mardi 6 novembre 2012

Produced by

En observant le générique du dernier James Bond (qui m'avait déjà inspiré ce post), je constate que la chanson du générique interprétée par Adele et cosignée et produite par Paul Epworth. Honte sur moi : ça ne me disait rien. Je suis passé à côté de Paul Epworth. Qui ? Quoi ? Mais encore ? s'interrogeront certains d'entre vous. Or, les autres, qui savent, me conspuent pour ne pas connaître le coauteur du Rolling in the deep d'Adele, déjà, mais surtout l'un des plus (LE plus ?) importants producteurs anglais de ces dernières années. Mais j'ai un alibi en or : la dématérialisation de la musique. Je vous explique : sans le savoir, je connaissais et admirais déjà Paul Epworth dans le sens où je possède plusieurs exemplaires de son travail dans ma discothèque, et ce, depuis ses débuts. L'une de ses premières productions recoupe en effet ma plus grande obsession musicale, Kate Bush. Non qu'il ait produit l'un de ses titres (Kate Bush, depuis des années, les produit elle même), mais une reprise d'un de ses titres, l'une des meilleures qui soit, celle de Hounds of love par Futureheads, en 2004.



Cinq ans plus tard, je suis tombé accro du premier album de Jack Peñate et plus particulièrement de son premier single avec ses guitares africanisantes, l'irrésistible Tonight's the night.



Cette même année, j'ai raffolé du I don't like your band de la Norvégienne Annie : de la vraie pop bubble gum avec un son explosif (l'intro dégage une incroyable énergie), et, ce qui ne gâte rien, un refrain des plus cruels mais délivré de la voix tout sucre d'Annie qui m'a toujours fait sourire : "I like you but / I don't like your band / Your sound / Your Style... I don't like your music / I'm just not into it / It's not you"



Derrière ces deux morceaux, il y a Paul Epworth à la production quand ce n'est pas à l'écriture du titre, comme pour I don't like your band. J'aurais pu ajouter à cette liste d'autres disques comme ceux de Florence + The Machine, Friendly Fires ou Foster The People. Des disques qui, comme les trois précédents, ne partagent finalement pas grand chose. Sauf Paul Epworth. Il y a quelques années, au temps des vinyles puis des CD, son nom ne m'aurait pourtant pas échappé. Car l'une des occupations favorites du passionné de disques que j'étais alors était de me plonger dans les notes de pochettes : les musiciens, les producteurs, ingénieurs du son, mixeurs... Même les remerciements étaient décortiqués jusqu'à la dernière ligne. Mais les fichiers mp3 sont arrivés. Sans pochette. A l'arrivée, qu'est-ce que ça change ? Finalement, ce qui reste, c'est la musique. Mais savoir qui fait quoi permet de relier les points, d'avoir une carte plus précise de votre géographie musicale. Si vous aimez A, B ou C (remplacez par Futureheads, Jack Peñate et Annie par exemple), c'est peut-être, sans le savoir, parce que vous aimez bien plus  X (pourquoi pas Paul Epworth) dans les équations A+X, B+X et C+X. Lors de mes premiers voyages en Angleterre, dans les années 80, je me rappelle très bien avoir été fasciné par les Rock family trees de Pete Frame que j'allais consulter dans la bibliothèque de mon beauf, lui même passionné de musique.


Comme on fait la généalogie d'une famille, le journaliste y dessinait les arbres généalogiques des groupes. Et au fil de l'adjonction ou de la disparition de musiciens, je comprenais mieux pourquoi j'aimais le groupe à telle période et moins à telle autre. Ou simplement comment le son d'un même groupe pouvait avoir changé. Et question son, rien n'est plus essentiel que le producteur ; il est d'ailleurs choisi par l'artiste parce que celui-ci pense qu'il est le plus à même de rendre justice aux morceaux qu'il a composé (même si ce n'est pas toujours le cas à l'arrivée). De la même façon, le producteur choisit les artistes avec lesquels il veut travailler en fonction de ce qu'il pourra leur apporter. Ce sont deux univers qui se confrontent, espérant en créer un troisième où l'on trouverait des bouts de l'un et des bouts de l'autre. Reste à savoir dans quelles proportions et c'est là que vous savez si vous aimez plus le producteur ou l'artiste. Même si j'apprécie de voir des producteurs s'effacer, ou, en tout cas,  s'adapter d'un artiste à un autre (un peu comme Paul Epworth, finalement), ma préférence va vers des producteurs qui ont un son bien marqué, très personnel. Trevor Horn a ainsi marqué de son sceau les disques de Frankie Goes To Hollywood, Art Of Noise, Propaganda, Seal qui ne seraient rien sans sa production monumentale. Il existe un autre producteur nettement moins connu mais auquel je voue une éternelle admiration : Tony Mansfield.  Son heure de gloire demeure le Wot qu'il cosigna et réalisa pour Captain Sensible. Et quand on écoute l'intro de Promises, promises qu'il produisit quelques années plus tard pour le duo Naked Eyes, on comprend mieux tout ce que Wot lui doit.



En fait, les producteurs que je préfère ont souvent commencé à produire des disques sous leur propre nom ou celui d'un groupe : Trevor Horn au sein des Buggles (puis d'Art of Noise) ou, donc, Tony Mansfield au sein de New Musik. La différence entre l'un et l'autre est que le premier eut un énorme succès avec Video killed the radio stars quand l'autre... Ben oui, vous n'avez pas beaucoup entendu parlé de New Musik. A tort. New Musik sortit trois albums entre 1980 et 1982. Les deux premiers ont été, depuis, réédités, preuve d'une certaine reconnaissance. Le dernier, le meilleur pourtant, reste méconnu, victime qu'il fut de sa sortie après que le label qui l'avait signé ait mis la clé sous la porte. Résultat : pas de promotion pour Warp. Pourtant le titre du même nom m'a poursuivi durant des années ; fan obsessionnel de ce morceau, j'ai passé des années à en chercher une copie chez tous (et croyez moi, ils furent nombreux) les disquaires chez lesquels je passais. Pas de promotion, pas de succès, vous aurez compris les exemplaires de l'album étaient rares... Je l'ai finalement trouvé et, contrairement à d'autres albums qui ne tenaient pas la route eu égard au souvenir que j'en avais, n'échangerais celui-ci pour rien au monde tant il m'apparait toujours aussi parfait. Comme le titre qui donne son nom à l'album, ce Warp qui porte si bien son nom qu'à la fin du morceau, vous l'entendrez se déformer (warp en anglais).


Ca fait partie de ces petites perles très rares et très perso qui font que je ne pense pas avoir perdu mon temps en décortiquant les pochettes de disques. C'est toute la différence avec Paul Epworth ; maintenant que je sais, je viens de jeter une oreille à son premier groupe : Lomax. Il a bien fait de devenir producteur.

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