mercredi 27 mars 2013

You and me both

Il y a un morceau sur le premier album de Team Ghost qui s'appelle Things are sometimes tragic. De manière assez ironique, je trouve que c'est là que l'album, Rituals, prend vraiment son envol. C'est pas que ce soit à ce moment que les choses deviennent, comme l'indique le titre, tragic, mais c'est alors que, littéralement, la musique s'envole, gagne en espace, devient littéralement planante, très proche, dans l'esprit et le son, du meilleur de M83. L'ironie dans tout ça ? C'est que c'est Nicolas Fromageau, qui fut durant deux albums, la moitié de M83, qui a fondé Team Ghost. Or, c'est au M83 d'aujourd'hui plus qu'à celui qui débuta, sous la forme d'un duo donc, en 2001, que ressemble la présente formation de Nicolas Fromageau quand elle est, à mon goût, à son meilleur comme sur ce Things are sometimes tragic et, grosso modo, sur la moitié de l'album. J'imagine que, sur l'autre partie, un peu plus furieuse, sauvage et foutraque, Team Ghost a voulu montrer qu'ils étaient un vrai groupe de rock. Capables de jouer en live comme je les ai entendus, hier, sur France Inter. C'est d'ailleurs assez drôle car l'invité de l'émission, le sympathique, au demeurant, François Berléand, amené à se prononcer sur la performance du groupe, dit qu'il aimait ça, parce que c'était du rock et pas de la techno, qu'il détestait. Or la musique de Team Ghost doit bien plus aux musiques électroniques qu'au rock'n'roll, comme on peut l'entendre même sur Dead film stars, pas forcément le meilleur morceau mais un de ceux disponibles sur le Net puisque sorti en single.



D'ailleurs c'est peut-être parce que, dans ces moments là, Team Ghost ressemble moins à M83 (mais moins ne veut pas dire pas du tout) que ces titres là sortent en single. Pourtant, d'une certaine manière, Nicolas Fromageau pourrait tout aussi bien revendiquer la paternité du son puisque le premier album du duo d'alors, sorti très confidentiellement en 2001, portait déjà en jachère tout ce qui allait faire la marque M83 : des morceaux qui doivent autant au shoegaze qu'à l'electro, planants, mystérieux et capable aussi d'une subite euphorie capable de vous mettre en transe. Je me souviens très bien par exemple avoir écouté en boucle Sitting qui est d'ailleurs et pas du tout bizarrement le seul titre du premier album que reprenait en live M83 quand je les ai vus en concert l'an dernier.



Mais si les deux premiers albums réalisés en commun (M83 puis Dead Cities, Red Seas & Lost Ghost) m'ont plu, ce n'est précisément que lorsque M83 est devenu le seul jouet d'Anthony Gonzalez que ma passion pour le groupe a débuté. Soit avec l'album Before the dawn heals us qui reprenait tout ce que j'aimais chez eux avant mais poussait largement le bouchon plus loin, agrandissait son panorama. Comme si la petite graine que j'avais chéri donnait enfin de vraies fleurs. Je ne sais plus exactement quand Anthony Gonzalez a quitté la France pour s'installer à Los Angeles. J'aime à penser que c'est précisément au moment de cet album qui voyait les choses en beaucoup plus grand. Surtout, contrairement aux deux premiers albums, M83 faisait appel à des vocalistes. Enfin c'est ce que j'ai longtemps cru en écoutant Don't save us from the flames.



En fait de vocaliste, Anthony Gonzalez avait seulement donné de la voix. Sa voix. Car c'est lui qui chante comme je ne m'en apercevrais finalement qu'en allant le voir en live. Est-ce à ce sujet que le duo s'est séparé ? L'emploi de la voix ? Ou bien, plus basiquement, en ont-ils juste eu marre l'un de l'autre après leur première tournée ? Je n'en sais fichtre rien. Je trouve juste étonnant que, des années après, ces deux là, qui s'étaient sans doute bien trouvés, fassent peu ou prou la même musique, avec, comme je le mentionnais et le précise à nouveau un net avantage pour M83 qui, à mon goût, signe un sans faute depuis trois albums, raison pour laquelle je ne choisirais pas, pour illustrer mon penchant un des titres de l'ô combien acclamé (et à juste raison) Hurry up, we're dreaming (j'ai déjà posté il n'y a pas si longtemps Midnight City) mais plutôt l'immense Couleurs de l'album précédent (qui est le morceau que reprenait en rappel le groupe dans un déchainement euphorique - le mien et celui du reste des spectateurs tant c'est l'un des meilleurs groupes live que j'ai vu ces dernières années).



J'en étais là de mes réflexions quand, hier, au Grand Journal de Canal Plus, je vis Depeche Mode (à qui, comme tant d'autres, M83 doit beaucoup) qui venait annoncer leur nouvel album et leur tournée. Je ne reviendrais pas sur les liftings de tous les membres du groupe qui me rappellent le pire d'Indochine mais je regardais avec attention les visages de Dave Gahan et Martin Gore quand l'animatrice leur demandait s'ils se retrouvaient souvent en dehors des tournées et des disques. Jamais, fut leur réponse. Quiconque connaît un peu le groupe connaissait déjà la réponse puisqu'on sait que ces deux là ne s'apprécient que modérément. Ce ne doit pas être évident de chanter les chansons de Martin Gore pour Dave Gahan tout comme ça ne doit pas l'être pour Gore de ne voir ses chansons exister QUE lorsque Gahan les chante. C'est d'autant plus injuste que Martin Gore est un bon chanteur comme on peut l'entendre sur certaines chansons de Depeche Mode comme A question of lust, One Caress et, ma préférée en ce qui le concerne, Home.



Mais, malgré la voix céleste, proche d'un enfant de choeur de Martin Gore, pour le public, rien à faire : Depeche Mode a la voix de Dave Gahan. On sait finalement comment les choses se sont "arrangées" puisque après deux albums en solo de Dave Gahan, le chanteur a été autorisé à, lui aussi, écrire des chansons pour le groupe, toujours minoritaires, mais parfois réussies comme Broken sur l'album qui vient de sortir ou I want it all sur Playing the Angel.



