vendredi 30 novembre 2012

Dépaysé

Avant de partir (en vacances, hein, pas définitivement), laissez moi vous faire un petit cadeau en libre téléchargement sur le Web depuis quatre jours mais mon petit doigt (et le classement Hypem des titres les plus appréciés sur les blogs qui le classe déjà n°1) me dit que ça ne durera pas très longtemps. Donc profitez de la gratuité de Cash Cash et de leur Overtime.



Avouez que c'est aussi dynamisant qu'une canette de boisson énergisante, même si, je vous l'accorde, ce n'est pas d'une originalité folle. C'est foutrement efficace mais d'une efficacité entendue ailleurs et ils sont déjà plusieurs, sur le Net, à y voir des réminiscences du D.A.N.C.E. de Justice, qui n'était pas seulement un bon titre, mais aussi l'une des meilleurs collections de T-Shirts jamais rassemblées.



Ce plus ou moins discret salut à un groupe français vient d'un groupe américain, Cash Cash, étant de Harrison dans le New Jersey. Mais bon, Justice ne faisait-il pas ouvertement un clin d'oeil à une musique foncièrement américaine, la House ? Faut-il s'en réjouir ou en désespérer, il y a un paquet de musique qui se joue des frontières, et plus encore des identités ; la seule identité de ces morceaux, c'est d'être de la dance music. Après qu'elle vienne des Etats Unis, de France ou d'ailleurs... Tenez, pas sûr que vous sauriez la nationalité du duo Lilly Wood & The Prick si vous n'aviez pour vous renseigner que leur musique. Surtout s'ils vous embrouillent avec une vidéo clairement tournée aux Etats Unis (il y a deux chansons sur cette video et je vous encourage à les écouter/regarder toutes les deux, d'abord parce qu'elles sont bien et ensuite parce qu'elle reflète bien les deux humeurs, un versant ballade, et un versant dancing qu'on retouve dans leur deuxième et très bon album The Fight).


Lilly Wood And The Prick - [Part 1... par CInq7

Bon c'est français. En même temps je vous mens puisque la chanteuse de Lilly Wood and The Prick est née à Tel Aviv et a vécu en Californie et en Angleterre avant de rencontrer à Paris le guitariste avec lequel elle allait former son groupe. Non, rien est clair. Et je peux même vous embrouiller d'avantage en vous perdant non seulement dans l'espace mais dans le temps via ce remix de Laid Back. Oui, moi même, il a fallu me pincer pour y croire : le Laid Back de Sunshine reggae ? Non ?! Si ! Et si j'ai été attiré par leur nom, c'est parce que ces Danois des 80's ont été remixés par un duo Californien qui a sorti un très très bon album cette année, Poolside.



Le plus surprenant dans l'affaire, c'est que le remix ne diffère pas tant que ça de l'original qui durait déjà plus de huit minutes en 1983. Or, ça s'intègre parfaitement au reste de la production, bien d'aujourd'hui, de Poolside, qui a on-ne-peut-mieux choisi son nom tant la musique de ces Californiens est la bande son idéale d'un après midi ensoleillé au bord de la piscine.



L'album de Poolside s'appelle Pacific Standard Time. Au départ je le précisais juste parce que je me disais, vu la qualité de l'album, que ça méritait au moins ça. A l'arrivée je m'aperçois que c'est l'heure à laquelle je serais d'ici peu. Car, comme vous l'aurez remarqué, aujourd'hui, pour être dépaysé, on ne peut plus juste se contenter d'écouter de la musique.

mercredi 28 novembre 2012

Et tes sœurs ?

J'ai déjà évoqué ici, comme, couche après couche, je retrouve petit à petit ce qui a entouré ma construction d'auditeur de musique. Comme je m'évertue à le décortiquer depuis le départ, on ne développe pas, comme ça, comme si elle avait surgi de nulle part, une passion pour telle ou telle musique. Les éléments extérieurs, outre la musique qui vous entoure à la radio, ce sont aussi les disques qui tournent sur les platines à la maison. Si au rez-de-chaussée, c'était les disques de ma mère, au premier étage, où j'étais le plus souvent réfugié, quand elles n'étaient pas là, il y avait ceux de mes sœurs ainées. Il y avait un paquet de 45 tours et quelques albums. Je me rappelle parfaitement avoir écouté en boucle Starmania au moment de sa sortie. C'est dingue d'ailleurs : malgré l'omniprésence de la comédie musicale (quand c'est sorti, on avait dit "opéra rock") de Berger et Plamondon sur les ondes plus de trente ans après sa sortie et l'empreinte durable qu'elle a eu sur la chanson française, je n'ai pas trouvé Starmania sur Itunes. Il y a toujours une profonde mélancolie qui se dégage de Starmania et c'est ce qui, dès le départ, avait su me charmer. Evidemment, à force de les avoir entendu des milliards de fois, on a fini par se lasser des Complainte de la serveuse automate, Stone et autre Ziggy (surtout depuis que Céline Dion l'a reprise). Mais on peut encore prendre plaisir à réécouter des morceaux moins diffusés comme Monopolis France Gall livre sans doute l'une de ses meilleures performances (certes, dans les aigus, mais performance quand même).



Comme d'habitude, je n'étais pas du tout parti pour vous parler de ça mais bien plus d'autres albums. Car la discothèque de mes soeurs ne tournait pas qu'autour de la variété française. Ainsi j'y ai découvert, en pleine période ska, le Mirror in the bathroom de The Beat.



Le premier album des B-52's avec Planet Claire.



Ou encore le Making plans for Nigel de XTC.



Chacun de ses groupes a ensuite connu des fortunes diverses quant à leur prolongement dans ma propre discothèque. The Beat reste un souvenir par exemple. Alors que B-52's est un plaisir que j'ai prolongé et surtout au moment de la sortie de Cake. J'ai toujours adoré cette chanson car en fait, ce qui me plait, surtout, chez les B-52's, ce sont les voix des filles et Kate Pierson en particulier. Je ne suis pas très fan de la voix nasillarde de leur chanteur. Je ne suis d'ailleurs pas le seul : R.E.M sur Shiny happy people n'avait pas invité les B-52's mais bien Kate Pierson à vocaliser (ainsi que sur deux autres titres de l'album Out of time). Ce que j'aimais aussi dans Cake, vrai rupture par rapport à leurs productions précédentes, c'est que le son des B-52's y avait changé, un changement dont ils sont redevables à leur producteur de l'époque, David Byrne des Talking Heads. Et si aujourd'hui, je dois dire que je ne me suis pas intéressé depuis très longtemps à un album des B-52's (mieux vaut oublier le dernier sorti en 2008), j'ai acquis, pas plus tard que cette année la collaboration entre David Byrne et St Vincent, m'étonnant même que Who ne rencontre pas plus de succès.



Mon histoire avec XTC a également eu des prolongements. Il faut dire que si vous vous intéressez un peu au rock, que vous lisez les journaux, difficile de ne pas, au moins, jeter une oreille aux disques de XTC : on les y compare régulièrement aux Beatles. A cela près, qu'excepté Making plans for Nigel, ils n'ont jamais rencontré le succès. Je ne suis pas comme les critiques, j'ai plus de mal avec XTC. Ca n'est pas que c'est pas bien mais bon, ça ne me fait pas grand chose. Sauf quelques titres. Et, à décortiquer ces titres, j'ai très vite compris quel était mon problème avec ce groupe. Pour tout le monde, le génie de XTC, c'est Andy Partridge, chanteur et guitariste qui a écrit la majeure partie du répertoire du groupe. La partie qui reste, mineure, c'est celle qu'a écrite Colin Moulding, l'autre chanteur et bassiste. Or tous les titres que j'aime de XTC sont signés Colin Moulding. Making Plans for Nigel, c'est lui (et lui qui chante aussi). Ou encore Ball and chain et Runaways sur l'album English Settlement.



A partir de là dur de souscrire en bloc à tout ce qu'a fait XTC.
De la même manière que j'ai fait mon tri dans les albums de XTC, je l'ai sans doute fait, aujourd'hui, avec les années passées, dans les disques de mes sœurs ainées. Avec des morceaux qui sont devenus des souvenirs, d'autres, des standards, des artistes que j'ai suivi, d'autres, pas. Après, quelle influence ont réellement eu ces disques sur la formation de mon oreille, allez savoir !  La seule chose que je puisse dire, c'est que la première fois que j'ai entendu cette reprise de Nouvelle Vague avec Camille au chant, j'ai repensé au petit garçon que j'étais, impitoyablement chassé de la chambre quand mes sœurs arrivaient car je ne devais pas toucher aux disques. Ah ! Ah ! Ah ! Moi ! Pas toucher aux disques !? Vous savez ce que c'est, les enfants, interdisez leur quelque chose et vous savez ce qu'il adviendra. Comme quoi l'influence de mes sœurs...


mardi 27 novembre 2012

Déclaration de dépendance



Scars on land est le morceau qui clôt l'album Declaration of dependence des Kings of Convenience, sorti il y a trois ans. Les Kings of Convenience sont deux Norvégiens : Erlend Øye et Eirik Glambek Bøe. Pour faire court, ils pourraient bien être les Simon & Garfunkel de leur temps auxquels ils empruntent la guitare acoustique prédominante sur des harmonies vocales aussi douces que célestes. Mais les rôles sont bien plus partagés dans Kings of Convenience d'où, d'ailleurs, ce joli titre en forme de constat. L'un a besoin de l'autre pour créer et vice versa. Enfin, c'est plus compliqué que ça. Erlend Øye n'a absolument pas besoin de son alter ego pour délivrer de très jolies choses. C'est lui, seul, qui chantait sur le Remind me et Poor Leno de ses compatriotes de Röyksopp, sur l'album inaugural du groupe sorti en 2001, soit exactement la même année que Quiet is the new loud, le premier album de King of Dependance.



Et déjà se profilait la dichotomie d'Erlend Øye : son côté folkeux tranquille d'un côté opposé à son goût immodéré pour les musiques électroniques plus échevelées. D'ailleurs, tout de suite après ce premier album des Kings of Convenience qui pouvait sonner comme une déclaration artistique, Quiet is the new loud, je vous le rappelle, plaçant donc le doux et le calme comme sa principale force, Erlend Øye partit s'installer à Berlin où il enregistra un album electro, Unrest, et officia comme DJ dans de nombreuses soirées, sa particularité étant de chanter durant ses sets comme sur cette très bonne reprise du There is a light that never goes out des Smiths.



Toutefois, aussi fasciné semblait-il par la musique électro, il revint une première fois en 2004 vers son compagnon des premières heures enregistrer le deuxième album des Kings of Convenience, Riot on an empty street. Ce qui ne l'empêcha pas de retourner à Berlin après ces premières retrouvailles fonder le groupe The Whitest Boy Alive pour les albums Dreams en 2006 et Rules en 2009.



