vendredi 28 septembre 2012

Compagnon de route

Je parlais ici des relations à court terme. Il est temps de passer au lourd : le long terme. C'est rare, extrêmement rare, de trouver un artiste qui vous accompagne au fil du temps. C'est comme, dit-on, les amis ; les vrais se comptent sur les doigts d'une main. Les vrais, ce sont ceux avec qui la conversation redémarre comme si elle s'était arrêtée la veille, même si cela fait des mois, voire des années que vous ne vous êtes pas vus ou parlés. Cela ne veut pas dire que c'est comme si le temps s'était arrêté ; au contraire, le temps a passé, comme tout un chacun, vous avez, si ce n'est changé, évolué, et, miraculeusement, votre ami, même en suivant des routes différentes, est resté sur le même fuseau horaire que le vôtre. Evidemment, cela, les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, bercés qu'ils sont de l'illusion d'avoir, pour la vie, dégoté leur chanteur/chanteuse/groupe préféré. Je vous le souhaite car c'est ce qui m'est arrivé - j'y reviendrais plus tard mais les histoires d'amour finissent mal en général. En 1993, mon chemin croisa pour la première fois la route de Stina Nordenstam. J'étais alors en charge de la playlist de la radio pour laquelle je travaillais (ah, temps béni où nous faisions nous même les playlists!...) et écoutais alors consciencieusement tout ce que les maisons de disques envoyaient. Outre le fait que la radio pour laquelle je bossais était très chanson française et donc, les envois de disques sans doute pensés en conséquence, si j'arrivais à trouver quelques bons titres dans tout ce magma de promoCDs, rien ne fut à la hauteur du choc que j'éprouvais à la première écoute de Little star de Stina Nordenstam.

Le choc était d'autant plus grand que le mini CD comportait deux autres chansons (First day in spring et He watches her from behind) que j'adorais, ce qui signifiait qu'il ne pouvait pas y avoir de malentendu : j'étais tombé amoureux de Stina Nordenstam, qui eut l'élégance de prolonger sur un album somptueux, And she closed her eyes dont est extrait ce So this is goodbye. 



J'étais d'autant plus persuadé d'avoir trouvé une artiste dont j'allais tenir longtemps la main (et qui allait tenir longtemps la mienne) que je découvrais que la Suédoise (encore une!) avait sorti ,deux ans plus tôt, un premier album, Memories of a color, que je m'empressais d'acheter pour le trouver aussi beau. Non seulement Stina Nordenstam avait un univers cohérent mais il correspondait à ce que je recherchais alors dans la musique. Las ! Deux ans après notre première rencontre, Stina sortait Dynamite et notre amour d'éclater. C'était d'autant plus cruel que Stina avait pris soin de piétiner notre relation en clamant alors à quel point ses deux premiers albums étaient surproduits et ne lui ressemblaient pas du tout, alors que Dynamite, qu'évidemment, je détestais...
Je devrais me méfier des filles du Nord. Il m'est arrivé, à peu de choses près, la même chose avec l'islandaise, comme son nom ne l'indique pas, Emiliana Torrini dont j'étais tombé sous le charme du Dead things en 1999.



Mon histoire d'amour avec Emiliana allait se poursuivre avec Love in the time of science, son album. D'autant plus que celui-ci était produit par Roland Orzabal, un des deux Tears For Fears, amour de jeunesse perdu de vue (voir ici) et donc, retrouvé, ici avec bonheur : un ménage à trois donc. Hélas, non, Emiliana disant très vite comme elle était malheureuse avec les arrangements de Roland Orzabal qui ne lui correspondaient pas du tout, optant, pour l'album suivant, pour un son beaucoup plus acoustique. Bon, la différence, c'est que Fisherman's woman, qu'Emiliana Torrini sortit en 2005 reste très fréquentable là où j'ai beaucoup de mal à fréquenter Dynamite. Mais bon, là encore, nos routes s'étaient séparées.
Heureusement parmi toutes ces femmes, il en est une qui ne m'a jamais fait défaut : Kate Bush. Kate Bush a donc été l'une des premières artistes que j'ai revendiqué comme ma préférée (voir ici). J'ai toujours adoré Babooshka. J'ai tant adoré Babooshka que j'avais pris mon courage à deux mains (moi le grand timide pour qui s'adresser à la boulangère pour acheter une baguette de pain était déjà un exploit) pour aller à la Discothèque (du nom de l'unique magasin de disques) écouter l'album. Je n'avais en aucun cas l'intention de l'acheter ; je n'avais pas l'argent. Mais il fallait que j'écoute d'avantage ce 33 tours à la pochette quand même sacrément culottée (c'est le cas de le dire) puisque sur le dessin, un tas de trucs des plus fantasmagoriques, sortait de dessous la robe de Kate. Outre les sentiments confus que devaient avoir ces dessins pour un gamin de mon âge, je développais une addiction à Kate avec la deuxième chanson de Never for Ever. La première, donc, c'est Babooshka. Souvenez-vous, la fin de la chanson se finit dans des bruits de verre qui se  brisent. Et ce sont ces mêmes bruits qui conduisent à la deuxième chanson Delius, un vrai délice et le véritable départ du chemin que j'allais parcourir avec Kate Bush.



Mon histoire avec Kate Bush ne s'est jamais démentie. Ou à peine. Les chansons pop assez faciles de Never for ever furent une porte d'entrée à la musique. The dreaming, deux ans plus tard, où Kate se barrait vers des sons, précisément, plus barrés, correspondait à la période où moi même allait explorer des musiques disons moins commodes. Et Hounds of love, très subjectivement le meilleur album de tous les temps, est arrivé au cours de l'une de mes meilleures années musicales (voir ). En 1988, je me souviens avoir couru voir Une vie en plus (She's having a baby, en VO) de John Hughes, juste pour pouvoir écouter une nouvelle chanson de Kate. Et peu importe que cette chanson, comme l'écrivait alors les Inrockuptibles, méritait plus un film de Tarkovski que de John Hughes ; à l'époque, je n'avais vu aucun Tarkovski et John Hughes, c'était le réalisateur de La folle journée de Ferris Bueller et de Breakfast Club. Pas encore celui de Maman j'ai raté l'avion. Et je peux vous assurer que j'étais en larmes quand j'ai vu/entendu cette séquence du film.



Même si c'est le climax du film (Kevin Bacon se remémore les bons moments de sa jeune vie de couple alors que sa femme, entre la vie et la mort, accouche), ce n'est bien sûr pas les talents de réalisateur de John Hughes qui m'ont mis dans un tel état. Si talent il a eu, c'est bien celui d'avoir laissé la chanson en entier et de lui avoir laissé le premier plan dans le film. Parce que c'est l'une des plus belles chansons de Kate Bush que j'ai jamais entendues. Et quand c'est tellement beau, ça me touche tellement que j'en pleure. Un an plus tard, j'ai retrouvé la chanson sur l'album The sensual world que j'ai trouvé magnifique. J'avais attendu quatre ans, j'étais récompensé. Quatre longues autres années plus tard, il y a eu The Red Shoes. Et là.... Et là, j'ose le dire, il y a eu comme un accroc dans notre histoire d'amour. C'était agréable de retrouver Kate, ses aigus, ses graves, mais Rubberband girl, le single ne me touchait pas au plus profond de moi, pas plus que la majeure partie des chansons de l'album (et c'est d'ailleurs encore le cas aujourd'hui). Mais, car heureusement il y a un mais, il y avait une chanson, une seule chanson sur cet album qui me fit le même effet que This woman's work : Moments of pleasure.



J'étais d'autant plus troublé que j'avais commencé trois ans plus tôt une nouvelle histoire d'amour avec un homme qui savait alors bien mieux me parler que Kate : Jean-Louis Murat. Kate Bush pouvait s'éclipser (et c'est exactement ce qu'elle fit pendant douze ans !), Jean-Louis Murat prenait le relais et le prenait bien. Je me rappelle de ce concert à l'époque (entre 97 et 99 dirais-je) où fut tournée la vidéo ci-dessous où Jean-Louis Murat à la guitare était accompagné du seul Denis Clavaizolle aux claviers avec, pendant la première partie du concert, la projection d'images en super 8, qui répondait à l'ambiance sonore que Murat installait. C'était tellement beau que j'en avais pleuré pendant tout le concert.



