mercredi 31 octobre 2012

It grows on you

Avec mon goût prononcé pour la contradiction, c'est pour un post on ne peut plus français que je balance une expression toute anglosaxonne. Il n'y a pas réellement de traduction pour "It grows on you" qu'on utilise pas mal pour la musique. Le Harrap's traduit "This music grows on you" par "plus on écoute cette musique, plus on l'aime". Ce qui prouve bien que c'est intraduisible puisque Le plus ceci... le plus cela peut être traduit en anglais par The more this...the more that. Littéralement, on pourrait dire que "ca pousse sur soi", ce qui me plaît d'avantage, même si ce n'est pas très joli. Mais l'image est là : une petite graine qui n'en finit plus de grandir et de donner d'autres ramifications. La première fois que j'ai entendu, puisque c'est cela dont il s'agit, le nouveau titre de Françoise Hardy, Pourquoi vous, j'ai été déçu.



Quelque chose ne m'allait pas dans ce piano qui surligne la mélodie de la voix ; un truc un peu romantique, un peu précieux, un peu gnangnan dont je rejetais immédiatement la faute sur Calogero, le compositeur de la musique que je n'ai jamais particulièrement porté dans mon coeur. Or, j'oubliais un peu vite que c'est ce même Calogero, déjà, qui lui avait signé Noir sur blanc, son excellent single sorti il y a deux ans et qui avait entraîné chez moi l'impression inverse, c'est à dire une attraction immédiate. J'ignorais encore que la graine était plantée. Je pense que cette graine, c'est la voix de Françoise Hardy d'abord. Une voix si particulière que Gabriel Yared, qui fut son producteur fin 70's, début 80's la comparait à la tonalité totalement unique et particulière d'un instrument de musique ; comme il y avait le violon, le saxo ou le piano, il y avait la Françoise Hardy. Avant d'aller plus loin, je tiens à préciser que je parle ici de l'artiste, et passerais donc volontairement sous silence les déclarations, voire la personnalité de la femme qui ne colle pas avec l'image que j'ai d'elle. Ca ne m'empêche pas de lire ses interviews qui sont toujours très intéressantes quand elle parle de musique. Elle a toujours eu un regard assez lucide sur son travail estimant, par exemple, La question, album méconnu de 1971 comme son meilleur album, ce qu'il est sans conteste, puisque, sorti la même année que L'histoire de Melody Nelson, il n'a absolument rien à envier au chef d'oeuvre de Gainsbourg.



Si son regard est lucide, il se fait parfois vache sur son travail qu'elle a tendance à minorer. Notamment vis à vis de celui de Dutronc, qui aura marqué aussi bien sa vie que son oeuvre puisque quiconque écoute les textes d'Hardy peut y lire tous les espoirs et naufrages de l'amour. Elle disait donc récemment qu'elle ne pouvait, elle, que s'améliorer, étant donné la faiblesse de ses productions, quand Dutronc, lui, avait tout dit dans les premières. Elle a au moins raison sur un point qui est que Dutronc a tout donné entre 1966 et 1970. Mais il vit, depuis, sur cette image parfaite, les chroniqueurs indulgents oubliant la médiocrité de tout ce qui a suivi. Toutefois c'est une erreur d'Hardy d'estimer sa production inférieure à celle de son ex. Elle lui est bien supérieure au sens où elle a su tout au long de ces années (50 ans de carrière quand même) se réinventer ou se voire réinventée toujours avec la même classe. Non seulement Françoise Hardy est l'un des meilleurs auteurs que compte la Chanson Française mais, c'est un atout qu'elle ne prend pas en compte peut-être parce qu'elle ne le maîtrise pas, Françoise Hardy est une muse. Pour Jean-Marie Périer qui lui doit quelques unes de ses meilleurs photos mais, surtout, pour tous les très nombreux artistes qui ont travaillé pour ou avec elle. Michel Berger, bien sûr,  pour Message personnel, mais aussi Louis Chedid, Benjamin Biolay, Rodolphe Burger, Michel Fugain, Pierre Groscolas, Catherine Lara, Etienne Daho, j'en passe et plein d'autres. J'ai laissé notamment de côté, mais c'était fait exprès, sa collaboration avec Michel Jonasz qui lui signe un texte aussi magnifique que désespéré sur une musique somptueuse de Gabriel Yared pour l'un des summums de sa carrière (mais attention, à n'écouter que si vous êtes en grande forme, sinon vous viendrez pas vous plaindre, vous êtes prévenus !) au titre aussi rigolo que la chanson : Que tu m'enterres.




Et Souchon (paroles et musique) qui a su viser si juste quand il lui a écrit C'est bien moi, qui résume tellement bien sa relation avec Dutronc.




Et tout au cours de ces années, elle a toujours eu l'oreille pour la bonne mélodie, une notion à laquelle elle tient bien plus que l'idée de chapelle. D'où Calogero dont la puissance mélodique m'avait quelque peu échappé :  faut dire qu'il le cherche aussi à arranger ses chansons comme des bouses. Ce n'est clairement pas le cas de Pourquoi vous, qui annonce le nouvel album d'Hardy. Si vous êtes arrivé jusqu'ici et ne vous êtes attardés qu'un instant seulement, comme je l'ai fait initialement, sur cette chanson, retournez-y pour voir. Ecoutez une fois en entier puis laissez décanter quelques jours. Et vous verrez cette petite mélodie toute con, cette voix aussi fragile qu'inimitable, la guitare délicate qui précède de peu les cordes qui arrivent après une minute, tout ça donne un petit gout de revenez-y, ce qui est une traduction pas si mal de "It grows on you".

mardi 30 octobre 2012

Bref

Je me suis interrogé de longs instants avant de savoir comment poster le Put me to work de PAPA, un nouveau groupe de L.A. qui fait, à juste titre, pas mal de vagues en ce moment sur les blogs du monde entier. Evidemment m'est apparu immédiatement le petit air de famille avec Arcade Fire, notamment dans ces morceaux flamboyants qui finissent par tout emporter sur leur passage façon Lies (Rebellion).



Dans le même ordre d'idée, me sont venus en mémoire d'autres morceaux avec une dimension épique. Comme il y a presque vingt ans, cette déclaration enflammée des Anglais d'Icicle Works, Love is a wonderful colour.