Encore une fois du bon boulot. Mais il n'empêche. En 2009, il revint donc à Kings of Convenience avec ce constat : Declaration of Dependence. Même s'il a fait la preuve du contraire durant toutes ces années, c'est comme s'il dépendait de son compère pour exister artistiquement. Compère dont la seule activité notable dans le même temps fut d'apparaître comme choriste sur la chanson How my heart behaves sur l'album The Reminder de Feist. C'est peu. On pourrait donc se dire en toute logique que la force créatrice du duo, c'est Erlend Øye. Mais non puisqu'ils nous le disent eux mêmes : Declaration of dependence. Pourquoi choisir l'un ou l'autre quand ce sont les deux, qui ne forment alors plus qu'UN groupe, qui sont capables de délivrer de telles caresses auditives ?
Il y a un tas d'autres couples dans la musique que j'aime. Deux personnes qui, ensemble, atteignent une magie qu'ils sont incapables de reproduire, seul ou accompagné, chacun de leur côté. Je suis toujours frappé, aussi, de voir, après la séparation définitive ou temporaire de ces couples comme il nous faut choisir un camp. Comme il faudrait choisir entre papa et maman après un divorce. Le plus bel exemple, c'est bien sûr Lennon/McCartney. Qu'on nous demande, êtes-vous Beatles ou Stones, passe (Beatles, à propos), mais Lennon ou McCartney, ça ne veut rien dire. Les Beatles, c'étaient Lennon ET McCartney. Et même si, comme on le sait depuis leur séparation, certaines chansons n'étaient, en réalité, que de l'un ou de l'autre, c'était ensemble qu'il les officialisait via cette signature : Lennon/McCartney. Une vraie déclaration de dépendance en soit. For Lennon ? For McCartney ? Non, For no one.



Je trouve toujours étonnant qu'aujourd'hui encore, on accorde plus de crédit à Lennon qu'à McCartney. D'accord il n'a pas l'attitude rock'n'roll de Lennon, mais McCartney est un incroyable mélodiste. En ce sens, ils me rappellent un autre couple qu'on essaie toujours, ici, de différencier : Alain Souchon et Laurent Voulzy. Avec d'un côté, le "bon", Souchon, et de l'autre, le" mauvais", Voulzy. Mais Souchon n'existerait tout simplement pas sans Voulzy. Sur le premier album de Souchon, il n'y a qu'une seule chanson dont Voulzy signait la musique : la chanson titre et seul tube de l'album, J'ai dix ans. Sur l'album suivant, c'était Bidon. Mais c'est sur le troisième album que sa place se fit prépondérante, troisième album qui, comme le dit sa note Wikipedia, "contient des grands classiques du répertoire de Souchon", comme Poulailler's song, Jamais Content, J'ai Perdu Tout C'Que J'aimais, Allo Maman Bobo, Y a d'la rumba dans l'air. Toutes cosignées Voulzy. Je sais déjà ce que certains m'opposeront : que Souchon, surtout à partir de C'est déjà ça, a chercher (et parfois trouvé) à s'émanciper. Il n'empêche qu'on voit le résultat, médiocre, quand Voulzy est absent comme sur l'intégralité (moins une chanson) de son dernier album, Ecoutez d'où ma peine vient. Pourtant alors qu'il est de bon goût de posséder cet album (qui ne l'est pas), il ne l'est pas d'acheter le dernier Voulzy, pourtant bien supérieur. Pourquoi continuer à traiter si ce n'est avec dédain, au moins avec circonspection l'intégralité de l'oeuvre de Voulzy, lui aussi, pourtant, mélodiste hors pair, doublé d'un arrangeur perfectionniste aux qualités rares en France ? Voulzy, c'est le côté plus ensoleillé, plus léger de Souchon, comme Souchon est le côté plus obscur, plus profond de Voulzy. L'un ne va pas sans l'autre. A la fin de son album Caché derrière, en 1992, Voulzy avait caché derrière (d'où le titre) le dernier titre de l'album, une micro reprise (28 secondes) en acoustique de la chanson titre : une guitare, lui et Souchon. Ca n'est pas sans me rappeler Kings of Convenience.


lundi 26 novembre 2012

Passer la seconde

Puisque j'en suis , et puisque je me suis laissé aller ces derniers jours, voici une petite rallonge que vous avez bien mérité. Je vous le disais, il y a deux ans, The XX remportait le Mercury Prize mais aussi les louanges de tous les critiques et mélomanes pour leur premier album 2.0. Il est probable qu'il ne suscite pas le même enthousiasme cette année avec le suivant, Coexist. Ce ne sera pourtant pour la qualité de l'album soulignée au moment de sa sortie. Mais surtout parce que The XX a fait exactement la même chose que sur leur premier album. Ils répètent la formule qui les avaient rendus célèbres. Mais c'est précisément cette répétition qui va leur coûter. Ce n'est pas qu'elle n'est pas bonne, cette formule ; on n'en aurait pas autant parlé il y a deux ans (et, dans une moindre mesure, encore cette année) si elle n'était pas bonne. Mais il y a deux ans, elle était neuve. Aujourd'hui, elle semble déjà appartenir au passé. Fallait-il pour autant que The XX change d'habit ? Pas sûr, d'autant que leur musique ascétique, une dance music dont on aurait enlevé toutes les couches pour la livrer nue, se prête, précisément pour cette raison et comme je l'ai déjà pointé, à tous les travestissements. Résultat : même si The XX reste les mêmes, sur la blogosphère, ils ne sont jamais les mêmes, offrant autant d'officieuses métamorphoses qu'officiellement, ils se refusent. Malin. En voici quelques unes qui font, pour moi, autant partie de leur répertoire que leurs sorties officielles donc. Comme ce mash-up d'Austin Eterno avec I remember, un morceau de Deadmau5, le tout devenant logiquement I remember shelter.



J'aimais bien aussi le remix de Stars par LAZRtag.



Quant au second album, il ne cesse de livrer chaque jour et pour chacun de ses morceaux, son lot de remixes comme ce Fiction revu par les Français de Synapson.



Ou cet Angels remanié par les Canadiens de Spurz.



Bref une façon pour The XX de s'aventurer ailleurs, d'offrir d'autres facettes qui font que même si la formule reste la même, elle en permet d'autres. Ce qui devrait leur permettre d'occuper encore un moment le paysage musical. Ils ont passé à leur façon l'obstacle de "that difficult second album", comme le disent les Anglosaxons. Car si bonne soit la fortune, fut un temps où la répétition ne pardonnait pas, où les remixeurs n'agissaient pas pour vous tels des magiciens, et cette seconde livraison vous figeait dans la posture de la redite quand bien même ce que vous aviez à dire la première fois était passionnant. Et pour vous le montrer, laissez moi revenir plus de vingt ans en arrière avec un groupe qui n'est pas sans me rappeler The XX. Sur Can't be sure, qui fut leur premier single, les Sundays partagent cette même voix féminine très pure, ce même ascétisme aussi et, à la manière des XX, déclenchèrent un torrent de louanges au moment où sortit le disque.



L'album Reading, writing and arithmetic, sorti en 1990, soit un an après ce choc initial, n'était peut-être pas aussi original mais, quelque part entre les Smiths et REM au féminin, il offrait un son nouveau dont tout le monde alors raffolait. Deux ans plus tard, ils sortirent Blind, creusant toujours le même sillon. Ou leur tombe, au choix.



Car si l'album, comme on peut le voir sur ce 24 Hours, avait bien des choses pour nous éblouir, il n'en restait pas moins que nous avions déjà été éblouis des mêmes choses deux ans auparavant. C'est un peu comme dans La France a un incroyable talent : si un candidat exécute lors du second tour, le même numéro que celui qui l'a brillamment qualifié au premier, il sera irrémédiablement éliminé. Et peu importe précisément, que vous ayez un incroyable talent. S'il n'est pas multiple, vous prenez la porte.  The Sundays ne sortirent plus qu'un seul album cinq ans plus tard, le bien nommé Static and silence. Statiques, car même si les Sundays y faisaient appel à quelques cordes et cuivres plutôt inhabituels, jusqu'alors, dans leur production, ils gardaient malgré tout le même son, la même formule. Et le silence, c'est ce qui précéda (cinq ans) mais, plus encore, suivit ce troisième et ultime - en tout cas jusqu'à présent - essai discographique. The Sundays n'ont pas passé le cap de that difficult second album et pour cause : ils en sont toujours restés au premier.



Le meilleur du meilleur

A ceux qui s'interrogeraient sur mon absence prolongée, je répondrais seulement qu'il va falloir s'y habituer : c'est bientôt les vacances et pas sûr que je sois tous les jours devant un ordinateur. Juste au moment où les classements de fin d'année allaient sortir et où on allait pouvoir bien rigoler ! Ou crier de rage ! Car bien plus que de véritablement désigner le meilleur album de l'année (qui dans l'absolu, soit dit au passage, n'existe pas pour des raisons déjà évoquées ici), les magazines, sites et autres blogs vont d'abord se mettre en avant, ou mettre en avant leur ligne éditoriale, ce qui fait leur spécificité plutôt que de faire preuve d'un tant soit peu d'objectivité. Et c'est finalement assez logique, si tout le monde disait la même chose, l'existence même de tous ces magazines, sites et autres blogs serait en jeu. Il n'empêche que la règle a quelque chose d'absurde quand un album dépasse d'une tête tous les autres. Il se voit généralement assez bien sur ces listes : il est numéro deux partout. Parce que, dans tous ces magazines, sites et autres blogs, on se dit que, non, c'est décidément bien trop évident pour que ça prenne la première place. Je me souviens parfaitement qu'en 1997, Ok Computer de Radiohead était arrivé à de très nombreuses reprises n°2. Le New Musical Express lui avait, par exemple, préféré Ladies and Gentlemen, we're floating in space de Spiritualized. Mouais. Dans tout ce fatras de distinctions, j'aime assez le Mercury Prize, lancé il y a vingt ans par l'industrie du disque du Royaume Uni pour désigner le meilleur album britannique ou irlandais de l'année. C'est certes limitatif puisque ça exclue quand même une grande partie du monde mais soyons lucide : même si l'apport de la Grand Bretagne à la musique ces dernières années a largement diminué, elle reste néanmoins l'une des places fortes (LA place forte ?) de la musique pop rock contemporaine. Les nominés du Mercury Prize sont désignés par un panel de musiciens, journalistes, travailleurs de l'industrie du disque, etc... Et les nommés sont en général un bon reflet de ce qui se fait de mieux cette année-là. Ca vaut le coup d'y jeter un œil, enfin une oreille, d'autant plus que la musique des nommés n'est pas forcément venue jusqu'à nous. L'année dernière, par exemple, je m'étais demandé longuement ce que venait faire, au milieu de pointures comme les albums d'Adele, Metronomy ou James Blake, l'album de King Creosote & Jon Hopkins. Jamais entendu parler. Et puis j'ai écouté.



