lundi 1 avril 2013

Vous reprendrez bien un peu de fromage

J'ai vu il y a quelques jours un épisode de la série Glee intitulé Guilty pleasures, soit plaisirs coupables, qu'on qualifie aussi ici de péchés mignons. Et je m'étonne de n'avoir pas fait plus tôt un post sur ce sujet tant ces plaisirs coupables définissent aussi grandement l'auditeur que nous sommes. Mais bon, tout est dans le nom, plaisirs coupables, et j'imagine que, tels les héros de Glee, il est plus facile d'avouer ses "bons goûts" que ses mauvais. Or, dans cet épisode de Glee, le premier aveu de plaisir coupable portait sur le groupe Wham! Le point d'exclamation, je dois le préciser tout de suite, n'a rien à voir avec la surprise, un "Oh mon Dieu !" ou "Non, mais vous imaginez"! Non, Wham!, comme je viens à nouveau de l'écrire, s'écrit bien avec un point d'exclamation à la fin. Wham!, avant d'être le nom du groupe de George Michael, est une interjection comme vous allez très vite, si ce n'était pas encore fait, vous en rendre compte. Car, si dans Glee, on parlait de Wham! pour Wake me up before you go-go, que je trouve proprement imbitable, il se trouve que quelques jours avant le visionnage de la série, par un curieux hasard de circonstances (mais le hasard en est-il vraiment un), je me retrouvais moi-même devant une vidéo de Wham! sur Youtube. Avant que l'on ne m'accuse, monsieur le président, j'aimerais expliquer pour ma défense que c'est Youtube avec ses propositions, vous savez ces trucs que l'on trouve à droite ou en bas de la vidéo pour laquelle vous étiez là à l'origine, qui m'a mené là. Youtube ayant remarqué que je cherchais souvent des choses des années 80, il m'ont proposé Wham! Je me souviens avoir vraiment découvert Wham! à leur début et même d'avoir programmé en radio ce Wham rap! (Enjoy what you do). Et du coup, j'avais envie de savoir ce qui m'avait plu là-dedans, voire qui pourrait encore me plaire. Or j'apprécie encore le son très funky de l'ensemble mais je sais bien, et c'est là que c'est indéfendable et donc, votre honneur, coupable, que l'ensemble, précisément est quand même plutôt pas bon : ce rap de petit blanc garçon coiffeur qui veut faire croire qu'il serait un bad boy juste parce qu'il met un blouson noir, ah! ah! ah! Côté humour, je conseille d'ailleurs les premières paroles de cette chanson : "Hey everybody / Take a look at me / I've got street credibility". Euh, comment te dire George ? Ceci étant dit, bien bourré, je pense toutefois que je pourrais encore être un des premiers sur le dancefloor à faire le playback du refrain : "Wham! (d'où le nom donc)/ Bam! /I am /The man!"



Rassurons tout de suite ceux qui s'inquièteraient : je n'ai pas le Wham! Rap dans ma discothèque. Mais vous avez des raisons de vous inquiéter dans la mesure où ce n'est pas la première fois que Wham! est l'objet d'un de mes plaisirs coupables. Deux ans plus tard, George Michael qui au moins avait compris qu'il n'était pas un rapper récidivait au sein du groupe avec une bluette synthétique tout aussi indéfendable et non moins, en ce qui me concerne, indéfectible : Everything she wants. Et oui, votre honneur, j'ai Everything she wants dans ma discothèque. Je dirais même plus : j'ai Everything she wants dans ma discothèque! Wham! Bam!