Mais je m'étais trompé. Et sur Jean-Louis Murat, et sur Kate Bush. Parce qu'en 2005, j'entamais ma période de désamour de Murat avec Moscou, l'un des bien trop nombreux albums qu'il enchaîna alors. Qui plus est, il était de ceux qui crachaient alors sur ses premiers albums que j'aimais tant. La même année, mon histoire d'amour a repris avec Kate via l'album Aerial que j'ai trouvé splendide. La encore, sortez les mouchoirs, j'étais en larmes souvent et je vais y revenir. Quand au dernier album de Kate en date, 50 words for snow (attendu pendant six ans seulement !), j'aime m'y réfugier comme dans un cocon, c'est de la ouate au piano qui me réconforte et me fait me sentir bien. Oui, je crois que c'est cela que sait le mieux me faire la musique de mes compagnons de route, et de Kate Bush en particulier, puisqu'elle m'a TOUJOURS accompagné : me réconforter. Me faire me sentir mieux. M'accompagner. Dans Moments of pleasure, comme dans beaucoup d'autres morceaux de sa discographie, Blow away sur Never for Ever, All the love sur The dreaming, ou The fog sur The sensual world, Kate Bush aborde la question du deuil, de la perte. Ces chansons m'ont toujours ému même si je ne les comprenais pas encore de l'intérieur. Je veux dire par là que je n'avais jamais eu à expérimenter la douleur d'un deuil. Récemment, j'ai perdu ma mère. Récemment, j'ai réécouté A Coral Room où Kate chante comme elle se souvient d'une petite chanson que lui chantait sa mère, elle aussi décédée. Et c'est comme si, elle chantait à travers moi ou je chantais à travers elle. Aucun mot ne saura mieux décrire mon chagrin que cette chanson ; pas le texte, hein, mais la chanson toute entière avec ce que me fait ce piano, ce que me fait cette voix. Et encore plus cette instant où après un silence, elle murmure "My mother", deux mots suivis seulement, d'abord, de piano, comme si l'émotion l'emportait et qu'elle ne pouvait pas, immédiatement, reprendre le cours de sa chanson. A ce moment là, j'ai eu l'impression de la comprendre totalement. Ou qu'elle me comprenait totalement. Comme les meilleurs amis du monde, dans la joie comme dans la peine.



Il n'y a pas vraiment de vidéo officielle de A Coral Room, puisqu'il ne s'agit pas d'un single. Mais sur Youtube, on peut trouver une flopée de vidéos non officielles pour ce titre (preuve qu'elle a su en toucher d'autres que moi). Si j'ai choisi celle-ci, c'est sans doute aussi pour la note de Kate Bush qui l'accompagnait et qui n'est autre qu'un extrait d'une interview qu'elle avait donnée pour la sortie de l'album : " The song is really about the passing of time... I like the idea of coming from this big expansive, outside world of sea and cities into, again, this very small space where, er, it's talking about a memory of my mother and this little brown jug. I always remember hearing years ago this thing about a sort of Zen approach to life, where, you would hold something in your hand, knowing that, at some point, it would break, it would no longer be there "

jeudi 27 septembre 2012

Mauvais genre

J'ai récemment appris que j'aimais la Nü-Disco, soit une nouvelle étiquette avec laquelle on (les journalistes) a qualifié tout un récent courant musical tant il est inconfortable, sans doute, de ne pas mettre de label sur les choses et les gens. Je m'en suis aperçu grâce au tag dont Virgin Magnetic Material, génial DJ israëlien si vous voulez mon avis, gratifie ses remixes.



A écouter aussi, en priorité ses remixes de Owner of the lonely heart de Yes et I can't go for that de Hall & Oates avec sa fabuleuse envolée de violons très (nü) disco à 5 minutes du début. Qu'est-ce que j'aime dans tout ça ? Sans doute ce beat lourd porté au dessus de synthés vintage qu'on retrouve aussi, entre autres, chez Goldroom, musicien de L.A.



Personnellement, je n'avais pas encore mis d'étiquette à tout ça ; tout juste, avais-je constaté l'irruption de ce son lourd avec un film qui semble fait tout à sa gloire (à moins que ce ne soit le contraire): Drive.



Mais il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Mon soudain amour pour la Nü Disco n'est que le prolongement de ma passion pour la Synthpop, ou, si vous préférez de la pop jouée avec des synthés. Pour s'en persuader, il n'est qu'à voir cet autre film à l'esthétique "so eighties" qu'est Risky Business (et forcément puisque ça date de 83) où, déjà, il était question de vitesse, d'un jeune et beau mec, d'une blonde, le tout sur un Love on a real train de Tangerine Dream assez inspiré qui n'avait rien à envier au Nightcall de Kavinsky.



Ou bien encore, Kim Wilde qui, en 1981, ne savait sans doute pas qu'elle était Nü Disco avant l'heure.



On peut aussi ne pas vraiment voir la différence entre la Nü Disco d'aujourd'hui et la Chillwave d'hier, amusant mélange entre Chillout et New Wave, pour un résultat quasi pareil, le meilleur représentant de ce mouvement restant à mon avis, et de loin, Washed Out.



Oui, j'aime tout ça, les synthés ayant sur moi un effet boeuf, comme hypnotisé par le chant des machines. Est-ce à dire que j'aime le Nü Disco, la Chill Wave, la New Wave et la Synthpop dans leur ensemble ? Non, car, de la même manière que tous ces qualificatifs ne qualifient précisément pas les artistes qu'ils sont sensés regrouper, mon amour pour un mouvement ne peut pas être global. J'aime ceci et cela à l'intérieur de ce genre (ou genre supposé) et il est vrai que je vais trouver plus de choses qui me plaisent à l'intérieur de ces ensembles plutôt que, mettons, dans le jazz ou la musique classique. Je me souviens, à l'adolescence, d'un ami qui me disait : "Tu verras, un jour, tu écouteras du jazz". Ces jours-ci, un autre déplore que je ne me "nourrisse pas d'avantage de musique classique". Comme si, la pop music était un sous genre et/ou comme si j'allais atteindre le Saint Graal en me tournant vers le jazz ou le classique. En tout cas, passer au palier supérieur. Tout ça n'est-il pas un peu condescendant ? Ce n'est pas que je ne laisse pas sa chance à la musique classique : fatigué d'entendre la même daube sortir de mon poste de radio dans la voiture, il m'arrive de tester France Musique. Mais, après avoir, dans un premier temps, goûté au calme qu'apporte cette musique, je deviens, très vite, dans un deuxième temps, crispé au plus haut point, un peu à la manière d'Alex, dans Orange Mécanique, quand on le force à écouter la Neuvième de Beethoven. Mais là encore, rien n'est aussi shématique ou aussi tranché qu'un jugement à l'emporte pièce qui me ferait affirmer : "Je n'aime pas la musique classique" ou "Je n'aime pas le jazz". Rares sont les (pop) musiques qui me filent autant de frisson que les Gymnopédies d'Erik Satie.



Il en va de même, côté jazz, pour le Köln concert de Keith Jarrett.



Et finalement rien d'étonnant à cela puisque je remarque, enchaînant les deux à la suite, qu'il s'agit de claviers et que le climat, à défaut du genre, est à peu près le même.
Il est donc assez stupide de vouloir s'enfermer (ou enfermer l'autre) dans une case ; on ne recherche rien tant que la liberté, y compris dans ses goûts musicaux, papillonnant d'un genre à l'autre, s'arrêtant plus ici que là, mais papillonnant quand même. On peut sans doute, à condition d'y consacrer du temps, de l'énergie, de la volonté, trouver de quoi nous plaire dans tous genres musicaux ; personnellement, je n'aurais pas la patience, l'énergie ou la volonté de savoir ce qui pourrait bien me plaire dans le death metal. Mais, disons que, même dans un registre aussi éloigné de moi que peut l'être la musique country - parce que je ne suis pas un cowboy, n'ai pas grandi à Nashville, etc... -, j'arrive à trouver des chansons qui sauront me toucher comme la déchirante Jolene de Dolly Parton.



