J'ai hésité un temps à lier trois titres qui me sont passés entre les oreilles et devant les yeux ces derniers jours. Simplement parce qu'ils étaient en français. Ca fait finalement un point commun assez minime, ce qui m'a finalement décidé à écrire sur chacun des trois dans les jours à venir. Pour être clair, si j'écrivais que j'allais relier ici trois titres simplement parce qu'ils sont tous chantés en anglais, on trouverait ça stupide et on aurait raison. Toutefois, au delà de leur différence, le fait qu'ils soient tous trois chantés en français n'est pas anodin et ce, bien au-delà du sens de leurs textes. Le fait que ces chansons soient chantées dans ma langue maternelle va faire que je retienne plus ces chansons que d'autres, de la même façon qu'il m'est bien plus facile de retenir une chanson en anglais qu'un instrumental. Les mots, quelque soient leur sens, et même s'ils n'en n'ont pas, sont autant d'aspérités auxquelles la mémoire va pouvoir s'accrocher. D'où donc, cette première impulsion de relier ces chansons entre elles. Seulement voilà, la première d'entre elle, notamment, est un gros morceau qui, posté lundi sur le Net, affiche déjà plus de 100 000 visionnages à l'heure où j'écris, bien plus sans doute, quand vous me lirez. Preuve que ça ne laisse pas grand monde indifférent. Et d'ailleurs, c'est le propre de l'artiste. Car l'artiste en question est une star et que la génétique d'une star comprend que vous ne laissiez personne indifférent : on aime ou on déteste mais on a tous un avis. Voilà pourquoi, entre autres, Vanessa Paradis est une star. Or, voici qu'en avant goût de son album à paraître en mai, débarque sur la toile Love song, première chanson que l'on doit à son association à Benjamin Biolay.
Pour que vous compreniez bien ce qui va suivre, je trouve cette chanson très réussie et bien au dessus de la plupart des compositions du dernier album de Biolay. Ceci étant dit, cette chanson, peut-être à cause de la journée de la femme, allez savoir, me pose un problème. Parce que passée la première (très, très bonne, je le répète) impression en surgit une seconde où j'ai l'impression de voir un mec, en l'occurrence Biolay, non pas servir mais bien plus SE servir d'une très belle nana, Paradis donc, et la cantonner à un rôle de sensuelle tentatrice. Un peu comme un mec inviterait une strip teaseuse à venir se déhancher devant lui contre un billet. J'imagine que c'est inhérent au rapport muse/mentor quand la première est féminine et le second, masculin. Ca m'a rappelé (la même petite guitare funky, le côté dance appuyé, la voix qu'on fait langoureusement traîner) Je danse, la petite friandise pop qu'avait signé Siméo pour Jenifer ou La fidélité que le même Biolay avait produit pour Elodie Frégé.
Pour parler crument, mais aussi pour évoquer le côté féline des interprètes, ce sont des chansons qui sentent la chatte. Or, si réduire Jenifer ou Elodie Frégé à ce rôle ne me pose aucun problème, il n'en va pas de même avec Vanessa Paradis. Bien sûr, la sensualité est une part essentielle du personnage. Mais pas que. Et à vrai dire, j'aurais préféré que Biolay écrive en se mettant à la place de Paradis plutôt que d'être, ici, comme un marionnettiste, certes inspiré, faisant bouger une poupée sexy. Ce single est un point de vue éminemment masculin porté sur une femme. Ben c'est logique, c'est un mec, Biolay, si je ne me trompe pas. Oui, mais quand, pour reprendre le rapport muse/mentor, Gainsbourg écrit pour Isabelle Adjani Le mal intérieur, on a plus l'impression qu'il laisse parler sa part féminine, qu'il écrit comme une femme des paroles qu'elle peut vraiment s'approprier et ressentir, ce qui n'empêche pas la chanson de dégager quand même une très grande sensualité.
Pour revenir à Vanessa Paradis et rester sur Gainsbourg, j'ai l'impression qu'un texte comme Vague à l'âme en dit plus sur la vie de l'adolescente qu'alors elle était que Love song sur la femme qu'elle est aujourd'hui. Sans compter que c'est une de mes chansons préférées de Vanessa Paradis.
