lundi 19 novembre 2012

Canada dry

Aimerais-je Francis Cabrel si j'étais québécois ? La question peut surprendre mais c'est parce que Daniel Bélanger est une valeur sûre de la chanson québécoise, ce qui évidemment ne vous en dit pas plus. Le site Québec Info Musique indique qu'il est l"une des figures majeures de la chanson québécoise de la décennie 1990" et qu'il "est assuré de laisser sa marque sur au moins une partie du XXIe siècle". Rajoutez à ça plusieurs Félix et Juno qui sont les équivalents au Québec et au Canada des Victoires françaises et Grammy américains et vous aurez un aperçu de l'importance de Daniel Bélanger dans son pays d'origine. Une sorte de Francis Cabrel québécois donc. Sauf que si j'adore Daniel Bélanger, je suis totalement indifférent à la musique de Cabrel (à part, peut-être, La Corrida mais bon). Pourtant, de ce côté-ci de l'Atlantique, Daniel Bélanger fait chou blanc. J'avais pourtant prédit, à tort donc, son succès quand je l'avais découvert en 1992 via le single La Folie en Quatre. Cette petite ballade à la guitare n'eut pas l'heur de plaire à mes compatriotes pas plus qu'Opium, qui, dans le même temps devenait le plus gros succès de l'année au Québec et un standard immédiat.



Bon, je sais très bien ce que certains d'entre vous pensent : c'est de la variétoche. On va dire variété, si ça ne vous gêne pas et éviter ainsi toute péjoration. Or qu'est-ce que la variété, si ce n'est une appellation bien francophone de la pop music au sens populaire du terme ? Et il peut y avoir quelque chose de noble à faire de la variété, à condition de ne pas prendre l'auditeur pour un con, soigner son ouvrage et délivrer matière à émerveillement. Et il y a tout cela dans la musique de Daniel Bélanger. En tout cas pour moi. Car je vois bien, en tentant de trouver quels morceaux poster pour vous faire éprouver ce charme que ce charme a quelque chose d'indicible. Faire émerger un morceau est en la matière un peu trop limitatif : le charme de Bélanger marche sur le long terme. Il faut s'immerger dans ses albums où il oscille entre recherche électronique et songwriting d'un très grand classicisme pour comprendre et, peut-être, apprécier le personnage. Un chanteur un peu dépressif qui s'adresse au solitaire, à celui qui n'a plus, ou pas beaucoup d'espoir, Désespéré, chantait-il sur son premier album ; oui, je sais, c'est pas très réjouissant mais sa musique, pourtant, arrive à me réjouir comme Dans un spoutnik.



En fait, la plus belle façon de comprendre la beauté de ses chansons est peut-être d'écouter la reprise de l'une des chansons de son répertoire par l'une de ses compatriotes, Ariane Moffat. Je me souviens que dans le livret de l'album, elle remerciait Daniel Bélanger d'avoir écrit la chanson parfaite: Imparfait.



Là je pense que vous m'imaginez déjà au trente sixième dessous. Mais on a tous un blues qui sommeille en nous et l'entendre chanter est sans doute l'une des meilleures façons de le vivre, de le sublimer. Une manière nécessaire pour ne pas devenir malade ou fou, comme dans Dis tout sans rien dire.



Vous n'aurez peut-être pas apprécier d'avantage Daniel Bélanger à la fin de ce post. Et finalement c'est tant mieux. Daniel Bélanger, son accent québecois même quand il chante, son chant d'écorché par la vie, c'est un plaisir solitaire et, ici, assez exclusif puisque je n'habite pas le Québec et n'ai donc pas à le partager avec la moitié de la population du pays. Un truc impossible à imaginer avec Francis Cabrel. A moins donc, peut-être, d'avoir grandi au Québec.

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