Ben oui, que voulez-vous, cette chanson me touche et ce, avant même d'en comprendre les paroles (il faudra d'ailleurs que j'explique un jour comment la musique passe BIEN AVANT les paroles, en ce qui me concerne). Mais si la complainte de Dolly Parton ne fait pas résonner l'ombre d'une corde sensible chez vous, je sais - et je m'en fous - que vous allez vous moquer. Alors autant vous donner une bonne raison : un décor improbable, un présentateur scintillant, un brushing millésimé et une combinaison...euh... violette.


mercredi 26 septembre 2012

One hit wonder

Le mois dernier, je suis tombé pour la première fois sur Conner Youngblood, jeune musicien, auteur compositeur, multiinstrumentiste de Dallas, via son Warpath, que je trouvais immédiatement addictif.



Ces jours-ci, c'est A summer song (dont je suis moins fan) qui enflamme le Net. Et de penser que j'avais eu raison de penser que Conner Youngblood était sans doute promis à une grande carrière.


Du coup, désirant en savoir plus sur le bonhomme, je me suis rendu sur le site de Conner Youngblood. Quelle ne fut pas ma bonne surprise de voir qu'on pouvait télécharger tout l'album de Conner Youngblood, ou plutôt tous LES albums de Conner publiés cette année, à savoir Sketches pt 1 et Sketches pt 2. J'allais donc m'empresser de downloader tout ça et, par mesure de précaution, j'écoutais la chose. Or, derrière The Warpath et A Summer Song, il n'y a rien. Enfin, pas grand chose. Rien à la hauteur de ces chansons, promesses que Conner ne sait pas tenir sur la longueur. Et de réviser du même coup mes prévisions de carrière pour Conner (seul le temps me donnera tort ou raison).
Le Web - ou plutôt les Blogs - avait, en l'occurence, fait son travail d'écrémage ne retenant que le meilleur à livrer aux auditeurs mélomanes. C'est d'ailleurs pourquoi ces deux dernières années, je me suis contenté de ne prélever du magma de la production musicale que ces pépites que le Web distingue chaque jour, chaque heure, voire chaque quart d'heure si l'on se fie à Andy Warhol. Rien qu'en 2010, j'ai 980 titres qui ont intégré ma discothèque, oeuvres de 380 artistes différents ! (en 2011, c'étaient 1290 titres et je n'ai pas eu le courage de compter les artistes...) Si l'on s'en tient aux chiffres, il semblerait que j'ai découvert plus d'artistes ces deux dernières années que durant des années entières parfois. Mais les ai-je réellement intégrés ? Non, il y a bien longtemps que mon propre disque dur est plein, ce qui fait que lorsqu'on me pose la question "C'est qui, ça ?" pendant une lecture en shuffle de ma discothèque, je me vois souvent ces temps-ci répondre : "Je sais pas" avant d'aller jeter un coup d'oeil sur l'écran. Faut voir le bon côté des choses : ça donne de chouettes lectures aléatoires. Mais me fait m'interroger sur mon rapport aux artistes ces temps-ci. Est-on un artiste, bon de surcroit, parce qu'on a sorti un bon titre ? Non, sans doute. Me faut-il pour autant bouder ces quelques minutes de bonheur ? Non plus. Il arrive même qu'à force de passer et repasser dans mon oreille, j'arrive à me rappeler le nom d'un groupe qui n'aura sorti qu'un seul disque (ou pas beaucoup plus à ma connaissance) avant de disparaître comme Roguewaves (à ne pas confondre avec Rogue Wave - si en plus, ils s'amusent à ça, comment voulez-vous que je retienne leurs noms ?!) et leur imparable Ruins.


Ces temps-ci, si un titre retient mon attention, je télécharge l'album dans l'espoir, souvent déçu, de développer un truc sur le plus long terme. Parce que ce sont ces relations longues et fidèles qui vous apportent le plus comparées à celles qui équivaudraient à un "one night stand". Il n'empêche qu'il serait dommage de bouder son plaisir face aux "one hit wonder". Ca peut être sacrément bon sur le coup et ils seront toujours plus nombreux que les autres, comme nos amants seront toujours plus nombreux que nos amours. Et s'ils se sont démultipliés ces temps-ci, ils ont toujours fait partie de ma discothèque. Prenez Sense, découvert en 1983, tout ça parce que j'avais lu qu'ils étaient produits par Dave Ball de Soft Cell : notre relation s'est arrêtée - comme leur carrière - à Holding on. Eh bien quand j'ai numérisé ma discothèque 25 ans plus tard, et alors que bien des morceaux, voire des albums n'ont pas passé le barrage de la numérisation (mon écrémage à moi), celui-ci n'a pas été oublié. La merveille d'un seul coup.


mardi 25 septembre 2012

Sweet sixteen

Parler de (écrire sur) Prefab Sprout m'a ramené à l'année 85, année fondatrice dans ma passion de la musique. Est-ce parce que j'ai eu seize ans cette année-là que je considère que c'est l'une des meilleures années qui soient en matière de musique ? Ou bien ai-je eu la de chance d'avoir seize ans cette année-là ? Très franchement, je pencherais pour la première option. Car, après avoir consulté les sorties de cette année-là, je m'interroge clairement sur le caractère "exceptionnel" de cette année. Mettons d'ores et déjà de côté Hounds of Love de Kate Bush, qui, étant (et c'est sans doute amener à le rester) le meilleur album de mon Idole, est le disque que j'emmènerais sur une île déserte si toutefois je ne devais en emmener qu'un (parlez pas de malheur, ça sert à quoi un Ipod, merde!). Après je pense tout de suite au Steve McQueen de Prefab Sprout qui est sans doute, là encore, leur meilleur album. Mais tout ça est un peu convenu ; tout le monde sait que si l'on ne doit retenir qu'un seul album de ces deux artistes, c'est ceux que je viens de citer (quoiqu'on puisse légitimement revendiquer Jordan the Comeback comme le meilleur album des Prefab, mais c'est une autre histoire et comme elle ne sert pas mon propos, on va l'oublier).
Il faut donc parler du reste. Franchement, Songs from the big chair de Tears for Fears n'a-t-il pas vieilli ? Si, bien sûr, et le succès planétaire de Shout et, surtout, d'Everybody wants to rule the world a quelque peu englué le groupe et l'album dans son époque. De toutes façons, j'ai toujours préféré The Hurting à Songs from the big Chair. Et c'est bien parce que j'avais adoré ce premier album de Tears For Fears (rarement vinyle de ma collection n'a connu autant de craquements) The Hurting (qui, à mon avis, reste le meilleur album du groupe) que je m'étais précipité sur le second. Pourtant j'avais adoré Songs from the big chair, principalement, je m'en rends compte pour deux chansons : The working hour ou, plus encore, Listen, qui me fait toujours dresser les poils sur les bras quand je l'écoute aujourd'hui.



Même dans ce succès de masse qu'était à l'époque Tears For Fears, je cherchais le recoin que je pourrais qualifier d'intimité.
Meat is murder n'est, de l'avis général, pas le meilleur album des Smiths. Mais c'est celui que j'aurais le plus écouté et Barbarism begins at all reste dans mes chansons préférées de celles signées Johnny Marr & Morrissey.



A la liste des albums qui ont fait mon année 1985, qui ont constitué la BO de mes seize ans, il y avait aussi Cupid & Psyche de Scritti Politti, A Secret Wish de Propaganda, Filigree and Shadow de This Mortal Coil, divers maxis (oui, pour EP, on disait comme ça à l'époque, voire "twelve inch" si on voulait se la jouer anglais dans le texte) des Cocteau Twins, etc... Mouais, pas bien probant le côté exceptionnel de l'année 1985. A vrai dire, je m'en étais déjà plus ou moins aperçu il y a quelques temps ; redécouvrant un album que je n'avais pas écouté depuis, euh, longtemps, ravi de ce que j'entendais, je mailais immédiatement le morceau à un ami pour lui dire quel plaisir j'avais eu à retrouver ce morceau. Simple nostalgie ? lui demandais-je.



