mardi 19 février 2013

Le malheur des autres

J'hésitais aujourd'hui entre deux sujets : l'un dicté par un récent achat autour de la mélancolie, et l'autre où je voulais parler d'achats qui vous sont dictés par d'autres. Comme souvent ils se télescopent et je vais tâcher de vous expliquer pourquoi. Lors de mon récent voyage américain, je me suis fait un petit plaisir en achetant un livre qui semblait m'être totalement destiné : This will end in tears - the miserabilist guide to music.

  
Dans ce livre, l'auteur qui écrit que la plupart de ses chansons préférées sont des chansons tristes, tente de comprendre pourquoi les écouter lui fait autant de bien, pourquoi la mélancolie lui fait autant de bien, voire le rend heureux. N'allez donc pas penser que ce post va être dépressif. "La dépression", explique-t-il, "est bien différente de la mélancolie. La dépression est un état clinique. La mélancolie provient de la méditation sur soi même. Et ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose qu'être mélancolique". Evidemment tout ça est écrit en anglais et c'est assez drôle car, en français dans le texte, la mélancolie est aussi un état clinique. Mais peut-être vaut-il mieux traduire le mot anglais "melancholy" par l'anglicisme "spleen". Tout ça nous éloigne un peu du sujet. J'aurais sans doute l'occasion de revenir sur ce livre constitué de profils d'artistes réputés tristes (dans l'ordre alphabétique d'Antony and the Johnsons à Robert Wyatt en passant par Billie Holliday ou Edith Piaf), d'essais autour de classiques morceaux triste et autour de sujets (la rupture, la mort ou le temps dans les chansons) ainsi que d'un Top 100 des chansons les plus tristes. Ce que je veux dire aujourd'hui, c'est que ce qui est mélancolique pour lui peut être éminemment dépressif pour moi, et vice versa. Mieux (ou pire) encore, certaines chansons recensées ici ne sont en rien tristes pour moi. Ca ne veut pas dire que je suis en désaccord complet avec tout ce qui est écrit. Pour reprendre le titre du livre qui est aussi celui du premier album de This Mortal Coil, je suis totalement d'accord pour classer, avec l'auteur, Song to the siren par le groupe (en l'espèce, le couple des Cocteau Twins mais, donc, sous l'appellation This Mortal Coil) parmi les 100 chansons les plus tristes.



J'ai bien plus de mal à classer les Cure ou Depeche Mode parmi les artistes tristes comme cela est fait ici. Je ne dis pas que tout est rose et ensoleillé sous le ciel de ces deux groupes anglais, loin de là. Mais est-ce qu'une ambiance noire est signe de tristesse ? D'autant que pour ces deux groupes, les chansons recensées dans le livre sont parfois de vrais classiques de discothèque, en tout cas des classiques en ce qui me concerne. Que ce soit le Killing an arab de The Cure ou Enjoy the silence de Depeche Mode.



Un temps, j'ai pensé écrire qu'il m'était difficile de concevoir sautiller sur une chanson triste. Evidemment ce serait totalement faux. Il suffit de se rappeler de ce que j'ai écrit ici pour en attester. Et puis concernant un autre morceau que j'ai déjà posté ici me revient cette anecdote. Durant les premières années de notre relation, mon copain me demandait sans arrêt ce que pouvait être la chanson qu'il entendait systématiquement à la fermeture de sa boîte de nuit favorite quand il était adolescent. Il avait beau me répéter "Do I love you / Yes I love you" qui semblait, d'après lui, être le leitmotiv de cette chanson, impossible de trouver la réponse à sa quête. Je crois que c'est totalement par hasard, un jour que la chanson jouait sur Itunes qu'il a reconnu LE morceau. Or, je n'aurais jamais pensé un instant qu'on puisse s'amuser, car c'était ça que lui rappelait le morceau, des soirées à n'en plus finir et, donc, à franchement s'amuser, sur Tinseltown in the rain de The Blue Nile, qui est, pour moi, une chanson on ne peut plus lacrymale. Or c'est bien là où je voulais en venir. Mais, avant d'y venir, laissez moi donner d'autres exemples. Dans le livre, on trouve aussi deux chapitres sur des artistes francophones : Edith Piaf et Jacques Brel. L'Hymne à l'amour est ainsi mis en avant. Mais, sans doute à cause du côté monument de la chanson française que représente aussi bien son interprète que la chanson, moi, cette chanson ne me fait rien. Quand j'entends les premières notes, j'ai plus envie de lui dire "Ta gueule" qu'autre chose. Il n'en va de même pour Jacques Brel. D'abord parce que Ne me quitte pas, sa chanson phare, me fait quelque chose. Mais, de la même manière qu'Avec le temps de Léo Ferré par exemple, je trouve cette chanson, pour le coup, dépressive ; la frontière avec la mélancolie est définitivement franchie et du coup, ça ne me fait pas le bien qu'est sensé me procurer cette chanson mais bien plus de mal qu'autre chose. Non merci, je vais passer mon tour. Je trouve plus de retenue à La chanson des vieux amants, assez en tout cas pour qu'elle ne me fasse pas totalement couler par le fond.



