jeudi 25 avril 2013

All things go by

Dans le toujours passionnant Q Magazine du mois d'avril, il y a un papier sur les Beatles dont on fête cette année les 50 ans d'existence. Jamais avant eux et plus jamais après eux, explique le magazine, des artistes auront une trajectoire similaire. Tout simplement parce que les Beatles allaient s'engager sur des voies parfaitement inexplorées jusqu'alors et dans lesquelles allèrent s'engouffrer toutes les générations de musiciens à venir. Il n'y a qu'à écouter leurs premiers singles et les comparer aux chansons des derniers albums pour mesurer le chemin parcouru. Or si le chemin est long en terme de qualité, il est très court en terme de temps : 1963 pour le premier album, 1970 pour le dernier, soit huit années d'existence pour laisser une empreinte indélébile sur l'histoire de la pop music. Leur secret, outre leur génie, est d'avoir répondu aux exigences de leur temps qui faisait qu'on sortait au moins un album par an. Dans leur cas, musiques de films incluses, il y en eut 12 ! Ca rejoint un autre article que j'avais lu dans Q Magazine, déjà évoqué ici, et dans lequel un manager juré célèbre d'un télécrochet anglais, disait que sa devise pour continuer à profiter du succès était "work the room". Soit, grosso merdo, être là, savoir se montrer présent. Interrogé sur la volonté d'une Adèle de faire un break le temps d'avoir son bébé, il répondait "Bullshit, qu'elle ait son bébé et qu'elle se remette au travail". Le travail en continu profite-t-il à la création ? Profite-t-il au business ? Profite-t-il tout court ? Pour reprendre deux artistes que je porte ou ai porté aux firmaments, la réponse est contrastée. Kate Bush a commencé en jouant la règle du jeu puisqu'elle a sorti deux albums en 78, une tournée et un mini live, en 1979, et un nouvel album en 1980. Mais à partir du moment où elle a elle même produit ses disques, en 1982, le temps s'est mis à s'allonger entre chacune de ses livraisons : 3 ans, 4 ans, puis finalement 12 ans (!). Mais c'est précisément dans ce ralentissement du temps qu'elle a pondu ses meilleurs albums. Jean-Louis Murat a lui aussi signé les meilleurs albums de sa carrière (à mon goût toujours, mais je ne vais pas le préciser à chaque fois, hein) au début de celle ci, quand il observait un laps de temps de 2 à 3 ans entre ses albums, alors que depuis le début du nouveau millénaire, la qualité de ses livraisons décroit au fur et à mesure que la cadence de sortie s'accélère (1 à 2 albums l'an). Dans les deux cas donc, même si cela n'arrive pas aux mêmes moments de leurs carrières respectives, plus ces artistes ont pris leurs temps, plus ils ont su livrer de la bonne came. Sans doute parce que tout le monde n'est pas les Beatles. Qu'un temps de maturation est nécessaire pour savoir séparer le bon grain de l'ivraie. Mais ne passe-t-on pas pour autant à côté de certaines choses ? Par exemple, toujours chez les gens que j'aime bien, il y avait eu trois ans entre Steve McQueen et From Langley Park to Memphis, album de 85 et 88 de Prefab Sprout. Or, on était passé d'un petit groupe fragile et délicat à une machine de guerre pop prête à conquérir les States. Que s'était-il passé entre les deux ? La réponse arriva en 1989 sous la forme de Protest songs, soit l'album que Prefab Sprout enregistra juste après Steve McQueen, en 1985, mais qui, précisément parce que son esprit fut jugé trop proche de ce dernier album, fut mis de côté et d'autres directions envisagées qui conduisirent à From Langley Park to Memphis. Bref, Protest songs, s'il n'est pas un album indispensable, est indispensable pour comprendre la carrière du groupe. De la même manière, ce n'est qu'en 2009 que parvint jusqu'à nous, Let's change the world with music qui aurait du être, en 1993, le successeur de Jordan : the comeback paru en 1990. Au lieu de quoi, il fallut attendre 1997 pour que Prefab Sprout délivre Andromeda heights. Plus encore que Protest songs, Let's change the world with music est un merveilleux album qui ne doit sa sortie qu'au fait que Paddy McAloon, après avoir failli perdre la vue en 2003, se soit mis à souffrir d'acouphènes terribles qui l'empêchent, depuis, de pratiquer convenablement de la musique. Son manager, pour lui venir en aide financièrement, lui proposa de sortir ce lost album. Et je peux lui dire merci tant je raffole de cet album ; même dans cette état embryonnaire de maquette, on devine très bien, si on connait le groupe, le monument qu'aurait pu devenir, par exemple, God watch over you.