Simple nostalgie, me confirmait-il. Et je suppose que ce qui s'applique à Sapho peut aussi s'appliquer à Anne Pigalle (même si on peut encore admirer le son, signé Trevor Horn, alors au top de sa forme puisque producteur à l'époque de Frankie Goes To Hollywood, Art of Noise ou Propaganda)


De manière objective, on peut donc juger tout cela daté et faire de l'année 1985 une année comme les autres, une année ordinaire. Chose que je ne peux absolument pas faire, la subjectivité l'emportant sur toute impartialité quand il s'agit d'évoquer cette année là. Je prends encore du plaisir à écouter Train de Paris et Hé stranger! et je n'ai même pas honte de le dire. J'ai entendu des choses bien meilleures par la suite mais qui ne se sont pas forcément imprimées dans mes oreilles avec autant de force que ces chansons là. Sans doute, parce que mes oreilles étaient encore assez vierges et que, depuis, tout ce que j'écoute se mesure à l'aune de ces chansons-là, ou, tout du moins, des sensations, des sentiments que m'ont procuré ces chansons-là. Peu m'importe ce que vous pensez de Go away des Strawberry Switchblade et de sa production "so 80's" ; pour moi, ça reste l'une des chansons les plus déchirantes qui soit. Le serait-elle encore si je ne l'avais pas entendu pour la première fois l'année de mes seize ans ?

lundi 24 septembre 2012

Rien ne sert de courir

Juste après avoir écrit ça, je me retrouve sur Arte devant Forever Young, un documentaire plutôt bien fait qui, dans sa première partie, s'interrogeait sur ce qu'il "reste de rebelle dans le rock alors que sa musique et son imagerie sont largement récupérées par la publicité et le marketing" tandis que la seconde, titrée Tweets and chats montraient comment les 15-25 ans utilisent les nouveaux outils pour communiquer. Nouveaux outils comme les réseaux sociaux ou... les blogs ! Suis-je en train d'essayer de communiquer ? Ground countrol to major Tom ? A la fin du premier volet de Forever Young, on rappelait que le rock avait été un objet de rebellion au sein même de la famille quand il était apparu dans les années 50 mais plus d'un demi siècle plus tard, comment pourrait-il en être de même quand papa et maman écoutent les mêmes disques que le fiston, voire papy et mamy. Et de conclure que nous, les parents, étions un peu pathétiques de nous accrocher comme ça (c'était un journaliste anglais qui parlait et son "pathetic" avec l'accent nous fait baisser deux fois plus la tête, un peu honteux), parce que nous ne voulions pas voir partir notre jeunesse. D'une, je n'ai pas d'enfant, ce qui m'excuse, non ? De deux, j'écris aussi pour eux, non ? Alors j'ai le droit de courir encore un peu même si je dois bien dire qu'Arte m'a bien plombé - Arte m'a tuer.
Finalement tout cela m'a ralenti, et, contrairement à ce que j'avais prévu, m'amène à parler de Piramida, le nouvel album d'Efterklang non pas "avant", mais "le jour de" sa sortie. C'est déjà ça ; au moins, donc, je n'aurais pas trop d'avance. Car depuis vendredi, je me gave de cet album et aussi bon soit-il (à mon avis l'un des meilleurs de l'année 2012), je sais que bientôt je me lancerais à la recherche de nouvelles sensations fortes, précisément au moment où Efterklang devrait arriver aux oreilles de la majorité, me privant du même coup d'un élan collectif - mais est-ce ce que je cherche vraiment ? Efterklang est un groupe Danois porté sur l'expérimentation à la manière de Peter Broderick qui a d'ailleurs joué avec les Danois sur scène (et que j'évoquais ici). J'avais bien aimé leur album Modern Chairs paru il y a deux ans mais celui-ci a une véritable atmosphère dûe, sans doute, à Piramida, qui est une île minière désertée par les Russes dans le cercle polaire et dans laquelle Efterklang est parti enregistrer toute une série de sons qui ont accouché de cet album comme on le comprend mieux avec cette vidéo.



Si vous voulez connaître ma véritable opinion sur tout ça, c'est que c'est un peu de la branlette d'artiste parce qu'après tout, taper sur des bouteilles (ou sur des bambous bien sûr, et c'est numéro 1) ou courir sur des lattes en bois, on n'est pas obligé, pour ça, d'aller se taper une île près du pôle Nord. Mais si toutefois, c'est là-bas qu'ils ont croisé leur muse alors pourquoi pas au vu du résultat à essayer par deux fois ci-dessous.


Si tout va bien, Efterklang devrait faire le buzz d'ici quelques semaines. Pas seulement parce qu'ils ont un bon album mais parce qu'ils auront - je leur souhaite - un bon attaché de presse qui saura vendre non seulement le contenu mais surtout l'histoire aux magazines qui vont en raffoler ("Une île désertée par les Russes !? Près du pôle Nord ?! Où ils n'ont pas eu la permission d'aller mais où ils sont allés quand même ? !  Y a un truc à raconter là, coco"). Et après, après seulement et après peut-être, trouveront-ils un écho auprès de vous. Car c'est pas tout d'avoir tout ça, encore faut-il être pertinent dans son époque, je veux dire par là, savoir dire quelque chose au plus grand nombre d'entre nous, et donc au grand public. Prenez Orkney Symphony de Magnetic North. Ca ne dit pas grand chose à grand monde. Pourtant ils avaient tout. Une bonne histoire, celle de Betty Corrigal, jeune femme qui, à la fin du 18ème siècle, se suicida par amour, fut enterrée seule, loin des autres tombes, sur les îles Orcane au Nord de l'Ecosse, où l'on redécouvrit son cercueil par hasard au début du 20ème siècle, son corps miraculeusement préservé. Erland Cooper, le leader de Magnetic North, dit que c'est après qu'en rêve, lui soit apparue Betty Corrigal, qui lui demandait de raconter son histoire, qu'il s'est mis à l'écriture d'Orkney Symphony. Le sujet a tant fasciné Libération qu'ils en ont fait un papier de trois pages signé Bayon. Les Inrockuptibles ont mis 4,5 sur 5 à l'album dans une chronique dythirambique. Et la musique, évidemment, était au diapason de ces éloges.



Quelques mois plus tard et l'on ne peut pas dire qu'Orkney Symphony soit sur toutes les lèvres. Il n'y a pas eu de rencontre même si tous les ingrédients étaient là.
Vous voulez une autre jolie histoire de rendez-vous manqué. En 1998, Louis Philippe sort l'album Azure qu'il est allé enregistré avec l'orchestre philarmonique de Budapest. Louis Philippe est une véritable histoire à lui tout seul : français exilé à Londres, par amour de la pop musique, il fut l'une des figures majeures d'un label aujourd'hui considéré comme l'un des plus influents de son époque, tout en menant une carrière... de journaliste sportif spécialisé dans le football ! Mais, comme il est écrit avec tact dans sa biographie Wikipédia,  "le succès commercial se fait attendre malgré l'accessibilité de sa musique et l'estime que les amateurs de pop ont pour lui".



On peut aussi aller écouter et télécharger deux titres extraits d'Azure sur le site de Louis Philippe. Mais ces histoires de magnifiques échecs parfois se terminent bien grâce à un adjectif usé jusqu'à la moëlle ces temps-ci par la publicité qui sait tout le pouvoir du mot, un adjectif que, pourtant, seul le temps peut accorder : culte - alors épargnez moi, svp, les "déjà culte". Car si ces albums ne rencontrent pas tout le monde, ils font, de la part de leurs rares fans, l'objet d'une aussi rare dévotion qui s'apparente à une vraie religion. Et le fan n'aura qu'une idée, convertir l'autre. Et petit à petit, de converti en converti, le cercle s'agrandit, l'album devient culte. D'où ma dernière histoire avant d'aller dormir, les enfants. Elle commence en 1983 à Glasgow quand une boîte du coin, spécialisée en matériel hifi, propose à un groupe débutant d'enregistrer un titre (à découvrir ci-dessous) qui pourrait montrer l'étendue des capacités du matériel de leur marque. Ils sont si contents du résultat qu'ils finiront par créer un label uniquement pour sortir l'album commandé au groupe : A Walk Across The Rooftops de Blue Nile. L'album passe relativement inaperçu mais, donc, touche au coeur les rares qui ont la chance de l'écouter qui n'auront, dès lors, de cesse de partager leur passion.