Je me suis demandé si je ne devais pas faire un post sur les morceaux qui ouvrent sur un "One two three four", une série de chiffres qui donnent immédiatement une sacrée énergie. Energie totalement rock. Mais, à vrai dire, je n'en avais qu'un en tête, celui, fabuleux, de Claudia Brücken en ouverture du Jewel de Propaganda. Si fabuleux d'ailleurs que Les enfants du rock en firent le tout début de leur générique avant la musique des Cure.



Et puis je me suis dit merde ; pourquoi ne simplement pas poster la chanson comme ça, telle quelle ? Parce qu'il ne faut tout simplement pas passer à côté de ce titre, d'autant plus qu'il est, à l'heure actuelle, en téléchargement gratuit. Je pense que ça ne durera pas vu son pouvoir de séduction. Je me disais que si je procédais ainsi, j'écrirais sans doute moins que je le fais d'habitude. Mais quand une chanson en impose autant en deux minutes et trente sept secondes, à quoi bon s'emmerder à écrire un roman ?

lundi 29 octobre 2012

C'est déjà Noël

Coup sur coup, ce sont deux artistes qui fréquentent ma discothèque qui sortent un album de Noël : Cee Lo Green (le chanteur de Gnarls Barkley) et Tracey Thorn.


Il n'y a rien d'extraordinaire à ça : Noël, c'est dans deux mois et la chanson, voire, donc, l'abum de chansons de Noël, c'est une tradition très anglo-saxonne. Je me souviens parfaitement de mon premier voyage à New York qui correspondait avec la première semaine de décembre. Dans toutes les boutiques où j'entrais, j'ai bien dit TOUTES, il y avait de la musique de Noël. Selon les lieux, c'était du Noël R'nb, soul, jazz, rock, classique, funk, electro, mais du Noël, toujours du Noël. Au bout d'une semaine, je n'en pouvais plus. Comme n'en pourront plus d'ailleurs, tous ceux qui vivent  au Royaume Uni ou aux Etats Unis dans peu de temps. Aussi, avant que ça ne vous sorte par les oreilles, voici, tant que vous pourrez les apprécier, quelques chansons qui changent du Petit Papa Noël de Tino Rossi.
Le problème du répertoire de Noël français tient d'ailleurs tout entier dans ce seul titre. L'omnipotence de la scie de Tino Rossi fait qu'on va jusqu'à oublier que d'autres chanteurs se sont frottés avec un tout autre talent à la période : Florent Marchet dans l'album pourtant intitulé en anglais Noël's songs le rappelle via des reprises de chansons autrement mieux foutues que l'on devait à l'origine à Nougaro, Barbara ou Piaf.


Mais ma chanson française préférée de Noël, qui fait d'ailleurs partie des chansons reprises par Marchet, c'est sans conteste Noël à la maison. On la doit à un Jean-Louis Murat au top de sa forme, soit au début des années 90, avec son alors habituel Denis Clavaizolle aux claviers. De sa forme musicale, s'entend, parce que, quand on écoute Murat, on a plutôt toujours l'impression qu'il est en petite forme, si vous voyez ce que je veux dire. Le morceau commence par quelques secondes d'ambiance sonore où l'on entend quelqu'un scier du bois (Charles Ingalls dans La petite maison dans la prairie ?) avant que la voix plaintive de Murat ne s'avance sur un traîneau de grelots.



Magique. Du coup, facile de passer à la chanson suivante, d'autant qu'elle vient de mon autre idole musicale : Kate Bush pour December will be magic again. C'est une chanson qu'elle avait enregistré pour deux shows de Noël en 1979 et qui s'est retrouvée sur disque un an plus tard. Sur le Web, c'est précisément les deux premières versions qu'on trouve souvent. Beaucoup moins celle du disque, que je préfère nettement avec l'arrivée triomphante des grelots sur le refrain.


Kate Bush "December Will Be Magic Again" (1980) from Derek Langille on Vimeo.

Parce que c'est ça, l'ingrédient indispensable à toute bonne chanson de Noël : les grelots, ces mêmes grelots qu'on trouvera fatigants à la fin du mois de décembre mais qui, dès qu'on les entend, vous plonge dans une ambiance sapin, guirlande et papiers cadeau. Je ne sais pas vraiment s'il s'agit de grelots ce qu'on entend sur l'intro en fade in (qui apparaît progressivement, pour les non anglophones) des Pretenders. Mais même s'il ne s'agit pas de cela, le son les évoque (tout comme le xylophone plus loin dans la chanson) et vous plonge de la même façon dans l'ambiance pour une des chansons de Noël les plus inspirées qui soit : 2000 Miles.



Ceux qui me connaissent se doutent bien que je n'allais pas me contenter de vous montrer la pochette de l'album de Tracey Thorn, connaissant mon admiration pour l'artiste, ma vénération pour sa voix. Sister Winter est l'une, peut-être LA plus belle chanson de Noël que je connaisse. C'est une reprise d'une chanson de Sufjan Stevens qu'il avait, lui aussi, écrit pour un album de Noël. La version originale débute par sa petite voix fragile seulement accompagnée de la guitare - typiquement Sufjan Stevens  - pour s'achever sur une fanfare un peu foutraque - typiquement Sufjan aussi. J'aime beaucoup Sufjan Stevens. Il n'empêche que sa version sonne comme un brouillon de celle de Tracey Thorn. La progression s'y fait par l'ajout successifs de couches au morceau jusqu'à l'arrivée en apothéose... des grelots. Je suis ravi de voir que cette chanson se trouve sur l'album de Tracey Thorn ; ce qui me ravit moins, c'est que ce soit, de loin, la meilleure chanson de l'album. Car la chanson ne date pas de cette année mais d'il y a deux ans : Tracey Thorn l'avait offerte sur son site au moment de la disparition de sa mère, ce qui colle assez bien au thème de la chanson : ce coeur brisé qui tient quand même à souhaiter un joyeux Noël à tous ses amis. Permettez-moi ainsi d'en faire autant. Demain, je vous présente mes voeux et après demain, on fêtera Pâques.