Reste que le vrai génie de Depeche Mode, c'est Martin Gore. Qui n'est rien sans Dave Gahan. Ces deux là doivent faire contre mauvaise fortune bon gré. Pour exister artistiquement, ils doivent faire équipe. L'un ne va pas sans l'autre quand bien même l'un et l'autre ne se vont pas. C'est assez pathétique. Oui, Things are sometimes tragic. D'où le titre de ce post, également titre de cet album de Yazoo, formé par Alison Moyet et Vince Clarke, membre fondateur de... Depeche Mode, titre à l'ironie grinçante qui reflétait l'état d'esprit du duo alors (ils étaient sur le point de se séparer) et qu'illustrait une pochette sur laquelle se mordaient à mort deux dalmatiens (souvenez-vous, j'en avais déjà parlé ici).

dimanche 24 mars 2013

Dimanche, instantané

Depuis les débuts de ce blog, je m'obstine à vouloir toujours rassembler les morceaux sous une thématique pour ne pas faire de ce blog un blog comme les autres. Je m'interdis de juste balancer un titre en disant que c'est vachement bien et point. Je rappelle pour les retardataires que ça ne s'appelle pas C'est Une Vie pour rien puisque précisément je me plais à y relater ce qui fait de moi l'auditeur que je suis aujourd'hui et non l'auditeur que vous êtes, par exemple. C'est peut-être là que je me plante un peu car finalement vous dire d'écouter aujourd'hui, Comet par Hey Champ, qui a pris d'assaut le Web en quelques jours à peine, c'est aussi parler de ça.



C'est juste un morceau cool à écouter le dimanche, un truc d'after, même si pour qu'il y ait un after, il faut qu'il y ait eu un before qui n'est plus d'actualité de nos jours. De mon actualité, s'entend. Mais le dimanche a quelque chose de spécial précisément parce qu'il était dans le passé et parce qu'il continue d'être aujourd'hui, un jour lazy, paresseux où la seule dance possible consiste à taper du pied en attendant que le lundi, terrible et angoissant, n'arrive. Un jour pour soi, pour moi, pour toi, For you.



J'ai du mal à retrouver le nom de ce blog que je consultais fébrilement le dimanche matin et qui, précisément, s'était fait une spécialité de ces morceaux cool comme ce remix d'Evi Vine par le fabuleux Napoleon. Toujours est-il qu'un jour, le programmateur de ces sunday mornings finit par tirer sa révérence. Mais mon envie pour ce type de morceau le dimanche demeure. Des trucs pas prise de tête, doux, pas foncièrement indispensables, mais qui vous enveloppe comme une bonne doudoune. Du coton. Un peu comme celui qui enrobe le son de La Main sur For so long.



Ca peut donner une impression d'automne ou d'hiver, ces dimanches emmitouflés, mais je crois que ce sentiment dominical demeure au printemps ou à l'été où l'on remplace les couvertures par les rayons du soleil allongé sur une chaise longue au jardin, avec cette même soif d'apaisement par la musique, tranquille, comme celle de l'américan Astronauts etc..., dont je vous renvoie sur la page Soundcloud pour découvrir et télécharger gratos d'autres de ses merveilles, de type Sideswiped.



Oui, encore une fois, tout ça n'est pas bien sérieux, n'a pas vraiment de conséquence sur l'auditeur que je suis sur le long terme mais ça en dit beaucoup sur l'instant. Et finalement qu'est-ce qu'une vie si ce n'est une suite d'instants ?

lundi 18 mars 2013

Les choses en grand

Pour revenir deux secondes sur mon précédent post, ma bonne impression sur le single de Zazie se confirme sur l'album également nommé Cyclo, le meilleur de la dame depuis... Disons son meilleur tout court. Voilà : deux secondes. Et pas plus, et même si l'album est top, parce qu'il faut passer au reste. Le printemps est là. Non, pas au dessus de nos têtes mais dans les bacs. Va falloir d'ailleurs penser sérieusement à changer d'expression parce que les bacs des disquaires, eux mêmes, ont disparu. Alors que dit-on des nouveaux albums ? Qu'ils sont dans les tuyaux ? C'est moins joli comme image. En tout cas, c'est l'encombrement comme chaque année à cette même période pour le meilleur et pour le pire. Je ne veux pas, par là, parler (allitération même pas faite exprès) de la qualité des albums mais du fait qu'ils sont si nombreux à sortir ces jours-ci que, forcément, il y aura des cadavres sur le champ de bataille : des anonymes qui le resteront, parce que même s'ils auront bien fait leur boulot, ils n'auront pas cette curieuse lettre de recommandation qu'on demande de nos jours : le buzz. Buzz, qui tel le personnage du même nom dans Toy Story, ne dure que le temps d'un éclair mais bon... Les éclairs aussi peuvent s'avérer foudroyants. Bref, tout ça pour dire que les albums de Zazie donc mais aussi Woodkid, John Grant, Daughter, Night Works, Napoleon, Bastille (oui, on est très porté sur l'histoire de France, côté pseudo en Grande Bretagne en ce moment), Youth Lagoon, Kavinsky, Albin de la Simone, Johnny Marr se sont disputés les faveurs de mes oreilles ces derniers jours. Finalement heureusement que parmi tout ça se trouvent de réelles déceptions, des albums qu'on range dès le premier jour : ce sera ça de moins à devoir intégrer dans son disque dur, au propre comme au figuré, genre l'album d'Atoms For Peace, le "supergroupe" de Thom Yorke, le chanteur de Radiohead, autour de Flea, le bassiste des Red Hot Chili Peppers, et du producteur Nigel Godrich, que, perso, je ne trouve pas super du tout, ou alors super prise de tête (voir ici). Je pourrais vous livrer ça tel quel, ce que je suis d'ailleurs en train de faire, mais préfère, comme d'habitude donner un peu de cohérence à l'ensemble. De toutes façons, il me faudra un peu de temps pour assimiler tout ça, trouver des mots à mettre sur les sons, et trouver les sons tout court, tant ces morceaux, qui viennent de paraître, ne sont pas forcément tous présents sur mes sources en illustrations (Soundcloud, Youtube, Daily Motion...).
Mais, si comme les chroniqueurs de mode, il me fallait donner une tendance à la saison qui s'annonce, je dirais qu'on y voit les choses en grand, panorama, façon cinéma. D'ailleurs, avant toute chose, c'est de cinéma que j'ai envie de parler car, même s'il n'a, pour l'instant, composé qu'une bande originale de film (pour Another Happy Day en 2011), il est clair que la musique d'Olafur Arnalds appelle les images et donc le grand écran. Olafur Arnalds, comme son nom l'indique et l'indiquerait encore mieux si j'arrivais à mettre un accent sur le O, est islandais. Il a même acquis dans son pays, nous indique cette fois sa note biographique Wikipedia, une renommée comparable à celle de ses compatriotes Björk et Sigùr Ros avec lesquels il a tourné il y a cinq ans. Mais comment en arrivais-je à Olafur ? Car, comme vous le savez, ou ne le savez pas, ce qui, en la matière, revient au même, Olafur Arnalds n'a pas créé (encore, du moins, et à ma connaissance) le buzz. Eh bien, il se trouve que, mon attrait vers les musiques du nord de l'Europe aidant forcément, ma curiosité a été plus que titillée par un type qui s'appelle Olafur. Rajoutez à ça une pochette immaculée où apparaît, comme dans les nuages, la silhouette en gris dudit Olafur et le titre de son album, For now I am winter, et il fallait que j'écoute au moins un titre pour en avoir le coeur net. Un titre plus tard, il me fallait tout l'album de la même façon qu'un album plus tard, il me fallait tout ce qu'avait pu enregistrer Olafur Arnalds jusqu'à présent. Je ne sais d'ailleurs plus quel est le titre qui m'a persuadé de prolonger ma ballade en For now I am winter tant tous les morceaux de cet album sont absolument fantastiques. Prenons Only the winds qui représente assez bien l'album.