Et quand sortira, six ans plus tard (!), leur album Hats, les critiques se feront dythirambiques comme si The Blue Nile récoltait enfin le fruit d'une petite graine plantée six ans plus tôt. En même temps, je vais me calmer ; Hats n'est arrivé que 12ème des charts anglais, charts où il connut son meilleur classement. M'est avis que si The Blue Nile a un jour récolté quelque chose de substantifique (niveau matériel s'entend) du culte qu'on leur voue, c'est bien plus grâce à Annie Lennox, dont le premier album solo s'était vendu, rien qu'au Royaume Uni, à plus d'un million d'exemplaires. Et c'est sur cet album qu'on trouve la meilleure chanson d'Annie post Eurythmics, et, très arbitrairement, la meilleure chanson de Blue Nile (même si, ne vous y trompez pas, Paul Buchanan, le chanteur de Blue Nile, est l'une des plus belles voix masculines que je connaisse) : The Gift (appréciez le clip tourné avec 3 fois rien, où une Annie Lennox costumée, perdue au milieu des pigeons vénitiens malgré l'euphorie des touristes qui l'entourent, apparaît plus énigmatique que jamais)



Il faudra que je parle de Eurythmics, tiens. Vous n'êtes pas encore couché ?!

vendredi 21 septembre 2012

Courir toujours

The Zolas sont ma dernière découverte en date. C'est un duo canadien qui a publié un premier album il y a deux ans mais qui ne s'attendait pas, avec le premier single de leur second album annoncé pour cet automne, à enflammer la toile comme ils viennent de le faire. A peine postée sur leur site Web, leur nouvelle chanson Knot in my heart se retrouvait n°1 du classement Hypem, l'agrégateur de blogs musicaux bien connus des amateurs. "Une première pour nous" s'enthousiasmaient The Zolas, publiant fièrement, il y a deux jours, leur première place en Une de leur site.



La chanson mérite sa première place au sens où il s'en dégage un charme pop rock que, personnellement, j'attache au piano qui apparaît à 25 secondes du début. Mais cette chanson ne mérite pas plus cette première place que d'autres aussi bien tournées mais qui ne connaîtront pas les honneurs des blogs musicaux les plus en vue, et, du coup, les plus suivis. Pourquoi eux ? Qu'est-ce qui fait le buzz autour de ce groupe ou de cette chanson ? Et qu'est-ce qui le défait ? Car, à l'occasion de ce post, je suis allé voir sur Hypem où en était le groupe. Hypem répertorie les titres dans son classement en deux catégories "Popular last week" et "Popular now", now voulant dire les trois derniers jours en ce qui les concerne et, que ce soit sur la semaine dernière ou sur les trois derniers jours, cela en dit long sur la façon dont nous consommons aujourd'hui la musique. Or The Zolas n'apparaissent plus... nulle part dans aucun des deux classements ! Grosso modo, le temps d'un clignement d'yeux - on l'occurence d'oreilles - vous a fait rater ce qui était pourtant LE morceau à ne pas manquer sur la Toile ces derniers jours. Attention à rester vigilant ! Pour être honnête, le morceau pourra être reposté, réapprécié par les Internautes et rentrer à nouveau dans le classement des titres les plus en vue dans les jours, semaines et même mois à venir. C'est exactement ce qui s'est passé pour le morceau ci-dessous, avec quelques mois années plus tard le succès que l'on sait (je me rappelle parfaitement avoir entendu ce morceau deux ans avant que les radios en fasse un incontournable de leurs playlists).



Je doute toutefois que The Zolas rencontrent le même succès que Foster The People. Mais force est de reconnaître qu'ils ont, aujourd'hui, la grace, ce truc qui fait qu'on va les écouter avec plus d'attention que les autres. Mais la grace se déplace vite. Et déjà, ce sont les CHVRCHES qui ont pris la place occupée hier par The Zolas. Et demain ? Et après demain ? Pas un jour, pas une minute à perdre, il faut être branché pour ne pas être déconnecté. Mais pourquoi ? Parce que, oui, c'est toujours agréable de découvrir un nouvel artiste, une nouvelle chanson, au sens où trois minutes de parfaite pop song vous procure un shoot instantané de bien être. Mais derrière ce shoot de quelques instants, qu'est-ce qui se cache ? Quelle est la motivation profonde ? Pourquoi connaître l'existence des Zolas est-il primordiable à votre/mon bien être ? Pour ne pas être dépassé. Dépassé par quoi ? Par le temps, bien sûr. Et nous y revoilà. Je me souviens très bien, il y a vingt ans, avoir discuté avec des copains de vingt ans mes ainés, se moquant gentiment de ma musique "branchée" ou, en tout cas, branchée sur son époque, moi me moquant gentiment de leur côté "ringard" et dépassé. "Tu verras, un jour, tu seras comme nous/moi", me juraient-ils. Et je me suis toujours promis de ne pas être comme eux. De continuer à vivre pour ces quelques instants pop qui vous maintiennent au rang d'éternel teenager. C'est le temps que je nargue avec The Zolas et tous les autres, en sachant très bien qui finira par gagner le duel que je suis en train de lui livrer. Mais je gagne, pour l'instant, encore un peu... de temps. Ce qui m'amène à la chanson qui fait de moi, moi, comme me le demandait le test Six Songs of Me du Guardian évoquée ici. A cette question, j'ai répondu Desire as de Prefab Sprout.



"I've got six things on my mind/You're no longer one of them" chante Paddy McAloon tout au long du morceau. J'ai toujours pensé qu'il chantait "I've got sixteen on my mind", ce qui tombait plutôt bien pour une chanson parue l'année de mes seize ans. C'est sans doute pour tout ça que voir ce qu'est devenu aujourd'hui Paddy avec une longue barbe de vieux monsieur - d'ailleurs, je renonce ici à vous le montrer, vous n'avez qu'à chercher ! - m'est difficile parce que j'ai toujours seize ans (ou du moins, je veux y croire) et qu'ainsi, il n'en fait plus partie. Alors qu'à l'époque où ils étaient jeunes et beaux (qu'ils sentaient bon le sable chaud), à l'époque où ils avaient la grâce, Prefab aurait été facile en haut de tous les classements Hypem. C'est comme le temps : Cruel.


jeudi 20 septembre 2012

D'où viens-tu Basile ?

Je me dois, déjà, d'expliquer le titre de ce post. Il m'est venu naturellement puisque je vais tacher de démontrer ici (et ça va pas être de la tarte, vous pouvez me croire) que l'on n'écoute pas la musique de la même façon selon l'endroit d'où l'on vient, l'endroit pouvant être dans l'espace comme dans le temps, voire dans la société, mais là je sens que je vous perds. Et m'est revenue la petite comptine "D'où viens-tu, Basile/ Sur ton beau cheval perché ?". Sauf que non, ce brave Basile ne vient pas mais va comme j'ai pu m'en apercevoir en consultant les paroles de la chanson signée tout de même Loulou Gasté pour Line Renaud et là, je sens que je vous perds encore. Tout ça pour vous dire qu'il n'y a que moi qui pouvait titrer "D'où viens-tu, Basile" même si je doute que l'on puisse ainsi m'identifier.
Si j'en suis arrivé là, c'est à cause de Terry Hall évoqué ici. Outre ses chansons pour les Specials, Fun Boy Three, Colourfield ou Bananarama, Terry Hall est l'auteur d'un tube entêtant pour qui, comme moi, écoutait les radios libres à leur éclosion. Et là je me dois de préciser l'endroit car la radio de Marseille d'alors était bien différente de celle de Lille, surtout quand on habitait, comme moi, à Royan. Chacune de ses stations était animée par des gens passionnés de musique avec leur goût bien à eux, ce qui fait qu'en ces temps bénis du non formaté, on pouvait entendre tout et n'importe quoi sur les radios selon l'endroit où vous viviez. Et l'un  des premiers tubes propre à Royan, en ce sens qu'il était n°1 au hit parade de Royan Fréquence, quand je ne l'entendais nulle part dans le hit parade de Jean Lou Laffont sur Europe 1, c'était Our lips are sealed des Go-Go's.