samedi 27 octobre 2012

Toujours à l'West

Je tiens à dire d'entrée de jeu que ce n'est pas parce que j'ai un voyage planifié sur la Côte Ouest des Etats Unis que je vais à nouveau, ici, parler de ce son West Coast que j'ai déjà abordé hier. Pour ceux qui n'ont pas lu hier, laissez moi résumer : je disais que, pour moi, Steely Dan n'était pas la notion que j'ai du son West Coast. Et comment résumer cette notion dans la mesure où le son West Coast n'existe pas. Cherchant, précisément à le définir, j'ai été cherché sa définition sur Wikipedia où l'on nous parle de West Coast Jazz, West Coast blues, West Coast hip hop mais pas de West Coast rock. Aurais-je rêvé le concept ? En fait, non : sur la version française de Wikipedia, là, on parle de West Coast rock, autre appellation du soft rock. Ce devait être une appellation frenchie pour désigner ce qui venait alors (fin 70's, début 80's) des USA, une vision un peu fantasmée de la côte Ouest. Mon fantasme à moi, mon son West Coast si vous préférez, c'est un son un peu feutré où prédominent les claviers (piano ou synthétiseurs). Un son particulièrement américain qui, aujourd'hui, avec le recul, me paraît la seule alternative US crédible au son synthpop anglais qui régnait au début des années 80. A l'heure où, précisément, bon nombre d'artistes vont piocher dans les années 80 et donc dans le répertoire anglais, il m'est apparu logique que deux groupes américains sortent, coup sur coup, un album hommage à Hall & Oates : Koot Hoomi, pour des versions franchement décalées aux guitares psychédéliques, et The Bird and The Bee, beaucoup plus fidèles aux originaux avec, par exemple, cette reprise de Kiss on my list.



Dans ma West Coast music (c'est d'ailleurs amusant de définir comme West Coast, Hall & Oates qui venaient de la Côte Est...), il y a, en particulier pour les bidouilleurs de claviers, comme The Bird and The Bee, matière à inspiration. Ce son, de la même manière que ce son anglais des eighties, a des résonances contemporaines. M'est avis, par exemple, que Washed Out a pensé, de manière consciente ou inconsciente, à ces sons de claviers. J'ai lu un jour dans un papier que le son de Washed Out était comme celui, je le cite de mémoire, d'une vieille cassette qu'on aurait laissé traîner au soleil sur une plage en été. J'ai trouvé l'image assez jolie et adéquate. J'ajouterais, pour être précis, une K7 où on aurait laissé le Dolby pour enregistrer et qu'on aurait laissé traîner sur une plage de Californie.



N'allez pas là encore penser que ma discothèque fourmille de représentants de la West Coast music telle que je la définis ici. Toutefois, il est un disque que j'ai tout de suite adoré et qui continue de me poursuivre. Au sens propre du terme puisque, pas plus tard qu'il y a quelques jours, alors que je faisais mes courses au supermarché du coin, sort des enceintes Suddenly last summer des Motels.



C'est d'ailleurs étrange d'avoir entendu ça au supermarché du coin. Certes la musique sert à rassurer la ménagère (et le ménager, en ce qui me concerne) en la berçant d'une musique qui la ramène à ses jeunes années, mais je n'ai pas l'impression que ce titre des Motels parle à beaucoup de monde. Même si le titre est monté en haut des Charts aux Etats Unis, je n'ai pas l'impression qu'il ait été un si gros succès par ici. Je trouve la chanson magnifique, typiquement américaine et avec un son vraiment distinct du reste de la production : un peu sourd, un peu étouffé. J'aime toujours beaucoup ce son aujourd'hui. Pourtant, je me souviens qu'à l'époque, je rejetais massivement ce qui venait des Etats Unis synonyme pour moi de gros rock qui tâche, façon Springsteen ou ZZ Top. Quand un groupe américain venait à être diffusé dans mon émission de l'époque, c'est souvent parce qu'ils s'étaient largement inspirés de ce qui se faisait alors en Angleterre. Je me souviens ainsi parfaitement avoir diffusé Obsession. Je donne le titre d'abord car c'est lui qui m'est revenu des limbes de ma mémoire lorsque je préparais ce post. Plus exactement une partie du refrain : "You're na-na-na-tion". Et je ne me souvenais pas de la partie na-na-na. Tout comme il était impossible de me souvenir du nom du groupe. Comment allais-je faire pour le retrouver ? Puis, je suis tombé sur cette liste qui comporte 23 pages ! Heureusement je n'ai eu qu'à aller jusqu'à la page 2 pour trouver, le groupe commençant par A : Animotion.



Tout est assez ridicule dans Obsession. Je ne parle pas seulement des brushings, costumes, mises en scène et autres niaiseries afférentes à l'époque, mais bien plus de cette tentative un peu désespérée de sonner comme les Anglais, voulant à tout prix lorgner du côté de Human League quand le résultat final est bien plus proche de Laura Branigan. C'est balourd. Ca manque d'authenticité. Et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui je trouve ce morceau risible et creux, même s'il réveille des souvenirs. C'est pas "cool and classic", une mention que j'ai vu inscrite dans les commentaires qui accompagnent cette autre chanson de l'époque et dont j'étais tombé éperdument amoureux. Pas tout à fait West Coast, mais définitivement Côte Ouest (le groupe venait de Los Angeles), Missing Persons avait définitivement un son très ricain (les guitares, la basse, la batterie peut-être) mais une manière d'y intégrer les synthés plutôt habile (le côté West Coast sans doute). En plus Dale Bozzio, la chanteuse du groupe, est définitivement un brouillon dont s'est servi Lady Gaga. Raison de plus pour se réjouir encore aujourd'hui de Destination Unknown.