Mais que ce soient Kate Bush, Jean-Louis Murat ou Prefab Sprout, le facteur temporel n'est pas le premier vecteur par lequel appréhender leur oeuvre. Par cette phrase pompeuse, je veux dire par là que, plus que marquer une année plutôt qu'une autre, leurs albums marquent plutôt tel stade dans leur carrière. Les albums des Beatles, même considérés "intemporels", replonge leurs auditeurs dans l'époque des sixties. Même s'ils ne l'ont pas vécu, cette musique est, pour n'importe quel auditeur, synonyme de cette époque.
Pourquoi j'écris tout ça ? Parce qu'il me semble qu'il faut tacher de discerner un bon morceau, un morceau sans lequel on ne peut pas vivre, qui nous apporte seulement sa beauté, d'un morceau qui nous ramène à une époque. Ce qui n'est pas spécialement facile puisque les morceaux de la dernière catégorie, en ramenant des souvenirs, peuvent procurer autant de plaisir que ceux de la première catégorie, voire plus si vous êtes, un tant soit peu, comme moi, nostalgique. Et il y a des artistes d'époque. J'avais écrit ici que je reviendrais sur les Eurythmics et la façon qu'ils ont, pour moi, de représenter, d'incarner les années 80. Or l'occasion se présente puisque, pour une raison ou une autre, je suis retombé l'autre jour sur une face B des Eurythmics (celle de There must be an angel) sortie en 1985 : Grown up girls. N'importe quel groupe n'aurait pas oublié cette chanson en face B ; ils l'auraient mis sur l'album et en auraient peut-être fait un single. Mais en 1985, Eurythmics étaient les rois du monde, leur créativité à son maximum et ils pouvaient tout se permettre.



Mais reprenons les choses dans l'ordre, chronologique s'entend. Quand Annie Lennox et Dave Stewart sortent le premier album de Eurythmics (mieux vaut éviter leur première expérience au sein des Tourists dont la vague heure de gloire fut une reprise du I only want to be with you de Dusty Springfield), les années 80 sont naissantes. Après la vague punk qui a fait tout exploser à la fin des années 70, on explore toutes les directions sans savoir véritablement où l'on va. En cela, In the garden est exemplaire, qui mélange, nous apprend Wikipedia, des influences krautrock, psychedelic, electropop. M'est avis qu'on peut rajouter un peu de tout dans la sauce. Ca donne un album pas désagréable (c'est même un de ceux que j'aime beaucoup réécouter) mais à la ligne pour le moins aussi floue que sa pochette (qu'on peut voir dans la "vidéo" ci-dessous). C'est un album que je ne découvrirais que deux ans après sa sortie. A l'époque, je me cherche aussi, musicalement, et n'ai pas encore trouvé Eurythmics auquel cas j'aurais sans doute déjà apprécié Take me to your heart.



En 1983, en revanche, je suis l'un des premiers à m'ébahir devant Sweet dreams. Comme tout le monde, vous me direz. Sauf que non : c'est fin 1982, dans Rockline, un des magazines des Enfants du rock, et plus exactement le magazine consacré à la new wave présenté par Bernard Lenoir - autant dire un moment de jouissance absolu pour moi à l'époque, que je découvre pour la première fois Annie Lennox à l'arrière d'une limousine ; si Love is a stranger est un flop, il est immédiatement pour moi un choc. J'allais acheter le maxi, et sa rythmique martiale allait en quelque sorte donner le la de la ligne musicale qu'allait désormais défendre mon émission de radio, soit un truc totalement dans son époque : la pop synthétique. J'imagine qu'en plus, cette fille qui pratique la confusion des genres et le retirage de perruques ad hoc a du on ne peut plus troubler le garçon que j'étais et qui se cherchait lui aussi (mais sans perruque).



