vendredi 2 novembre 2012

La femme d'à côté (ni avec toi, ni sans toi)*

Posté il y a six jours seulement sur le Web, ce remix de Jezebel de Sade fait déjà des ravages.



Le premier bloggeur qui l'a postée (où l'on peut aussi télécharger le morceau) s'interroge à peu près en ces termes : "Avez vous déjà pensé à ce qui arrive à la musique de nos jours ? Vous écoutez un morceau pendant à peu près une semaine et c'est tout... Qui sera une référence à l'avenir ?" Et d'enchainer sur le fait qu'il se souvient très bien avoir écouté Sade quand il était enfant. Sous entendu, en voilà une de référence. Je me pose aussi parfois la question. Et finalement la réponse pourrait être : des artistes comme Sade. Soient des artistes qui n'ont pas pondu un seul titre auquel on pense pendant une semaine, mais plusieurs titres. Bon, c'est vrai aussi qu'on pensait, à l'époque, plus longtemps aux morceaux qu'on aimait. Mais si notre accès à la musique avait été démultiplié comme il l'est aujourd'hui, il n'en aurait sans doute pas été de même. Hier, de longues semaines s'écoulaient entre la sortie de deux singles. Pensez qu'entre le moment où Sade sortit son premier single Your love is king en février 84 et le moment où le troisième, Smooth operator, devint un tube aux Etats Unis, au printemps 85, il s'est écoulé plus d'un an ! Aujourd'hui il s'écoule moins d'un mois entre deux singles et, entre les deux, des morceaux apparaissent sur le Net, des extraits de l'album qui ont, eux aussi leur propre vie, leur propre vidéo et imagerie pour les accompagner, leur propre succès ou non... Tant et si bien qu'on ne sait même plus à la fin quel titre est un single et quel autre simplement un extrait de l'album - et de toutes façons, un single n'est-il pas précisément un extrait d'album ?  Le monde va plus vite qu'à l'époque où miss Sade Adu prenait son temps pour délivrer l'onctuosité de sa voix sur des morceaux non moins onctueux. C'est d'ailleurs tout l'art de Sade et ce qui en fait aussi aujourd'hui une référence : elle a pris son temps. Je ne veux pas seulement parler des années qui séparent ses derniers albums (8 ans entre l'antépénultième et l'avant dernier, 10 ans entre l'avant dernier et le dernier) mais de prendre un temps qui n'appartient qu'à soi. Sade est intemporelle et, en cela, peut-être de toutes les époques. Rajoutez lui quelques beats comme l'ont fait RussianAdults il y a deux ans, et Sade pourra être de maintenant si vous le désirez.



Ca se termine brutalement mais la version intégrale du remix peut être téléchargée ici. Ceci étant, on peut aussi se rappeler la version originale qui a vingt ans, cette année. Or, cette même année 92, y avait-il beaucoup d'autres chansons comme celles ci matinée de funk, de jazz, de soul, avec cette voix un peu voilée ? Non. Ce n'est pas que les chansons de Sade soient grandioses. Elles ont même un petit côté fadasse parfois : un peu trop de lait dans le café, trop de douceur, pas assez de caractère. Mais le plat est bien exécuté : pas de la grande cuisine qui décoiffe et qui vous vaut trois étoiles au Michelin (pour combien de temps, c'est une autre affaire), mais une recette familiale vers laquelle on revient, son créateur étant le seul à en connaître l'indémodable et secret ingrédient. J'avais ainsi été très étonné, n'étant pas, vous l'aurez compris, particulièrement fan, de retrouver avec plaisir cette petite musique particulière lors de la sortie de Soldier of love, il y a deux ans.



Pourtant rien n'avait vraiment changé : peut-être quelques guitares un peu plus rêches que d'habitude et un battement lourd, un truc un peu trip-hop rajouté à la sauce Sade 2010. Or le trip hop avait bien plus de dix ans d'âge à l'époque. Mais de la même manière, Sade avait mis du jazz dans la pop de ses débuts millésimée 80's. Comme si Sade évoluait dans un univers parallèle où rien n'est vraiment passé ni tout à fait présent, mais restera, sans doute à l'avenir, à en croire l'intérêt toujours renouvelées des remixeurs de tous poils et de tous genres pour sa musique. Maintenant, que sa musique ne prenne pas une ride, soit, que la dame nous fasse croire qu'elle non plus, euh, comment dire...

*rendons à César ce qui est à François Truffaut, Ni avec toi, ni sans toi, qui traduit bien mon rapport à Sade est la phrase qu'utilise la narratrice de La femme d'à côté pour décrire la relation des deux héros du film interprété par Gérard Depardieu et Fanny Ardant, actrice à part en France par son physique, par son phrasé, une femme sans âge... Qui cela pourrait-il bien me rappeler ?

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