mercredi 21 novembre 2012

Heavy dance

Ceci est-il le nouveau Daft Punk ?



C'est la question qui enflamme le Web ces dernières heures et qui en dit long sur la place qu'ont pris les deux Français dans le cœur des mélomanes du monde entier. Ca en dit long aussi sur une véritable marque de fabrique aussi distincte qu'imitable. Le crocodile Lacoste de l'électro, en quelque sorte. Sauf que porter un Lacoste, c'est chic, alors que porter l'imitation marocaine... L'incertitude quant à son authenticité permet donc à Emphazed de générer un maximum d'attention et un tant soit peu de respect. Pour le moment. En attendant confirmation ou infirmation des deux principaux intéressés. Entre temps, nous aurons eu droit à tous les commentaires des Internautes : celui-ci qui est "presque à 100 % sûr  (sic) qu'il s'agit de Daft Punk" puisqu'il reconnaît les "synthés qu'ils avaient utilisé pour la bande originale de Tron" et celui qui pense que c'est "trop cheap pour être du Daft Punk".
En fait la seule chose qui semble à peu près sûre dans tout ça, c'est que Daft Punk sorte un nouvel album au printemps prochain. On sait aussi depuis plusieurs semaines que Nile Rogers fera partie du projet. Rien que ça suscite l'attente : pensez donc, le génial guitariste de Chic qui a marqué de son sceau la dance fin 70, début 80 rencontre ceux qui en ont fait de même pour la période fin 90, début 00. Et si Daft Punk reprenait les choses où Chic les avait laissés en 1983 au moment de leur séparation ? Je serais tenté de le penser en réécoutant le vocoder utilisé sur You are beautiful, morceau de l'album Believer, si mésestimé qu'il est aujourd'hui l'un des rares du groupe à ne pas être disponible sur Itunes (du moins la plateforme française).



C'est curieux comme on a décrété la mort de Chic (qui s'est avérée, l'album ayant été un flop) avec ce morceau qui annonce pourtant le son des productions futures de Nile Rodgers au son prédominant pour l'époque, comme les albums Let's dance pour Davie Bowie et Like a virgin pour Madonna. Si je n'ai jamais été très convaincu par Like a virgin (je crois que je préférais la Madonna émergente de Holiday, Lucky Star et Everybody), j'ai en revanche toujours trouvé très bon l'album Let's dance. Je sais, ça fait hurler les fans de Bowie pour qui c'est le moins bon de sa carrière, le début de la fin, etc, etc... Sauf que Bowie, pour moi, ce n'était rien d'autre, à l'époque, soit rappelons-le, en 1983, que le chanteur d'Ashes to ashes. Je ne connaissais rien d'autre de lui car Bowie n'avait pas fait de tube assez marquant pour qu'ils arrivent jusqu'à mes oreilles de petit garçon que j'étais du temps de l'apogée de Bowie, soient les années 70. Et heureusement que Let's dance a existé car il a permis à tout un tas de personnes de découvrir rétrospectivement Bowie. Ce n'est absolument pas une raison pour jeter le Bowie de Let's dance sur lequel les critiques jettent en général l'opprobre : commercial. Ca veut dire quoi commercial ? Qu'il cherche à vendre des disques ? N'est-ce pas là ce que font la majeure partie des artistes ? Ou alors est-ce parce qu'on ne supporte pas de devoir le partager avec la "populace" ? Parce que, oui, quand un artiste délivre une chanson comme Let's dance, amplifiée par la production poids lourds de Nile Rodgers, ça va finir par s'entendre. Et ça s'est entendu, l'album étant celui qui s'est le mieux vendu de Bowie. Bowie a eu plein de bonnes chansons, mais rarement une aussi bonne intro que celle de Let's dance.



Finalement en quoi Let's dance, invitation à se déhancher, tranchait-elle avec des chansons comme Fame en 1975 ou Golden Years, l'année suivante ? Sans doute dans sa façon d'avancer non masqué, d'y aller avec ses gros sabots ou de ne pas y aller avec le dos de la cuillère, si vous voyez ce que je veut dire. Avec ses précédents titres, Bowie pouvait faire croire à une ironie, un détachement tout rock'n'roll vis à vis d'une musique pourtant déjà très dance ; une manière d'y toucher sans y toucher, une approche un peu arty de la dance music qui fait qu'on reste cérébral, même si l'on s'adresse au corps. Avec Let's dance, plus moyen de se cacher derrière son petit doigt : get on the dancefloor ! Des fois, il n'y a pas moyen de faire dans la demi mesure, dans la dentelle. Faut y aller franco quand bien même, on  trouvera ça putassier. Le morceau l'exige ; il est si énorme qu'il convient de ne pas essayer de réduire ses ardeurs. Il part comme un cheval au galop ? Laissez-le partir comme un cheval au galop car c'est son rythme. Et tant pis pour ceux qui resteront à la traîne. En cela, les Daft Punk, bien que sur une période très réduite, ont eu une trajectoire assez similaire enchaînant le consensuel Homework au plus discuté, du moins au moment de sa sortie, Discovery. Je me souviens même avoir pensé, assez snob, la première fois que j'ai entendu One more time : "Mais qu'est-ce que c'est que ce truc" ? Un tube, coco, voilà ce que c'est. Et l'album Discovery que je découvrais alors circonspect est de très loin celui que j'écoute aujourd'hui avec le plus de plaisir de Daft Punk.



Aucune chanson de l'album suivant des Daft Punk, Human after all, n'a l'évidence (heavy dance, donc) de Face to face, ou tout autre titre de Discovery. Human after all, c'est le retour à une case beaucoup plus cérébrale, un truc qu'on peut prendre au sérieux quoi. Pas cette espèce de rouleau compresseur populaire face auquel on peut se retrouver débordé. Est-ce pour cela qu'aujourd'hui fuite sur le Net ce Emphazed, dont on ne sait s'il est vraiment l’œuvre de ses créateurs ? Comme une sonde d'essai. Pour voir si c'est acceptable de faire un morceau simplement évident. Si évident que, même si ce n'est pas Daft Punk, on puisse penser qu'il s'agisse d'eux. Le blog Indie Shuffle s'interroge en ces termes : " What do you think? Is this the real deal?" Allez savoir. L'important n'est-il pas plutôt de se demander si c'est un good deal ? Si c'est une imitation, peu importe du moment qu'elle soit bien faite. Après tout, il y a bien longtemps que je me fous de porter - ou non - de la marque.

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