jeudi 18 octobre 2012

La plus belle chanson du monde

La plus belle chanson du monde n'existe pas. Il y en a trop que j'adore pour en désigner une en particulier. Ce serait comme rentrer dans un musée et dire que telle toile est plus belle que toutes les autres. Ou dans un jardin que telle fleur est plus belle que toutes les autres. Leurs beautés respectives sont tout bonnement incomparables. Nous le savons tous très bien. Il n'empêche que nous continuons tous à nous passionner pour des concours de Miss : qu'ils s'appellent Oscars, Césars, Grammy, Victoire, classement de fin d'années et autres Top en tous genre, nous n'avons de cesse de savoir qui remportera la statuette, qui sera le premier sur le podium. Me demander quelle est la plus belle chanson que je connaisse, c'est un peu comme me demander : "T'écoutes quoi comme musique ?" Une question qu'on m'a souvent posée et à laquelle je réponds souvent embarrassé car cela arrive dans une conversation où ma réponse est attendue en trois minutes maximum quand il me faudrait des heures, des jours, des semaines... D'où l'écriture de ce blog.
Mais pour les gens pressés, et n'étant pas à une contradiction, ainsi, en l'occurrence, qu'à une absurdité près, si je devais désigner la plus belle chanson du monde, ce serait celle-ci.



Je connais cette chanson par coeur. Je dis bien PAR COEUR et, par capitales interposés, je ne veux pas parler du texte. C'est quand même pas compliqué de connaître un texte qui doit connaître quatre lignes ; une fois que vous connaissez le titre de la chanson, vous connaissez déjà le refrain ! Non, je veux dire que je connais les notes de clavier, le moment précis où la basse attaque puis celui où démarre la voix angélique de James Warren, le chanteur des Korgis, où l'instant magique où les nappes de synthé apparaissent comme sous le premier "I Neeeeeeeeeeed your lovin'".  Je peux l'écouter n'importe où, n'importe quand, cette chanson me fout systématiquement des frissons.
Et puis mon histoire avec cette chanson commence avec mon histoire avec la musique. Je me souviens très bien que c'est le premier disque de ma discothèque. Je veux dire le premier disque que j'ai voulu, que j'ai demandé à ma mère d'acheter. Avant, il y avait bien eu les disques de mes soeurs ainées dont, pour certains, je raffolais jusqu'à ce qu'ils s'usent. Et puis ma mère m'avait bien acheté des disques et j'en garde, pour certains, un souvenir très précis. Par exemple, je me souviens parfaitement, mais alors parfaitement de Chansons pour de vrai de Jeanne-Marie Sens et en particulier de C'est une histoire très jolie qu'avec un sens particulier du sadisme, je ne peux m'empêcher, ici, de vous proposer.



Voilà, voilà. En même temps, votre torture n'aura duré qu'une minute et trente secondes. Et puis, c'était mignon, quoi ! Qui plus est, je suis persuadé que c'est aussi avec ce genre de disques que s'est fait mon oreille. Je pourrais en dire autant d'Emilie Jolie, autre grand classique de notre maison mais revenons au Korgis. Je voulais donc absolument ce 45 tours. Absolument. Et je l'ai réclamé si fort qu'un jour ma mère l'a acheté au supermarché. Je me souviens très bien, c'était un Leclerc et les disques étaient à l'entrée du magasin. Ma mère avait pris le 45 tours, l'avait mis sous son bras et avait continué à faire ses courses dans le magasin en poussant son chariot. Moi, je n'avais pas quitté le 45 tours des yeux. A la caisse, ma mère avait mis toutes les affaires sur le tapis. Moi, je n'avais toujours pas quitté le 45 tours des yeux qui était... resté sous le bras de ma mère. Elle paya, on sortit et c'est alors que je lui fis remarquer qu'elle n'avait pas payé le disque qu'elle avait totalement oublié. Un début de relation placée sous le signe de la clandestinité, ce qui n'est pas pour me déplaire.
J'ai passé, repassé ce disque sans jamais m'en lasser jusqu'à connaître donc la moindre de ses respirations. Au cours des années qui ont suivi, la carrière des Korgis étant ce qu'elle fut, le groupe réinterpréta sa chanson, la réenregistrant avec parfois d'infimes changements. Il n'empêche que je les reconnais systématiquement. Par exemple dans cette version que j'ai failli vous poster, en écoutant que le début, l'erreur se glisse à 1'12'' avec un nouveau couplet qui dit : "Everyday / So confused inside"etc... So confused indeed, pourrais-je rajouter. Troublé, je l'ai quand même été un peu aujourd'hui en regardant la video du titre sur Youtube. Ce n'est pas cette version que j'ai choisi d'intégrer à cette page car les plus attentifs d'entre vous auront remarqué que la version vidéo dure 3'34'' alors que la version ci-dessus, celle du 45 tours, dure 4'13" et qu'il était impensable de se priver de 40" de la chanson la plus belle du monde, merde. En tout cas en regardant le clip, je suis un peu eberlué quand démarre le solo de saxo à 2'10". Enfin, ce que j'avais toujours pris pour un saxo jusqu'à ce que, dans le clip, je vois ce type s'emparer d'un violon pour nous faire son solo. Je tends l'oreille, vais fouiller sur Internet, et, oui, c'est bien un violon. Electrique, façon Catherine Lara, mais un violon quand même. Comme quoi, même les choses que vous pensez connaître par coeur...
J'ai longtemps pensé qu'il était impossible de reprendre cette chanson. Il y a pourtant eu une flopée de reprises par des gens parfois très recommandables, comme celle pastorale et acoustique des Anglais de Dream Academy ou celle plus sombre et torturée de Beck pour la BO d'Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Aucune n'atteint pour moi l'original, l'original étant pour moi la perfection absolue. Ou plutôt, car, pour reprendre cette chanson, il ne faudrait pas reprendre que la mélodie mais aussi toute son instrumentation, ce qui en fait tout le charme à mes oreilles. Or, c'est précisément ce qu'a fait The Field sur l'album Looping State of Mind. Cet artiste electro suédois (ils sont forts ces Suédois!), obsédé par la boucle, comme le nom de son album l'indique, a tout simplement samplé l'original pour y poser sa voix, bouclant, rebouclant, jusqu'à livrer cette version parfaite ni tout à fait une autre, ni tout à fait la même, au charme envoutant.



Comme quoi, ça pouvait se reprendre. Comme dit la chanson, everybody's got to learn sometimes.

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