Bref, force est de constater que, si j'ai des points communs avec l'auteur de ce livre, j'ai aussi nombre de points de désaccords. Allons maintenant à l'autre sujet du jour, qui, donc, finira, vous allez voir par être le même. Lors de ma lecture frénétique de la presse spécialisée, il m'est arrivé d'être si convaincu par la lecture d'un article que je finissais par acheter l'album. Bon, ce n'est pas un papier, aussi bien écrit soit-il, qui pouvait m'amener là mais, bien plus, la lecture de deux, trois, dix, vingt papiers allant tous dans le même sens. C'est ce qui s'est passé il y a une dizaine d'années avec la réédition de l'album de Neil Young, On the beach. 


Peut-être convaincu par la jolie pochette, peut-être aussi un peu par Murat qui le citait sans cesse en référence, mais bien plus encore par l'unanimité critique autour de l'album, je finissais par l'acheter. Ce qui est stupide. Je sais pertinemment que je déteste Neil Young. Je n'aime pas sa voix nasillarde et sa musique ne m'a jamais parlé. Ou plutôt si, mais, tout le monde vous le dira, c'est pire : via l'album Trans en 1982, que tous les fans de Neil Young abhorrent, improbable rencontre du guitariste avec... les synthés. Je ne dis pas que je supporte encore intégralement Computer age mais j'aime bien le son des claviers très vintage sur l'intro.



Qui donc aurait pu croire que j'aurais pu changer et d'un seul coup aimer un album de Neil Young ? Euh... moi ? Faut croire. L'un de mes autres ratages fut l'achat, toujours à l'occasion d'une réédition de l'album de Love, Forever changes. 
Allez voir n'importe quel classement des plus grands disques de l'histoire du rock'n'roll et vous aurez des chances de trouver cet album de 1967, que, personnellement, je ne connaissais pas et qui me fait m'interroger aujourd'hui sur la véritable nécessité de le connaître. Parce qu'encore une fois, ce disque ne m'a pas parlé à l'exception, et encore, de Alone again or qui ouvre l'album. Peut-être qu'il a inspiré une foultitude d'artistes et peut-être même parmi ceux que j'aime. Mais, ça ne ME fait rien. Oui, moi, moi, moi ! Je ne suis quand même pas là pour vous parler des sept cent millions de Chinois. Pourquoi l'ai-je acheté ? Outre l'unanimisme critique qui entourait là encore l'album, il y a que j'ai toujours eu un faible pour l'année 1967 qui fut un véritable bouillonnement rock'n'roll. Et dans le bouillon, je récupère, même si c'est plus gras, même si c'est une pièce moins convoitée ou, en tout cas, qu'on voit moins dans les classements, le Days of Future Passed des Moody Blues : un concept album autour d'une journée avec des morceaux pour chacun de ses moments, de l'aube à la nuit qu'on passait dans le satin (le fameux Nights in white satin) et dans lequel j'avoue un faible pour l'après midi, Forever afternoon (tuesday ?), à voir ci-dessous avec des morceaux de "beautiful pictures of nature" dedans, nous dit l'auteur de la vidéo qui a sans doute un peu trop fumé de plantes de la "nature".



Je viens d'ailleurs de récupérer cet album et aurais sans doute bien plus de bonheur à le réécouter qu'à tenter une nouvelle fois de faire surgir un quelconque plaisir des albums de Love et Neil Young, pourtant nettement mieux considérés. Ca ne veut pas dire que ces albums sont mauvais ; non, je ne suis pas seul contre le reste du monde, à détenir la vérité absolue. Je pense même qu'ils doivent être de sacrément bons albums pour avoir lu tout ce que j'ai lu sur eux. Et les auteurs de ces papiers doivent surement les écouter de temps en temps chez eux en prenant bien plus leur pied qu'à, mettons, écouter l'album des Moody Blues. Parce que, oui, ce qui marche pour les uns ne marche pas nécessairement chez les autres. Pour revenir aux chansons tristes, si j'ai toujours pensé, et l'ai entendu répéter, que le rire n'était pas fédérateur, parce qu'on ne rit pas des mêmes choses, j'avais tendance à supposer que c'était l'inverse pour le drame. Or pourquoi devrions-nous pleurer des mêmes choses ? Il existe sans doute autant de raisons de pleurer ou de ne pas pleurer qu'il y a d'êtres humains et de sentiments, de vécus afférents. Comme sur n'importe quel sujet, en matière de musique, on peut se retrouver sur certains points, différer, voire s'opposer sur d'autres. Bref, prenez ici ce qui vous plaît, rejetez ce que vous voulez. Tout marche. Car ceci ne parle que de moi. De bouts de moi. L'intégrale de tout ça ne marche qu'avec moi. Mais si certains de ces bouts marchent aussi avec vous, vous m'en verrez forcément ravi. Oui, tout marche, et c'est peut-être là que je ne suis pas d'accord avec la Critique, qui honnit ceci et porte aux nues cela. Or la Critique ne peut pas vous connaître, ni vous, ni moi. Et ne peut pas prévoir l'effet qu'aura sur vous une musique, une chanson, un morceau, une voix, un album, un artiste jugé plus pauvre qu'un autre alors que vous le chérirez plus que tout au monde. Pour terminer, justement, cherchant à terminer ce papier sur un peu de musique, j'ai tapé "different" puis "same" dans le moteur de recherche de l'Itunes. Il en est ressorti notamment Same old scene de l'album Flesh + Blood de Roxy Music sorti en 1980. Récemment, l'intégralité des albums studios de Roxy Music se voyait rééditée. Dans cet article très respectable du très respecté site Pitchfork, vous verrez que l'album Flesh + Blood est considéré comme le moins bon du groupe. Comme vous l'aurez compris, c'est aussi mon préféré. Le bonheur des uns...

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