vendredi 26 octobre 2012

Un peu à l'Ouest

Un ami lecteur me fait récemment remarquer que j'ai oublié ceci ou cela (d'ailleurs au passage, ne me faites pas remarquer les fautes d'ortographe, je les vois et ça me rend dingue). Un : si je commence à être exhaustif dans ces posts, ce ne sont pas trois, quatre ou cinq morceaux que vous retrouveriez ici mais quelque chose entre mille et dix mille, ce qui, avouons le, ne serait pas très raisonnable, eu égard à votre emploi du temps. Deux : au moment où j'écris le post, ce sont les quelques uns auxquels je pense, alors que ce seraient peut-être d'autres artistes, d'autres morceaux et d'autres sujets sur lesquels j'écrirais si le moment n'était pas le même. Les posts révèlent souvent des humeurs, et les humeurs, des instants. En espérant qu'une fois ces instants mis à bout à bout, ils révéleront un portrait plus global. Mais puisqu'on parle de portrait, je tiens à préciser que, parfois, je m'attache plus à un détail, à une petite ombre par ici, une teinte de couleur par là, alors que je n'ai pas encore donné tous les grands traits de l'esquisse. Ce qui veut dire, pour parler dans le langage de ce blog, que je vais m'attacher à parler d'artistes relativement mineurs dans mes goûts (c'était le cas hier ou avant hier) alors que je n'ai pas encore fait le tour d'artistes ou morceaux qui m'apparaissent indispensables. Il faut remettre les choses à leur place : les artistes que j'évoque depuis le début n'arrivent pas par ordre d'importance ; ils arrivent avec l'air du temps de ma journée. Et le mail d'un autre ami lecteur peut ainsi déterminer l'humeur de ce blog sans pour autant fournir un point essentiel de ma personnalité musicale ; c'est un détail, mais vous savez bien que lorsque vous regardez le tableau, pour avoir une bonne vision d'ensemble, il faut aussi s'arrêter sur les détails.
Le détail du jour me vient donc de ce mail où mon ami lecteur me renvoie quelques unes de ses obsessions, idées fixes, ou en tout cas pensées musicales du jour via quelques souvenirs qu'il conserve, lui, des années 80. C'est toujours un vrai plaisir de se retrouver sur la même longueur d'ondes qu'un autre auditeur. Parce que, quand vous êtes passionné de musique comme je le suis, vous vous dites que vous tenez là un véritable ami. Et cette amitié, logique, prend sa source dans des goûts communs, y compris dans les détails. Donc mon ami lecteur m'informe que Fool's paradise de Rosie Vela fut son premier CD. Moi, je l'ai en vinyle, l'album. Je me demande quelle technologie, le laser ou le diamant, rend le plus justice au son doux, enveloppant de Magic Smile, par exemple.



Ce son très Californien (je précise que j'allais écrire "qualifornien"!), avant d'être celui de Rosie Vela (obscure mannequin, qui, par la suite, retourna à l'obscurité), c'est bien sûr celui de Steely Dan. D'abord parce que Rosie Vela, même si elle a composé l'album, a toujours reconnu qu'ils s'agissait de ses héros. Et puis parce que Walter Becker et Donald Fagen, Steely Dan donc, jouent sur l'album produit par Gary Katz, le producteur de... Steely Dan. Là encore, je tiens à préciser que je ne suis pas fan de Steely Dan au point d'avoir leurs disques. Steely Dan, c'est le genre de trucs (et je dis ça sans dédain aucun, bien au contraire) qui, lorsque ça passe en radio, me fait taper du pied, fredonner, voire monter le son et me dire à la fin (de Hey Nineteen par exemple) que : "Putain, c'que c'est bien foutu"



J'admire l'élégance de Steely Dan même si elle n'est pas primordiale dans ce que je recherche dans la musique. Peut-être en eut-il été autrement si j'avais eu seize ans dans les années 70 plutôt que 80, la carrière de Steely Dan s'étant arrêtée précisément à Hey Nineteen et l'album Gaucho en 1980. D'ailleurs pour être honnête, si je n'ai pas de Steely Dan dans ma discothèque, j'ai par contre l'album The Nightfly de Donald Fagen sorti en 1982 mais qui me parle bien plus car sorti à une époque où je m'intéressais définitivement à la musique. Or, Donald Fagen y reprenait exactement les mêmes obsessions musicales, ce même son, toujours produit par Gary Katz. Y a pas grand chose entre Hey Ninetee, et IGY. Le son Steely Dan est là,un peu jazzy, mais toujours, toujours, avec la même élégance.



C'est d'ailleurs bluffant de voir que vingt ans après, en 2000, pour l'album de la réunion, ils avaient toujours le même son. Comme une recette dont ils seraient les seuls détenteurs. La même, toujours, mais pour un  résultat, toujours, délicieux. Quelques temps avant d'écrire ce post, je m'étais dit que je parlerais de mon goût pour la musique West Coast, ou en tout cas pour le son. Ce que je pourrais donc faire ici. Mais le son de Steely Dan est réellement unique par rapport à celui de, disons, Dary Hall & John Oates ou des Doobie Brothers. Steely Dan étaient les seuls à réellement lorgner du côté du jazz ; c'est peut-être aussi la raison pour laquelle je n'ai pas une réelle proximité avec leur production que je ne fais qu'admirer de loin. Le reste du son West Coast était plus tourné vers la Soul, le funk ou le rock. Il n'empêche que j'étais à deux doigts d'aborder le sujet Michael McDonald, le chanteur des Doobie Brothers, qui est celui que je sentais le plus près de ce son. Quelle n'a pas été ma surprise d'apprendre qu'il tournait actuellement sous l'appellation Dukes of September avec Donald Fagen (et aussi Boz Scaggs, autre tenant de la musique West Coast que je connais moins). J'avais aussi totalement zappé le fait que McDonald avait fait les choeurs sur plusieurs chansons de Steely Dan. Ils partagent quelque chose qui a à voir avec la classe. Classieux, aurait dit Gainsbourg, et ça se serait parfaitement appliqué. Une grâce intemporelle que McDonald, pour sa part, amène à tout ce qu'il touche de sa voix unique. Là encore, pas de trace de McDonald dans ma discothèque ; il n'empêche que lorsqu'il y rentre en catimini via un duo avec Joni Mitchell ou un refrain sur le Some children d'Holy Ghost!, je ne boude pas mon plaisir. Et c'est peut-être ça que je veux dire ici : qu'un plaisir furtif, un truc que vous aimez bien à la radio, mais que vous ne prendriez pas forcément le temps d'acheter, peut lui aussi aider à dresser le portrait de l'auditeur que vous êtes.

jeudi 25 octobre 2012

Fais moi un signe !

Non, ceci n'est pas une supplique ni même un clin d'oeil hippie à Gérard Palaprat mais le titre qui m'est naturellement venu via l'apparition dans la Blogosphère et dans mon univers musical de No Ceremony//. C'est déjà, semble-t-il, le troisième single du groupe et on ne sait pas grand chose d'eux si ce n'est qu'ils sont de Manchester et qu'ils offrent généreusement à qui les suit leur production discographique sur leur site Internet, comme, ces jours-ci, le morceau Feel so low.