Evidemment, après ce choc initial, j'allais attendre fébrilement l'album donc, Sweet dreams, qui sortit quelques mois plus tard avec le succès que l'on sait. Clairement ces sons synthétiques allaient marquer cette époque comme le confirme l'autre album des Eurythmics, sorti cette même année 1983, Touch, même si ce dernier se permet des incursions dans les cuivres (Right by your side) ou les cordes, comme dans Here comes the rain again.



Je n'ai évidemment pas choisi ce titre au hasard ; je veux dire, il y a plein de titres géniaux sur Touch et sans doute encore plus sur Sweet dreams. Et c'est bien pour ça que les Eurythmics sont super importants dans mon parcours et dans MES années 80. Parce que non seulement ils allaient caractériser mes goûts, la programmation de mes émissions, la décoration des murs de ma chambre, mais tout cela allait être légitimer par leur succès, Here comes the rain again, étant sans doute celui qui sera le plus important après Sweet dreams et avant le dernier Scud du même type qu'ils balanceront l'année suivante avec Sexcrime, un tube si énorme qu'il éclipsa totalement le vrai-faux album de la fausse vraie musique originale du film 1984 (la musique était sensée être pour le film mais elle fut finalement remplacée par un producteur ou réalisateur mal inspiré). C'est dommage parce que cet album compte nombre de petites perles à redécouvrir comme For the love of Big Brother



C'est rigolo parce que je me rappelle très bien de l'accueil réservé à cet album à l'époque de sa sortie : pas très bon, c'est le moins qu'on puisse dire. Et là encore on colle à la problématique de tous les groupes electropop (à l'époque, on disait synthpop, et c'était un peu comme un gros mot sous la plume de certains journalistes) : ces groupes, qu'ils s'appellent Eurythmics, Depeche Mode, Yazoo, Soft Cell, Blancmange, j'en passe et de très nombreux autres, avaient beau avoir conquis le monde, on les jaugeait toujours en tant que sous groupe, sous artiste, sous musique. Ces gens là ne pouvaient pas être de bons musiciens puisqu'ils utilisaient les synthés et les synthés, c'est bien connu, ça fait de la musique tout seul... Bref, devant tant de mauvaise foi de journalistes qui, pour la plupart, ne voulaient pas tourner la page du rock'n'roll BCBG (Basse Chant Batterie Guitares), sans doute parce que tourner cette page, c'était vieillir un peu, il fallait frapper un grand coup, et battre l'ennemi sur son propre terrain. En 1985, Eurythmics sortait ce qui fut considéré (et l'est toujours aujourd'hui) comme son meilleur album, Be yourself tonight, toutes guitares dehors via notamment le premier single qui rugit dès l'intro Would I lie to you.



C'est donc à cette époque que Eurythmics deviennent les rois du monde. Quand on réécoute l'album, on comprend pourquoi : les sept premiers titres de l'album sont des tueries (je suis un peu moins convaincu par les deux derniers). Or, on est en 1985, l'année de mes seize ans dont j'ai déjà parlé ici. Pour moi, c'est l'année la plus riche des années 80, avec un paquet d'albums merveilleux. Comme je l'ai déjà écrit toutefois, je ne sais pas s'il s'agit d'un regard objectif ou subjectif, puisque, précisément, j'ai seize ans, qui est un age où l'on se sent sans doute un peu aussi comme le roi du monde. Mais c'est ainsi : 1985, grand millésime. Et retour donc à des structures plus classiques où la guitare est l'élément central. Les Eurythmics pousseront d'ailleurs le bouchon un peu plus loin l'année suivante avec Revenge, leur album le plus rock'n'roll, parfait pour la scène (c'est à ce moment là que je les vois, Annie d'abord en long trench de  cuir noir, avant de débarquer en soutien gorge tout de cuir itou mais rouge cette fois) mais qui, des années plus tard, ne me laisse pas grand chose ; de tous leurs albums, c'est le seul dont je ne n'ai numérisé aucune chanson. Là encore, c'est assez cohérent avec ma vision de l'année 1986 qui succédant à une année de rêve, ne pouvait qu'être une année de désillusion. Il faut attendre l'année suivante pour que la musique retrouve des couleurs, au moment où Eurythmics n'a plus rien à prouver et peut donc faire la synthèse de toutes ses influences. C'est l'album Savage qui reste pour moi, avec Sweet dreams, le meilleur album de Eurythmics. Il n'y a rien à jeter et même des morceaux que je trouvais pas évidents à l'époque m'apparaissent dans toute leur pertinence aujourd'hui comme le premier single (et l'incroyable vidéo) Beethoven (I love to listen to).



