mardi 23 octobre 2012

Pourquoi Lio n'est pas Jeanne Mas

J'ai lu hier dans le Journal du Dimanche un papier sur Stars 80, le film qui sort mercredi et dont l'argument principal est son casting de chanteurs ringards des Eighties  avec donc avec Emiles et Images, Peter et Sloane, Debut de Soirée, Jean-Pierre Mader, Sabrina, Cookie Dingler, Jean-Luc Lahaye, Jeanne Mas, Gilbert Montagné et... Lio. Citant Thomas Langmann, son réalisateur et producteur, le JDD précisait : " tous les chanteurs se sont révélés "simple et faciles"... sauf Lio : "C'est une bonne comédienne mais elle n'a pas beaucoup d'autodérision". Voilà qui n'est pas très fairplay et plutôt inhabituel en pleine période de promo où tout le monde se passe, traditionnellement, la brosse à reluire. En même temps, ce n'est pas la première fois que Lio passe pour une casse couille, ce qu'elle doit, en partie être car sinon, je ne m'explique pas bien sa (non)carrière au cinéma alors que, comme le dit quand même Thomas Langmann, c'est une bonne comédienne (voir, pour les pas convaincus, Après l'amour, très joli film de Diane Kurys, où elle brille en épouse trompée). Mais je ne suis pas là pour vous parler des qualités d'actrice de Lio, vous l'aurez bien compris. Quoique la chanteuse et l'actrice portent la même casquette d'interprète, mais ça, j'y reviendrais quand je parlerais, un jour, des chanteuses actrices (et inversement) si injustement (parfois) décriées.
Si elle n'a pas beaucoup d'autodérision, c'est sans doute parce que la carrière de Lio est moins risible que, mettons, celle de Peter et Sloane ou Cookie Dingler. Pas seulement parce qu'elle a aligné plusieurs tubes (à ce compte là, Jean-Luc Lahaye et Jeanne Mas, ses partenaires de film, l'ont aussi fait), mais parce qu'au fil d'albums plus ou moins réussis, elle a su laisser une empreinte, qu'ont aidé à forger une lignée de collaborateurs dont les autres ne pourront jamais que rêver. Je rappelle, entre autres, que c'est John Cale, du Velvet Underground, qui signait les arrangements de cordes de son album Pop Model ! Et puis les tubes de Lio ont quand même une autre classe. Je suis très content d'avoir, dans ma discothèque, son presque ska Banana Split et le très efficace Amoureux solitaires (vendu quand même à 4 millions d'exemplaires dans le monde), relecture ô combien pertinente par son créateur Jacno d'une chanson qu'il avait écrite pour son groupe, les Stinky Toys. Je me rappelle m'être longuement interrogé sur la façon dont cette chanson punk bordélique, Lonely lovers, avait pu devenir cette ritournelle à la précision mathématique. En cherchant deux trois trucs sur Lio pour ce post, je suis même tombé sur Sage comme une image, dont je ne me souvenais que très vaguement, et ai halluciné en découvrant le synthé qui est exactement le même que celui de Don't you want me de Human League, sorti pourtant un an plus tard.


Pour ceux qui l'auraient oublié, Lio, c'était la voix italienne sur le Week-end à Rome d'Etienne Daho. Une chose que celui-ci n'oubliera pas quand il essaiera de relancer en 91 (en vain déjà) la carrière de Lio en produisant Des fleurs pour un caméléon, sur lequel on trouve une très jolie version des Voyages Immobiles, que Daho enregistra la même année avec nettement plus de succès.



Bien sûr, Lio, c'est pas sérieux. Enfin non : Lio, c'est léger. Mais c'est la légèreté d'une bulle de champagne. Donc la légèreté faite avec le plus grand sérieux. Et c'est d'ailleurs cette légèreté exquise qu'est venu chercher (en plus d'une caution eightie's millésimée) Teki Latex quand il a enregistré avec elle Les matins de Paris qui fut l'un de ses meilleurs titres ces dernières années. C'est cette même maestria dans la légèreté qu'était venu chercher Olivier Libaux quelques années plus tôt pour le conte musical L'héroïne au bain, où Lio savait comme personne donner La recette de l'amour fou.



J'aurais pu prolonger cet article encore longtemps, allant chercher quelques pépites surtout dues à Jay Alanski, qui allait connaître une nouvelle association fructueuse auteur-interprète avec Jil Caplan, et qui plus tard allait devenir A Reminiscent Drive (j'y reviendrais sans doute plus tard). J'aurais pu aussi vous parler d'Héléna Noguerra, la soeur de Lio, qui connaît un peu les mêmes galères de carrière, mais dans une version plus chic et sophistiquée. Mais je vais finir sur Agathe, qui, à priori, n'a aucun rapport avec Lio, si ce n'est celui d'avoir, elle aussi, marqué le début des années 80 de sa grâce mutine via quelques perles de pop joyeuse regroupées, pour l'essentiel, sur son unique album Regrets. Regrets, qui était aussi le nom du groupe d'Agathe quand elle est apparue, ce qui fait qu'on pouvait aussi croire que l'album de Regrets s'appelait Agathe, vous suivez ?



Petit classique frenchie 80's, l'album regorge de morceaux aussi gentiment gracieux et sautillants. Mais les singles qui ont suivi n'ont pas aussi bien marché et condamné Agathe Labernia à l'anonymat. Il n'y a pas si longtemps, j'ai vu un reportage sur notre Agathe, vieillie, vivant du RSA, mais ne se plaignant pas trop, misant sur un hypothétique retour orchestré par de jeunes fans qui, à ce jour, se fait encore attendre. Et j'ai trouvé ça triste. Surtout pour quelqu'un qui incarnait la joie et, aussi, un peu de ma jeunesse. C'est sans doute pour éviter de vivre une situation comme celle-là que Lio a dit oui à Stars 80 et à sa tournée, en compagnie de ces "artistes" plutôt pas recommandables. A l'arrivée, c'est aussi triste. Elle abime son image. Et avec elle, là encore, ma jeunesse. Mais elle s'en fout de ma jeunesse comme je devrais m'en foutre. Ma jeunesse, aujourd'hui ? Si belle et inutile.

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