Le piano prédomine, accompagné d'un quatuor de cordes, dont les mouvements sont amplifiés parfois par un grand orchestre, le tout enjolivé de délicates enluminures électroniques. Vous trouverez tout ça expliqué dans la vidéo qu'Olafur Arnalds a fait pour expliquer la petite application qu'on trouve sur son site et qui permet précisément de décortiquer ce morceau ; allez y, mettez les boutons sur on et off, privilégiez des pistes, c'est plutôt rigolo. Arnalds n'est pas chanteur mais musicien. Sur certains titres de l'album, un chanteur, Arnor Dan, prête sa voix. Sûr qu'au prochain album, s'il le souhaite, Olafur Arnalds pourra débaucher tous les chanteurs qu'il voudra. Un peu à la façon de Craig Armstrong. D'ailleurs, clairement, c'est à Craig Armstrong que m'a fait penser Olafur Arnalds : même façon d'alterner instrumentaux et chansons, même façon mélancolique d'user et abuser des cordes et du piano pour produire une grande émotion, même façon d'y ajouter une bonne pincée d'électronique. Rappel aux ignares : c'est à Craig Armstrong que Massive Attack avait fait appel pour les arrangements de cordes sur l'album Protection, Armstrong allant même jusqu'à cosigner deux morceaux dont le Weather Storm dont il livra sa propre version plus tard sur son premier album signé par le label de, bouclons la boucle, Massive Attack.



Oui, un grand orchestre, tout de suite, ça en jette. Forcément, le nombre aidant, le morceau rentre dans une autre dimension. Plus ample. C'est finalement ce même genre d'emphase, pourrait-on dire, auquel aspire Woodkid, la sensation du moment. En matière de buzz, on a d'ailleurs droit à un champion : deux singles et son nom est sur toutes les lèvres avant la sortie, aujourd'hui, de son album qui donnait lieu ce matin à une journée spéciale sur France Inter où, en plus d'être l'invité de l'émission de Pascale Clark, Woodkid avait "rhabillé" toute l'antenne en créant des jingles spéciaux. Je ne dis pas que le monsieur n'a pas de talent. Au contraire, j'ai été, comme d'autres, totalement subjugué par la beauté de son titre inaugural, Iron, sorti il y a deux ans maintenant, que ce soit le son ou l'image, puisqu'il est également le metteur en image de son clip.



C'est d'ailleurs aussi parce qu'il met en scène les clips de la très hype Lana Del Rey que cette même hype a rejailli sur lui. Ce qui en fait un artiste total (il dessine aussi les pochettes de ses disques), ce qui va très bien à l'époque, mais représente quand même un gros changement quand on pense qu'on aime pas trop, ou du moins qu'on aimait pas trop, en France en tout cas, mélanger les casquettes, ce dont plus d'un acteur(/trice) chanteur(/euse) peut attester. Donc, soit : Woodkid a du talent à revendre et mérite tout le bruit qu'il y a autour de lui (l'album est hautement recommandable). Mais dans ce bruit, pourquoi n'ai-je pas entendu une voix pour dire qu'on avait déjà eu, en France, quelqu'un qui lui aussi aimait utiliser force cordes et trompettes avec autant de classe ? Sans doute parce que c'est moins hype d'oser déclarer sa flamme à William Sheller. Or, si l'on écoute Excalibur par exemple, l'air de famille m'apparaît clairement. Mais peut-être n'est-ce que moi ?



Je ne voulais surtout pas finir sur ce morceau de Sheller parce que, même si je le trouve très réussi, je peux comprendre qu'on puisse le trouver "too much". Comme trop de cordes, trop d'orchestrations, trop d'emphase, bref, trop de tout. Or William Sheller n'est jamais meilleur (souvenez-vous d'Un homme heureux) que lorsqu'il est seul au piano. Et c'est précisément ce qu'il partage avec tous les artistes de cette page. Craig Armstrong a beau être un orchestrateur et arrangeur de cordes génial, il a livré ses dernières mélodies au piano. Enlevez les cordes et les arrangements d'Olafur Arnalds et les mélodies restent magnifiques accompagnées du seul piano. Même Woodkid n'a pas besoin de tout ça puisqu'avec une seule guitare, sur Brooklyn, il sait se montrer très touchant. Tout ces artistes, me semble-t-il, partagent un même talent. Immense. Aussi n'y a-t-il pas de mal, pour eux, à voir les choses en grand. Même si, comme sur son fort bien nommé album Epures en 2004, Sheller montrait qu'il n'est pas toujours la peine d'en rajouter.