Petit aparté : très très bonne chose, la gratuité, pour générer le buzz. Certes, Feel so low est un bon morceau mais je ne sais pas s'il aurait atteint une telle notoriété sans avoir été gratuit. Du coup, vous possédez le morceau, vous l'avez dans votre discothèque et vous retenez le nom du groupe. Ce qui ne sera pas forcément le cas de ce petit groupe sympa que vous avez écouté, là, l'autre jour, sur ce blog, tu sais bien, mais où déjà, ah merde, j'ai oublié. Et puis, la gratuité, ça invite les bloggeurs à en parler à leurs lecteurs dans un souci de "tiens, c'est cadeau". Fin de l'aparté quoique je puisse enchaîner : puisqu'avec la gratuité, on a déjà le buzz, pourquoi en rajouter avec des effets qui relèvent plus de la typographie que de la musique ? Par exemple, on n'écrit pas comme je l'ai écrit depuis le départ Feel so low mais, nuance, FEELSOLOW. De même que No Ceremony s'appelle en fait NOCEREMONY///. Je précise que le point après les trois slashs ne fait pas partie du nom du groupe mais est là pour ponctuer la fin de ma phrase. Alors que les trois slashs eux, font bien partie du nom. A quoi ça sert ? Mystère. Enfin si, ça sert justement à créer tout un mystère et ça a plutôt l'air de fonctionner. A court terme. A long terme, est-ce que ça rend pas les choses un peu lourdingue ? Pour avoir été animateur en radio, et même si je ne les y ai jamais présenté (pas le style de la radio), j'aurais été dans la merde s'il m'avait fallu annoncer AM/FM de !!!



Je ne suis franchement pas certain que cela ait servi la carrière de ce groupe. D'autant que si vous ne savez pas que !!! se prononce Chk Chk Chk, vous pouvez lancer une recherche avec trois points d'interrogation sur Youtube et vous retrouvez avec rien dans le résultat. Maintenant, on pourra aussi se gausser sur la prononciation de Chk Chk Chk, que les gens disent Chic Chic Chic (ah, c'est Chic Chic Chic alors ? Ben non, c'est Chk Chk Chk ! - oui le point d'exclamation me paraît ici indispensable). Ceci n'atteint pas que les groupes anglais, voir ci-joint, les Américains de ...music video? Ici donc pas de majuscule, trois points de suspension au début et un point d'interrogation à la fin. C'est bon à préciser, des fois que vous penseriez à une erreur de frappe.



Chers !!!, ...music video? et autres NOCEREMONY///, tout cela est-il bien raisonnable. D'autant que si vous avez un jour une chanson qui sort du lot, un gros standard, on risque de ne plus se souvenir que du titre, pas du groupe. C'était quoi déjà le signe qui accompagnait les Mysterians sur 96 Tears ? Ben c'était ça justement : un point d'interrogation. Question Mark en anglais.



Mais tous ces efforts n'égaleront jamais celui du groupe Freur. Vous allez me dire que c'est quand même super plus simple que les autres. Sauf que non. Parce qu'avant de concéder à prendre le nom de Freur, le groupe, et c'était le cas lors de la sortie de son premier single, refusait de prendre un autre nom que le signe qui était sur la pochette du 45 tours. Il faut vous imaginer le pauvre animateur que j'étais à l'époque, en 1983, en train d'annoncer le Disque de la Semaine (car, oui, je lui avais attribué le titre), Doot Doot par, et là obligé de décrire le signe soit donc une espèce de ligne en accordéon qui sort d'une coquille d'escargot. Tellement pas clair que je préfère que vous alliez la voir sur la vidéo ci-dessous


Là encore, le mystère de leur nom a sans doute piqué la curiosité de certains, ce premier single étant leur seul titre à avoir été classé dans les Charts. OK, 59ème au Royaume Uni, ce qui en fait un succès confidentiel, mais un succès quand même comparée à la suite de leur carrière. Et quand leur maison de disques obtint un nom prononçable : Freur donc, c'était déjà trop tard, leur carrière était derrière eux. En tant que Freur. Heureusement quelques années plus tard, ils ne réitérèrent pas leur erreur en signant un nouveau contrat sous le nom d'Underworld. J'aurais bien mis un point d'exclamation pour finir mais est-ce que ça fait pas un peu trop ? Et je pose pas juste une question pour terminer par un point d'interrogation, hein !

mercredi 24 octobre 2012

Une pièce du puzzle

J'ai souvent dans l'idée de passer d'un sujet à l'autre ici, comme on peut le faire, sur d'autres sujets, dans la "vraie vie". De la même manière, histoire de ne pas lasser mon lectorat, je me suis toujours dit que j'allais alterner les sujets français et internationaux. D'autant plus que j'ai, à en croire les statistiques de ce blog, un gros following en Russie, Lituanie ou Allemagne, ce que j'ai beaucoup de mal à m'expliquer (en cet instant se forment des images d'un agent du KGB glissant à un autre "Chef, on est repérés !") mais bon, voilà. Or, dans le souci essentiel de faire que ce que j'ai envie de faire, na-na-na-na-nè-reu, et puis parce qu'il arrive, dans la vraie vie, que le sujet de la veille déborde sur le lendemain, je reprends mon sujet d'hier où il m'avait amené : Jay Alanski.
J'avais bien sûr vu le nom de Jay Alanski derrière quantité de chansons de Lio comme Banana Split. J'ai même du voir son nom au revers du single des Innocents, Jodie, qu'il avait produit. Mais je n'ai commencé à réellement m'intéresser à son nom qu'avec le deuxième album de Jil Caplan, La charmeuse de serpents. Cet album était bien au dessus de tout ce qui se faisait alors dans le domaine de la variété française. Il y avait une attention portée à tous les morceaux, que ce soient dans la composition ou les arrangements, et même dans la façon parfaite qu'ils avaient de s'enchaîner sur l'album, qui révélaient une envie de faire de la "bonne chanson française" comme un artisan rêve de faire de la "belle ouvrage", si vous voyez ce que je veux dire. Et comme, la pochette indiquait que c'était "joué, arrangé et produit par Jay Alanski" et qu'il était l'auteur et compositeur (Caplan co-signe 3 chansons sur les quinze de l'album), je m'en suis assez vite fait l'image d'un pygmalion  maniaque préférant se cloitrer dans son studio et laissant briller sa créature, Jil Caplan en l'occurrence. Je m'en suis même assez vite fait l'idée d'un couple plus forcément sur la même longueur d'ondes ; mais était-ce la réalité ou juste des images que je plaquais sur les thèmes développés dans des chansons comme Tout c'qui nous sépare ou le très beau duo Je t'apprends rien ?
En fait, je n'ai jamais vraiment su s'il s'était effectivement passé quelque chose entre le créateur et sa créature (c'est lui qui a trouvé le nom de Jil Caplan inspiré de La mort aux trousses d'Hitchcock). Je sais juste qu'après Avant qu'il ne soit trop tard, dernier album qu'il ait fait pour elle, la musique de Jil Caplan ne m'a plus intéressé que très anecdotiquement. Je suis d'ailleurs un grand fan de ce dernier album qui a été, en 93, un très très gros fiasco. Un morceau comme La grande malle (III) (oui, parce que, sur l'album, y avait La grande malle (I) et La grande malle (II) aussi, mais bon fallait bien choisir) me met toujours une pêche incroyable avec ses "toudoudoudou doutou toutoudou" (ou quelque chose comme ça) et montre bien qu'au delà de Caplan (finalement assez peu présente dans le morceau), c'était bien Jay Alanski qui me fascinait.