Je ne sais pas si ça vous a fait pareil mais moi, la voix haut perchée de King Creosote sur ces quelques notes de piano me fait systématiquement dresser les poils. Outre le fait que l'album Diamond mine est éminemment recommandable et recommandé, c'est une belle histoire de collaboration entre un folkeux et un musicien électro, qui, à en croire la légende, s'est étalée sur sept années d'enregistrement. Bon, à l'arrivée, ils n'ont pas gagné. Ni Metronomy, ni Adele, ni James Blake. L'année dernière, c'est PJ Harvey qui a gagné et j'imagine que c'est un très bon album puisque c'est la deuxième fois qu'elle obtient le prix. Oui, j'imagine, parce que PJ, ma grande, tu ne m'as jamais rien fait. Mais alors rien : les poils qui se dressent, c'est pas pour toi. Faut pas m'en vouloir, c'est comme ça. Oh, et puis, il arrive aussi aux votants de ce prix de faire notoirement n'importe quoi en favorisant l'outsider aux favoris : quand, en 1994, Blur était nommé pour Parklife, Pulp pour His'n'hers, The Prodigy pour Music for the jilted generation ou Paul Weller pour Wild wood, c'est M People pour Elegant Slumming qui a remporté la timbale.



Bon d'accord, ça vous a fait remuer le popotin deux minutes et rappelé quelques souvenirs mais avouez qu'en gagnant du Mercury Prize, c'est un peu comme si JK Rowling avait remporté le Goncourt ; et Dieu sait si j'ai aimé les Harry Potter mais quand même ! Pourtant il n'y a pas que la propension des jurys à vouloir déjouer les pronostics qui entre en compte, il y a aussi des erreurs d'appréciation que seul le temps peut discerner. Par exemple, en 2001, je couvrai le festival de Cannes et eu l'occasion de voir tous les films de la compétition. Au bout des dix jours de compétition, je pronostiquais The Pledge de Sean Penn, La Pianiste de Michael Haneke, La chambre du fils de Nanni Moretti (qui finit par avoir la Palme), voire même La chambre des officiers de François Dupeyron. A la fin de l'année, ne me restait plus qu'un film en mémoire : Mullholland Drive de David Lynch, à qui, sur l'instant, je n'aurais pourtant rien accordé. Le temps avait joué son rôle de filtre et finalement distingué la pépite. D'ailleurs tous ces prix, tous ces classements ne sont-ils pas de gros tamis dans lesquels  on peut trouver aussi bien des pépites que des morceaux de boue ? Il se trouve que cette année, ce sont les favoris qui ont gagné : Alt-J avec An Awesome Wave, qui doit être tellement connu ces jours-ci, que j'ai finalement décidé de vous poster un autre titre d'Alt-J qui sévit sur le Web depuis peu, extrait de la bande originale du film Silver Linings : le titre Buffalo qui aurait facilement trouvé sa place sur l'album.



Oui, c'est logique qu'Alt-J ait gagné cette année car leur album est au-dessus du lot. De la même manière qu'en 2010, le premier album de The XX l'était (il remporta d'ailleurs cette année là ce même prix Mercury), ou qu'en 2009, Veckatimest de Grizzly Bear l'était aussi. Ca n'est pas le cas chaque année. Il se peut qu'il y ait plusieurs de ces albums importants sur une même année. Mais ils sont précisément si rares qu'il n'est pas difficile, avec un peu de recul, de les distinguer. Un peu d'objectivité fait l'affaire. Mais il n'y a rien de plus subjectif que l'amour, en l’occurrence l'amour qu'on porte à un album. Aussi, si l'on sait tous que l'album d'Alt-J est le meilleur de l'année, on ira chercher un choix moins évident, histoire donc de se mettre en avant, ou de se trouver un chéri plus perso que celui que tout le monde serre déjà dans ses bras. Aussi faudra-t-il mieux, encore une fois, se reporter sur celui qui est second dans tous les classements que sur celui qui est premier dans un tel ou tel autre pour avoir une meilleure vision du meilleur album de l'année. Du moment qu'on le sait, avec un peu de bonne foi, on peut alors proclamer n'importe quoi avec la plus mauvaise foi du monde.

mercredi 21 novembre 2012

Heavy dance

Ceci est-il le nouveau Daft Punk ?



C'est la question qui enflamme le Web ces dernières heures et qui en dit long sur la place qu'ont pris les deux Français dans le cœur des mélomanes du monde entier. Ca en dit long aussi sur une véritable marque de fabrique aussi distincte qu'imitable. Le crocodile Lacoste de l'électro, en quelque sorte. Sauf que porter un Lacoste, c'est chic, alors que porter l'imitation marocaine... L'incertitude quant à son authenticité permet donc à Emphazed de générer un maximum d'attention et un tant soit peu de respect. Pour le moment. En attendant confirmation ou infirmation des deux principaux intéressés. Entre temps, nous aurons eu droit à tous les commentaires des Internautes : celui-ci qui est "presque à 100 % sûr  (sic) qu'il s'agit de Daft Punk" puisqu'il reconnaît les "synthés qu'ils avaient utilisé pour la bande originale de Tron" et celui qui pense que c'est "trop cheap pour être du Daft Punk".
En fait la seule chose qui semble à peu près sûre dans tout ça, c'est que Daft Punk sorte un nouvel album au printemps prochain. On sait aussi depuis plusieurs semaines que Nile Rogers fera partie du projet. Rien que ça suscite l'attente : pensez donc, le génial guitariste de Chic qui a marqué de son sceau la dance fin 70, début 80 rencontre ceux qui en ont fait de même pour la période fin 90, début 00. Et si Daft Punk reprenait les choses où Chic les avait laissés en 1983 au moment de leur séparation ? Je serais tenté de le penser en réécoutant le vocoder utilisé sur You are beautiful, morceau de l'album Believer, si mésestimé qu'il est aujourd'hui l'un des rares du groupe à ne pas être disponible sur Itunes (du moins la plateforme française).



C'est curieux comme on a décrété la mort de Chic (qui s'est avérée, l'album ayant été un flop) avec ce morceau qui annonce pourtant le son des productions futures de Nile Rodgers au son prédominant pour l'époque, comme les albums Let's dance pour Davie Bowie et Like a virgin pour Madonna. Si je n'ai jamais été très convaincu par Like a virgin (je crois que je préférais la Madonna émergente de Holiday, Lucky Star et Everybody), j'ai en revanche toujours trouvé très bon l'album Let's dance. Je sais, ça fait hurler les fans de Bowie pour qui c'est le moins bon de sa carrière, le début de la fin, etc, etc... Sauf que Bowie, pour moi, ce n'était rien d'autre, à l'époque, soit rappelons-le, en 1983, que le chanteur d'Ashes to ashes. Je ne connaissais rien d'autre de lui car Bowie n'avait pas fait de tube assez marquant pour qu'ils arrivent jusqu'à mes oreilles de petit garçon que j'étais du temps de l'apogée de Bowie, soient les années 70. Et heureusement que Let's dance a existé car il a permis à tout un tas de personnes de découvrir rétrospectivement Bowie. Ce n'est absolument pas une raison pour jeter le Bowie de Let's dance sur lequel les critiques jettent en général l'opprobre : commercial. Ca veut dire quoi commercial ? Qu'il cherche à vendre des disques ? N'est-ce pas là ce que font la majeure partie des artistes ? Ou alors est-ce parce qu'on ne supporte pas de devoir le partager avec la "populace" ? Parce que, oui, quand un artiste délivre une chanson comme Let's dance, amplifiée par la production poids lourds de Nile Rodgers, ça va finir par s'entendre. Et ça s'est entendu, l'album étant celui qui s'est le mieux vendu de Bowie. Bowie a eu plein de bonnes chansons, mais rarement une aussi bonne intro que celle de Let's dance.



Finalement en quoi Let's dance, invitation à se déhancher, tranchait-elle avec des chansons comme Fame en 1975 ou Golden Years, l'année suivante ? Sans doute dans sa façon d'avancer non masqué, d'y aller avec ses gros sabots ou de ne pas y aller avec le dos de la cuillère, si vous voyez ce que je veut dire. Avec ses précédents titres, Bowie pouvait faire croire à une ironie, un détachement tout rock'n'roll vis à vis d'une musique pourtant déjà très dance ; une manière d'y toucher sans y toucher, une approche un peu arty de la dance music qui fait qu'on reste cérébral, même si l'on s'adresse au corps. Avec Let's dance, plus moyen de se cacher derrière son petit doigt : get on the dancefloor ! Des fois, il n'y a pas moyen de faire dans la demi mesure, dans la dentelle. Faut y aller franco quand bien même, on  trouvera ça putassier. Le morceau l'exige ; il est si énorme qu'il convient de ne pas essayer de réduire ses ardeurs. Il part comme un cheval au galop ? Laissez-le partir comme un cheval au galop car c'est son rythme. Et tant pis pour ceux qui resteront à la traîne. En cela, les Daft Punk, bien que sur une période très réduite, ont eu une trajectoire assez similaire enchaînant le consensuel Homework au plus discuté, du moins au moment de sa sortie, Discovery. Je me souviens même avoir pensé, assez snob, la première fois que j'ai entendu One more time : "Mais qu'est-ce que c'est que ce truc" ? Un tube, coco, voilà ce que c'est. Et l'album Discovery que je découvrais alors circonspect est de très loin celui que j'écoute aujourd'hui avec le plus de plaisir de Daft Punk.



Aucune chanson de l'album suivant des Daft Punk, Human after all, n'a l'évidence (heavy dance, donc) de Face to face, ou tout autre titre de Discovery. Human after all, c'est le retour à une case beaucoup plus cérébrale, un truc qu'on peut prendre au sérieux quoi. Pas cette espèce de rouleau compresseur populaire face auquel on peut se retrouver débordé. Est-ce pour cela qu'aujourd'hui fuite sur le Net ce Emphazed, dont on ne sait s'il est vraiment l’œuvre de ses créateurs ? Comme une sonde d'essai. Pour voir si c'est acceptable de faire un morceau simplement évident. Si évident que, même si ce n'est pas Daft Punk, on puisse penser qu'il s'agisse d'eux. Le blog Indie Shuffle s'interroge en ces termes : " What do you think? Is this the real deal?" Allez savoir. L'important n'est-il pas plutôt de se demander si c'est un good deal ? Si c'est une imitation, peu importe du moment qu'elle soit bien faite. Après tout, il y a bien longtemps que je me fous de porter - ou non - de la marque.

mardi 20 novembre 2012

Quand il neigeait en avril

Je viens de voir un épisode de Prime suspect, une série policière américaine un peu bourrine, lancée par un générique un peu bourrin, qui ressemble vaguement au "non moins subtil" Princess of China de Coldplay & Rihanna. Ce qui me chagrine un peu, c'est que le générique est signé Wendy & Lisa. Bon, ce n'est pas la première fois que je vois le nom de Wendy & Lisa au générique de séries TV puisque je les avais déjà repéré derrière celui d'Heroes et de Nurse Jackie, pour lequel elles ont gagné un Emmy Award.