Alors il n'était plus question de juger les synthés. D'ailleurs c'était l'année où apparut "officiellement" la House music, Acid House pour être précis (via notamment le Pump up the volume de Maars), musique, pour le coup, où les synthés, où les machines étaient reines. Tout cela ouvrait le chemin de la décennie à venir. Alors que restait-il à faire musicalement ? Plus grand chose. Et c'est d'ailleurs ce que firent les Euryhtmics avec l'ironiquement titré Wee too are one, qui annonçait précisément leur séparation, alors même que se terminaient les années 80, en 1989. Allez, on va sauver Don't ask me why du désastre.



Les Eurythmics n'avaient plus rien à dire. Les années 80 n'avaient plus rien à dire. Don't ask me why... Il se trouve que l'année 1989 fut celle de mes vingt ans. J'ai toujours aimé la notion anglosaxonne de teenager, soit les années entre 13 et 19 ans. Mon adolescence est morte avec les années 80. 1989 est également la dernière année que j'ai passé chez ma mère. Et voilà à quoi me ramènent toutes ces années : à un temps où je vivais auprès d'elle, où elle vivait auprès de moi. Où elle vivait, tout simplement. Mais évoquer des souvenirs ne fait pas revivre le temps passé, il en donne juste l'impression. Des impressions délectables, mais aussi fugaces que le temps d'une chanson. Et c'est pour cela qu'un groupe comme Eurythmics est parfait : parce que leur oeuvre est la chronique de ces années là. Leur vie (je veux parler de celle d'un groupe, d'un artiste, bien souvent beaucoup plus courte que celle d'un être humain) a illustré ces années là et ils ont bien fait d'en profiter pour sortir presque un album tous les ans, comme on marquerait les pages d'un journal intime.
En débutant ce blog, je pensais moi aussi faire la chronique du temps présent quand, en fait, je dressais la chronique de jours passés, comme s'il suffisait de les évoquer pour les ressusciter. Mais rien ne revit. Même pas le souvenir : le souvenir vit au présent, en ce sens qu'il est ce qu'il nous reste du passé, et non pas le passé lui même si vous voyez ce que je veux dire. C'est d'en prendre conscience, sans doute, qui fait que le besoin d'écrire, ce blog en tout cas, m'ait un peu passé. Je n'y mets pas un point final mais sais désormais qu'il prendra d'autres formes, d'autres temps, d'autres mots. Un peu comme la fin d'un cycle qui coïncide (mais ce n'est sans doute pas une coïncidence) avec un moment où je suis en passe de me réinventer professionnellement et géographiquement. J'avais envie de terminer tout ça par une chanson du premier album d'Annie Lennox, Diva, paru en 1992 et qui reste pour moi, le véritable dernier album de Eurythmics, un album où l'on se quitte sur de bons souvenirs car tout, pour moi, est parfait sur l'album Diva. Ayant déjà posté par le passé The Gift, qui demeure à mes yeux et surtout mes oreilles, le meilleur morceau de l'album, je passais en revue les autres morceaux puis choisis finalement Primitive. Comme ça sonne un peu comme un morceau d'adieu (même si, je le répète, ceci n'est pas un point final), j'avais envie de savoir ce que disait ce morceau. Et comme souvent le sentiment que m'inspirait la chanson s'avère concordant avec mon propos, une illustration supplémentaire, s'il en fallait encore une, du pourquoi j'aime la musique, de ce que je ressens de la musique, de tout ce que j'ai essayé de mettre dans ces pages. Lennox y chante "For time will catch us in both hands /To blow away like grains of sand /Ashes to ashes rust to dust/ This is what becomes of us / Sweetheart /Send me to sleep /Pray to God our hopes to keep / Take our fears and make us strong/ Lead us to where we belong / And let it all go by / All go by...".