Reste qu'il avait, comme qui dirait, le cul entre deux chaises : celui d'une variétoche facile que pouvaient programmer les radios et une ambition que je sentais plus artistique. Une sensation dont j'eus la confirmation trois ans plus tard avec la parution sur F.Com, le label électro alors très pointu de Laurent Garnier, des premiers EP d'A Reminiscent Drive. A Reminiscent Drive, c'est le pseudo de Jay Alanski qui faisait absolument tout sur ces disques et s'était pour le coup totalement libéré des textes n'offrant plus que des musiques derrière ce masque d'artiste Ambient. Tous les morceaux de ces EP (dont la plupart se retrouveront sur le premier et magnifique album Mercy Street) auraient pu figurer sur une compilation Cafe Del Mar ; plus exactement, sur les premières compilations du nom, quand le nom, précisément n'était pas encore galvaudé comme il le sera plus tard, à l'instar de cette musique. Nombre d'artistes ont en effet pu croire, durant les années qui ont suivi, qu'en faisant dans l'éthéré, ils allaient faire dans l'inspiré. Mais peu sont arrivés à comprendre toute la complexité d'un morceau comme Sky, si simple en apparence mais qui dégage une véritable ambiance, un climat, quelque chose d'habité.



Il y a eu un autre album d'A Reminiscent Drive, Ambrosia, puis Jay Alanski a repris son patronyme, retrouvant également sa voix sur l'album Les yeux crevés. Pas très fan. Et, du coup, j'ai un peu lâché l'affaire. J'ai jeté un coup d'oreille à Derrière la porte qui marquait ses retrouvailles avec Jil Caplan en 2007, ai été heureux de voir qu'ils avaient retrouvé la recette de leur accord (notamment sur le très réussi On n'entre plus chez toi) mais en même temps, c'est comme si je n'y étais plus. Les autres non plus d'ailleurs qui ont (très) peu acheté l'album. Pour les besoins de ce post, j'ai même trouvé sur la bio officielle de Jay Alanski, qu'il faisait ces temps-ci des titres sous le nom de sEYmour disponibles gratuitement via son Bandcamp. Et The New Gun ou The Sour Milk n'ont vraiment pas à rougir par rapport à tout ce qui se fait aujourd'hui.





Il n'empêche que, malgré le fait que j'ai tendance à le classer haut dans mon panthéon personnel du paysage musical français, Jay Alanski trouve plus facilement sa place dans la catégorie des Beautiful Losers. J'ai d'ailleurs constaté, toujours en lisant sa bio, que The Beautiful Losers était le nom de son premier groupe, signataire d'un album visiblement culte pour certains qui bénéficia même d'une réédition il y a quelques années. En écrivant tout ce post, je me suis d'ailleurs dit plusieurs fois que je n'avais qu'une vision très parcellaire de Jay Alanski. Je ne connaissais pas ses premières aventures discographiques, ni ses dernières, et encore moins l'immense production photo et vidéo dont il est l'auteur ces dernières années. Mais l'image que j'en ai (qui n'a peut-être rien à voir avec le vrai Jay Alanski mais je pourrais en dire autant de tous les artistes dont je parle) est celle d'un artiste aussi à part que brillant. C'est sans doute d'ailleurs parce qu'il brillait en tant que compositeur, producteur, musicien, artiste, vidéaste, photographe, que, finalement, il n'a su briller réellement nulle part. Il ne faudrait pas non plus oublier ses talents d'auteur car celui qui a longtemps été associé au génial parolier Jacques Duvall (pour Banana split notamment), savait lui aussi manier le verbe. Il n'y a qu'à écouter Palais royal qu'il avait fait pour Chamfort et qui est pour moi, une pièce maîtresse de ce puzzle un peu foutraque qu'est Jay Alanski.



