Ceci n'est sans doute que le premier post d'une longue série tant, comme d'autres mélomanes, je suis fasciné par les reprises, rangées sous la seule appellation "cover" dans ma discothèque. Attention, pour être étiquetée "cover", il faut bien sûr que l'original soit identifiable sous ses nouveaux atours ; je veux dire par là que si un artiste enregistre une version d'une chanson qu'on ne connaît pas, on aura bien du mal à l'étiqueter "reprise". Ce sera la nouvelle chanson de Truc et non pas la chanson de Machin reprise par Truc. Remplaçons les Machin et Truc pour que tout cela vous parle d'avantage : en 1981, un duo anglais a la bonne (ou mauvaise - ça dépend de quel point de vue on se place) idée de reprendre la face B d'un single sorti en 1964, single qui n'était rentré dans les charts ni en Grande Bretagne, ni aux Etats Unis, signé d'une certaine Gloria Jones, dont l'heure de gloire n'allait arriver qu'une décennie plus tard, et encore, par personne interposée, puisqu'elle fut la petite amie de Marc Bolan de T-Rex jusqu'à sa mort en 1977. Récemment, au cours d'une lecture aléatoire de ma discothèque, mon copain a découvert la chanson, ignorant qu'il s'agissait de l'original et pensant, comme beaucoup sans doute, qu'il s'agissait d'une reprise. Dans l'ordre, ci-dessous, on trouve donc, pour ceux qui ne le savent pas encore, l'original de Gloria Jones, PUIS la reprise, et non le contraire.
A part le clip (sic ou sick à l'anglaise d'ailleurs), ce que je trouve très triste concernant Soft Cell (et c'est là où reprendre un morceau inconnu n'était peut-être pas une si bonne idée que ça), c'est que tout le monde, je dis bien TOUT LE MONDE les prend pour les créateurs de Tainted love. Leur chanson la plus connue, voire leur seule chanson connue (en tout cas, dans le monde), c'est Tainted love au point où, quand on la voit chanter à la Nouvelle Star ou The Voice, personne ne s'étonne de voir inscrit leur nom à côté de la chanson. Le problème, outre que les droits d'auteur ne sont pas allés dans leurs poches mais dans celles d'Ed Cobb, c'est que Tainted love a totalement éclipsé le reste de la carrière de Soft Cell et leurs talents (à Marc Almond, le chanteur, comme à Dave Ball, son comparse aux claviers) pourtant immenses d'auteur/compositeur. Soft Cell reste pour moi l'un des très, très grand groupe des années 80, voire le meilleur. Et c'est pourquoi, je suis très reconnaissant à David Gray, d'avoir à son tour repris une chanson de Soft Cell sur son album White ladder, dans ce qui est l'une des techniques les plus communes de la reprise : le dépouillement. Prenez donc l'original, que je trouve déjà magnifique, mais que vous allez sans doute trouver daté avec ses claviers vintage, et cette façon très cabaret qu'avait Marc Almond de chanter qui, je le sais, peut en irriter plus d'un (sans compter qu'on dirait un peu Dustin Hoffman dans Tootsie, question look).
Maintenant donc, enlevez tout le décorum. Reprenez la substantifique moelle de la chanson, texte et mélodie, et, pour ça, vous n'aurez besoin que d'une guitare et d'une voix : celles de David Gray.
D'un seul coup, la chanson devient sublime. Oui mais non, vous répondrais-je, la chanson étant sublime à la base, pour moi. C'est peut-être ça d'ailleurs, le secret d'une reprise réussie : que l'artiste vous fasse découvrir la beauté d'une chanson, ou, tout du moins, la beauté qu'il y a découverte. Car je ne pense pas qu'on puisse reprendre une chanson sans en être fan à la base. Fan, mais pas trop, car après, vous risquez le sacrilège : toucher l'intouchable, la chanson parfaite. C'est du moins la théorie que j'avais sur la question jusqu'à ce que Théo Bleckmann, jazzman gay allemand installé à New York, commette "l'irréparable" : faire un album entier de chansons de Kate Bush dont j'ai déjà dit ici l'importance à mes yeux. Eh bien, même si je ne suis pas un grand amateur de jazz, je trouve l'album plutôt réussi et, mieux, la reprise de Running up that hill, monument de la dame, hautement recommandable dans la version de monsieur (on pourrait croire, à nouveau qu'il s'agit d'une version dépouillée mais à 4'30'', tout change).
Alors c'est quoi une bonne reprise ? Sans doute un truc qui fait vivre un peu les deux artistes en même temps, un truc où chacun peut trouver sa place, façon "moi, je chante et je fais les arrangements, toi, tu écris et tu composes". Un donnant donnant où la nostalgie du souvenir (l'original) le dispute à l'attrait de l'inconnu (la reprise), si vous voyez ce que je veux dire. Ou alors une séance réussie de relooking. Enfin, à vos yeux, évidemment. Bon, je sens qu'il faut encore que je m'explique ; vous avez tous vu une de ces émissions de relooking où l'on prend une personne mal fagotée, où on l'envoie chez le coiffeur, le maquilleur et le styliste, pour la redécouvrir, splendide à la fin. C'est la même personne mais c'est aussi une autre. Il arrive toutefois que vous ne soyez pas d'accord avec Cristina Cordula, et que, non, ma chérie, le résultat n'est pas "magnifaïk". Je sais très bien, par exemple, ce que certains d'entre vous penseront de la reprise de Rolling in the deep d'Adele par Mike Posner, présenté comme le nouveau Justin Timberlake. C'est un peu comme si on enlevait la belle robe de soirée noire d'une très belle dame soul pour lui mettre une mini jupe, des talons hauts et des trucs clinquants : et alors ? J'ai quand même le droit de la trouver plus fun comme ça, d'autant que Mike Posner a la bonne idée de sampler la voix d'Adele (il n'est pas à la hauteur, et il le sait très bien) pour les moments de bravoure de sa reprise.
Evidemment, tout cela a débuté par une reprise que j'ai entendue ces jours-ci et que je ne sais plus très bien comment amener à ce moment de la conversation si ce n'est, précisément, en disant qu'elle est à la base de cette conversation. Chet Faker est un Australien qui, outre le fait qu'il ait trouvé l'un des meilleurs noms de scène qu'il m'ait été de découvrir ces dernières année, a sorti un premier EP plutôt pas mal. Le problème, c'est que le meilleur morceau est une reprise du groupe Blackstreet dont je vous épargne l'original tant celui-ci est éloigné de ce que j'écoute d'habitude. Pas un mauvais morceau (Radio Nova en a fait un de ses classiques) mais morceau soul et rap, genres qui ne rencontrent chez moi qu'un écho limité. Chet Faker a agi sur la chanson avec une autre technique connue en matière de reprise : le décalage. Soit donc une chanson qui appartient à un univers et que l'on fait pénétrer dans un autre. Le sien en l'occurence. En espérant qu'en faisant pénétrer cet chanson dans son univers, elle ne finisse pas par bouffer tout l'espace de Chet Faker. Vu l'engouement qu'elle provoque sur le Web (et chez moi en particulier), c'est plutôt mal barré.
Sympa l'article :-)
RépondreSupprimerDans le genre il y a aussi "Killing Me Softly With His Song" de Roberta Flack, écorchée par les Fugees...
http://vimeo.com/24013808