Le problème, pour Vanessa, c'est qu'il a toujours fallu passer par l'entremise d'hommes pour s'exprimer, depuis Etienne Roda Gil jusqu'à Biolay, en passant par Lenny Kravitz ou M. Ce qui fait qu'on peut avoir du mal à entendre sa voix. Pour qu'elle est précisément voix au chapitre, il faut donc que le compositeur pense non à la femme, mais tout simplement pense femme, si vous voyez ce que je veux dire ; il ne s'agit pas d'exprimer le désir qu'on a pour la femme mais d'exprimer ce que femme désire en d'autres mots. Il faut qu'on oublie l'intermédiaire, que Paradis ne soit pas l'objet de fantasme, mais nous confie les siens. C'est plus intéressant. Et n'allez pas croire pour autant qu'il faille en passer par une ballade déchirante ou bluesy pour aborder les états d'âme féminins ; ainsi, sur le même registre très sexué (Je sais qu'c'est toi / Tu sais qu'c'est moi) et même si on peut la trouver, c'est mon cas, moins bonne que Love song, je trouve Dès qu'j'te vois bien plus maline dans sa façon d'allumer.
C'est aussi le propre des stars d'y plaquer ses propres fantasmes. Donc j'imagine qu'il est quelque peu logique que Biolay exprime sa vision de la star plutôt que ce que la femme a à dire. Et puis, ce n'est qu'une chanson et le reste de l'album m'apportera peut-être ce léger truc que je pourrais lui reprocher. Et encore : c'est non seulement léger mais ce n'est aussi même pas un reproche puisqu'encore une fois, je trouve ça très, très bien. C'est juste mon côté féministe qui ressort ; on ne grandit pas au milieu de cinq femmes/filles sans penser qu'elles n'ont rien à dire. Et puis je me montre sans doute plus exigeant, façon qui aime bien chatie bien. Vanessa Paradis est quand même la star de ma génération. Je me souviens l'avoir vu en concert vers 1995 dans l'une de ses premières tournées. Pas du tout habituée à la scène, elle ne bougeait pas, ou peu, et ânonnait des phrases qu'on pressentait les mêmes de date en date. Et pourtant on avait d'yeux que pour elle, on en redemandait, l'émotion, dans la salle, était palpable. L'aura des stars. Il n'y en a qu'une qui peut rivaliser dans cette génération en étant un peu, à l'ombre, ce que Paradis est à la lumière : Charlotte Gainsbourg. Ca me fait penser à Cora Vaucaire et Juliette Greco dans les années 50, l'une ayant été appelée la dame blanche quand l'autre était surnommée la dame noire. Comme les deux faces d'une même médaille, les deux côtés d'une même planète, et, par là, d'une même étoile, partageant ce même pouvoir d'exercer au cinéma et dans la chanson la même fascination. Et ce même si la filmographie de Paradis est nettement moins réussie que celle de Gainsbourg. Mais c'est précisément ça qui fait d'elle une star : qu'on puisse oublier tous ses nanars, tous ses échecs, la laissant toujours briller au firmament. On pourrait penser que, parce qu'elle est une star, parce qu'on s'arrache son intimité dans des journaux trash, on attend qu'elle se livre d'avantage. Or, elle l'a déjà fait en parlant de ses enfants, de la maternité, sans doute parmi les choses qui comptent les plus pour elle, à travers ses chansons parmi les plus réussies. Ecrites et composées par elle. Le problème dans cette histoire, c'est que c'est précisément dans ces moments qu'on l'a le moins écoutée. A la rigueur se souvient-on de Jackadi en clôture de l'album Divinidylle mais qui se souvient de Saint Germain, sur le boudé Bliss ? Or c'est là où l'artiste, et là, précisément, je ne dis plus star, est la plus intéressante. Mais la star n'est-elle pas précisément la projection de nos fantasmes (sexuels ou pas) ? Love song, c'est Biolay fantasmant sur Paradis et elle s'y livre de bonne grâce, tant, par l'occasion, elle continue d'écrire sa légende. Mais pour l'artiste, la femme, pour Vanessa, mieux vaut, me semble-t-il, passer par St Germain.
Vanessa & Johnny - St Germain par mimie75
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