Ce n'est pas que je n'ai pas le plus grand respect pour la BO comme je l'ai déjà dit ici ou , mais ça m'ennuie que Wendy & Lisa ne soient réduites qu'à ça et, pour la majorité du public, à presque rien. Or, si derrière chaque grand homme se cache une femme, nous dit le dicton, derrière Prince, se cachent deux femmes : Wendy & Lisa. On pourra m'objecter que Prince avait commencé sa carrière sans les deux musiciennes et qu'il la poursuit sans elles depuis 1987. Mais c'est précisément quand Wendy Melvoin était sa guitariste et Lisa Coleman, sa pianiste, que Prince a intéressé tout le monde. Avant même l'arrivée de Wendy (qui n'est arrivée qu'avec Purple rain), le premier titre de Prince ayant retenu mon attention était 1999.



La chanson avait beau être l'oeuvre d'un seul type, elle apparaissait déjà comme une oeuvre collective, débutant par la voix de Lisa, qui se marie, par la suite, à merveille avec celle de Prince. Ca avait beau être de la musique clairement identifiée black américaine, elle présentait aussi pas mal de similarités, au niveau des sons de synthés et ce croisement de voix masculines et féminines, avec celle de Human League dont le Don't you want me était sorti l'année précédente. Et c'est sans doute comme ça que j'ai été harponné par la musique de Prince. Par la suite, d'ailleurs, Human League a collaboré sur Human avec Jimmy Jam & Terry Lewis, ex musiciens de Prince et leur (Keep feeling) Fascination, en 1983, est pour moi autant la suite de Don't you want me qu'un croisement avec 1999.



Mais revenons à Prince, Wendy et Lisa en cette même année 1983 où Prince va devenir une superstar via Purple rain. Sur l'album, il n'y a plus marqué Prince mais Prince & the Revolution, dont les membres principaux sont... Wendy & Lisa. Même si l'on accorde à Prince la paternité des chansons qui allaient devenir célèbres, il y avait marqué, sur ces albums, "produced, arranged, composed and performed by Prince & the Revolution". Et, non seulement le tiercé d'albums que Prince sortit avec The Revolution, soient Purple rain, Around the world in a day et Parade est un sans faute, mais il comprend la plus grande partie des tubes de Prince : When doves cry, Purple rain, Raspberry beret, Kiss ou Girls and boys. Même si j'aime beaucoup certains de ces titres, c'est évidemment vers des titres moins exposés que va ma préférence comme Pop life.


Pop Life par tpryorl

Mais LE morceau pour lequel je serais prêt à échanger tous les autres, LE morceau dont je ne saurais me passer, quand, au contraire, je peux passer des mois, voire des années à me passer des autres, est un titre clairement signé Prince, Wendy & Lisa. Et pour moi, ça veut bien dire comme les deux filles ont été importantes à cette période clé de la carrière de Prince. Cette chanson, c'est le bouleversant Sometimes it snows in April.


Prince - sometimes it snows in april par thuglife2k

Alors, évidemment, je sais ce que beaucoup auront à opposer à cette théorie fumeuse qui veut que Prince ne serait rien sans Wendy & Lisa : l'album Sign O the times, sans doute son meilleur, paru en 1987 juste après qu'il ait dissous The Revolution. Sauf que bien des chansons qui composent cet album, et bien que ni The Revolution, ni Wendy & Lisa n'apparaissent sur les crédits de Sign O the Times, ont été composés et enregistré pour l'album Dream Factory de Prince & the Revolution. Et là, soit vous connaissez par cœur cette histoire soit vous croyez que j'ai trop fumé, car l'album Dream Factory n'existe pas. Sauf qu'il aurait du exister : en 1986, Prince & the Revolution enregistrèrent cet album qui aurait du être le successeur de Parade. Mais finalement, jugeant sans doute que The Revolution prenait trop de place par rapport à son égo surdimensionné, Prince jeta le disque et le groupe à la poubelle. Il ne put toutefois se résigner à laisser tomber d'aussi bonnes chansons et en recasa huit sur Sign O the Times, les plus belles comme la chanson titre, It, The Ballad of Dorothy Parker ou Starfish and coffee. Et après ? Après Prince ne m'a plus guère convaincu que sur Lovesexy, puis ce fut la grande catastrophe de Grafitti Bridge à partir duquel je ne me suis plus vraiment intéressé à Prince, comme, je le crois, la plupart d'entre nous. J'étais, pour ma part, persuadé que "la vérité était ailleurs". Chez Wendy & Lisa. J'en étais d'autant plus persuadé qu'en 1987, le premier single "solo" de Wendy & Lisa était une vraie claque, une chanson magistrale que je pensais vouée au succès, et dont je suis encore aujourd'hui admiratif : Waterfall.



On sait, ou plutôt on ne sait pas ce qui revient au même, ce qu'il est advenu. Waterfall fut un flop. Et pour tout dire, j'ai été assez déçu par l'album et celui qui suivit et n'ai même jamais écouté les trois suivants (ce qui en fait cinq, bravo, tu sais compter). Je pense que, de la même façon que Wendy & Lisa apportaient beaucoup à Prince, Prince devait amener beaucoup de choses à Wendy & Lisa. Une sorte d'émulation réciproque qu'ils ont, chacun de leurs côtés, cherché à recréer (le nombre de leurs collaborations avec d'autres musiciens est infinie) mais dont ils n'ont jamais retrouvé la magie. Alors, oui, Wendy & Lisa sont aujourd'hui des compositrices recherchées pour les musiques de séries ou de films, oui, Prince a continué sa carrière, mais laissez moi regretter, comme eux doivent le faire parfois, l'époque où ils étaient les rois du monde. L'époque où il neigeait en avril.

lundi 19 novembre 2012

Canada dry

Aimerais-je Francis Cabrel si j'étais québécois ? La question peut surprendre mais c'est parce que Daniel Bélanger est une valeur sûre de la chanson québécoise, ce qui évidemment ne vous en dit pas plus. Le site Québec Info Musique indique qu'il est l"une des figures majeures de la chanson québécoise de la décennie 1990" et qu'il "est assuré de laisser sa marque sur au moins une partie du XXIe siècle". Rajoutez à ça plusieurs Félix et Juno qui sont les équivalents au Québec et au Canada des Victoires françaises et Grammy américains et vous aurez un aperçu de l'importance de Daniel Bélanger dans son pays d'origine. Une sorte de Francis Cabrel québécois donc. Sauf que si j'adore Daniel Bélanger, je suis totalement indifférent à la musique de Cabrel (à part, peut-être, La Corrida mais bon). Pourtant, de ce côté-ci de l'Atlantique, Daniel Bélanger fait chou blanc. J'avais pourtant prédit, à tort donc, son succès quand je l'avais découvert en 1992 via le single La Folie en Quatre. Cette petite ballade à la guitare n'eut pas l'heur de plaire à mes compatriotes pas plus qu'Opium, qui, dans le même temps devenait le plus gros succès de l'année au Québec et un standard immédiat.



Bon, je sais très bien ce que certains d'entre vous pensent : c'est de la variétoche. On va dire variété, si ça ne vous gêne pas et éviter ainsi toute péjoration. Or qu'est-ce que la variété, si ce n'est une appellation bien francophone de la pop music au sens populaire du terme ? Et il peut y avoir quelque chose de noble à faire de la variété, à condition de ne pas prendre l'auditeur pour un con, soigner son ouvrage et délivrer matière à émerveillement. Et il y a tout cela dans la musique de Daniel Bélanger. En tout cas pour moi. Car je vois bien, en tentant de trouver quels morceaux poster pour vous faire éprouver ce charme que ce charme a quelque chose d'indicible. Faire émerger un morceau est en la matière un peu trop limitatif : le charme de Bélanger marche sur le long terme. Il faut s'immerger dans ses albums où il oscille entre recherche électronique et songwriting d'un très grand classicisme pour comprendre et, peut-être, apprécier le personnage. Un chanteur un peu dépressif qui s'adresse au solitaire, à celui qui n'a plus, ou pas beaucoup d'espoir, Désespéré, chantait-il sur son premier album ; oui, je sais, c'est pas très réjouissant mais sa musique, pourtant, arrive à me réjouir comme Dans un spoutnik.



En fait, la plus belle façon de comprendre la beauté de ses chansons est peut-être d'écouter la reprise de l'une des chansons de son répertoire par l'une de ses compatriotes, Ariane Moffat. Je me souviens que dans le livret de l'album, elle remerciait Daniel Bélanger d'avoir écrit la chanson parfaite: Imparfait.



Là je pense que vous m'imaginez déjà au trente sixième dessous. Mais on a tous un blues qui sommeille en nous et l'entendre chanter est sans doute l'une des meilleures façons de le vivre, de le sublimer. Une manière nécessaire pour ne pas devenir malade ou fou, comme dans Dis tout sans rien dire.



Vous n'aurez peut-être pas apprécier d'avantage Daniel Bélanger à la fin de ce post. Et finalement c'est tant mieux. Daniel Bélanger, son accent québecois même quand il chante, son chant d'écorché par la vie, c'est un plaisir solitaire et, ici, assez exclusif puisque je n'habite pas le Québec et n'ai donc pas à le partager avec la moitié de la population du pays. Un truc impossible à imaginer avec Francis Cabrel. A moins donc, peut-être, d'avoir grandi au Québec.

samedi 17 novembre 2012

La Bérézina

Depuis quelques heures, j'ai en tête ce post que je vais consacrer - gros morceau - à Elizabeth Fraser. Et je me disais que la Bérézina, c'était bien. Parce que comme on fait précéder le nom d'une diva, d'un "la", tel la Callas, la Fraser avait bien mérité le sien. Et puis je trouvais que ça collait bien au sujet. Sauf qu'après réflexion, le mot que je voulais employer n'était pas la Bérézina, mais l'Arlésienne. Mais comme il n'y avait plus qu'un L et un apostrophe, ça ne faisait pas mon affaire. J'aurais pu tenter La Rlésienne, mais bon. Oui, l'Arlésienne car je, tu, il, nous, vous, on attend l'album solo d'Elizabeth Fraser depuis des lustres. Depuis la séparation des Cocteau Twins qui remonte à 1996. Vous trouvez que j'exagère sur l'expectative ? Bon, OK, mais Elizabeth Fraser est (et pour ceux qui suivent, la vérité va enfin être révélée !) la troisième chanteuse de mon Top 3 des plus grandes chanteuses, avec Tracey Thorn et Kate Bush. Un amour qui ne date pas d'hier là encore puisque j'ai découvert les Cocteau en 1983 via l'album Head over heels bien que je ne les ai définitivement porté au pinacle que l'année suivante avec l'album Treasure, jugé par mes oreilles d'alors (et encore maintenant, je pense) comme le meilleur de l'année 1984.