Puisque je ne cesse de m'égarer, rappelons que cette chanson désignée, excusez du peu, comme l'une des 100 meilleures chansons pop de tous les temps par Rolling Stone, et dont je vous invite à découvrir l'histoire, fut l'objet d'une reprise à mon avis meilleure que l'originale par ce même Terry  Hall avec ses Fun Boy Three deux ans plus tard.



Cette chanson veut donc dire beaucoup pour moi, dans mon parcours musical, mais elle ne veut sans doute pas dire grand chose, ou du moins pas autant, à quelqu'un qui aura entendu autre chose à la radio à la même époque. Histoire d'appuyer un peu plus ma démonstration, voici le titre qui succéda aux Gogo's à la tête du hit parade de Royan Fréquence, et qui, pour le coup, ne fut connu qu'à Royan (et peut-être un peu en Belgique, Jo Lemaire étant belge) : Jo Lemaire + Flouze Voices in the silence.

06 Voices in the silence by Cestunevie.com

Toujours dans ces titres marquants, à ce moment et à cet endroit (faut croire qu'il y avait un axe Royan-Bruxelles), Action Man des Polyphonic Size (produit par Jean-Jacques Burnel des Stranglers)



Et ma démonstration ne serait pas totalement parfaite sans ce qui allait marquer tout ado ayant grandi dans les années 80 dans la région de Royan, la chanson allant être joué (très) longtemps dans toutes les discothèques du coin : le célébrissime Adieu Paris des Fils de Joie.



Si vous avez grandi ailleurs, à une autre époque ou non, vous avez sans doute vos propre Jo Lemaire, Polyphonic Size et autre Fils de Joie mais ce sont ceux-là, entre autres, qui ont fait de moi le mélomane unique que je suis aujourd'hui. Unique au sens où nous sommes tous différents quand il s'agit de musiques et de notre rapport à elle. Et que nos choix révèlent souvent notre personnalité. Je vous invite, pour vous en convaincre, à vous soumettre au test Six songs of me lancé par le Guardian. En 6 questions (quel est le premier disque que vous avez acheté ? Quelle chanson vous fait toujours danser ? Quelle chanson vous ramène à votre enfance ? Quelle est la chanson d'amour parfaite ? Quelle chanson voulez-vous qu'on joue à vos funérailles ? Et une chanson qui fait de vous, vous !), ce test dresse si ce n'est un  portrait, une belle esquisse de ce que vous êtes musicalement.
Tout ça, évidemment, respire un peu la naphtaline. Et histoire de revenir à aujourd'hui et de retomber sur mes pieds, on m'a demandé récemment pour un film de voyage en Pologne de dénicher des titres pour la bande son. Seulement, voyez-vous, la pop polonaise, euh, comment dire ? Vous en connaissez, vous, des groupes polonais ? Cela veut-il dire qu'il n'existe pas de bonne musique en Pologne ? Non, ça veut juste dire que je n'y vis pas et que forcément l'impact qu'aura sur moi Brodka sera bien moindre que celui qu'elle pourra avoir sur n'importe quel teenager d'aujourd'hui à Varsovie ou Cracovie.

DANCING SHOES - BRODKA (muz. B. Dziedzic, M. Brodka / sł. M. Brodka, Q. Carenzo) by Kayax Label

mercredi 19 septembre 2012

Réévaluation

Je n'allais pas en rester . Le temps, s'il est cruel, sait en matière de musique consoler bien des peines - je vous l'accorde, phrase un tant soit peu prétentieuse, mais bon, c'est tout ce que j'ai trouvé alors faudra faire avec. Le temps donc nous amène souvent à corriger un jugement que nous avions à une époque donnée ; il tempère aussi bien nos enthousiasmes que nos dégoûts. C'est pourquoi, je vous en conjure, n'écoutez, en matière musicale, que vos élans. Les grands manitous maîtres en matière de bon goût sont comme vous et moi : ils se trompent parfois. Quand j'ai commencé à m'intéresser de près à la musique, j'avais ainsi une liste d'artistes préférés assez révélatrice : Bernard Lavilliers, Jacques Higelin, Kate Bush et Abba. A l'époque, encore giscardienne, les deux premiers, encore jeunes et frais, et clairement de gauche, étaient appréciés de la critique ; ce n'étaient pas des artistes qu'on écoutait à la radio (pas encore libre) et je les connaissais de mes soeurs, qui les chérissaient, ce qui devait expliquer du même coup ma passion pour eux, qui, bien vite, s'effaça. Kate Bush est et restera pour moi le maître étalon en matière de musique. J'aurais longuement, je l'espère, l'occasion d'écrire sur elle et sur les multiples sentiments que m'a procuré sa musique au cours des années. Même si elle était déjà apprécié, sa quotte auprès de la critique musicale n'a fait que progresser tout au long de sa carrière au fur et à mesure d'une carrière, je le répète, irréprochables. Et puis il y avait Abbas dont j'étais tombé amoureux fous à l'occasion de leur Gimme, Gimme, Gimme (A man after midnight). Et là, la Critique peut aller se cacher. Si l'on reconnaît aujourd'hui Abba comme l'un des groupes majeurs de la pop music, autant vous dire qu'il n'était pas très bon de crier son amour pour eux à l'époque. A l'époque, Abba, c'était caca. La faute au punk, au rock, à ce que vous voulez. Abba était aussi infréquentable que le disco, un genre, lui aussi, totalement réévalué après des années de purgatoire, par toute la vague House et tout ce qui s'en suivit. C'est donc, presque honteux, que j'avouais ma passion pour le groupe, quand, toutefois, j'osais l'avouer. Aujourd'hui, quand je tombe, par exemple, sur ce mash up entre Abba et Ellie Goulding (par les excellents The Reborn Identity) je n'ai qu'une envie, le partager avec le plus grand nombre. Il montre que même un de leurs morceaux les plus "cheesy" peut s'avérer une véritable petite merveille (avec de nouveaux habits).


ABBA vs Ellie Goulding - Lights Are Gonna Find Me (mashup) from Reborn Identity on Vimeo.

Je n'en finirais plus, ici, d'énumérer les erreurs de la Critique. Ainsi moi qui, très tôt, ai adoré les synthés, ai du attendre, très tard, que la Critique les considère enfin comme de réels instruments à l'égal des guitares. Et de passer à côté de la majeure partie de la vague synthétique des années 80 comme les Soft Cell, Blancmange, Yazoo, j'en passe et des meilleurs, n'ayant de réelle considération pour Depeche Mode qu'à partir de Personal Jesus, au moment donc, où ceux-ci montrèrent qu'ils savaient manier... la guitare ! C'est toujours jouissif, des années plus tard, de voir que vous n'aviez pas si mauvais goût. Parmi ces groupes que j'ai toujours su chérir et que la Critique a longtemps démoli, il y a Duran Duran, nouveaux romantiques honnis dans les années 80, chanteurs à midinettes qu'on ne regardait que de haut. Bien plus que pour The reflex, Girls on Film ou Is there something I should know ?, c'était pour leur album Rio. Je ne saurais que trop vous recommander la lecture de la critique des bien pensants Pitchfork à l'occasion de la réédition de l'album en 2009. Bref, ne vous laissez jamais dicter votre conduite musicale. Et dites vous bien, de toutes façons, que vos mauvais goûts en disent plus sur vous que n'importe quelle idole encensée, mais c'est une autre histoire. En voiture Simone !

Duran Duran - The Chauffeur [uncensored] from mm1 on Vimeo.


Déflagration pop

C'est le morceau qui vous pète littéralement à la gueule. Un morceau pop jouissif, que vous sentez destiné à une longue carrière (même s'il peut vous arriver de vous tromper), qui vous apporte autant de sucres qu'un chewing gum que vous mâchez pour la première fois et à qui, sans doute un jour, vous trouverez la pale saveur d'un chewing gum mâché trop longtemps. Un morceau qui vous donne envie de monter le son et de sauter sur place, les mains en l'air, et l'air béat. Un morceau bête dont on hurle le refrain souvent aussi bête. Un morceau auquel on ne peut pas résister. Je suis tombé sur un de ceux-là hier. Qu'il provienne d'un groupe  baptisé Icona Pop est encore mieux ? Quelle meilleure icone pop que celle qui aligne les tubes de cet acabit ?