mardi 23 octobre 2012

Pourquoi Lio n'est pas Jeanne Mas

J'ai lu hier dans le Journal du Dimanche un papier sur Stars 80, le film qui sort mercredi et dont l'argument principal est son casting de chanteurs ringards des Eighties  avec donc avec Emiles et Images, Peter et Sloane, Debut de Soirée, Jean-Pierre Mader, Sabrina, Cookie Dingler, Jean-Luc Lahaye, Jeanne Mas, Gilbert Montagné et... Lio. Citant Thomas Langmann, son réalisateur et producteur, le JDD précisait : " tous les chanteurs se sont révélés "simple et faciles"... sauf Lio : "C'est une bonne comédienne mais elle n'a pas beaucoup d'autodérision". Voilà qui n'est pas très fairplay et plutôt inhabituel en pleine période de promo où tout le monde se passe, traditionnellement, la brosse à reluire. En même temps, ce n'est pas la première fois que Lio passe pour une casse couille, ce qu'elle doit, en partie être car sinon, je ne m'explique pas bien sa (non)carrière au cinéma alors que, comme le dit quand même Thomas Langmann, c'est une bonne comédienne (voir, pour les pas convaincus, Après l'amour, très joli film de Diane Kurys, où elle brille en épouse trompée). Mais je ne suis pas là pour vous parler des qualités d'actrice de Lio, vous l'aurez bien compris. Quoique la chanteuse et l'actrice portent la même casquette d'interprète, mais ça, j'y reviendrais quand je parlerais, un jour, des chanteuses actrices (et inversement) si injustement (parfois) décriées.
Si elle n'a pas beaucoup d'autodérision, c'est sans doute parce que la carrière de Lio est moins risible que, mettons, celle de Peter et Sloane ou Cookie Dingler. Pas seulement parce qu'elle a aligné plusieurs tubes (à ce compte là, Jean-Luc Lahaye et Jeanne Mas, ses partenaires de film, l'ont aussi fait), mais parce qu'au fil d'albums plus ou moins réussis, elle a su laisser une empreinte, qu'ont aidé à forger une lignée de collaborateurs dont les autres ne pourront jamais que rêver. Je rappelle, entre autres, que c'est John Cale, du Velvet Underground, qui signait les arrangements de cordes de son album Pop Model ! Et puis les tubes de Lio ont quand même une autre classe. Je suis très content d'avoir, dans ma discothèque, son presque ska Banana Split et le très efficace Amoureux solitaires (vendu quand même à 4 millions d'exemplaires dans le monde), relecture ô combien pertinente par son créateur Jacno d'une chanson qu'il avait écrite pour son groupe, les Stinky Toys. Je me rappelle m'être longuement interrogé sur la façon dont cette chanson punk bordélique, Lonely lovers, avait pu devenir cette ritournelle à la précision mathématique. En cherchant deux trois trucs sur Lio pour ce post, je suis même tombé sur Sage comme une image, dont je ne me souvenais que très vaguement, et ai halluciné en découvrant le synthé qui est exactement le même que celui de Don't you want me de Human League, sorti pourtant un an plus tard.


Pour ceux qui l'auraient oublié, Lio, c'était la voix italienne sur le Week-end à Rome d'Etienne Daho. Une chose que celui-ci n'oubliera pas quand il essaiera de relancer en 91 (en vain déjà) la carrière de Lio en produisant Des fleurs pour un caméléon, sur lequel on trouve une très jolie version des Voyages Immobiles, que Daho enregistra la même année avec nettement plus de succès.



Bien sûr, Lio, c'est pas sérieux. Enfin non : Lio, c'est léger. Mais c'est la légèreté d'une bulle de champagne. Donc la légèreté faite avec le plus grand sérieux. Et c'est d'ailleurs cette légèreté exquise qu'est venu chercher (en plus d'une caution eightie's millésimée) Teki Latex quand il a enregistré avec elle Les matins de Paris qui fut l'un de ses meilleurs titres ces dernières années. C'est cette même maestria dans la légèreté qu'était venu chercher Olivier Libaux quelques années plus tôt pour le conte musical L'héroïne au bain, où Lio savait comme personne donner La recette de l'amour fou.



J'aurais pu prolonger cet article encore longtemps, allant chercher quelques pépites surtout dues à Jay Alanski, qui allait connaître une nouvelle association fructueuse auteur-interprète avec Jil Caplan, et qui plus tard allait devenir A Reminiscent Drive (j'y reviendrais sans doute plus tard). J'aurais pu aussi vous parler d'Héléna Noguerra, la soeur de Lio, qui connaît un peu les mêmes galères de carrière, mais dans une version plus chic et sophistiquée. Mais je vais finir sur Agathe, qui, à priori, n'a aucun rapport avec Lio, si ce n'est celui d'avoir, elle aussi, marqué le début des années 80 de sa grâce mutine via quelques perles de pop joyeuse regroupées, pour l'essentiel, sur son unique album Regrets. Regrets, qui était aussi le nom du groupe d'Agathe quand elle est apparue, ce qui fait qu'on pouvait aussi croire que l'album de Regrets s'appelait Agathe, vous suivez ?



Petit classique frenchie 80's, l'album regorge de morceaux aussi gentiment gracieux et sautillants. Mais les singles qui ont suivi n'ont pas aussi bien marché et condamné Agathe Labernia à l'anonymat. Il n'y a pas si longtemps, j'ai vu un reportage sur notre Agathe, vieillie, vivant du RSA, mais ne se plaignant pas trop, misant sur un hypothétique retour orchestré par de jeunes fans qui, à ce jour, se fait encore attendre. Et j'ai trouvé ça triste. Surtout pour quelqu'un qui incarnait la joie et, aussi, un peu de ma jeunesse. C'est sans doute pour éviter de vivre une situation comme celle-là que Lio a dit oui à Stars 80 et à sa tournée, en compagnie de ces "artistes" plutôt pas recommandables. A l'arrivée, c'est aussi triste. Elle abime son image. Et avec elle, là encore, ma jeunesse. Mais elle s'en fout de ma jeunesse comme je devrais m'en foutre. Ma jeunesse, aujourd'hui ? Si belle et inutile.

dimanche 21 octobre 2012

A contretemps

J'ai lu récemment quelques critiques de deux albums dont j'ai du le plus grand bien ici même, ceux de Bat For Lashes et de Efterklang. Mauvaises, les critiques. Sous prétexte que ces deux artistes avaient fait mieux avant. Je ne vais même pas rentrer dans ce débat. Il est d'autant plus stérile que, sur ces mêmes albums, j'ai aussi lu de bonnes critiques. Ce qui montre comme la critique n'est finalement qu'un point de vue. Un point de vue, qui plus est, qui peut changer au fur et à mesure de la distance, et donc, du temps. De toutes façons, quoique je puisse lire, cela ne m'empêchera pas d'apprécier très personnellement, très égoïstement (enfin, pas tout à fait, puisque je les partage ici) ces deux albums. Ce n'est de toutes façons ni la première, ni la dernière fois que j'aimerais l'album d'après alors que, de l'avis général, l'album d'avant était meilleur, ou bien le contraire. J'emmerde l'avis général ! Si un album vous parle, laissez le vous parler sans écouter les commères, les bien pensants qui pensent, par exemple, que le dernier effort de Cat Power n'est pas très glorieux. Or, j'aime beaucoup le dernier album de Cat Power. Grosse surprise en ce qui me concerne et pour cause : je n'ai jamais accroché sur Cat Power. Mais alors jamais. The Greatest, que tout le monde a aimé, c'était peut-être bien mais ça ne me faisait rien. J'allais pas non plus éteindre la radio quand ça passait mais ne voyais pas non plus pourquoi j'irais acheter ça. Et puis, comme toujours curieux, je jette une oreille à Ruin, premier single annonciateur de son nouvel album, Sun. Et c'est comme si sa musique prenait sens et/ou, en tout cas, sa place dans ma discothèque.