Ca y est, je l'ai dit. Dans l'épisode de Glee, il s'agissait d'ailleurs de faire son coming out de plaisir coupable. Et c'est un peu ça quand on y songe. Et le pire, ou le mieux, c'est quand la personne à qui vous racontez ça a exactement le même pêché mignon. Comme si un mauvais goût en point commun vous rapprochait plus d'une personne que le "bon goût". Dans les pays anglosaxons, on dirait de ces deux titres que c'est du cheese, ce que je trouve plus approprié que notre trop réducteur : "c'est de la merde". Car le fromage, ça sent pas bon, ça fait grossir, mais quand même, au final, un bon calendos. Et quelle association avec le vin, ce que j'ai déjà démontré en rappelant que, bien bourré, on était les premiers à se précipiter sur du cheese. Il y a quelques temps de ça dans l'excellent Q Magazine, je lisais l'interview d'un type que je ne connaissais pas et qui se trouve être, en Grande Bretagne, l'un des jurés de X Factor. Avant cela, il avait été le manager de plusieurs artistes cheesy. Et, dans un discours d'une lucidité folle, qu'on pouvait confondre, sans prendre de recul, avec du cynisme, il parlait de l'industrie du fromage. Il disait qu'il y aurait toujours une clientèle pour le fromage et que, lorsqu'on était producteur, il s'agissait non seulement de faire son boulot le mieux possible mais aussi de savoir ce que vous êtes en train de faire. C'est à dire du cheese et pas de l'art. C'est évidemment tout le problème des artistes cheesy qui aimeraient, passé un certain délais, qu'on oublie l'étiquette cheesy pour ne conserver que celle d'artiste. Pour reprendre le cas Wham!, c'est exactement ce qui s'est passé lorsque George Michael en rupture du groupe qui l'avait lancé a sorti l'album Faith en 1989. Je n'ai d'ailleurs pas très bien compris l'emballement critique qui a accompagné la sortie de l'album tant, franchement, ça ne changeait pas grand chose par rapport à ses premières aventures discographiques. Ca ne prouvait qu'une chose en fait : que George Michael était un très bon producteur de fromages. J'aurais aussi pu dire chewing gum tant ces chansons foncièrement sucrées peuvent s'avérer aussi collantes à votre esprit qu'une de ces friandises à votre semelle. Et même des années après. Tenez aujourd'hui, il me suffit de trois notes de piano et d'un "Oh baby !" pour me plonger dans l'ambiance ci-dessous.



Britney Spears : au moins 60% de matières grasses (au propre comme au figuré d'ailleurs aujourd'hui). Après reste à bien faire la différence entre un bon titre cheesy et de la bonne musique. Vous ne pouvez prendre du fromage QUE SI vous avez un régime équilibré sinon vous risquez l'obésité. C'est précisément ce que je reproche à certains journalistes qui ont fait, par exemple, de Gangnam Style l'un des meilleurs titres de l'année dernière. Faire d'une daube un plat du jour, passe, mais la transformer en un met raffiné juste parce que tout le monde aime ça, non. Donc, affichons nos mauvais goûts, consommons du fromage, mais sachons par pitié faire la différence. Ce qui n'est pas forcément évident, et dans les deux sens. Car si le producteur de fromages sait que sa production n'a de sens que si elle est consommée, bref si le titre a du succès, on peut avoir tendance à croire que, parce qu'un titre a du succès, il est forcément cheesy. Pour reprendre l'épisode de Glee, le personnage de Blaine fait son coming out de plaisir coupable autour d'un titre de Phil Collins, dont il est de bon ton, semble-t-il, de plaisanter. C'est vrai que Phil Collins n'a jamais vraiment été ma came : pour moi, il fait partie de ces artistes que tout le monde aime, un peu facile à écouter précisément parce que sa musique n'est pas trop compliquée. Mais il s'agit plus du cas d'un cas d'artiste MOR, comme surnomme les Anglosaxons ces artistes Middle Of the Road, qui ne font pas de vague et ne sont pas surprenants pour un sou, un truc (le MOR) sur lequel je reviendrais une autre fois. Ca ne veut pas forcément dire que c'est mauvais, sans surprise, c'est tout. Dans Glee, Blaine chantait Against all odds. C'est une chanson d'amour. Une chanson d'amour, c'est forcément sans surprise. Un truc doux et lent sur lequel on dit je t'aime, tu m'aimes, tu me manques, ne me quitte pas... A ce compte là, toutes les chansons d'amour serait cheesy. L'amour même serait cheesy. Or, réécoutez Against all odds, surtout dans la version dépouillé qu'en donne Darren Criss (Blaine) dans Glee. C'est juste une belle chanson, pas la peine d'en faire tout un fromage.

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