Mieux encore Icona Pop est un duo suédois. Car s'il est un pays qui s'y connaît en matière de pop music, c'est bien celui-ci et il faudra, un jour, que l'on m'explique pourquoi. Il faudra un jour que moi même j'écrive plus en détail sur la Suède, amour musical débuté au temps d'Abba, au temps précisément où il n'était pas de bon ton d'aimer Abba. Il faudra aussi que je parle de tous ces groupes réévalués avec les années et quand je pense à toutes ces choses sur lesquelles il me faudra revenir, j'en ai le vertige. Icona Pop m'a fait penser aux Ting Tings du premier album (avant qu'ils ne se perdent) enchainant les Great Dj, That's not my name ou Shut up and let me go qui m'avaient procuré le même effet.


Shut Up and Let Me Go - The Ting Tings from Antonio Jasso on Vimeo.

Mais Icona Pop, qui doit sa puissance de frappe à une chanson écrite, composée et produite par d'autres, m'évoque surtout un girls group moderne. Elles sont dans leur époque, elles ont ce truc qui les rend immédiatement irrésistibles, de vraies "it" girls. D'où la nécessité d'en profiter vite tant on sait qu'un jour on l'a (le "it") et qu'un jour, on ne l'a plus. Prenez les Bananarama ; avant de devenir... de devenir quoi au fait ? Bon, disons avant, les Bananarama étaient les filles les plus cool du début des années 80. Et ce, bien avant qu'elle n'aligne les Shy Boy, Cruel Summer et autre Venus. Surtout bien avant. Car si leur pop allait prendre des allures mainstream, on oublie qu'elles venaient de ce qu'on appellerait aujourd'hui l'indie pop. On retrouve même leur nom associé à l'époque à des groupes aussi irréprochables que Monochrome Set ou The Jam, et le fait qu'elles aient été approchées, à l'époque, par Malcolm McLaren, tout auréolé de la gloire qu'il avait acquise pour les Sex Pistols, Adam & The Ants ou Bow Wow Wow, en dit long sur l'attraction que dégageaient ces trois punkettes au tournant des années 70/80. Mais finalement c'est avec Terry Hall, tout droit sorti des Specials pour former les Fun Boy Three, qu'elles firent affaire. D'abord en assurant les choeurs du premier single des Fun Boy Three, It ain't what you do, les Fun Boy Three leur rendant la pareille sur leur premier single à elles, Really saying something, écrit par Terry Hall. On les voit tous dans le clip ; oui, d'accord, les tenues sont ridicules, les maquillages sont ridicules, le clip est ridicule. Maintenant, s'entend. Soit 30 ans plus tard. Revoyons-nous dans 30 ans pour revoir le clip d'Icona Pop.

lundi 17 septembre 2012

Remix

A quoi ça sert un remix ? Quand j'étais plus jeune (ma bonne dame !) et que j'étais DJ en discothèque, un remix, c'était bien pratique : plus long que l'original, il donnait le temps de chercher l'enchaînement suivant et comme le beat était plus marqué, c'était aussi plus simple, justement, d'enchaîner les morceaux entre eux. Aujourd'hui un remix, ça reste un truc de DJ même s'il est sans doute plus simple aujourd'hui avec tous les gadgets électroniques à notre disposition, d'enchaîner deux disques sans trop se planter dans le rythme. Mais aujourd'hui qu'un DJ est aussi un artiste - ce qui n'était pas le cas de mon temps (ma bonne dame !) - c'est aussi un formidable biais pour découvrir... d'autres artistes. Sans compter que c'est aussi un formidable terrain de jeu oour des artistes qui, eux, ne sont pas des Djs. Parmi les artistes les plus remixés du moment (sans doute les plus faciles aussi, vu le dépouillement de leurs originaux, ce qui veut dire qu'on peut en rajouter par dessus sans risquer l'overdose mais fermons là la parenthèse), il y a The XX. J'aime beaucoup The XX. Mais j'aime encore plus les remixes de The XX pour la raison que j'expliquais ici. C'est grâce à eux notamment que j'ai découvert les espagnols de Delorean faisant briller des nappes de synthés et autres saturations au milieu du régime ascétique des anglais

The XX - Islands (Delorean Remix) by BruMusicLover

Mais j'aime aussi quand un remix bouleverse l'ordre établi, projetant le morceau original dans un univers où on ne l'aurait pas imaginé auparavant. Parce que, si le morceau est bon, pourquoi ne pourrait-il pas plaire à tout le monde à condition de porter le bon dress-code du groupe auquel il s'adresse. Cela permet, qui plus est, de prolonger la vie du morceau, pour qui n'a pas de barrière et peut trouver autant de plaisir à écouter de la pop indie que de la dance electro. C'est ainsi qu'il y a quelques mois je tombais sur ce morceau de trois Australiens qui allait vite ravir toute la blogosphère dont votre serviteur, avant d'offrir à ses auteurs, Atlas Genius, un contrat dans une maison de disques :

Atlas Genius - Trojans by Atlas Genius

Après m'avoir séduit au moins une journée (autant dire une éternité à l'heure du Net), j'oublie Trojans et oublie même jusqu'au nom de ses créateurs. Or, il y a de cela quelques jours, je clique sur un morceau apprécié chez Hypem et qui me rappelle, dès que le chanteur part, ce coup de coeur d'il y a quelques mois. Avouons-le, le remix de Lenno n'est pas des plus subtils mais il pare de lamé disco la petite ritournelle d'Atlas Genius. Et si c'est comme ça que la chanson d'Atlas Genius finissait par parvenir au grand public ? Quel mal y aurait-il à ça ? Car, avouons le aussi, amis de la toile, si nous savons générer, pour le mieux, des débuts de carrière, nous ne sommes pas le grand public qui fait les grandes. A moins que nous aimions croire que nous ne le sommes pas. Mais c'est une autre histoire. Pour l'instant, laissez-moi taper du pied, j'aurais sans doute oublier jusqu'au nom de Lenno d'ici quelques mois.

Atlas Genius - Trojans (Lenno Remix) by Atlas Genius

dimanche 16 septembre 2012

Tears in the toilet

La musique est une affaire d'humeur. Et la mienne est la plupart du temps mélancolique. Aussi nombre de mes disques reflètent cette humeur. Mais plus que mélancolique, je suis un peu triste aujourd'hui et j'avais prévu, précisément, de poster quelque chose de bien triste, histoire d'exorciser. Puis m'est revenu le "tears in the toilet material". La première fois que j'ai entendu parler de "tears in the toilet material", c'était dans cet article du Guardian (The Guardian, dont je ne saurais que trop recommander la lecture des pages musique) à propos de "Dancing on my own" de Robyn.


Robyn 'Dancing On My Own' (Official Video) from Robyn on Vimeo.