mercredi 13 mars 2013

Une fille qui chante à la radio

Je ne sais pas pourquoi j'admire tant d'artistes féminines. Ou bien si. Pour plusieurs raisons. Les femmes ont été trop longtemps absentes de la musique, et des arts en général, pour que dès que parvienne leur sensibilité féminine, on soit, pour qui est à la recherche de nouveauté, subjugué ; ça rejoint plus ou moins ce que j'avais écrit lors de mon dernier post. Ensuite, je ne pense pas qu'être élevé parmi des femmes comme ce fut mon cas, entre trois sœurs et ma mère, ne laisse pas de trace. Enfin, puisque l'on parle de mère, peut-être le chant d'une femme rappelle-t-il à mon inconscient celui de ma mère, enfant, voire avant. Pour toutes ces raisons là, quand une femme s'attaque à un registre aussi balisée que la variété, j'attends d'elle quelque chose d'original, une nouvelle voie. Et pour tout ça, je suis un grand fan de Zazie. Je n'apprécie pas tout son répertoire, mais toujours, en tout cas, cette façon qu'elle a de chercher autre chose, un truc moins commun que ses pairs masculins, ou, tout du moins, différent. Cette démarche, cette recherche là, souvent plus que ses fruits, me passionne. Même à ses tout débuts, quand sa silhouette d'artiste était encore mal dessinée, elle était allée enregistrer son premier album dans les studios Real World, de son idole, Peter Gabriel. Et même si le résultat est encore très approximatif, on peut lui reconnaître l'audace d'un single comme Je, tu, ils.


Zazie - Je tu ils par val6210

Mais Zazie s'est réellement fait une place et une identité dans la variété française via son deuxième album, Zen. Comme tout le monde, ou, comme beaucoup de monde, c'est Larsen qui m'a amené à l'album, que je trouve une chanson pop parfaite. Mais l'album comporte bien d'autres perles. Des choses peut-être plus intimes, plus fragiles et donc, paradoxalement, plus fortes. Les moutons qui venait conclure l'album en forme de morceau caché est à mon sens l'un des rares exemples réussis de rencontre entre l'ambient et la chanson française. J'envoie valser est une chanson pleine de grâce et je suis d'ailleurs assez bluffé par le sort qui lui fut réservé puisque, même si elle n'est jamais sortie en single, elle est systématiquement reprise dans tous les télécrochets par des aspirants à la gloire. Allez faire un tour sur Youtube et voyez le nombre de covers de cette chanson, c'est assez bluffant. Un standard en somme. Je t'aime mais est un joli hommage à Gainsbourg même si son plus bel hommage en la matière sera la chanson qu'elle écrivit plus tard pour Jane Birkin, C'est comme ça. Mais somme toute, Zazie n'est jamais plus touchante que sur La la la enregistrée, comme marqué sur le livret du disque, en une prise dans sa cuisine, d'où ce son un peu cracra avec des plops sur les P, mais qu'importe quand l'émotion est là.



C'est d'ailleurs à cette émotion qu'elle sait véhiculer que je me suis rattaché quand ses compositions ne me convenaient plus, comme sur les albums suivants, Made in live et La zizanie, et leurs guitares un peu trop présentes à mon goût. Car, c'est là un des points forts de Zazie, il y a toujours, sur ses albums, une chanson qui va emporter mon adhésion. En l'occurrence, c'était, pour le premier, Chanson d'ami, et, sur le second, Sur toi, deux chansons qui savent toujours m'émouvoir ; une histoire d'accord mineur sans doute, même si je ne suis pas assez musicien pour pouvoir me prononcer de manière certaine. C'est ce type de chanson, plus ou moins mélancolique, qui ancrent définitivement ses disques dans ma collection et, allais je dire de manière un peu emphatique, dans mon coeur ; des chansons comme Slow, J'arrive, Je vous aime ou Ca.


Zazie l'Amour "ça" ne s'oublie pas, c'est fort... par alizoh8

Pour en revenir à Youtube, en faisant les recherches sur ce post, j'ai trouvé une flopée, à chaque fois, de reprises amateurs de chaque chanson de Zazie. Pour deux raisons me semble-t-il. D'abord parce que je ne suis pas le seul à être touché par ses chansons. Mais aussi parce qu'elle paraissent, comme leur interprète, accessibles. Comme si c'était facile de chanter du Zazie, ce que je ne démens pas puisque moi même, je chante à tue tête sur ses chansons. Mais cette facilité apparente ne doit pas cacher la complexité que Zazie cherche à apporter à ses chansons, via des arrangements plus subtils que dans la plupart de la variétoche grand public qui passe généralement à la radio. Pour l'album Rodéo, elle est par exemple aller chercher Philippe Paradis, dont les claviers venaient d'illuminer les deux derniers albums de Christophe encensés par la critique. C'est d'ailleurs resté son compagnon, ce qui pourrait paraître accessoire et purement people, mais donne la direction à son travail depuis. Elle est toujours à la recherche et pas dans la seule redite de ce qu'elle a déjà pu faire. C'est ce qui la différencie, par exemple, de Pascal Obispo auquel on l'a beaucoup associée au début, précisément parce qu'elle s'y était associée au début de sa carrière puis par la suite, via le single Mes meilleurs ennemis. Mais si l'un comme l'autre ont amené, au début des 90's, un petit vent frais, seule Zazie a su conserver la fraîcheur de sa production. Parce qu'elle a toujours cherché, parce qu'elle cherche toujours. Quitte à se planter comme pour le projet Za7ie ou elle avait conçu sept titres sur sept thématiques pour chacun des sept jours de la semaine, ce qui est bien plus que ne peut supporter un auditeur et qui n'est surtout pas digne d'une artiste qui se doit, précisément, de faire le tri entre des morceaux qui auraient du rester des maquettes et d'autres qu'il s'agissait d'aboutir. Résultat : un gros gloubiboulga. Mais ça donne aussi de belles réussites même si ce ne sont pas celles qui font les plus gros succès ; je trouve curieux par exemple que Je suis un homme, plutôt fade à mon goût, ait été un si gros tube, alors que FM Air fut un flop retentissant, quand bien même cette chanson, bourrée de clin d'oeil à son répertoire (c'était la chanson inédite de son best of), était autrement plus réussie et culottée. Il y a notamment ce break à 2'20 que je trouve toujours sublime avec ces étranges sonorités de claviers. Oui, des sonorités étranges de claviers, on en a déjà entendues, et des plus téméraires, ailleurs, mais là, encore une fois, c'est au beau milieu d'une chanson de variété, un truc, comme le dit le titre, qui passe à la radio. Et c'est quand même bien plus gonflé (trop sans doute, à en juger par le succès du titre) que ce que font les autres, au milieu desquels elle évolue.