Ivo qui ouvre l'album montre tout ce que j'aime chez Elizabeth Fraser : cette voix duelle, angélique, presque enfantine dans les aigüs, et plus âpre, adulte dans les graves. Car, au cas où vous ne le sauriez pas et pour que les choses soient claires, Elizabeth Fraser faisait toutes les voix, sans exception, sur les albums des Cocteau Twins. Elle y écrivait aussi tous les "textes" ; c'est effectivement à mettre entre guillemets puisque ce ne sont pas des textes à proprement parler mais plutôt du yaourt ou un langage n'appartenant qu'à elle. Mais j'y reviendrais.
Mon admiration n'a jamais cessé pour les Cocteau Twins tant leur carrière est exemplaire. J'ai juste été un chouïa déçu par les deux albums qui ont suivi leur départ de leur maison de disque historique, 4AD, dont ils ont solidement contribué à forger l'image. Il faut dire que Four Calendar Cafe en 1993 et Milk and kisses en 1996 arrivaient après ce qui reste pour moi comme le chef d’œuvre des Cocteau : l'album Heaven or Las Vegas en 1990.



Puis, donc, les Cocteau Twins se séparèrent. La faute à Elizabeth Fraser et Robin Guthrie, qui, outre le fait qu'ils formaient les deux tiers du trio Cocteau Twins (voire l'intégralité du groupe quand celui-ci se réduisit à un duo le temps de l'album Victorialand en 1986) formaient aussi un couple dont la séparation est bien entendu à l'origine de celle du groupe. Mais j'y reviendrais.
Fraser allait alors devenir un mythe. Par son absence, quelques collaborations soignées et une love story. Bon, l'absence, vous avez compris. Côté collaboration, on l'a entendu auprès de Future Sound of London, Yan Tiersen, Peter Gabriel pour le projet Ovo (qui disait, justifiant son choix, que c'était tout simplement la plus belle voix féminine qu'il connaissait), quelques autres que je passerais, mais ses deux plus belles associations furent celles qu'elle eut en 1998 avec Massive Attack et Craig Armstrong. Pour Massive Attack, qui ont toujours eu bon goût en matière de chanteuse, elle chantait et cosignait trois chansons de l'album Mezzanine dont l'éblouissant diamant noir Teardrop.



Finalement dans la même veine, ce qui est assez logique dans la mesure où Craig Armstrong était l'arrangeur cordes de Massive Attack, en grande partie responsable de leur son, This love et son tapis de cordes offre un écrin magnifique à la voix de Fraser.



Or donc maintenant vient la love story et sans doute l'une des plus belles (LA plus belle ?) collaborations que l'on doit à Elizabeth Fraser et... Jeff Buckley. Peu de temps après sa séparation d'avec Robin Guthrie, Elizabeth Fraser eut ce que sa note biographique Wikipedia appelle "intense personal relationship" avec le chanteur trop tôt disparu. Cette love story devait même être au centre d'un biopic consacré à Jeff Buckley, qui n'a, à ma connaissance, toujours pas vu le jour à l'heure qu'il est. Il faut dire que le point d'orgue de leur duo est l'incroyable chanson All Flowers In Time (Bend Towards The Sun) où se marient à merveille les voix de ces deux exaltés géniaux. Incroyable aussi car cette chanson n'existe pas. Elle n'est jamais sortie officiellement sur un disque de Jeff Buckley,  Elizabeth Fraser, bien que régulièrement sollicitée, n'ayant jamais donnée son accord pour cela. C'est sans doute dire le caractère particulier que semble avoir eu cette "collaboration" aux yeux d'Elizabeth Fraser. D'ailleurs, si vous tendez bien l'oreille, vous l'entendrez rire au début de la chanson. Et ce n'est pas à la joie qu'on associe habituellement sa voix. Même si cette chanson n'existe pas, elle a fuité sur le Net depuis belle lurette et si la poster aujourd'hui permet de la faire connaître à au moins une personne supplémentaire, je n'aurais pas perdu mon temps.



Une chanson magnifique mais qui n'existe pas, un chanteur magnifique mais qui n'existe plus, et une histoire passionnelle dont on ne sait l'entière existence : il n'en faut pas plus pour prolonger le mythe Elizabeth Fraser.
Maintenant rembobinons un peu l'histoire. Comment se fait-il qu'Elizabeth Fraser, qui semblait pisser de la copie au temps des Cocteau Twins (albums, EPs, ça ne s'arrêtait jamais), ne s'est plus exprimée, artistiquement s'entend, qu'à deux petites reprises en solo, via deux singles, très dispensables qui plus est ? Ce qu'il faut savoir, c'est que derrière l'apparente tranquillité des Cocteau Twins se cachaient deux profonds orages. D'abord, Robin Guthrie était accro aux drogues ; ben oui, tous ces sons éthérés, réverbérés, ces guitares tordues, distordues, ça devait bien venir de quelquepart. Et puis, surtout, peu de temps avant la séparation des Cocteau, Elizabeth Fraser a entrepris une psychothérapie. Il en est ressorti qu'on avait abusé d'elle alors qu'elle était enfant. Tout ce qui suit est une simple supposition de ma part, mais n'était-ce pas son désarroi, sa détresse, ce mal qu'elle chantait durant toutes ces années, incapable de mettre dessus des mots, d'où ce charabia ? Une fois que tout était sorti, que lui restait-il à dire ? Peut-être le saurons-nous un jour si cet album solo veut bien sortir ; on l'a annoncé imminent, une fois de plus, au printemps dernier ! En attendant La Bérézina, c'est pas si mal que ça. Car derrière cette expression, synonyme de désastre, il existe en fait une bataille qui fut, pourtant, une très belle victoire pour la France. Bref, ce que nous prenons pour un désastre est un triomphe. Et Fraser et ses Cocteau Twins, c'est la Bérézina inversée : un triomphe qui pourrait n'être qu'un gigantesque désastre.
En épilogue, voici un morceau qui a été postée il y a deux ans pour un bidouilleur électro assez doué, Star Slinger. Il y samplait un vieux morceau des Cocteau Twins mais il baptisa simplement le titre : Elizabeth Fraser.


vendredi 16 novembre 2012

Compléments de sujets

Il y a des jours où je me demande où je vais et m'angoisse, sans doute inutilement, sur le nombre de sujets que je vais pouvoir aborder ici sans me répéter. Inutilement, car rien ne m'empêche de me répéter, que ma base Itunes de près de 15000 titres devrait me permettre de venir voir tranquillement, et que des musiques n'en faisant même pas partie peuvent m'inspirer d'autres posts. Sans compter l'actualité et par là, je veux dire mon actualité : le quotidien que je lis ce matin, les sites ou les blogs que je vais visiter. Et là, au lieu de me demander, si je vais avoir assez de choses à dire, je m'interroge plutôt sur la manière dont je vais bien pouvoir amener tous ces sujets. Bon, un à la fois serait un bon commencement. Mais le sujet du jour ne sera plus forcément dans mon actualité du lendemain. D'où la foultitude de sujets dont j'ai aujourd'hui l'envie de parler. Ca a donc commencé ce matin par la lecture de Libération. Il y avait un article sur Archive qui font deux concerts complets au Zenith de Paris, commenté, comme tous les autres articles du canard de ce jour, par Salman Rushdie. Archive ne vend rien dans son Angleterre natale et n'y tourne même pas. Tentant une explication sur leur succès dans l'hexagone, le leader du groupe, Darius Keeler déclare : "Les Français ont une forme de mélancolie qui les enclint à aimer la musique tristes. Les Britanniques sont plus pessimistes, cyniques, ils n'aiment pas la tragédie. Les Français, si". Allons bon ! Voilà qu'en quelques mots, Darius Keeler m'explique pourquoi j'aime la musique triste : parce que je suis français ! Et je trouvais déjà là matière à écrire en partant, pourquoi pas, d'un morceau d'Archive, hésitant, un temps, entre Again et Fold, sur lequel s'est sans doute porté ma préférence parce que moins connu que le premier.



Là dessus, Salman Rushdie, pour commenter la page expliquait qu'il n'écoutait pas avec plaisir le rap ou la pop même s'ils sont partout où il vit, à New York. "J'en sui arrivé", continuait-il, "au point terrible où je déteste les goûts musicaux de mes enfants". Terrible en effet. Salman Rushdie déclare être de la vieille école, celle du rock'n'roll, Rolling Stones ou Beatles. Et de me demander si mon goût pour le dernier Madness ne révélait pas d'un même constat de vieux con. Parce que les instances officiels du Parti du Bon Goût, représentées en l'occurence, par cette critique du New Musical Express, m'informent que le dernier album de Madness est nul et que, quand on ne peut plus rentrer dans son T-Shirt "You don't have to be mad to be in this band but it helps", il est temps de le raccrocher. My girl 2 qui ouvre l'album Oui oui si si ja ja da da, affiche, il est vrai, clairement, la carte nostalgie puisqu'ils avaient déjà écrit My girl (le 1 donc) en 1979 sur leur premier album. Or My girl 2 m'enchante et me donnent envie de ressortir des cartons mes baggy trousers.



Je me serais volontiers passé de sujet supplémentaires de conversation mais j'ai ensuite téléchargé le nouvel album de The Lighthouse and the Whaler, sympathique groupe américain qui a créé le buzz durant des mois dans la blogosphère avec le très malin Venice. Posté il y a dix mois sur le Net, on connaissait déjà la chanson via une interprétation en live pour les sessions Daytrotter, sessions quotidiennes relayées par le Web qui permettent à des artistes émergents de venir enregistrer quelques morceaux dans les conditions du direct. La version studio et la version live sont assez identiques et ont, toutes deux, un succès fou laissant présager d'un avenir radieux à une plus large échelle, si ce n'est pour le groupe, au moins, ce serait mérité, pour la chanson.



Et tant que j'étais sur le site du New Musical Express, pourquoi ne pas visiter d'autres pages. Je me suis arrêté d'abord sur la play list des dix morceaux que je me devais d'écouter cette semaine (10 tracks you have to hear this week). Et non en fait, je ne me devais pas de les écouter dans la mesure où, si sympathiques qu'ils soient, aucun ne m'ait réellement emporté (ou alors le titre Kemosabe d'Everything Everything, mais il me faudra sans doute un peu plus de temps pour savoir si je l'aime vraiment). Toutefois, un nom, parmi la liste, a réveillé bien des souvenirs, celui des Eels. Et j'aurais bien voulu craqué sur leur nouveau titre comme je l'avais fait sur leur premier album, et particulièrement sur Susan's house. Mais c'était sans doute un peu trop demandé, la nostalgie l'emportant en l'occurrence clairement sur la nouveauté.



