mardi 27 novembre 2012

Déclaration de dépendance



Scars on land est le morceau qui clôt l'album Declaration of dependence des Kings of Convenience, sorti il y a trois ans. Les Kings of Convenience sont deux Norvégiens : Erlend Øye et Eirik Glambek Bøe. Pour faire court, ils pourraient bien être les Simon & Garfunkel de leur temps auxquels ils empruntent la guitare acoustique prédominante sur des harmonies vocales aussi douces que célestes. Mais les rôles sont bien plus partagés dans Kings of Convenience d'où, d'ailleurs, ce joli titre en forme de constat. L'un a besoin de l'autre pour créer et vice versa. Enfin, c'est plus compliqué que ça. Erlend Øye n'a absolument pas besoin de son alter ego pour délivrer de très jolies choses. C'est lui, seul, qui chantait sur le Remind me et Poor Leno de ses compatriotes de Röyksopp, sur l'album inaugural du groupe sorti en 2001, soit exactement la même année que Quiet is the new loud, le premier album de King of Dependance.



Et déjà se profilait la dichotomie d'Erlend Øye : son côté folkeux tranquille d'un côté opposé à son goût immodéré pour les musiques électroniques plus échevelées. D'ailleurs, tout de suite après ce premier album des Kings of Convenience qui pouvait sonner comme une déclaration artistique, Quiet is the new loud, je vous le rappelle, plaçant donc le doux et le calme comme sa principale force, Erlend Øye partit s'installer à Berlin où il enregistra un album electro, Unrest, et officia comme DJ dans de nombreuses soirées, sa particularité étant de chanter durant ses sets comme sur cette très bonne reprise du There is a light that never goes out des Smiths.



Toutefois, aussi fasciné semblait-il par la musique électro, il revint une première fois en 2004 vers son compagnon des premières heures enregistrer le deuxième album des Kings of Convenience, Riot on an empty street. Ce qui ne l'empêcha pas de retourner à Berlin après ces premières retrouvailles fonder le groupe The Whitest Boy Alive pour les albums Dreams en 2006 et Rules en 2009.



Encore une fois du bon boulot. Mais il n'empêche. En 2009, il revint donc à Kings of Convenience avec ce constat : Declaration of Dependence. Même s'il a fait la preuve du contraire durant toutes ces années, c'est comme s'il dépendait de son compère pour exister artistiquement. Compère dont la seule activité notable dans le même temps fut d'apparaître comme choriste sur la chanson How my heart behaves sur l'album The Reminder de Feist. C'est peu. On pourrait donc se dire en toute logique que la force créatrice du duo, c'est Erlend Øye. Mais non puisqu'ils nous le disent eux mêmes : Declaration of dependence. Pourquoi choisir l'un ou l'autre quand ce sont les deux, qui ne forment alors plus qu'UN groupe, qui sont capables de délivrer de telles caresses auditives ?
Il y a un tas d'autres couples dans la musique que j'aime. Deux personnes qui, ensemble, atteignent une magie qu'ils sont incapables de reproduire, seul ou accompagné, chacun de leur côté. Je suis toujours frappé, aussi, de voir, après la séparation définitive ou temporaire de ces couples comme il nous faut choisir un camp. Comme il faudrait choisir entre papa et maman après un divorce. Le plus bel exemple, c'est bien sûr Lennon/McCartney. Qu'on nous demande, êtes-vous Beatles ou Stones, passe (Beatles, à propos), mais Lennon ou McCartney, ça ne veut rien dire. Les Beatles, c'étaient Lennon ET McCartney. Et même si, comme on le sait depuis leur séparation, certaines chansons n'étaient, en réalité, que de l'un ou de l'autre, c'était ensemble qu'il les officialisait via cette signature : Lennon/McCartney. Une vraie déclaration de dépendance en soit. For Lennon ? For McCartney ? Non, For no one.



Je trouve toujours étonnant qu'aujourd'hui encore, on accorde plus de crédit à Lennon qu'à McCartney. D'accord il n'a pas l'attitude rock'n'roll de Lennon, mais McCartney est un incroyable mélodiste. En ce sens, ils me rappellent un autre couple qu'on essaie toujours, ici, de différencier : Alain Souchon et Laurent Voulzy. Avec d'un côté, le "bon", Souchon, et de l'autre, le" mauvais", Voulzy. Mais Souchon n'existerait tout simplement pas sans Voulzy. Sur le premier album de Souchon, il n'y a qu'une seule chanson dont Voulzy signait la musique : la chanson titre et seul tube de l'album, J'ai dix ans. Sur l'album suivant, c'était Bidon. Mais c'est sur le troisième album que sa place se fit prépondérante, troisième album qui, comme le dit sa note Wikipedia, "contient des grands classiques du répertoire de Souchon", comme Poulailler's song, Jamais Content, J'ai Perdu Tout C'Que J'aimais, Allo Maman Bobo, Y a d'la rumba dans l'air. Toutes cosignées Voulzy. Je sais déjà ce que certains m'opposeront : que Souchon, surtout à partir de C'est déjà ça, a chercher (et parfois trouvé) à s'émanciper. Il n'empêche qu'on voit le résultat, médiocre, quand Voulzy est absent comme sur l'intégralité (moins une chanson) de son dernier album, Ecoutez d'où ma peine vient. Pourtant alors qu'il est de bon goût de posséder cet album (qui ne l'est pas), il ne l'est pas d'acheter le dernier Voulzy, pourtant bien supérieur. Pourquoi continuer à traiter si ce n'est avec dédain, au moins avec circonspection l'intégralité de l'oeuvre de Voulzy, lui aussi, pourtant, mélodiste hors pair, doublé d'un arrangeur perfectionniste aux qualités rares en France ? Voulzy, c'est le côté plus ensoleillé, plus léger de Souchon, comme Souchon est le côté plus obscur, plus profond de Voulzy. L'un ne va pas sans l'autre. A la fin de son album Caché derrière, en 1992, Voulzy avait caché derrière (d'où le titre) le dernier titre de l'album, une micro reprise (28 secondes) en acoustique de la chanson titre : une guitare, lui et Souchon. Ca n'est pas sans me rappeler Kings of Convenience.


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