Zazie - Fm Air (HQ) par wonderful-life1989

L'annonce de son nouvel album m'a fait plaisir, non seulement parce que j'ai de la tendresse pour le personnage et, donc, certaines de ses chansons, mais aussi, mais surtout, parce que c'est la même démarche qui l'attire : chercher, toujours et encore, pour rendre sa musique unique dans le contexte dans lequel elle évolue. Pour faire entendre une voix féminine originale au sein d'une varièt' encore trop souvent (comme tout le reste) dominé par les mâles, de sa voix qu'elle a, et c'est très joli, de plus en plus voilée (la clope, j'imagine). Comme d'habitude, ce ne sera pas toujours très réussi (le premier single, Les contraires, ne m'a fait ni chaud ni froid) mais ça paiera quand ce le sera, comme sur Cyclo, titre de l'album à venir, et, en attendant, titre de cette chanson qui ne cesse de tourner en boucle, ici, depuis que je l'ai découverte.

samedi 9 mars 2013

Des nouvelles des étoiles

J'ai hésité un temps à lier trois titres qui me sont passés entre les oreilles et devant les yeux ces derniers jours. Simplement parce qu'ils étaient en français. Ca fait finalement un point commun assez minime, ce qui m'a finalement décidé à écrire sur chacun des trois dans les jours à venir. Pour être clair, si j'écrivais que j'allais relier ici trois titres simplement parce qu'ils sont tous chantés en anglais, on trouverait ça stupide et on aurait raison. Toutefois, au delà de leur différence, le fait qu'ils soient tous trois chantés en français n'est pas anodin et ce, bien au-delà du sens de leurs textes. Le fait que ces chansons soient chantées dans ma langue maternelle va faire que je retienne plus ces chansons que d'autres, de la même façon qu'il m'est bien plus facile de retenir une chanson en anglais qu'un instrumental. Les mots, quelque soient leur sens, et même s'ils n'en n'ont pas, sont autant d'aspérités auxquelles la mémoire va pouvoir s'accrocher. D'où donc, cette première impulsion de relier ces chansons entre elles. Seulement voilà, la première d'entre elle, notamment, est un gros morceau qui, posté lundi sur le Net, affiche déjà plus de 100 000 visionnages à l'heure où j'écris, bien plus sans doute, quand vous me lirez. Preuve que ça ne laisse pas grand monde indifférent. Et d'ailleurs, c'est le propre de l'artiste. Car l'artiste en question est une star et que la génétique d'une star comprend que vous ne laissiez personne indifférent : on aime ou on déteste mais on a tous un avis. Voilà pourquoi, entre autres, Vanessa Paradis est une star. Or, voici qu'en avant goût de son album à paraître en mai, débarque sur la toile Love song, première chanson que l'on doit à son association à Benjamin Biolay.



Pour que vous compreniez bien ce qui va suivre, je trouve cette chanson très réussie et bien au dessus de la plupart des compositions du dernier album de Biolay. Ceci étant dit, cette chanson, peut-être à cause de la journée de la femme, allez savoir, me pose un problème. Parce que passée la première (très, très bonne, je le répète) impression en surgit une seconde où j'ai l'impression de voir un mec, en l'occurrence Biolay, non pas servir mais bien plus SE servir d'une très belle nana, Paradis donc, et la cantonner à un rôle de sensuelle tentatrice. Un peu comme un mec inviterait une strip teaseuse à venir se déhancher devant lui contre un billet. J'imagine que c'est inhérent au rapport muse/mentor quand la première est féminine et le second, masculin. Ca m'a rappelé (la même petite guitare funky, le côté dance appuyé, la voix qu'on fait langoureusement traîner) Je danse, la petite friandise pop qu'avait signé Siméo pour Jenifer ou La fidélité que le même Biolay avait produit pour Elodie Frégé.



Pour parler crument, mais aussi pour évoquer le côté féline des interprètes, ce sont des chansons qui sentent la chatte. Or, si réduire Jenifer ou Elodie Frégé à ce rôle ne me pose aucun problème, il n'en va pas de même avec Vanessa Paradis. Bien sûr, la sensualité est une part essentielle du personnage. Mais pas que. Et à vrai dire, j'aurais préféré que Biolay écrive en se mettant à la place de Paradis plutôt que d'être, ici, comme un marionnettiste, certes inspiré, faisant bouger une poupée sexy. Ce single est un point de vue éminemment masculin porté sur une femme. Ben c'est logique, c'est un mec, Biolay, si je ne me trompe pas. Oui, mais quand, pour reprendre le rapport muse/mentor, Gainsbourg écrit pour Isabelle Adjani Le mal intérieur, on a plus l'impression qu'il laisse parler sa part féminine, qu'il écrit comme une femme des paroles qu'elle peut vraiment s'approprier et ressentir, ce qui n'empêche pas la chanson de dégager quand même une très grande sensualité.



Pour revenir à Vanessa Paradis et rester sur Gainsbourg, j'ai l'impression qu'un texte comme Vague à l'âme en dit plus sur la vie de l'adolescente qu'alors elle était que Love song sur la femme qu'elle est aujourd'hui. Sans compter que c'est une de mes chansons préférées de Vanessa Paradis.