Ah nostalgie, quand tu nous tiens... C'est d'ailleurs un peu la nostalgie qui nous entraînent à lire ces listes où l'on espère voir un nom qu'on aime, une chanson qu'on avait oublié classé parmi les meilleurs ceci ou meilleurs cela. C'est en tout cas une spécialité toute rock, des critiques rocks j'entends, que de dresser des listes. Et en cela vous pouvez vous perdre des heures sur celles du NME. Il y avait notamment celle des 15 Actually-Quite-Amazing One Hit Wonder. Soient 15 titres qui ont été, pour des raisons diverses, les seuls tubes de leurs auteurs. En tête de liste, il y a le You Get What You Give des New Radicals. J'ai toujours adoré ce morceau et je ne sais pas si je vais ici bien faire comprendre pourquoi, mais tentons : il s'en dégage comme une fureur de vivre, même si le morceau n'est pas furieux, une espèce de rage teenager qu'on vous crache à la gueule, une énergie désespérée.



Ce n'est pas le talent qui manquait à Greg Alexander, le chanteur, auteur, compositeur et pivot des New Radicals, mais l'envie. Il n'a pas du tout digéré le succès et tout ce qui s'en suivait (promotion et interviews non stop) et a dissous le groupe avant même la sortie de son second single, préférant poursuivre sa carrière dans l'ombre en écrivant pour d'autres (il a notamment gagné un Grammy Award pour avoir écrit The Game of Love pour Santana et Michelle Branch). J'en étais donc à brasser tous ces souvenirs, tous ces sujets quand m'est apparu via une écoute des morceaux les plus appréciés sur les blogs, le nom de Robert DeLong par deux fois : pour ce remix de Sun de Two Door Cinema Club.


Puis pour son propre titre Global Concepts, où DeLong confirme cette façon bien à lui de triturer les synthés, avec des percus plus tribales, le tout couvrant une indie pop de belle facture.



Et avec tout ça, j'allais parler de quoi ? Mais de tout ça, ma bonne dame. Vous me direz : what's the point ? car vous maîtrisez bien l'anglais. Mais ce que vous êtes en train de lire : that's the point. Je vais quand même pas écrire une thèse tous les jours. Non mais !

mercredi 14 novembre 2012

Apocalyptique

J'ai l'impression que l'écriture quotidienne de ce blog fait remonter à la surface, comme une psychanalyse le ferait de vieux souvenirs enfouies, des musiques qui m'ont accompagné, enfant, et que j'avais quelque peu occulté. Or, si je fixe à l'année 80 mon intérêt pour la musique, il y a quand même 12 années qui ont précédé et qui ne sont sans doute pas pour rien dans la formation de mon oreille d'auditeur. Je ne vais pas vous parler ici des 45 tours de Sheila qu’apparemment je savais discerner les uns des autres avant même de savoir lire ou même parler correctement. Mais il y a d'autres disques à la maison. Ceux de mes soeurs aînées sur lesquels je reviendrais et ceux de ma mère. Parmi ceux là, il y avait L’Apocalypse des Animaux, la musique que Vangelis avait composée pour la série documentaire de Frédéric Rossif. Si je n'ai aucun souvenir de la série documentaire, je peux vous dire que je me souviens de tous les titres de cet album, au point qu'il m'a été très difficile d'en choisir un en particulier.



La Petite Fille et la Mer comme bien d'autres morceaux de l'album furent sans doute ma première approche de l'ambient avant même qu'on ne nomme ainsi cette musique atmosphérique. Si on veut comprendre les retombées qu'a pu avoir l'écoute de cet album sur moi, il suffit d'écouter à peu près l'intégrale d'Air, que j'aime beaucoup, et particulièrement Jeanne, un morceau inexplicablement planqué en face B de Sexy Boy, et qui bénéficiait de la participation de Françoise Hardy.



Quand j'y pense, Air a aussi revendiqué parmi ses influences François de Roubaix. Et s'il y a un truc auquel je n'ai pas échappé de François de Roubaix, c'est le générique de Chapi Chapo. Derrière l'apparent côté gnangnan du truc, il y a quand même une belle approche des synthés alors naissants et une certaine étrangeté qui ressortait du tout (le générique ne dure que 45 secondes donc épargnez vous ce qui suit, d'autres musiques utilisées au cours du dessin animé).



J'ai dit Air mais j'aurais aussi bien pu écrire Bent, qui sont un peu les Air anglais. Mais quand les uns ont eu une reconnaissance internationale, les autres, pourtant plus fun et sans doute moins prétentieux, n'ont pas franchement marqué les esprits. Pourtant, au contraire de Air, dont certains albums sont juste moyens, Bent a commis un sans faute sur les quatre albums qu'ils ont sorti entre 2000 et 2006. Et là, si vous voulez, c'est comme pour l'album de Vangelis mais en pire parce que quel morceau choisir plutôt qu'un autre ? J'ai opté pour Leavin' me que j'ai du écouter un demi milliard de fois, un disco "rétrofuturiste", je veux dire par là que ça a le son, pour moi, d'un disco qui se serait voulu à la pointe du progrès dans les années 70.



Il se trouve d'ailleurs qu'en faisant quelques recherches pour savoir qui était la vocaliste sur ce titre, je me suis aperçu que Bent avait entièrement samplé la partie vocale sur une chanson de 1970 : Just bidin' my time d'Anne Murray. Moi qui voulais parler des allers retours entre hier et aujourd'hui, je ne pouvais pas mieux tomber. A ce stade d'ailleurs, je vais rester sur cet axe plutôt que de m'embarquer dans une visite du répertoire de Bent qui m'a, un temps, tenté (mais j'y reviendrais).
Je ne possède pas L'Apocalypse des Animaux, et, à vrai dire, n'ai pas spécialement envie de l'avoir. Ce n'est pas que ce soit un mauvais album, bien au contraire, mais ça fait partie des choses qui font partie de mon inconscient musical et je trouve les choses très bien ainsi. Je serais sans doute plus déçu qu'autre chose à réécouter ce disque dans son intégralité et préfère laisser parvenir à moi des bribes via tout ce que cet album a pu inspiré à d'autres. Je n'ai pas, pour autant, aucun disque de Vangelis dans ma discothèque : j'ai un morceau. Il s'agit d'Ask the mountains chanté, en 1996, par Stina Nordenstam dont j'ai déjà dit le plus grand bien ici ; c'est d'ailleurs pour elle que je m'étais procuré ce titre qui s'intégrait alors très bien à son répertoire. Ce qui me fait rire, c'est que ma mère aurait surement détesté Stina Nordenstam ("une voix de souris qui couine" aurait-elle assuré), mais elle aurait sans doute aimé le morceau, ne serait-ce qu'en souvenir de L'Apocalypse des Animaux.

mardi 13 novembre 2012

C'est bon de rire parfois

C'est compliqué de rire avec la chanson. Je veux dire par là que si les chansons sont souvent le reflet de nos humeurs, on a tendance à oublier le rire, ou, du moins, le sourire dans la chanson. Ou plutôt, dès qu'il s'agit de se marrer en matière de chanson, on a tendance à traiter ça avec peu de sérieux : au mieux, on pense à Annie Cordy ou Henri Salvador, au pire, à Patrick Sébastien. Et c'est assez triste comme géographie sonore du rire : c'est comme s'il n'existait que les films de Claude Zidi ou la série des Sous Doués, et qu'on faisait une croix sur tout le reste, c'est à dire toutes les sortes d'humour un peu plus haut de gamme qui vont, en ce qui me concerne, des Monty Python aux Nuls, en passant par Absolutely Fabulous, j'en passe et bien d'autres. Une chanson drôle n'est pas forcément une parodie. Et si elle l'est, là encore, elle doit être faite avec le plus grand sérieux. Par exemple, je n'ai pas l'impression que les Inconnus parodiant Indochine, ce soit totalement réussi ; d'accord, ils ont l'attitude mais ils considèrent la musique comme accessoire et délivrent un truc vite fait au Bontempi, assez cheap. C'est toute la différence avec Flight of the Conchords. Je conseille à ceux qui ne connaissent pas ce duo néozélandais le visionnage de leur série éponyme qui montre les hauts et les bas (mais surtout les bas, voire les très bas) d'un groupe de musique néozélandais cherchant à faire carrière aux Etats Unis. Et tout est matière à chanson. Les paroles sont hilarantes mais la musique n'est pas négligée. Pour tous les non anglophones, j'ai choisi la chanson avec laquelle vous aurez le moins de soucis de compréhension : Fou de fa fa, soit une chanson française easy listening, qui, vous allez l'entendre, se tient musicalement.



Pour changer du domaine de la parodie, il y a certains artistes qui ont besoin de passer par le vecteur rire pour communiquer ce qu'ils sont ou ce qu'ils ont à dire ; c'est pas parce qu'on est chanteur qu'on ne doit qu'aborder les bleus au coeur et à l'âme. Je suis peut-être sensible à une chanson drôle de qualité parce que j'ai été bercé des chansons de Boby Lapointe. Quand on écoute Saucisson de cheval, la chanson n'a rien à envier à d'autres de la même époque signées Nino Ferrer.



Il y a quelques années, j'ai trouvé qu'il y avait comme de la filiation entre Boby Lapointe et Gérald Genty. Je suis quand même nettement plus sensible à la musique de Genty et si Le lapin dit si marche aussi bien, ce n'est pas seulement à cause du texte et de ses jeux de mots un peu cons (dans le registre "plus c'est con, plus c'est bon" - ses albums s'appellent Humble héros ou Le plus grand chanteur de tout l'étang) mais bien parce qu'il s'appuie sur une très bonne mélodie très bien arrangée.



Après tout le rire est aussi une émotion qui mérite sa complainte. Et qui dit que si on ne fait pas plus de chansons drôles, de chansons drôles de qualité en tout cas, c'est tout simplement parce qu'elles sont les plus difficiles à écrire et qu'elles demandent un talent rare ? Je serais tenté de le penser concernant Clarika qui est sans aucun doute l'un des plus grands auteurs que nous ayons en France. Ca m'amuse de voir, d'ailleurs, comment pour son dernier album, la critique de Telerama mettait en avant une chanson avec un texte émouvant ; c'est un peu comme lorsqu'on reconnaît le talent d'un acteur comique quand celui-ci aborde un rôle plus dramatique. Moi en mieux, qui donnait son nom à l'album, mérite tout autant, voire plus. Et puis Clarika a un rire que j'aime beaucoup : un rire qui se mélange aux larmes. Dans Moi en mieux, même si le portrait est drôle, il s'en dégage aussi comme une certaine mélancolie.



