lundi 18 mars 2013

Les choses en grand

Pour revenir deux secondes sur mon précédent post, ma bonne impression sur le single de Zazie se confirme sur l'album également nommé Cyclo, le meilleur de la dame depuis... Disons son meilleur tout court. Voilà : deux secondes. Et pas plus, et même si l'album est top, parce qu'il faut passer au reste. Le printemps est là. Non, pas au dessus de nos têtes mais dans les bacs. Va falloir d'ailleurs penser sérieusement à changer d'expression parce que les bacs des disquaires, eux mêmes, ont disparu. Alors que dit-on des nouveaux albums ? Qu'ils sont dans les tuyaux ? C'est moins joli comme image. En tout cas, c'est l'encombrement comme chaque année à cette même période pour le meilleur et pour le pire. Je ne veux pas, par là, parler (allitération même pas faite exprès) de la qualité des albums mais du fait qu'ils sont si nombreux à sortir ces jours-ci que, forcément, il y aura des cadavres sur le champ de bataille : des anonymes qui le resteront, parce que même s'ils auront bien fait leur boulot, ils n'auront pas cette curieuse lettre de recommandation qu'on demande de nos jours : le buzz. Buzz, qui tel le personnage du même nom dans Toy Story, ne dure que le temps d'un éclair mais bon... Les éclairs aussi peuvent s'avérer foudroyants. Bref, tout ça pour dire que les albums de Zazie donc mais aussi Woodkid, John Grant, Daughter, Night Works, Napoleon, Bastille (oui, on est très porté sur l'histoire de France, côté pseudo en Grande Bretagne en ce moment), Youth Lagoon, Kavinsky, Albin de la Simone, Johnny Marr se sont disputés les faveurs de mes oreilles ces derniers jours. Finalement heureusement que parmi tout ça se trouvent de réelles déceptions, des albums qu'on range dès le premier jour : ce sera ça de moins à devoir intégrer dans son disque dur, au propre comme au figuré, genre l'album d'Atoms For Peace, le "supergroupe" de Thom Yorke, le chanteur de Radiohead, autour de Flea, le bassiste des Red Hot Chili Peppers, et du producteur Nigel Godrich, que, perso, je ne trouve pas super du tout, ou alors super prise de tête (voir ici). Je pourrais vous livrer ça tel quel, ce que je suis d'ailleurs en train de faire, mais préfère, comme d'habitude donner un peu de cohérence à l'ensemble. De toutes façons, il me faudra un peu de temps pour assimiler tout ça, trouver des mots à mettre sur les sons, et trouver les sons tout court, tant ces morceaux, qui viennent de paraître, ne sont pas forcément tous présents sur mes sources en illustrations (Soundcloud, Youtube, Daily Motion...).
Mais, si comme les chroniqueurs de mode, il me fallait donner une tendance à la saison qui s'annonce, je dirais qu'on y voit les choses en grand, panorama, façon cinéma. D'ailleurs, avant toute chose, c'est de cinéma que j'ai envie de parler car, même s'il n'a, pour l'instant, composé qu'une bande originale de film (pour Another Happy Day en 2011), il est clair que la musique d'Olafur Arnalds appelle les images et donc le grand écran. Olafur Arnalds, comme son nom l'indique et l'indiquerait encore mieux si j'arrivais à mettre un accent sur le O, est islandais. Il a même acquis dans son pays, nous indique cette fois sa note biographique Wikipedia, une renommée comparable à celle de ses compatriotes Björk et Sigùr Ros avec lesquels il a tourné il y a cinq ans. Mais comment en arrivais-je à Olafur ? Car, comme vous le savez, ou ne le savez pas, ce qui, en la matière, revient au même, Olafur Arnalds n'a pas créé (encore, du moins, et à ma connaissance) le buzz. Eh bien, il se trouve que, mon attrait vers les musiques du nord de l'Europe aidant forcément, ma curiosité a été plus que titillée par un type qui s'appelle Olafur. Rajoutez à ça une pochette immaculée où apparaît, comme dans les nuages, la silhouette en gris dudit Olafur et le titre de son album, For now I am winter, et il fallait que j'écoute au moins un titre pour en avoir le coeur net. Un titre plus tard, il me fallait tout l'album de la même façon qu'un album plus tard, il me fallait tout ce qu'avait pu enregistrer Olafur Arnalds jusqu'à présent. Je ne sais d'ailleurs plus quel est le titre qui m'a persuadé de prolonger ma ballade en For now I am winter tant tous les morceaux de cet album sont absolument fantastiques. Prenons Only the winds qui représente assez bien l'album.