Le problème, pour Vanessa, c'est qu'il a toujours fallu passer par l'entremise d'hommes pour s'exprimer, depuis Etienne Roda Gil jusqu'à Biolay, en passant par Lenny Kravitz ou M. Ce qui fait qu'on peut avoir du mal à entendre sa voix. Pour qu'elle est précisément voix au chapitre, il faut donc que le compositeur pense non à la femme, mais tout simplement pense femme, si vous voyez ce que je veux dire ; il ne s'agit pas d'exprimer le désir qu'on a pour la femme mais d'exprimer ce que femme désire en d'autres mots. Il faut qu'on oublie l'intermédiaire, que Paradis ne soit pas l'objet de fantasme, mais nous confie les siens. C'est plus intéressant. Et n'allez pas croire pour autant qu'il faille en passer par une ballade déchirante ou bluesy pour aborder les états d'âme féminins ; ainsi, sur le même registre très sexué (Je sais qu'c'est toi / Tu sais qu'c'est moi) et même si on peut la trouver, c'est mon cas, moins bonne que Love song, je trouve Dès qu'j'te vois bien plus maline dans sa façon d'allumer.



C'est aussi le propre des stars d'y plaquer ses propres fantasmes. Donc j'imagine qu'il est quelque peu logique que Biolay exprime sa vision de la star plutôt que ce que la femme a à dire. Et puis, ce n'est qu'une chanson et le reste de l'album m'apportera peut-être ce léger truc que je pourrais lui reprocher. Et encore : c'est non seulement léger mais ce n'est aussi même pas un reproche puisqu'encore une fois, je trouve ça très, très bien. C'est juste mon côté féministe qui ressort ; on ne grandit pas au milieu de cinq femmes/filles sans penser qu'elles n'ont rien à dire. Et puis je me montre sans doute plus exigeant, façon qui aime bien chatie bien. Vanessa Paradis est quand même la star de ma génération. Je me souviens l'avoir vu en concert vers 1995 dans l'une de ses premières tournées. Pas du tout habituée à la scène, elle ne bougeait pas, ou peu, et ânonnait des phrases qu'on pressentait les mêmes de date en date. Et pourtant on avait d'yeux que pour elle, on en redemandait, l'émotion, dans la salle, était palpable. L'aura des stars. Il n'y en a qu'une qui peut rivaliser dans cette génération en étant  un peu, à l'ombre, ce que Paradis est à la lumière : Charlotte Gainsbourg. Ca me fait penser à Cora Vaucaire et Juliette Greco dans les années 50, l'une ayant été appelée la dame blanche quand l'autre était surnommée la dame noire. Comme les deux faces d'une même médaille, les deux côtés d'une même planète, et, par là, d'une même étoile, partageant ce même pouvoir d'exercer au cinéma et dans la chanson la même fascination. Et ce même si la filmographie de Paradis est nettement moins réussie que celle de Gainsbourg. Mais c'est précisément ça qui fait d'elle une star : qu'on puisse oublier tous ses nanars, tous ses échecs, la laissant toujours briller au firmament. On pourrait penser que, parce qu'elle est une star, parce qu'on s'arrache son intimité dans des journaux trash, on attend qu'elle se livre d'avantage. Or, elle l'a déjà fait en parlant de ses enfants, de la maternité, sans doute parmi les choses qui comptent les plus pour elle, à travers ses chansons parmi les plus réussies. Ecrites et composées par elle. Le problème dans cette histoire, c'est que c'est précisément dans ces moments qu'on l'a le moins écoutée. A la rigueur se souvient-on de Jackadi en clôture de l'album Divinidylle mais qui se souvient de Saint Germain, sur le boudé Bliss ? Or c'est là où l'artiste, et là, précisément, je ne dis plus star, est la plus intéressante. Mais la star n'est-elle pas précisément la projection de nos fantasmes (sexuels ou pas) ? Love song, c'est Biolay fantasmant sur Paradis et elle s'y livre de bonne grâce, tant, par l'occasion, elle continue d'écrire sa légende. Mais pour l'artiste, la femme, pour Vanessa, mieux vaut, me semble-t-il, passer par St Germain.


Vanessa & Johnny - St Germain par mimie75

jeudi 7 mars 2013

Beau, oui, comme d'autres

LACHEZ MOI AVEC BOWIE !!! C'est assez clair en capitales ou il faut que je le mette en gras ? Bon, j'aurais pu mettre "lâchez nous" mais j'ai tellement l'impression d'être seul sur ce coup que bon... Remarquez, je pourrais créer un groupe sur Facebook juste pour voir. Et pourquoi, toi, tu le lâches pas, me diront certains, s'interrogeant sur ce qui me fait revenir sur un sujet que j'ai déjà traité ici. Eh bien, tout me fait revenir à lui, c'est bien là le problème. Depuis la radio que j'allume le matin à la télévision, le soir, en passant par le Web et à peu près tous les journaux que j'ouvre. Et parce qu'on se définit aussi bien par ses goûts que ses dégoûts, je me dois de revenir sur le pourquoi du j'aime pas. Déjà, plus on en parle, moins, en ce qui me concerne, j'en ai envie. C'est peut-être snob mais c'est comme ça ; ma première réaction, quand tout le monde y va, c'est j'y vais pas. Je parle d'aller car c'est souvent pour les films que ça m'arrive. Or, quand on y pense, c'est une réaction assez débile : vais-je ne pas avoir envie de quelque chose parce que tout le monde a la même envie ? Et donc vais-je bouder une gâterie juste parce qu'elle va gâter tout le monde ? Non, je vous le dis, c'est idiot. C'est idiot mais c'est comme ça et quand tout le monde ira faire la fête au salon, je préfèrerais aller bouder seul dans ma chambre ; on ne change pas. Ou plutôt on a du mal à changer. C'est dommage car c'est sans doute comme ça que je passe à côté de plein de choses. Or dans un louable effort de changer ce déplorable comportement, de lutter contre cette pusillanimité, je me suis dit que j'allais écouter cet album de Bowie. Parce que c'est bien beau de rejeter la chose sur la foi d'un single : l'album comporte quand même treize autres titres. Comme on dit aux enfants, tu ne peux pas dire que c'est mauvais avant d'y avoir goûté, j'ai donc écouté l'album en écoute gratos ces jours ci sur Itunes. Enfin, mieux que les enfants puisque j'ai fait un grand travail sur moi même pour être le plus réceptif possible et ne pas faire la grimace avant même d'en avoir entendu une cuillerée. Ce pouvait être positif ; après tout, longtemps, je n'ai pas aimé le fromage et faisait des moues dégoûtées quand ma sœur m'en approchait un bout sous le nez. Et puis à vingt-cinq ans, parce que j'étais en Franche Comté, parce que j'avais mesuré que la vie était courte, je me suis dit que c'était bien con de ne pas essayer le fromage. Le vrai, pas le Kiri que j'aimais beaucoup quand j'étais petit. Et je me suis mis à aimer le fromage. Simplement parce que c'est bon et que je n'y étais pas, comme je le pensais, allergique. Le dernier Bowie est-il donc aussi bon qu'un Comté affiné vingt quatre mois ? Non, mais en revanche, son écoute m'a elle bien paru durer vingt quatre mois, au point que j'en étais à regretter le Bowie de... Blue jeans. Oui, je sais, c'est assez pathétique. Un peu comme l'album somme toute. Allez, on va dire que j'ai eu un léger sursaut à la quatorzième et ultime (merci mon Dieu : ils n'ont pas mis les morceaux bonus en écoute sur Itunes) chanson, Heat, où il y a un truc, un climat, une ambiance qui manque cruellement au reste de l'album. Ou qui ME manque cruellement. Le reste, ça pue les seventies, le glam rock, les guitares devant, la voix qui hurle... Et c'est là que je me suis dit que, finalement, je n'aurais peut-être pas du écouter cet album. C'est bien de faire des essais, de tester des choses nouvelles, tout ça, tout ça, mais vient un moment dans la vie où vous commencez quand même à vous connaître assez bien pour savoir assez vite ce qui va ou non vous plaire. Et peu importe que telles des Anna Wintour de la mode décidant de la tenue de rigueur, les Cassandre du rock aient décrété que LE basique de votre discothèque cette saison serait le dernier Bowie ; après tout si l'on vous inflige le jean, alors que vous savez bien que vous n'êtes fait que pour le costume, faut-il vraiment acheter le jean ? Non. Il faudrait pour ça, en avoir envie. Qu'on me donne l'envie, l'envie d'avoir envie, disait le grand penseur, Johnny Hallyday. Et, bien que souvent en désaccord, non, toujours en désaccord avec ce philosophe, je ne dirais pas mieux en telle circonstance. A côté de ça, j'ai pris un pied incroyable aujourd'hui en écoutant Hit the waves, le nouvel album des Suédois de The Mary Onettes. Sur lequel je me suis précipité car j'en avais envie. Ca pue les eighties, la new wave, les claviers étouffés, les voix fragiles... Et c'est pour tout ça que j'adore ça.