Mais bon tout ça ne vous fera pas forcément rire ou sourire, le rire n'est pas du tout fédérateur, m'a-t-on répété un milliard de fois. Tout simplement parce qu'on ne rit pas des mêmes choses. Alors vous, vous faites comme vous voulez mais moi, Christina d'Anaïs, ça me fait toujours bien marrer.

lundi 12 novembre 2012

Joni be good

Arrivé à ce stade de mon blog, j'ai l'impression que plus d'un arrivera en cours de route et qu'au mieux, on ne pourra découvrir ce blog qu'à l'envers. C'est ce qui m'est arrivé avec Joni Mitchell à laquelle m'a fait penser un article de Pitchfork à l'occasion de la réédition de ses premiers albums, de 1968 à 1979. Le journaliste y conclue son papier en disant que même si Joni Mitchell a continué de sortir des albums par la suite, ceux des années 80 étaient sentencieux et s'acoquinaient maladroitement avec la technologie. Sans compter la tessiture de sa voix ravagée par des années de cigarettes. Si j'ai un peu accroché sur Joni Mitchell via l'album Dog Eat Dog (et particulièrement la chanson éponyme) en 1985, c'est l'album Chalk Mark in a Rain Storm en 1988 qui m'a cueilli : je l'avais désigné meilleur album de cette année-là.



Sur The beat of black wings, il y a Benjamin Orr, un des chanteurs des Cars, aux choeurs. Mais l'album concentrait une flopée de guest stars impressionnante : Peter Gabriel, Tom Petty, Billy Idol, Wendy & Lisa, Don Henley, Willie Nelson et autres musiciens très en vue - du moins à l'époque - comme Thomas Dolby ou Manu Katché. En général, les albums qui comptent pléthore d'invités finissent par ressembler au mieux à une collection de chansons partant dans tous les sens et, au pire, soit la majorité des cas, à n'importe quoi. Mais Chalk Mark in a Rain Storm forme encore aujourd'hui un ensemble cohérent marqué surtout par le timbre de Joni Mitchell. On y sentait déjà le souffle de maintes cigarettes, ce léger voile sur la voix qui en fait toute sa beauté et qui me donnerait presque envie de reprendre la cigarette si j'étais chanteur. Car, je ne connaissais alors pas la voix originelle de Joni Mitchell, rossignol hippie montant comme elle le voulait dans les aigüs. Cette voix, je l'ai donc découvert rétrospectivement en allant fouiller dans les douze albums qui avaient précédé Chalk Mark. Et j'y ai découvert de très belles choses comme Marcie sur son premier album en 1968.



Joni Mitchell ne fait justement pas trop la démonstration de sa voix ici et explore plus les graves que les aigüs. Et c'est précisément ces graves que je préfère dans cette voix. C'est aussi pourquoi j'aime beaucoup la Joni Mitchell des années 80 et suivantes qui reste plus dans ce registre. A la manière d'une Kate Bush, elle a fort heureusement perdu ses sommets presque hystériques pour gagner de plus calmes et sereines vallées. Mais il n'y a pas que cela. Je ne vais pas me pencher sur ses textes, trouvés sentencieux vu que je ne me suis jamais vraiment intéressé au sens des paroles qu'elle chante. En revanche c'est grace à ces rencontres jugées balourdes avec la technologie que Joni Mitchell a trouvé une place au chaud dans ma discothèque. Surtout ils ont accompagnés une poignée d'albums, qui, même si ce n'est pas l'avis du plus grand nombre ou, du moins, de la critique, font partie de ses albums que j'écoute avec le plus de plaisir. Après Chalk mark, ce fut le parfait Night ride home, en 91



Et, finalement sur la même lancée, Turbulent Indigo qui la fit revenir au premier plan critique et commercial (l'album gagnant le Grammy du meilleur album pop en 94), puis Taming the tiger en 1998.



Deux ans plus tard, Joni Mitchell, avec l'album Both sides now, changeait de registre, de période, de siècle via l'album Both sides now. Sa voix faisait toujours des merveilles mais cette fois entourée d'un grand orchestre pour des reprises de jazz. Et c'est précisément cet album que notre critique évoque comme le seul digne d'intérêt après 1979. J'aime bien cet album et encore plus Travelogue, où deux ans plus tard, elle explorait sur le même format du grand orchestre l'ensemble de sa carrière. Mais le plaisir qu'il me procure n'est rien comparé à celui des albums de la dame entre 1985 et 1998. Je vois très bien pourquoi le critique (j'ai été poli jusqu'à présent, mais j'aurais pu écrire "ce connard" depuis un bail) range le tout sous la formule : "awkward embraces of technology" (j't'en foutrais des awkward, moi) : c'est le son des claviers, ces nappes de synthé qui accompagnent la guitare très réverbérée. Des trucs qui vieillissent mal. C'est le problème de tout ce qui est technologique : il y a toujours des avancées en la matière qui relèguent ce qui a été fait avant au rang de vieilleries. Du coup, les instruments traditionnels ont l'avantage de la constance : une guitare acoustique sonnera toujours comme une guitare acoustique. Ce son ne prendra pas de ride tandis que s'imprime sur celui des synthés la marque de son époque (ou l'époque de ses marques de synthés). Les machines permettent une infinité de sons tandis que notre oreille n'arrête sa préfénce que sur quelques unes à la fois selon les périodes. Ce n'est pas donc pas que ça vieillit mal mais bien plus que cela correspond à un temps qui n'est plus le présent si vous voyez ce que je veux dire. Mais qui peut le redevenir au fur et à mesure que ces sons passeront du statut de ringards à ceux de vintage. C'est le cas aujourd'hui du son des synthés du début des années 80 qu'on essaie de retrouver ; qui dit que demain, quelque part, on ne cherchera pas à retrouver le son qu'avait, par exemple, Joni Mitchell sur Sex kills.

dimanche 11 novembre 2012

Pas moins dense

On ne peut pas dire que je sois obsédé par le funk, la soul, la disco, etc... Nier leur importance dans ma discothèque, et leur importance tout court serait en revanche stupide. Parce que toutes ces musiques là remplissent pour moi, qui ai été - et savoure parfois l'être encore le temps d'une soirée - Dj, une fonction essentielle : faire danser. Bon, ado, ça avait plutôt tendance à me faire m'assoir ; j'attendais une musique plus rock, plus new wave qui était the real thing, si vous voyez ce que je veux dire. Il n'empêche que j'ai baigné dans ces musiques qui ouvraient généralement les soirées avant, précisément, the real thing. Parmi mes souvenirs les plus marquants, il y a ce sans faute de Patrice Rushen, qui fut samplé un milliard de fois depuis sa création en 1982.



Pour la petite histoire, Patrice Rushen n'est pas du tout une de ces chanteuses kleenex qui n'étaient que la devanture de gros producteurs, mâles pour la plupart, mais une très grande musicienne qui a écrit et produit ce titre. Pour en revenir à l'époque à laquelle j'ai découvert le titre, je traitais alors avec condescendance ce genre de musique. Même si c'était bien, ce serait toujours moins bien que le reste, the real thing, donc. Ou, en tout cas, il était bien plus commode de revendiquer sa passion pour U2, Depeche Mode ou Cure (au choix) qu'un goût prononcé pour, par exemple, le Stomp des Brothers Johnson.



Je crois qu'à l'époque les frontières étaient bien plus marquées qu'aujourd'hui entre les différents courants musicaux même si ça n'a pas empêché plusieurs artistes de tenter de les briser. Je pense à des morceaux comme le Heart of glass de Blondie ou le Genius of love de Tom Tom Club (qui n'était autre que la section rythmique des Talking Heads), un titre qui fut, là encore, samplé à de nombreuses reprises.



C'est curieux de voir, comme avec le temps, ce métissage presque inconvenant hier est presque devenu la norme aujourd'hui et comme un groupe à l'image rock revendiquée n'a absolument plus peur maintenant de s'attaquer à un registre plus dansant. Si vous avez un bon morceau, pourquoi le lâcher sous prétexte qu'il ne correspond pas à votre identité, quitte à perturber vos auditeurs ? J'ai ainsi  été quelque peu déconcerté, la première fois que je l'ai écouté, par la fin du parfait The suburbs d'Arcade Fire où Régine Chassagne chante Sprawls II (Mountains beyond mountains). Ca arrivait un peu comme un cheveu sur la soupe. Mais sortez le de son contexte d'album et voyez comme cette chanson est géniale, et encore plus quand les belges fous furieux de Soulwax la remixent.



J'ai malgré tout tendance à penser qu'aujourd'hui encore, on regarde une musique un peu de haut dès lors qu'elle est dansante. La faute à nos inhibitions sans doute qui nous empêchent de profiter pleinement des plaisirs de la danse avant d'être totalement bourré. Prenez Beth Ditto par exemple ; quand elle a enregistré son EP solo avec les Anglais de Simian Mobile Disco, on a minoré l'expérience : une distraction, une parenthèse, mais pas le truc sérieux, the real thing, si vous préférez. Et quand sur le dernier album de The Gossip, Beth Ditto pointe dans la même direction, on considère l'album comme étant l'un des moins bons du groupe. Je ne crois pas seulement que ce soit la force des chansons qu'on juge mais aussi (surtout ?) la direction dance orientated de l'ensemble. Car Move in the right direction est une putain de bonne chanson, et merde, tant pis si on n'entend moins les guitares !



N'importe quel petit groupe de rock et, au-delà, n'importe quel mélomane éclairé a intérêt à jeter, aussi, une oreille sur ce genre de musique. De connaître cette musique et ses classiques pour enrichir son propre répertoire. Et, du même coup, de faire la différence entre une musique de pub (ce qu'il est devenu ces jours-ci et c'est d'ailleurs ce qui m'a amené à vous parler de tout ça) et un  classique de la dance music comme Spank de Jimmy Bo Horne.

samedi 10 novembre 2012

Un jour d'automne avant l'hiver

C'est un de ces jours où aucun sujet ne s'impose vraiment où je traine d'un artiste à l'autre, d'un morceau à l'autre voulant parler de mille choses à la fois. Et puis, finalement, un cheminement voit le jour. Partons si vous le voulez bien de Graph Rabbit. C'est un duo de Brooklyn qui a sorti il y a un mois son premier album sans grand bruit. Je me demande bien pourquoi. Leur dossier de presse dit qu'il faut imaginer Nick Drake produit par Brian Eno, jolies références qui, effectivement, leur vont très bien. On peut aussi penser bien évidemment à Sigur Ros et Radiohead. Et pourtant, malgré tout ça, malgré la gratuité d'Only Fields (à télécharger ici), on ne parle que peu de Graph Rabbit. Peut-être la faute au temps que l'on ne prend plus pour découvrir un artiste : une écoute de deux secondes et hop, ça nous plait. Ou non. Or, les premières secondes d'Only fields sont déroutantes : des sons aux synthés doux mais qui ne semble aller nulle part dans le sens où ils n'ont pas de ligne mélodique. Mais celle-ci, telle une forme qui sort du brouillard, arrive avec la guitare, puis, surtout, la voix. Et tout comme elle apparaît, elle finira par disparaître à la fin de la chanson, conférant à celle-ci des allures de tour de magie ; Only Fields est-il un mirage ?



