi. L'étiquette Nouvelle Star lui restait collée au front. Impossible de s'en débarrasser. L'émission lui a fait plus d'ombre qu'elle ne lui a offert de lumière. Et que dire de Cédric O'Heix ? Qui ? s'interrogeront même les plus fans. Mais si : Cédric, ancien capitaine de la marine marchande, ombrageux interprète au physique de Ken (sans Barbie) comme l'avait surnommé Lio. Je n'ai rien à vous montrer de Cédric dans l'émission tant je l'y trouvais pas terrible, quelconque, oubliable. Je l'avais d'ailleurs, comme vous, oublié et je ne sais plus comment je suis tombé sur Celtic yukulele. Par hasard, comme ça. J'ai eu du mal même à faire le lien avec Nouvelle Star. Parce qu'il y a une intensité dans cette chanson qui n'est pas sans me rappeler le Miossec du premier album ou certains Murat. Une écoute rapide de La Horde sur Itunes, premier album du bonhomme sorti l'année dernière, me confirmait ma première impression. Mais Cédric était le loser qui avait perdu la saison 3. Pas le jeune artiste auquel on se serait peut-être un peu plus intéressé s'il avait surgi de nulle part. Pensez : un ancien capitaine de la marine marchande avec ce physique et cette intensité dans les chansons, on aurait pu vendre le concept ! Too bad : il avait déjà été vendu par Nouvelle Star. N'empêche, je préfère encore réécouter Celtic Yukulélé que d'écouter une autre chanson estropiée par un candidat de la dernière édition de la nouvelle saison de la Nouvelle Star. "Ne va pas penser que je rentre / Je ne rentrerais pas ce soir" chante O'Heix. Moi non plus.

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