J'imagine déjà la réaction de certains se disant mais comment peut-il comparer des mecs qui font une musique, disons, comparable à celle de China Crisis à l'immense, le gigantesque, l'incroyable Bowie ?  D'abord les mecs, vous faites flipper. Ces temps-ci, y a deux personnes dont on parle à peu près autant : le pape et David Bowie. C'est pas un peu la même chose d'être fan de Bowie ? De suivre un culte qui fait que quoi qu'il fasse, quoiqu'il dise, on l'idolâtre ? Et puis ils ont, tous les deux, ce côté un peu surnaturel, alien, au-dessus des hommes. Eh bien moi, j'aime mieux me tourner vers de jeunes gens sensibles, me trouver au milieu d'eux. Et oui, qui font comme China Crisis. Justement d'ailleurs. Qu'est ce que j'ai pu écouter l'album Working with fire and steel ! Et même si l'album a un peu vieilli et que Here comes the raincloud paraitra plus gnangnan à certains que n'importe quel morceau du dernier Bowie, je m'en contrefous : cette musique me parle. C'est du Kiri, d'accord, mais je vous laisse le plateau de fromages qui puent.



C'est marrant parce que ça faisait une éternité quand même que je n'avais pas écouté China Crisis. Mais ce matin, en écoutant The Mary Onettes, qui n'en finissent plus de reproduire à la perfection le son que j'ai aimé dans les années 80, le groupe et cet album en particulier m'est tout de suite revenu en mémoire. Il y a en plus des titres de chansons SO eighties sur l'album de The Mary Onettes comme Don't you forget (to forget about me). On pourrait mettre "sic" derrière mais moi, je l'accompagnerais d'un grand soupir de satisfaction (d'autant que ce morceau reprend le motif du morceau qui le précède pour en faire quelque chose d'autre de manière éblouissante). Je rappelle à ceux qui ne s'en souviendraient pas que The Mary Onettes sont suédois (resoupir de satisfaction). Et du coup, actualité oblige, la sortie de leur album se télescope avec une autre sortie suédoise d'un groupe porté sur le son des eighties : The Embassy. J'ai découvert The Embassy il y a quelques années à l'époque où je lisais le mensuel Magic qui avait fait de leur précédent album, Tacking, leur disque du mois. C'est curieux car en relisant l'article, Magic parle de l'album de l'été 2007 alors qu'il était sorti en 2005 : l'album était-il arrivé deux ans plus tard en France ? Toujours est-il que c'est bien huit ans après cet essai (quelque peu) remarqué que débarque Sweet sensation, le nouvel album de The Embassy. Et c'est comme si rien ne s'était passé, comme si le groupe ne nous avait pas quitté il y a huit ans mais hier, donnant une suite dans la parfaite continuité de Tacking. Ce qui pourrait apparaître comme gênant, interpréter comme une stagnation ne me dérange absolument pas. Parce que leur musique est juste hédoniste : pas de grande ambition chez The Embassy, pas de dessein artistique monumental. Juste l'envie de se, de nous faire plaisir. Et en ce qui me concerne, ça fonctionne très bien comme sur Related artist, le premier single extrait de l'album.