Cela m'a fait immédiatement adorer le morceau et louer un peu plus l'intelligence de Neil Tennant, à qui l'on doit ce qualificatif, même si je ne suis amateur que partiellement des Pet Shop Boys. Car je venais de mettre à jour, ou plutôt de donner un nom, à un grand courant qui agite depuis longtemps ma discothèque. Oui, j'aime les chansons tristes. Mais j'aime encore plus celles qui n'en ont pas l'air et pourtant... L'un des meilleurs exemples de cette catégorie, c'est Tracey Thorn pleurant l'être manquant sur une piste de danse où l'a propulsé Todd Terry et qui allait être un tournant de la carrière d'Everything But The Girl



Mais, à l'exception d'Everything But The Girl (bon d'accord, et de quelques autres), rares sont ceux qui arrivent à conjuguer ces deux humeurs contradictoires : la peine qui résonne dans votre coeur, et la joie de taper du pied. Heureusement, il y a les remixes, où les Djs s'en donnent à coeur joie (littéralement) sur des complaintes à vous arracher des larmes. Les larmes que vous versez dans la boite de nuit. Tears in the toilet, donc. Parfait exemple de la catégorie : le folkeux William Fitzsimmons chantant la fin d'un amour remixé par Georges Raquet. Soyez joyeux : pleurez !

samedi 15 septembre 2012

Courir encore

L'une des autres raisons qui m'ont poussé à écrire ces pages, c'est le temps. Ou plutôt la perte de temps. Comme je passe une grande partie de mon temps à naviguer sur le Web à la recherche de la prochaine perle qui saura me ravir, eh bien vient un moment de la journée où je regarde l'horloge et où je vois combien de temps j'ai perdu. A priori, on ne perd pas son temps à chercher de la musique quand on aime la musique. Seulement voilà, moi, j'ai l'impression de le perdre. Que tout cela est inutile si ça n'a pas une fin en soi. Cette fin, c'est de partager cette musique avec les autres. Mais j'ai l'impression que, dans mon entourage, il n'y a pas de réel passionné de musique comme je peux l'être. J'ai bien essayé de poster mes découvertes sur Facebook. Mais, outre le fait qu'on a beaucoup d'amis qui n'en sont pas vraiment, je ne connais personne, dans mes amis, qui soient aussi acharnés que moi. Enfin si, un. Mais un, ça fait peu surtout quand il se trouve à l'autre bout du globe et qu'on a pas tous les jours l'occasion de se parler (de se parler musique, cela va sans dire). Et puis, vos messages sur Facebook tombent au beau milieu des autres, finissent par s'y noyer, alors que vous - enfin, moi - ne vouliez qu'on ne voit que ça, cette petite perle que vous avez trouvée et que vous aviez tant envie d'offrir. Tout ça doit être un peu narcissique. Un narcissisme tordu qui fait qu'aujourd'hui j'ai pris soin que mon nom n'apparaisse nulle part sur ce site, que, d'ailleurs, je n'ai fait connaître à personne pour l'instant. Tout cela tient du journal intime pas intime, comptant que le hasard y guide d'improbables lecteurs qui seraient en parfaite adéquation avec ce que je pense. S'ils arrivent à me suivre. Absurde. Ca l'est d'autant plus qu'aujourd'hui, j'ai l'impression de passer plus de temps à comprendre comment fonctionne un blog qu'à réellement écrire sur la musique que j'aime. De là à faire un site. Et imaginez un site qui soit un album. Non, n'imaginez plus, ça existe déjà :



Peter Broderick est un musicien américain que j'ai découvert totalement par hasard. Depuis je suis fan de tout ce qu'il fait. Ca tombe bien puisque ce doux dingue, multi instrumentiste, fan d'expérimentations en tous genres, mais qui n'oublie jamais la mélodie, qu'il accompagne parfois de sa voix toutes en émotions, ce doux dingue donc sort deux albums cette année. These walls of mine, expérimentations autour de la voix, sort dans quelques semaines mais c'est surtout sur It starts hear, que j'aimerais attirer votre attention. Avant d'être un album sur support conventionnel, It starts hear - dont est issue la vidéo ci-dessus, est un album qui est un site. Ou un site qui est un album, si vous préférez. C'est d'autant plus excitant qu'on comprend tout le processus, via des textes, des sons, des photos ou des vidéos, qui ont abouti aux titres qui le composent. J'écris "d'autant plus excitant", car ce qui est avant tout excitant dans cet album, c'est que c'est l'un des meilleurs qu'il m'ait été d'écouter au cours de cette année 2012. Allez le découvrir ici : it starts hear


Courir

Si j'ai débuté ce blog, comme on débute un journal, c'est aussi parce que, je n'ai de cesse, depuis de longues années, de courir après la musique. Je suis toujours à la recherche de ce qui se fait de bien, quitte à parfois oublier ce qui se fait de bien. Je m'explique : il y a quelques années, à l'époque où c'était encore simple, communiquer ma passion de la musique aux autres passait par la radio, libre de son état. Je n'avais qu'à attendre l'envoi des maisons de disques et lire la presse spécialisée de Best aux Inrockuptibles, en passant par le New Musical Express et Melody Maker, pour faire mes choix. On arrivait généralement au "Disque de la semaine", dont un des touts premiers fut celui-ci : Yvonne Heim - Where have all the flowers gone by Cestunevie.com

J'espère que vous aurez apprécié au passage l'intro très stéréo et les craquements sur le vinyle parce qu'il y a bien longtemps que cette brave Yvonne, néerlandaise de son état, n'a pas commis de disque (à ma connaissance, cette reprise est l'un de ses deux uniques 45 tours - j'aurais pu dire single, mais 45 tours, quand même...). Donc le Disque de la Semaine dans mon émission, comme vous l'aurez avec sagacité remarqué, hebdomadaire, c'était ce que j'avais préféré, ce dont je me délectais et ça pouvait donc durer une semaine. Le problème, c'est qu'avec ma passion dévorante, très vite, je suis passé de coup de coeur hebdomadaires, à coups de coeurs quotidiens. Ca tombait bien, très vite, mon émission allait devenir quotidienne. Et puis, il n'y a plus eu d'émission, plus d'envoi de disque, et il m'est arrivé de passer un mois entier sur le même disque, qui, parfois, n'en valait même pas l'intérêt, mais je l'avais acheté, à l'occasion d'une écoute trop rapide à la Fnac, et il fallait bien que le rentabilise en lui trouvant des qualités dont il était pourtant dénué. Puis est arrivé Internet, un drame. En ouvrant le nombre des possibilités presque à l'infini, l'Internet a changé le cours du temps. A peine me suis-je arrêté quelques minutes sur un artiste prometteur que, déjà, je cours à la recherche du prochain. Comme si, en m'arrêtant, j'avais perdu un temps précieux. J'en oublie ces coups de coeur et si aujourd'hui, je me souviens comme si c'était hier de la plainte synthétique d'Yvonne Heim, serais-je me souvenir, demain, de la ballade acoustique des Staves ?


The Staves - Mexico (Official Music Video) from The Staves on Vimeo.

C'est pour, un jour, pouvoir m'en souvenir, ou pour, qu'un jour, quelqu'un s'en souvienne, que j'ai créé ce blog. PS : le premier album des soeurs, The Staves, sortira fin octobre 2012

vendredi 14 septembre 2012

Un nom

La première chose à faire, avant même d'expliquer pourquoi un énième blog musical, c'est sans doute d'expliquer le nom. Après avoir compris que tous les noms en "musique", voire "music", étaient déjà pris (tout comme je déconseille vivement les "listen", "song" et autre "pop"), j'allais opter pour un titre de chanson.  Et entendu que je suis là :
1 - pour vous faire entendre, voire écouter des trucs (bon, d'accord, des chansons si vous préférez)
2 - pour tenter de vous faire comprendre comment un auditeur est forcément conditionné par sa vie
3 - pour vous faire écouter même des trucs que vous ne connaissez pas
Bref, pour tout ça, C'est une vie, c'était parfait. C'est une vie est une chanson qui m'obsède depuis que je l'ai découverte, un peu par hasard, au début des années 80, sur l'album Nuages Blancs d'Isabelle Mayereau. Entendons-nous bien, je ne suis pas un fan d'Isabelle Mayereau et faire de cette chanson le premier post de ce blog est conduire sur une mauvaise piste tous les amateurs de chanson française qui passeraient là par hasard. Loin de moi l'idée de bouder la chanson française mais il sera sans doute plus question ici de pop anglophone, question de goût, mais nous aurons le temps d'y revenir. Mais C'est une vie est une chanson parfaite : une chanson mélancolique, comme je les aime donc, et une chanson inconnue. Ce qui, d'un côté, me fait terriblement râler, parce que cette chanson mériterait d'être plus connue, et de l'autre, ne peut que me ravir. Il n'y a rien de plus terrible qu'une chanson qu'on aime et qui "tombe dans le domaine public", en ce sens qu'elle devient un tube, un classique ou un incontournable. Vous êtes content pour elle, mais cette chanson a quitté votre jardin secret pour se faire piétiner ou, au mieux, admirer dans un jardin public. Voici donc une première fleur, une timide qui éclot avec le début du printemps, comme un blog naît sur le Net à ce moment même.

Isabelle Mayereau - C'est une vie by Cestunevie.com