Le dossier de presse de Graph Rabbit indique aussi comment le chanteur, guitariste et compositeur du groupe a travaillé avec son producteur autour de trois images directrices pour l'album Snowblind : les oiseaux, les arbres et la neige. Only fields comme d'autres chansons de l'album a effectivement des airs de neige qui tombe et scintille sur la nature alentour, un peu comme les plus belles images qu'on aurait de l'hiver. Maintenant imaginons un bien plus gros manteau de neige, un de ceux qui font que règne ce curieux silence, curieux car urbain, où si vous entendez le moteur d'une voiture, parce qu'elle roule au pas, et précisément grâce à l'isolation acoustique naturelle de cet épais manteau, le bruit ne vous parviendra, comme tous les autres, que de manière étouffée. Un manteau où l'on s'enfonce comme dans du coton et où le temps s'étire doucement. Vous êtes dans cet autre album consacré à l'hiver qu'est 50 Words For Snow de Kate Bush, sorti l'année dernière. Oui, encore Kate Bush ! Mais bon, d'un, vous étiez prévenu que vous en entendriez parler encore et encore dans ce blog, et, de deux, ça se prête quand même divinement au sujet. Surtout Snowflake, le morceau qui ouvre l'album et qui est chanté par Kate et son fils, Bertie, dont elle a voulu saisir la voix avant qu'elle ne mue. Et s'il parle bien de l'hiver, je ne peux m'empêcher d'y voir aussi la chanson d'une mère à son fils ; Kate Bush y chante comme un mantra "The world is so loud / Keep falling / I'll find you", soit presque dans le même temps, une façon de couper le cordon et de dire qu'on sera toujours là. Il y a vingt ans, Kate Bush était plutôt l'enfant dans The fog qui abordait ce passage où l'on doit se détacher de ses parents pour faire sa propre vie et c'est la voix de son père qui disait "Just put your feet down child / 'Cause you're all grown up now".


Mais revenons au sens premier de la chanson, l'hiver. Et comme 50 Words For Snow est un album d'hiver, Cheyenne Autumn, comme son nom l'indique, est bien un disque d'automne, qui respire les feuilles mortes, l'humus et les champignons ; son auteur, Jean-Louis Murat, y naissait aux yeux du public sous le signe de cette saison qui n'allait plus le lâcher, et qu'il n'allait plus lâcher jusqu'à l'incarner dans le duo qu'il fit avec Mylène Farmer. Je me souviens de la première fois où j'ai vu Jean-Louis Murat en live, en 1993. Au début du concert, il était seul tandis que des feuilles mortes tombaient sur la scène. La voix de Murat et nombre de ses chansons m'évoquent la chaleur d'un feu de cheminée ou la douceur d'un gros pull en laine quand viennent les premiers frimas et Cheyenne Autumn reste la matrice de tout ce qui allait suivre à l'instar de cette Pluie d'automne.



J'ai toujours trouvé curieux que personne n'ait creusé ce sillon. Pourtant, il y a, à mon avis, autant matière à inspiration dans ce Jean-Louis Murat des débuts que dans l'Etienne Daho qui inspire tant la jeune génération en ce moment. Je compte toutefois d'autres très rares "jeunes hommes d'automne". En 1993, le duo Les Occidentaux revendiquait clairement Murat et l'automne régnait sur leur premier album éponyme réalisé par l'ingénieur du son de Blue Nile, album hélas trop méconnu. Si vous le trouvez en solderie, aimez Murat, aimez l'automne, ne le manquez pas ; il est comme une caresse Après la pluie.



Plus de dix ans plus tard, c'est Pierre Bondu qui m'évoqua ce même spleen. Et Quelqu'un quelque part, son album, eut le même non succès, le public lui préférant le côté plus radieux, plus éclatant, plus été donc du 100 % VIP dont il signa la musique l'année suivante pour Katerine. Je rêve ne fit rêver que moi.



Evidemment, ces mêmes morceaux peuvent évoquer d'autres sentiments, d'autres sensations à leurs auditeurs. Mais pour moi, ils sont la bande son idéale d'une ballade en forêt, quand les feuilles des arbres flamboient de leurs dernières couleurs, ou, donc, quand la neige feutre vos pas. Et ces deux saisons qu'on a tendance à vouer aux gémonies peuvent alors donner de vraies raisons de se réjouir.

vendredi 9 novembre 2012

House music

Ô toi, lecteur assidu, tu auras remarqué une absence de deux jours sur ce blog alors que ce n'est même pas le week-end et m'auras traité illico de feignasse. Excuse-moi, ô toi, mais j'étais durant deux jours, loin d'un ordinateur, parti visiter des maisons. Et je n'ai pas été cherché loin le sujet de ce post. Car un artiste, me disais-je, se visite un peu comme une maison. Vous êtes curieux de tous les coins et recoins, certaines ne vous inspirent pas et vous recherchez le coup de coeur. Il y a un paquet d'artistes que la maison a inspiré. Je vais tout de suite mettre de côté le Our house de Madness, sans doute un peu trop évidente, pour m'intéresser à quelques autres. Il y a des maisons qui ne vous inspirent pas totalement confiance : il y a quelque chose qui cloche dans This is the house de Eurythmics, une ambiance un peu étrange sous le vernis pseudo festif. Oui, il y a bien l'intro latine et les cuivres qui essaient de mettre l'ambiance mais, même si "this is the family having a party", c'est suivi de sons chelou aux synthés puis d'une Annie Lennox expliquant que "there's a crack in the pavement" qui révèle bien mieux cet univers un peu trop zarbi. Pas étonnant que ce single qui sortit avant Love is a stranger et Sweet dreams n'ait pas trouvé son chemin jusqu'aux charts. La version maxi proposé par Youtube est assez conforme à la version qu'on trouve sur l'album Sweet dreams ; c'était l'époque où les maxis n'offraient rien d'autre comme mix qu'une version un peu plus longue.



Pas bien plus confortable, Ma maison de Oui Oui. Je trouve le refrain de la chanson imparable et allant à l'essentiel "Ma maison / Ma maison / Ma maison / Ma maison". Comme il occupe une bonne partie de la chanson de Oui Oui, cela fait que Ma maison est encore visitable. Mais vous n'achèterez pas toute la bâtisse. D'ailleurs, ce qu'il y avait de mieux dans Ma maison, c'était, non pas la chanson, mais le clip. Il faut d'ailleurs prendre Oui Oui pour ce qu'il a été : un groupe tremplin pour son batteur, bien plus porté sur l'image que la musique, à savoir Michel Gondry. De la même manière que Mondino avait réalisé La danse des mots pour en faire un clip, on sent Gondry bien plus occupé à assurer les fondations de sa carrière de réalisateur (tout son univers est déjà là) que celle de musicien.



Et puis il y a donc des maisons où le charme opère dès le seuil. Un sentiment de bien-être, un je-ne-sais-quoi, bref, un truc. Je suis rentré pour la première fois il y a quelques mois dans la House de Kindness. Les claviers m'avaient mis en confiance, les beats en fade-in, la voix aussi gentille que son patronyme, et un feel good refrain chanté en choeur avaient fini par me convaincre : c'est tout simplement l'une des meilleures chansons que j'ai écouté cette année.



Derrière Kindness, il y a un Anglais qui s'appelle Adam Bainbridge. Et vous allez voir, lors de la visite guidée, que vous allez le trouver immédiatement sympathique. Je tâche de ne jamais poster deux fois la même chanson et donc, vous pourriez vous demander ce que revient faire ci-dessous le House de Kindness quand, précisément, vous avez eu l'occasion de l'écouter ci-dessus. Eh bien, disons que si vous ne connaissez pas le morceau original (ci-dessus), vous allez passer à côté du caractère dingue ou génial ou les deux de la vidéo ci-dessous. Prenant à la lettre le sens d'une promo video, Kindness en fait un instrument de promotion de sa musique en ne mettant absolument pas sa musique en avant (ce qui a quand même créé un petit buzz sur le Net). Pour les non anglophiles, sachez qu'Adam Bainbridge commence par une pseudo conférence sur son amour de la pop music avant d'expliquer comment celle-ci est faite via une leçon improvisée aux synthés et à la boîte à rythme au petit Raymond. Le tout entre coupé (mais surtout coupé) d'extraits de sa chanson, en live, en playback, et même en cassette audio. C'est totalement fou, totalement suicidaire (car clairement pas du tout calibré MTV ou toute autre chaîne commerciale) et c'est pour ça que c'est indispensable.



Maintenant que vous trouvez, du moins je l'espère, le bonhomme terriblement sympathique et House au moins plaisant, laissez moi vous révéler la terrible vérité : l'album de Kindness n'est pas à la hauteur de ce morceau. Les autres pièces de World, you need a change of mind font preuve d'inventivité, d'éclectisme mais un peu foutraque et viennent un peu ruiner les espoirs que suscitaient House. Comme quoi, A House is not a Home. J'ai découvert cette chanson au cours d'un épisode de Glee et me suis immédiatement mis à chercher son nom et qui l'avait créée ; en général, je connais les chansons qui y sont reprises. Exceptées quand elles proviennent du répertoire de la comédie musicale. Et j'étais persuadé que celle-ci était extraite de l'une d'entre elles pour son côté très Broadway ou très Barbra Streisand. Je n'ai d'ailleurs pas été surpris d'apprendre en écrivant ce post que la chanson fait aujourd'hui partie d'un musical (Promises, promises) et fut reprise... par Barbra Streisand. J'ai en revanche été plus étonné qu'elle fut un bide à sa sortie : la faute, peut-être, à deux versions sorties en même temps (une de Dionne Warwick et l'autre de Brook Benton). C'est pourtant, de mon point de vue, l'une des plus belles du duo Burt Bacharach/Hal David, l'un des plus élégants duo d'auteurs compositeurs de toute l'histoire de la pop music : The look of love, I say a little prayer ou Walk on by, c'est eux, entre beaucoup, beaucoup d'autres. Et c'est précisément l'élégance, le maître mot de cette chanson bouleversante, ce qu'a bien compris Chris Colfer, alias Kurt Hummel dans la série Glee, et les producteurs de cette version. C'est sans doute la plus émouvante que ce personnage interprète dans Glee et celle qui correspond le mieux à son timbre androgyne si particulier. C'est juste dommage que le temps d'un couplet, et pour de bêtes raisons narratives, il doive la partager avec Cory Monteih, à la voix bien plus banale, à l'instar de son personnage, qui fait bien des efforts mais... Il reste sur le seuil de la maison quand Chris Colfer est bien installé sur la banquette du salon.