mercredi 27 mars 2013

You and me both

Il y a un morceau sur le premier album de Team Ghost qui s'appelle Things are sometimes tragic. De manière assez ironique, je trouve que c'est là que l'album, Rituals, prend vraiment son envol. C'est pas que ce soit à ce moment que les choses deviennent, comme l'indique le titre, tragic, mais c'est alors que, littéralement, la musique s'envole, gagne en espace, devient littéralement planante, très proche, dans l'esprit et le son, du meilleur de M83. L'ironie dans tout ça ? C'est que c'est Nicolas Fromageau, qui fut durant deux albums, la moitié de M83, qui a fondé Team Ghost. Or, c'est au M83 d'aujourd'hui plus qu'à celui qui débuta, sous la forme d'un duo donc, en 2001, que ressemble la présente formation de Nicolas Fromageau quand elle est, à mon goût, à son meilleur comme sur ce Things are sometimes tragic et, grosso modo, sur la moitié de l'album. J'imagine que, sur l'autre partie, un peu plus furieuse, sauvage et foutraque, Team Ghost a voulu montrer qu'ils étaient un vrai groupe de rock. Capables de jouer en live comme je les ai entendus, hier, sur France Inter. C'est d'ailleurs assez drôle car l'invité de l'émission, le sympathique, au demeurant, François Berléand, amené à se prononcer sur la performance du groupe, dit qu'il aimait ça, parce que c'était du rock et pas de la techno, qu'il détestait. Or la musique de Team Ghost doit bien plus aux musiques électroniques qu'au rock'n'roll, comme on peut l'entendre même sur Dead film stars, pas forcément le meilleur morceau mais un de ceux disponibles sur le Net puisque sorti en single.



D'ailleurs c'est peut-être parce que, dans ces moments là, Team Ghost ressemble moins à M83 (mais moins ne veut pas dire pas du tout) que ces titres là sortent en single. Pourtant, d'une certaine manière, Nicolas Fromageau pourrait tout aussi bien revendiquer la paternité du son puisque le premier album du duo d'alors, sorti très confidentiellement en 2001, portait déjà en jachère tout ce qui allait faire la marque M83 : des morceaux qui doivent autant au shoegaze qu'à l'electro, planants, mystérieux et capable aussi d'une subite euphorie capable de vous mettre en transe. Je me souviens très bien par exemple avoir écouté en boucle Sitting qui est d'ailleurs et pas du tout bizarrement le seul titre du premier album que reprenait en live M83 quand je les ai vus en concert l'an dernier.



Mais si les deux premiers albums réalisés en commun (M83 puis Dead Cities, Red Seas & Lost Ghost) m'ont plu, ce n'est précisément que lorsque M83 est devenu le seul jouet d'Anthony Gonzalez que ma passion pour le groupe a débuté. Soit avec l'album Before the dawn heals us qui reprenait tout ce que j'aimais chez eux avant mais poussait largement le bouchon plus loin, agrandissait son panorama. Comme si la petite graine que j'avais chéri donnait enfin de vraies fleurs. Je ne sais plus exactement quand Anthony Gonzalez a quitté la France pour s'installer à Los Angeles. J'aime à penser que c'est précisément au moment de cet album qui voyait les choses en beaucoup plus grand. Surtout, contrairement aux deux premiers albums, M83 faisait appel à des vocalistes. Enfin c'est ce que j'ai longtemps cru en écoutant Don't save us from the flames.



En fait de vocaliste, Anthony Gonzalez avait seulement donné de la voix. Sa voix. Car c'est lui qui chante comme je ne m'en apercevrais finalement qu'en allant le voir en live. Est-ce à ce sujet que le duo s'est séparé ? L'emploi de la voix ? Ou bien, plus basiquement, en ont-ils juste eu marre l'un de l'autre après leur première tournée ? Je n'en sais fichtre rien. Je trouve juste étonnant que, des années après, ces deux là, qui s'étaient sans doute bien trouvés, fassent peu ou prou la même musique, avec, comme je le mentionnais et le précise à nouveau un net avantage pour M83 qui, à mon goût, signe un sans faute depuis trois albums, raison pour laquelle je ne choisirais pas, pour illustrer mon penchant un des titres de l'ô combien acclamé (et à juste raison) Hurry up, we're dreaming (j'ai déjà posté il n'y a pas si longtemps Midnight City) mais plutôt l'immense Couleurs de l'album précédent (qui est le morceau que reprenait en rappel le groupe dans un déchainement euphorique - le mien et celui du reste des spectateurs tant c'est l'un des meilleurs groupes live que j'ai vu ces dernières années).



J'en étais là de mes réflexions quand, hier, au Grand Journal de Canal Plus, je vis Depeche Mode (à qui, comme tant d'autres, M83 doit beaucoup) qui venait annoncer leur nouvel album et leur tournée. Je ne reviendrais pas sur les liftings de tous les membres du groupe qui me rappellent le pire d'Indochine mais je regardais avec attention les visages de Dave Gahan et Martin Gore quand l'animatrice leur demandait s'ils se retrouvaient souvent en dehors des tournées et des disques. Jamais, fut leur réponse. Quiconque connaît un peu le groupe connaissait déjà la réponse puisqu'on sait que ces deux là ne s'apprécient que modérément. Ce ne doit pas être évident de chanter les chansons de Martin Gore pour Dave Gahan tout comme ça ne doit pas l'être pour Gore de ne voir ses chansons exister QUE lorsque Gahan les chante. C'est d'autant plus injuste que Martin Gore est un bon chanteur comme on peut l'entendre sur certaines chansons de Depeche Mode comme A question of lust, One Caress et, ma préférée en ce qui le concerne, Home.



Mais, malgré la voix céleste, proche d'un enfant de choeur de Martin Gore, pour le public, rien à faire : Depeche Mode a la voix de Dave Gahan. On sait finalement comment les choses se sont "arrangées" puisque après deux albums en solo de Dave Gahan, le chanteur a été autorisé à, lui aussi, écrire des chansons pour le groupe, toujours minoritaires, mais parfois réussies comme Broken sur l'album qui vient de sortir ou I want it all sur Playing the Angel.



Reste que le vrai génie de Depeche Mode, c'est Martin Gore. Qui n'est rien sans Dave Gahan. Ces deux là doivent faire contre mauvaise fortune bon gré. Pour exister artistiquement, ils doivent faire équipe. L'un ne va pas sans l'autre quand bien même l'un et l'autre ne se vont pas. C'est assez pathétique. Oui, Things are sometimes tragic. D'où le titre de ce post, également titre de cet album de Yazoo, formé par Alison Moyet et Vince Clarke, membre fondateur de... Depeche Mode, titre à l'ironie grinçante qui reflétait l'état d'esprit du duo alors (ils étaient sur le point de se séparer) et qu'illustrait une pochette sur laquelle se mordaient à mort deux dalmatiens (souvenez-vous, j'en avais déjà parlé ici).

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