mardi 20 novembre 2012

Quand il neigeait en avril

Je viens de voir un épisode de Prime suspect, une série policière américaine un peu bourrine, lancée par un générique un peu bourrin, qui ressemble vaguement au "non moins subtil" Princess of China de Coldplay & Rihanna. Ce qui me chagrine un peu, c'est que le générique est signé Wendy & Lisa. Bon, ce n'est pas la première fois que je vois le nom de Wendy & Lisa au générique de séries TV puisque je les avais déjà repéré derrière celui d'Heroes et de Nurse Jackie, pour lequel elles ont gagné un Emmy Award.



Ce n'est pas que je n'ai pas le plus grand respect pour la BO comme je l'ai déjà dit ici ou , mais ça m'ennuie que Wendy & Lisa ne soient réduites qu'à ça et, pour la majorité du public, à presque rien. Or, si derrière chaque grand homme se cache une femme, nous dit le dicton, derrière Prince, se cachent deux femmes : Wendy & Lisa. On pourra m'objecter que Prince avait commencé sa carrière sans les deux musiciennes et qu'il la poursuit sans elles depuis 1987. Mais c'est précisément quand Wendy Melvoin était sa guitariste et Lisa Coleman, sa pianiste, que Prince a intéressé tout le monde. Avant même l'arrivée de Wendy (qui n'est arrivée qu'avec Purple rain), le premier titre de Prince ayant retenu mon attention était 1999.



La chanson avait beau être l'oeuvre d'un seul type, elle apparaissait déjà comme une oeuvre collective, débutant par la voix de Lisa, qui se marie, par la suite, à merveille avec celle de Prince. Ca avait beau être de la musique clairement identifiée black américaine, elle présentait aussi pas mal de similarités, au niveau des sons de synthés et ce croisement de voix masculines et féminines, avec celle de Human League dont le Don't you want me était sorti l'année précédente. Et c'est sans doute comme ça que j'ai été harponné par la musique de Prince. Par la suite, d'ailleurs, Human League a collaboré sur Human avec Jimmy Jam & Terry Lewis, ex musiciens de Prince et leur (Keep feeling) Fascination, en 1983, est pour moi autant la suite de Don't you want me qu'un croisement avec 1999.



Mais revenons à Prince, Wendy et Lisa en cette même année 1983 où Prince va devenir une superstar via Purple rain. Sur l'album, il n'y a plus marqué Prince mais Prince & the Revolution, dont les membres principaux sont... Wendy & Lisa. Même si l'on accorde à Prince la paternité des chansons qui allaient devenir célèbres, il y avait marqué, sur ces albums, "produced, arranged, composed and performed by Prince & the Revolution". Et, non seulement le tiercé d'albums que Prince sortit avec The Revolution, soient Purple rain, Around the world in a day et Parade est un sans faute, mais il comprend la plus grande partie des tubes de Prince : When doves cry, Purple rain, Raspberry beret, Kiss ou Girls and boys. Même si j'aime beaucoup certains de ces titres, c'est évidemment vers des titres moins exposés que va ma préférence comme Pop life.


Pop Life par tpryorl

Mais LE morceau pour lequel je serais prêt à échanger tous les autres, LE morceau dont je ne saurais me passer, quand, au contraire, je peux passer des mois, voire des années à me passer des autres, est un titre clairement signé Prince, Wendy & Lisa. Et pour moi, ça veut bien dire comme les deux filles ont été importantes à cette période clé de la carrière de Prince. Cette chanson, c'est le bouleversant Sometimes it snows in April.


Prince - sometimes it snows in april par thuglife2k

Alors, évidemment, je sais ce que beaucoup auront à opposer à cette théorie fumeuse qui veut que Prince ne serait rien sans Wendy & Lisa : l'album Sign O the times, sans doute son meilleur, paru en 1987 juste après qu'il ait dissous The Revolution. Sauf que bien des chansons qui composent cet album, et bien que ni The Revolution, ni Wendy & Lisa n'apparaissent sur les crédits de Sign O the Times, ont été composés et enregistré pour l'album Dream Factory de Prince & the Revolution. Et là, soit vous connaissez par cœur cette histoire soit vous croyez que j'ai trop fumé, car l'album Dream Factory n'existe pas. Sauf qu'il aurait du exister : en 1986, Prince & the Revolution enregistrèrent cet album qui aurait du être le successeur de Parade. Mais finalement, jugeant sans doute que The Revolution prenait trop de place par rapport à son égo surdimensionné, Prince jeta le disque et le groupe à la poubelle. Il ne put toutefois se résigner à laisser tomber d'aussi bonnes chansons et en recasa huit sur Sign O the Times, les plus belles comme la chanson titre, It, The Ballad of Dorothy Parker ou Starfish and coffee. Et après ? Après Prince ne m'a plus guère convaincu que sur Lovesexy, puis ce fut la grande catastrophe de Grafitti Bridge à partir duquel je ne me suis plus vraiment intéressé à Prince, comme, je le crois, la plupart d'entre nous. J'étais, pour ma part, persuadé que "la vérité était ailleurs". Chez Wendy & Lisa. J'en étais d'autant plus persuadé qu'en 1987, le premier single "solo" de Wendy & Lisa était une vraie claque, une chanson magistrale que je pensais vouée au succès, et dont je suis encore aujourd'hui admiratif : Waterfall.



On sait, ou plutôt on ne sait pas ce qui revient au même, ce qu'il est advenu. Waterfall fut un flop. Et pour tout dire, j'ai été assez déçu par l'album et celui qui suivit et n'ai même jamais écouté les trois suivants (ce qui en fait cinq, bravo, tu sais compter). Je pense que, de la même façon que Wendy & Lisa apportaient beaucoup à Prince, Prince devait amener beaucoup de choses à Wendy & Lisa. Une sorte d'émulation réciproque qu'ils ont, chacun de leurs côtés, cherché à recréer (le nombre de leurs collaborations avec d'autres musiciens est infinie) mais dont ils n'ont jamais retrouvé la magie. Alors, oui, Wendy & Lisa sont aujourd'hui des compositrices recherchées pour les musiques de séries ou de films, oui, Prince a continué sa carrière, mais laissez moi regretter, comme eux doivent le faire parfois, l'époque où ils étaient les rois du monde. L'époque où il neigeait en avril.

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