lundi 4 février 2013

La terre du milieu

Hier, en écrivant mon post sur le matin, j'avais une autre chanson que je voulais poster parce qu'elle me semblait refléter ce moment joyeux que peut aussi être le matin, en jouant sur son homonyme "mâtin", soit espiègle ou turbulent vous dira le Robert. Cette chanson, c'est Le matin de Stephan Eicher. C'est très frustrant d'écrire sur la musique et de ne pouvoir vous la faire entendre : impossible de trouver le titre sur le Web et, quand j'ai voulu moi même l'y mettre via Soundcloud, un message m'a gentiment rappelé que je n'en possédais pas les droits, patati, patata. C'est d'autant plus rageant qu'il s'agit pour moi de mettre en lumière des disques un peu oubliés et qu'on a l'impression (le titre n'est pas disponible sur Itunes) que l'artiste, ou du moins, ses ayants droits préfèrent la voir rester dans l'ombre. Je ne peux donc qu'en proposer le lien sur Deezer en espérant qu'on ira cliquer dessus. Ca fait aussi partie des chansons qui ne sont pas dans ma discothèque mais que j'aimais programmer en radio à l'époque où l'on choisissait soi même ce qu'on voulait programmer. La chanson ayant été un petit tube et ayant l'avantage de durer 4'50, ce qui est très pratique quand l'une de vos rubriques est un peu courte, je ne m'en privais pas. Ben oui : j'avais beau programmer du Michel Sardou et du Frédéric François (je travaillais dans les locales de Radio France, je vous le rappelle), je faisais la balance avec des choses qui me correspondaient plus, où je pouvais trouver mon bonheur. Ca, c'est pour vous, ça, c'est pour moi. Ou plutôt, je la jouais façon Jacques Martin quand il nous faisait passer un "Bon dimanche, sous vos applaudissements" : il invitait aussi bien les désespérants de la chanson française (les deux précités, Mireille Mathieu, la liste est longue, à vous de la compléter) que, par exemple, un grand orchestre pour un morceau de musique classique. Une façon maline d'amener les auditeurs vers autre chose ; je vous passe ce que vous aimez, raison pour laquelle vous venez, mais j'en profite pour vous suggérer autre chose en espérant que vous repartirez avec. Une façon de miser sur l'intelligence de l'auditeur plutôt que de le laisser dans sa crasse. Stephan Eicher faisait clairement de la chanson populaire de qualité, la meilleure qui soit à la fin des années 80 et début des années 90. Déjeuner en paix, Pas d'ami comme toi sont des tubes dignes, si vous voyez ce que je veux dire. Mais ma préférence allait à Des hauts, des bas, dont j'ai par hasard, en cherchant donc ce foutu Matin sur Internet, trouver une excellente reprise faite par Florent Marchet et Gaëtan Roussel il y a deux ans et à côté de laquelle j'étais passé totalement à côté à l'époque.



C'est bien quand la chanson française que j'appellerais de qualité arrive à marquer des points, c'est à dire à faire un tube. Suis-je un vieux con pour penser que, hélas, c'est de moins en moins le cas ? Il suffit de voir comment Florent Marchet, justement, Jean-Louis Murat ou récemment Dominique Dalcan se sont retrouvés sans maison de disques alors que la qualité de leurs chansons n'est pas à remettre en cause. Plutôt la rentabilité. Savez-vous comment on choisit les chansons qui vont constituer le catalogue d'une radio aujourd'hui ? On réunit un panel d'auditeurs dans un auditorium et on leur fait écouter des chansons, choisies par les programmateurs des radios (ce qui déjà exclut un paquet de chansons) puis on leur demande d'indiquer s'ils aiment ou non. Mais, et c'est là où ça devient drôle (à condition de rire jaune), comme on ne peut pas réunir advitam aeternam ces braves gens, on ne leur propose que sept secondes de la chanson. Le "hook" comme on dit, soit le truc qui va capter l'auditeur, qui a, comme on le sait, la fâcheuse manie de zapper. Au bout de sept secondes. D'où ce temps ridicule. A ce petit jeu, par exemple, c'est Santana avec Europa qui obtient le plus grand indice de satisfaction. Le hook, c'est évidemment le début du morceau à la guitare électrique. Il faut dire que ça dure précisément sept secondes ! Le titre, lui, dure plus de 4 minutes. Moi, j'aimerais qu'il y ait un test où l'on regroupe ce même panel, qu'on leur passe le titre en entier et qu'ils disent à la fin stop ou encore, pour reprendre la formule RTLienne. Je suis bien persuadé que les résultats ne seraient pas tout à fait les mêmes. Voire opposé : je ne supporte plus ce morceau de Santana (si tant est que je l'ai supporté un jour) après de trop nombreuses programmations en radio. A quoi bon soigner ses chansons quand tout ce qu'on demande aujourd'hui à un artiste est d'être efficace. En sept secondes. Aujourd'hui la subtilité, la délicatesse du Danseur de java de Dominique Dalcan, que j'ai pourtant programmé à l'époque, n'aurait sans doute plus aucune chance de passer  en radio.



En plus, ça dure 4'50 ! C'est 1'20 en trop, coco ! C'est pas rentable. Ca me fait penser au petit discours de Pascale Ferrand quand elle avait reçu son César pour Lady Chatterley où elle déplorait la disparition de ces films qu'elle appelait moyens ; un peu comme au cinéma, où il n'y a plus de place que pour les poids lourds et les tout petits films, il n'y a place aujourd'hui dans la chanson que pour les touts petits ou les gros vendeurs. Gare à ceux du milieu. Heureusement, il y aura toujours des contre exemples pour me donner tort. Des maisons de disques comme Tôt ou Tard qui travaillent les artistes sur le long terme et finissent par avoir du succès (un tout petit peu mais succès quand même) comme avec Mathieu Boogaerts l'année dernière et, je leur et lui souhaite, avec Albin de la Simone cette année, dont Mes épaules est une petite merveille. C'est d'ailleurs produit par un de ces "moyens", Jipé Nataf, ex et futur chanteur des Innocents (ils se reforment cette année aussi), que l'on aperçoit dans le clip ci-dessous de Mes épaules. Encore une chanson que je ne peux pas proposer ici en entier et qu'il n'est possible d'écouter en intégralité que sur Deezer. Si ces artistes ne passent plus en radio et s'interdisent de fait la promotion par les amateurs de musiques comme moi, que sont les bloggeurs, où, demain, les entendra-t-on encore ?

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