The Embassy a beau partager avec Bowie un retour sans tambour ni trompettes des années après leur dernière apparition, on ne parle(ra sans doute) pas beaucoup de Sweet Sensation. The Mary Onettes auront au mieux trois lignes par ci par là pour leur album qui sort lundi où on leur reprochera sans doute de sonner comme beaucoup trop de groupes eighties. Mais je pourrais vous parler et surtout écouter ces deux albums pendant des heures. En revanche NE ME DEMANDEZ PLUS CE QUE JE PENSE DU DERNIER BOWIE ! A bon entendeur...

mardi 5 mars 2013

Les passeurs



Je me souviens, la première fois où j'ai entendu le When I Grow Up de First Aid Kit, m'être dit que j'étais passé à côté de Fever Ray. Fever Ray a signé l'original de cette chanson en 2009 sur un album encensé par la Critique et qui finit, cette année là, dans les meilleurs de l'année dans la plupart des classements. Ca avait beau être synthétique, ça avait beau être Suédois, ça ne me parlait pas et j'avais passé mon chemin. Puis est donc venue cette chanson des toutes aussi suédoises mais bien plus portées sur la guitare First Aid Kit et je me suis dit que j'allais refaire un tour du côté de chez (non, pas Swan, fans indécrottables de Dave) Fever Ray. Rien. Toujours rien (bien qu'aujourd'hui, en réécoutant le titre vers lequel vous renvoie le lien plus haut, je me suis dit que l'original m'était quand même moins antipathique que dans mon souvenir). Il n'empêche que cette chanson avait joué son rôle de passeur et aurait pu me transmettre le virus Fever Ray. Dans le même ordre d'idée et dans un registre pas du tout éloigné puisque suédois et acoustique (mais ça ne s'arrête pas là, loin s'en faut), j'avais eu le même genre de réaction peu après avoir découvert le Heartbeats de Jose Gonzalez. Une découverte due à cette publicité incroyable shootée dans les rues de San Francisco pour un téléviseur. Je doute qu'on se souvienne du téléviseur, à moins d'aller jusqu'à la fin du clip, mais on se souvient forcément des images associées à cette voix fragile et cette guitare sèche.



C'est curieux, je me disais que dans ce cas, c'est une publicité qui avait servi de passeur. Ce qui fait que je ne suis pas du tout du genre à en vouloir aux artistes qui se "vendent" à la pub ; à l'heure où il devient de plus en plus compliqué de passer à la radio ou la télé, ceux à qui on le propose auraient bien tort de refuser une telle fenêtre, une telle exposition. Bref. Revenons à José. C'était un moment tellement beau que je l'attribuais immédiatement à José Gonzalez ; j'étais persuadé que la chanson était de lui. Contrairement à First Aid Kit, dont la version du When I Grow Up était systématiquement accompagnée, sur le Web où je l'ai découverte, de la mention "Fever Ray cover". Or qu'appris-je un peu plus tard sur le magnifique Heartbeats ? Que la chanson était une reprise. Là où ça devient aussi rigolo que récurrent, c'est qu'on doit l'original à The Knife, un duo Suédois éminemment respecté (leur album Silent Shout en 2006 a, par exemple, été élu meilleur album de l'année par le site américain Pitchfork) et constitué d'un frère et d'une soeur, soeur qui fit une aventure en solo en 2009 sous le nom de... Fever Ray. Là encore, je me dis que ça valait bien que j'aille explorer le répertoire de The Knife. Et même mésaventure au final : rien, toujours rien. Mais la reprise avait joué son rôle. Je veux dire par là que ce peut être par l'entremise de reprises qu'on peut découvrir un autre artiste. Ainsi je peux dire que j'ai découvert les Beatles grâce... aux Bee Gees. Bon, faut pas m'en vouloir, ni d'ailleurs en vouloir aux Bee Gees puisque l'initiative du catastrophique, rétrospectivement, Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band est à mettre au compte de leur producteur de l'époque. Moi, j'avais neuf, dix ans quand le film est sorti et je ne l'ai pas vu. J'ai en revanche très longuement écouté sa bande originale qu'avait acheté ma soeur ainée. Je me souviens même avoir été un peu déçu en découvrant des années plus tard l'album original dans la mesure où toutes les chansons du film n'y figuraient pas et pour cause : la BO était constituée de chansons piochés dans Sergeant Peppers mais aussi dans d'autres albums des Beatles. C'est ainsi, par exemple, que longtemps, Got to get you into my life, extrait de Revolver, a résonné dans ma tête avec les arrangements d'Earth Wind & Fire qui la reprenaient pour le film.



A vrai dire, ce n'est pas loin de là, la pire des reprises qu'on trouve sur cet album. Mais il est clair qu'aujourd'hui, aucune des reprises de cet album ne tient la comparaison avec les originaux. Quoiqu'il en soit, les Bee Gees (ou, en l'occurrence, Earth Wind & Fire) avaient su passer le relais et ont permis d'agrandir mon panorama musical. Bien sûr, j'aurais sans doute découvert les Beatles autrement et sans eux. Mais dans les faits, voilà comment ça s'est passé. Ce n'est pas tout à fait la même chose qu'il s'est passé grosso modo une décennie plus tard quand j'ai découvert l'album Jacques de Marc Almond. Le chanteur de Soft Cell y déclarait son amour du répertoire de Brel le temps d'une douzaine de reprises à une époque où il était encore inspiré. Je connaissais bien sûr Brel dont ma mère était fan ; elle m'a bien assez raconté sa rencontre d'une heure avec Brel dans sa loge à l'issue d'un de ses concerts pour que l'anecdote figure en bonne position dans la mythologie familiale. Mais, et peut-être à cause de cela, Brel, ce n'était pas ma musique. Entendons-nous bien : ce n'est pas que je détestais ses chansons. Simplement, elles ne m'appartenaient pas comme m'appartenaient, par exemple, les chansons de Marc Almond ou Soft Cell. La bonne idée d'Almond, c'est d'avoir repris des chansons relativement méconnues. Et c'est donc à travers lui que j'ai découvert pour la première fois L'éclusier devenu The lockman.



D'un coup, c'est comme si Marc Almond lui même me disait que c'était cool d'apprécier Jacques Brel, qu'il n'y avait aucune raison pour que je n'aime pas, aussi, Jacques Brel. Et je pense à tous ceux, anglais, qui connaissaient forcément bien plus mal que moi Brel et qui ont ainsi pu le découvrir. Et s'enrichir. La reprise peut être une porte d'entrée ; libre à vous d'ouvrir la porte ou de la refermer. Et si les fans du confidentiel CFCF, artiste recommandable d'habitude porté sur l'électro, peuvent découvrir, à travers sa reprise au piano de September, la toute aussi belle version originale signée David Sylvian, et, au delà, l'album magnifique dont il est extrait, Secrets of the beehive, voire tout le répertoire de Sylvian, vous m'en verrez ravi. Faire passer le passé est en l'occurrence un très beau présent.