Le piano prédomine, accompagné d'un quatuor de cordes, dont les mouvements sont amplifiés parfois par un grand orchestre, le tout enjolivé de délicates enluminures électroniques. Vous trouverez tout ça expliqué dans la vidéo qu'Olafur Arnalds a fait pour expliquer la petite application qu'on trouve sur son site et qui permet précisément de décortiquer ce morceau ; allez y, mettez les boutons sur on et off, privilégiez des pistes, c'est plutôt rigolo. Arnalds n'est pas chanteur mais musicien. Sur certains titres de l'album, un chanteur, Arnor Dan, prête sa voix. Sûr qu'au prochain album, s'il le souhaite, Olafur Arnalds pourra débaucher tous les chanteurs qu'il voudra. Un peu à la façon de Craig Armstrong. D'ailleurs, clairement, c'est à Craig Armstrong que m'a fait penser Olafur Arnalds : même façon d'alterner instrumentaux et chansons, même façon mélancolique d'user et abuser des cordes et du piano pour produire une grande émotion, même façon d'y ajouter une bonne pincée d'électronique. Rappel aux ignares : c'est à Craig Armstrong que Massive Attack avait fait appel pour les arrangements de cordes sur l'album Protection, Armstrong allant même jusqu'à cosigner deux morceaux dont le Weather Storm dont il livra sa propre version plus tard sur son premier album signé par le label de, bouclons la boucle, Massive Attack.



Oui, un grand orchestre, tout de suite, ça en jette. Forcément, le nombre aidant, le morceau rentre dans une autre dimension. Plus ample. C'est finalement ce même genre d'emphase, pourrait-on dire, auquel aspire Woodkid, la sensation du moment. En matière de buzz, on a d'ailleurs droit à un champion : deux singles et son nom est sur toutes les lèvres avant la sortie, aujourd'hui, de son album qui donnait lieu ce matin à une journée spéciale sur France Inter où, en plus d'être l'invité de l'émission de Pascale Clark, Woodkid avait "rhabillé" toute l'antenne en créant des jingles spéciaux. Je ne dis pas que le monsieur n'a pas de talent. Au contraire, j'ai été, comme d'autres, totalement subjugué par la beauté de son titre inaugural, Iron, sorti il y a deux ans maintenant, que ce soit le son ou l'image, puisqu'il est également le metteur en image de son clip.



C'est d'ailleurs aussi parce qu'il met en scène les clips de la très hype Lana Del Rey que cette même hype a rejailli sur lui. Ce qui en fait un artiste total (il dessine aussi les pochettes de ses disques), ce qui va très bien à l'époque, mais représente quand même un gros changement quand on pense qu'on aime pas trop, ou du moins qu'on aimait pas trop, en France en tout cas, mélanger les casquettes, ce dont plus d'un acteur(/trice) chanteur(/euse) peut attester. Donc, soit : Woodkid a du talent à revendre et mérite tout le bruit qu'il y a autour de lui (l'album est hautement recommandable). Mais dans ce bruit, pourquoi n'ai-je pas entendu une voix pour dire qu'on avait déjà eu, en France, quelqu'un qui lui aussi aimait utiliser force cordes et trompettes avec autant de classe ? Sans doute parce que c'est moins hype d'oser déclarer sa flamme à William Sheller. Or, si l'on écoute Excalibur par exemple, l'air de famille m'apparaît clairement. Mais peut-être n'est-ce que moi ?



Je ne voulais surtout pas finir sur ce morceau de Sheller parce que, même si je le trouve très réussi, je peux comprendre qu'on puisse le trouver "too much". Comme trop de cordes, trop d'orchestrations, trop d'emphase, bref, trop de tout. Or William Sheller n'est jamais meilleur (souvenez-vous d'Un homme heureux) que lorsqu'il est seul au piano. Et c'est précisément ce qu'il partage avec tous les artistes de cette page. Craig Armstrong a beau être un orchestrateur et arrangeur de cordes génial, il a livré ses dernières mélodies au piano. Enlevez les cordes et les arrangements d'Olafur Arnalds et les mélodies restent magnifiques accompagnées du seul piano. Même Woodkid n'a pas besoin de tout ça puisqu'avec une seule guitare, sur Brooklyn, il sait se montrer très touchant. Tout ces artistes, me semble-t-il, partagent un même talent. Immense. Aussi n'y a-t-il pas de mal, pour eux, à voir les choses en grand. Même si, comme sur son fort bien nommé album Epures en 2004, Sheller montrait qu'il n'est pas toujours la peine d'en rajouter.

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