dimanche 14 avril 2013

The sun is shining

J'avais prévu d'écrire un truc super long où j'aurais expliqué, par exemple, pourquoi ça a été super long avant que je réécrive quelques lignes. Mais voilà, il fait beau. Du vrai beau. Ce truc énorme qui ne m'était pas arrivé depuis au moins six mois en France. Or, tout le monde le sait, on n'a pas encore inventé l'ordinateur facile d'utilisation à l'extérieur. Ou alors faut se mettre à l'ombre pour pouvoir lire l'écran. Mais puisque je vous dis que c'est le soleil qui m'appelle. Je remets à plus tard toute velléité d'écriture. It's a lovely day / And the sun is shining (Blaze-1997)

lundi 1 avril 2013

Vous reprendrez bien un peu de fromage

J'ai vu il y a quelques jours un épisode de la série Glee intitulé Guilty pleasures, soit plaisirs coupables, qu'on qualifie aussi ici de péchés mignons. Et je m'étonne de n'avoir pas fait plus tôt un post sur ce sujet tant ces plaisirs coupables définissent aussi grandement l'auditeur que nous sommes. Mais bon, tout est dans le nom, plaisirs coupables, et j'imagine que, tels les héros de Glee, il est plus facile d'avouer ses "bons goûts" que ses mauvais. Or, dans cet épisode de Glee, le premier aveu de plaisir coupable portait sur le groupe Wham! Le point d'exclamation, je dois le préciser tout de suite, n'a rien à voir avec la surprise, un "Oh mon Dieu !" ou "Non, mais vous imaginez"! Non, Wham!, comme je viens à nouveau de l'écrire, s'écrit bien avec un point d'exclamation à la fin. Wham!, avant d'être le nom du groupe de George Michael, est une interjection comme vous allez très vite, si ce n'était pas encore fait, vous en rendre compte. Car, si dans Glee, on parlait de Wham! pour Wake me up before you go-go, que je trouve proprement imbitable, il se trouve que quelques jours avant le visionnage de la série, par un curieux hasard de circonstances (mais le hasard en est-il vraiment un), je me retrouvais moi-même devant une vidéo de Wham! sur Youtube. Avant que l'on ne m'accuse, monsieur le président, j'aimerais expliquer pour ma défense que c'est Youtube avec ses propositions, vous savez ces trucs que l'on trouve à droite ou en bas de la vidéo pour laquelle vous étiez là à l'origine, qui m'a mené là. Youtube ayant remarqué que je cherchais souvent des choses des années 80, il m'ont proposé Wham! Je me souviens avoir vraiment découvert Wham! à leur début et même d'avoir programmé en radio ce Wham rap! (Enjoy what you do). Et du coup, j'avais envie de savoir ce qui m'avait plu là-dedans, voire qui pourrait encore me plaire. Or j'apprécie encore le son très funky de l'ensemble mais je sais bien, et c'est là que c'est indéfendable et donc, votre honneur, coupable, que l'ensemble, précisément est quand même plutôt pas bon : ce rap de petit blanc garçon coiffeur qui veut faire croire qu'il serait un bad boy juste parce qu'il met un blouson noir, ah! ah! ah! Côté humour, je conseille d'ailleurs les premières paroles de cette chanson : "Hey everybody / Take a look at me / I've got street credibility". Euh, comment te dire George ? Ceci étant dit, bien bourré, je pense toutefois que je pourrais encore être un des premiers sur le dancefloor à faire le playback du refrain : "Wham! (d'où le nom donc)/ Bam! /I am /The man!"



Rassurons tout de suite ceux qui s'inquièteraient : je n'ai pas le Wham! Rap dans ma discothèque. Mais vous avez des raisons de vous inquiéter dans la mesure où ce n'est pas la première fois que Wham! est l'objet d'un de mes plaisirs coupables. Deux ans plus tard, George Michael qui au moins avait compris qu'il n'était pas un rapper récidivait au sein du groupe avec une bluette synthétique tout aussi indéfendable et non moins, en ce qui me concerne, indéfectible : Everything she wants. Et oui, votre honneur, j'ai Everything she wants dans ma discothèque. Je dirais même plus : j'ai Everything she wants dans ma discothèque! Wham! Bam!



