samedi 10 novembre 2012

Un jour d'automne avant l'hiver

C'est un de ces jours où aucun sujet ne s'impose vraiment où je traine d'un artiste à l'autre, d'un morceau à l'autre voulant parler de mille choses à la fois. Et puis, finalement, un cheminement voit le jour. Partons si vous le voulez bien de Graph Rabbit. C'est un duo de Brooklyn qui a sorti il y a un mois son premier album sans grand bruit. Je me demande bien pourquoi. Leur dossier de presse dit qu'il faut imaginer Nick Drake produit par Brian Eno, jolies références qui, effectivement, leur vont très bien. On peut aussi penser bien évidemment à Sigur Ros et Radiohead. Et pourtant, malgré tout ça, malgré la gratuité d'Only Fields (à télécharger ici), on ne parle que peu de Graph Rabbit. Peut-être la faute au temps que l'on ne prend plus pour découvrir un artiste : une écoute de deux secondes et hop, ça nous plait. Ou non. Or, les premières secondes d'Only fields sont déroutantes : des sons aux synthés doux mais qui ne semble aller nulle part dans le sens où ils n'ont pas de ligne mélodique. Mais celle-ci, telle une forme qui sort du brouillard, arrive avec la guitare, puis, surtout, la voix. Et tout comme elle apparaît, elle finira par disparaître à la fin de la chanson, conférant à celle-ci des allures de tour de magie ; Only Fields est-il un mirage ?



Le dossier de presse de Graph Rabbit indique aussi comment le chanteur, guitariste et compositeur du groupe a travaillé avec son producteur autour de trois images directrices pour l'album Snowblind : les oiseaux, les arbres et la neige. Only fields comme d'autres chansons de l'album a effectivement des airs de neige qui tombe et scintille sur la nature alentour, un peu comme les plus belles images qu'on aurait de l'hiver. Maintenant imaginons un bien plus gros manteau de neige, un de ceux qui font que règne ce curieux silence, curieux car urbain, où si vous entendez le moteur d'une voiture, parce qu'elle roule au pas, et précisément grâce à l'isolation acoustique naturelle de cet épais manteau, le bruit ne vous parviendra, comme tous les autres, que de manière étouffée. Un manteau où l'on s'enfonce comme dans du coton et où le temps s'étire doucement. Vous êtes dans cet autre album consacré à l'hiver qu'est 50 Words For Snow de Kate Bush, sorti l'année dernière. Oui, encore Kate Bush ! Mais bon, d'un, vous étiez prévenu que vous en entendriez parler encore et encore dans ce blog, et, de deux, ça se prête quand même divinement au sujet. Surtout Snowflake, le morceau qui ouvre l'album et qui est chanté par Kate et son fils, Bertie, dont elle a voulu saisir la voix avant qu'elle ne mue. Et s'il parle bien de l'hiver, je ne peux m'empêcher d'y voir aussi la chanson d'une mère à son fils ; Kate Bush y chante comme un mantra "The world is so loud / Keep falling / I'll find you", soit presque dans le même temps, une façon de couper le cordon et de dire qu'on sera toujours là. Il y a vingt ans, Kate Bush était plutôt l'enfant dans The fog qui abordait ce passage où l'on doit se détacher de ses parents pour faire sa propre vie et c'est la voix de son père qui disait "Just put your feet down child / 'Cause you're all grown up now".


Mais revenons au sens premier de la chanson, l'hiver. Et comme 50 Words For Snow est un album d'hiver, Cheyenne Autumn, comme son nom l'indique, est bien un disque d'automne, qui respire les feuilles mortes, l'humus et les champignons ; son auteur, Jean-Louis Murat, y naissait aux yeux du public sous le signe de cette saison qui n'allait plus le lâcher, et qu'il n'allait plus lâcher jusqu'à l'incarner dans le duo qu'il fit avec Mylène Farmer. Je me souviens de la première fois où j'ai vu Jean-Louis Murat en live, en 1993. Au début du concert, il était seul tandis que des feuilles mortes tombaient sur la scène. La voix de Murat et nombre de ses chansons m'évoquent la chaleur d'un feu de cheminée ou la douceur d'un gros pull en laine quand viennent les premiers frimas et Cheyenne Autumn reste la matrice de tout ce qui allait suivre à l'instar de cette Pluie d'automne.



J'ai toujours trouvé curieux que personne n'ait creusé ce sillon. Pourtant, il y a, à mon avis, autant matière à inspiration dans ce Jean-Louis Murat des débuts que dans l'Etienne Daho qui inspire tant la jeune génération en ce moment. Je compte toutefois d'autres très rares "jeunes hommes d'automne". En 1993, le duo Les Occidentaux revendiquait clairement Murat et l'automne régnait sur leur premier album éponyme réalisé par l'ingénieur du son de Blue Nile, album hélas trop méconnu. Si vous le trouvez en solderie, aimez Murat, aimez l'automne, ne le manquez pas ; il est comme une caresse Après la pluie.



Plus de dix ans plus tard, c'est Pierre Bondu qui m'évoqua ce même spleen. Et Quelqu'un quelque part, son album, eut le même non succès, le public lui préférant le côté plus radieux, plus éclatant, plus été donc du 100 % VIP dont il signa la musique l'année suivante pour Katerine. Je rêve ne fit rêver que moi.



Evidemment, ces mêmes morceaux peuvent évoquer d'autres sentiments, d'autres sensations à leurs auditeurs. Mais pour moi, ils sont la bande son idéale d'une ballade en forêt, quand les feuilles des arbres flamboient de leurs dernières couleurs, ou, donc, quand la neige feutre vos pas. Et ces deux saisons qu'on a tendance à vouer aux gémonies peuvent alors donner de vraies raisons de se réjouir.

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