Ca y est, je l'ai dit. Dans l'épisode de Glee, il s'agissait d'ailleurs de faire son coming out de plaisir coupable. Et c'est un peu ça quand on y songe. Et le pire, ou le mieux, c'est quand la personne à qui vous racontez ça a exactement le même pêché mignon. Comme si un mauvais goût en point commun vous rapprochait plus d'une personne que le "bon goût". Dans les pays anglosaxons, on dirait de ces deux titres que c'est du cheese, ce que je trouve plus approprié que notre trop réducteur : "c'est de la merde". Car le fromage, ça sent pas bon, ça fait grossir, mais quand même, au final, un bon calendos. Et quelle association avec le vin, ce que j'ai déjà démontré en rappelant que, bien bourré, on était les premiers à se précipiter sur du cheese. Il y a quelques temps de ça dans l'excellent Q Magazine, je lisais l'interview d'un type que je ne connaissais pas et qui se trouve être, en Grande Bretagne, l'un des jurés de X Factor. Avant cela, il avait été le manager de plusieurs artistes cheesy. Et, dans un discours d'une lucidité folle, qu'on pouvait confondre, sans prendre de recul, avec du cynisme, il parlait de l'industrie du fromage. Il disait qu'il y aurait toujours une clientèle pour le fromage et que, lorsqu'on était producteur, il s'agissait non seulement de faire son boulot le mieux possible mais aussi de savoir ce que vous êtes en train de faire. C'est à dire du cheese et pas de l'art. C'est évidemment tout le problème des artistes cheesy qui aimeraient, passé un certain délais, qu'on oublie l'étiquette cheesy pour ne conserver que celle d'artiste. Pour reprendre le cas Wham!, c'est exactement ce qui s'est passé lorsque George Michael en rupture du groupe qui l'avait lancé a sorti l'album Faith en 1989. Je n'ai d'ailleurs pas très bien compris l'emballement critique qui a accompagné la sortie de l'album tant, franchement, ça ne changeait pas grand chose par rapport à ses premières aventures discographiques. Ca ne prouvait qu'une chose en fait : que George Michael était un très bon producteur de fromages. J'aurais aussi pu dire chewing gum tant ces chansons foncièrement sucrées peuvent s'avérer aussi collantes à votre esprit qu'une de ces friandises à votre semelle. Et même des années après. Tenez aujourd'hui, il me suffit de trois notes de piano et d'un "Oh baby !" pour me plonger dans l'ambiance ci-dessous.



Britney Spears : au moins 60% de matières grasses (au propre comme au figuré d'ailleurs aujourd'hui). Après reste à bien faire la différence entre un bon titre cheesy et de la bonne musique. Vous ne pouvez prendre du fromage QUE SI vous avez un régime équilibré sinon vous risquez l'obésité. C'est précisément ce que je reproche à certains journalistes qui ont fait, par exemple, de Gangnam Style l'un des meilleurs titres de l'année dernière. Faire d'une daube un plat du jour, passe, mais la transformer en un met raffiné juste parce que tout le monde aime ça, non. Donc, affichons nos mauvais goûts, consommons du fromage, mais sachons par pitié faire la différence. Ce qui n'est pas forcément évident, et dans les deux sens. Car si le producteur de fromages sait que sa production n'a de sens que si elle est consommée, bref si le titre a du succès, on peut avoir tendance à croire que, parce qu'un titre a du succès, il est forcément cheesy. Pour reprendre l'épisode de Glee, le personnage de Blaine fait son coming out de plaisir coupable autour d'un titre de Phil Collins, dont il est de bon ton, semble-t-il, de plaisanter. C'est vrai que Phil Collins n'a jamais vraiment été ma came : pour moi, il fait partie de ces artistes que tout le monde aime, un peu facile à écouter précisément parce que sa musique n'est pas trop compliquée. Mais il s'agit plus du cas d'un cas d'artiste MOR, comme surnomme les Anglosaxons ces artistes Middle Of the Road, qui ne font pas de vague et ne sont pas surprenants pour un sou, un truc (le MOR) sur lequel je reviendrais une autre fois. Ca ne veut pas forcément dire que c'est mauvais, sans surprise, c'est tout. Dans Glee, Blaine chantait Against all odds. C'est une chanson d'amour. Une chanson d'amour, c'est forcément sans surprise. Un truc doux et lent sur lequel on dit je t'aime, tu m'aimes, tu me manques, ne me quitte pas... A ce compte là, toutes les chansons d'amour serait cheesy. L'amour même serait cheesy. Or, réécoutez Against all odds, surtout dans la version dépouillé qu'en donne Darren Criss (Blaine) dans Glee. C'est juste une belle chanson, pas la peine d'en faire tout un fromage.