Cette impression de décalage marche aussi dans l'autre sens. Evidemment, en fan de la première heure que je suis, c'est à dire bien avant que son nom soit accolé à celui de Salvador, j'ai été très heureux du succès de La Superbe pour Benjamin Biolay. Sans trop comprendre ce que tout le monde trouvait à cet album. Ou bien plutôt en comprenant très bien car c'est précisément ce qu'on trouvait déjà dans Trash Yéyé, l'album d'avant. En mieux. L'album que si peu de gens ont entendu que Biolay s'était fait viré de sa maison de disques. Il y avait pourtant matière à tubes. Une matière d'autant plus émouvante que Biolay était allé gratter ses plaies pour livrer ce qui transpire sa séparation d'alors avec Chiara Mastroiani. J'étais d'ailleurs persuadé qu'il allait décrocher le jackpot avec Rendez-vous qui sait.



Et pour ceux qui ne retrouvent pas dans ce titre le panache de La superbe, je conseille le grandiose et très EnioMorriconien passage sur la lumière du could-have-been-a hit Qu'est-ce que ça peut faire.



A l'heure où sort le nouvel album de Benjamin Biolay, j'ai trouvé, au détour d'un article dans GQ ce mois-ci, une référence à cet album. Le journaliste y dit que c'est le meilleur album de Biolay ! Comme quoi... Cela étant, et même si c'est une petite satisfaction personnelle, je sais très bien que, de l'avis général, c'est encore La Superbe qui s'impose.
De la même manière, si l'on parle de Neneh Cherry, on parlera plus volontiers de son premier album, Raw like sushi (vous savez celui avec les tubes Buffalo stance et Manchild), voire de son troisième album Man (vous savez celui avec les tubes Woman et 7 Seconds), que de son deuxième album Homebrew (vous savez celui avec pas de tubes du tout). Pourtant, vous l'aurez compris, c'est Homebrew mon album préférée de la chanteuse. Et, normalement, dans un monde parfait, c'est à dire où tout le monde entendrait la musique de mon oreille (oui, on a le droit d'être un peu mégalo parfois), Trout, en duo avec Michael Stipe de REM, et son sample malin, aurait du tout déchirer.



Ce ne fut, comme on le sait, pas le cas. Plusieurs années plus tard, Neneh Cherry, alors au sein du groupe Cirkus, était programmé au festival de jazz d'Orléans. Invitée sur la radio où je travaillais, j'étais chargé de la traduction de l'interview de la chanteuse. Pour tous ceux qui se le demandent ("Alors elle est comment, en vrai ?"), Neneh est aussi charmante qu'on se l'imagine. Du coup, même si c'est un exercice auquel je n'aime pas trop plier les artistes (je me dis que ça doit les faire chier + je suis d'une timidité paralysante + de toutes façons, un autographe...),  je n'ai eu aucun problème à lui demander de signer un de mes albums que j'avais tous amenés, histoire de lui montrer que j'étais fan. Elle me sourit mais m'explique qu'elle n'allait tout de même pas tous les signer et me demande donc de lui en désigner. Mon préféré, ajoute-t-elle. Je lui tends donc la pochette de Homebrew. Elle le signe puis, en partant, me glisse : "It's my favorite too". On n'est pas forcément décalés ; on est tous calés sur des fuseaux horaires/musicaux différents.

samedi 20 octobre 2012

Hypnose

De la même façon que le nouveau logo de ce blog (d'ailleurs merci pour tous vos messages de félicitations, non, j'déconne, y'en a eu qu'un, mais merci quand même) mais surtout son arrière plan peut entraîner des réactions hypnotiques, il en va évidemment de même pour la musique. Et, pour cela, la musique a un instrument qui peut s'apparenter au pendule de l'hypnotiseur : la boucle. Ca marche pour la plupart des musiques électroniques et ce n'est pas un hasard si l'un de ses sous genres est la Trance, la transe désignant un état physique proche de l'hypnose. Mais loin de moi ces considérations médicales, et je vous épargnerais, ce matin du moins, parce que y aura bien un moment où vous y aurez droit, les morceaux Trance de mes jeunes années dopées. Non, si je vous parle de boucle, c'est pour deux jolis morceaux apparus sur le Net. Pas plus tard qu'hier je tombe sur Satin Jackets, un duo allemand, qui a judicieusement intitulé son titre You make me feel good et pour débuter le week-end, avouez que ça tombe plutôt bien.



En guise d'entrée, avouez que c'est agréable. Mais passons au plat de résistance : ce qui est incroyable dans ces morceaux, en tout cas ceux réussis, c'est qu'on ne peut plus se détacher de cette boucle. Ou plus particulièrement d'un motif de la boucle. On est fasciné, on en veut toujours plus, on ne veut surtout pas que ça s'arrête dans un break et on est soulagé quand ça réapparaît plus loin dans le morceau. En cela le morceau de Night Works  I tried so hard ne cesse de me parler au sens où je n'en aurais jamais assez de ce piano mélancolique qui débute et clôt le morceau.



Ca peut sembler on ne peut plus simple ce morceau : tu trouves le bon motif et tu le boucles, c'est pas sorcier. Sauf que trouver le bon motif, celui qui ne cessera de fasciner, n'est pas donné à tout le monde. Le fait que derrière Night Works se cache le premier bassiste de Metronomy ne m'étonne absolument pas. Il faut être musicien pour pondre un truc pareil, aussi simplissime que cela pourra paraître à certains. A qui je dis : "Tu la boucles !" Jeu de mots, merci Maître Capello et je remets dix francs dans le nourrain. Remarquez, dans le style jeu de mots à deux balles, mais involontaire j'imagine, une personne a commenté le titre de Nightworks sur Youtube en écrivant : "En boucle dans mon casque". Toutefois, cela illustre bien l'effet hypnotique d'un titre comme celui-ci. Un effet qu'on peut remettre sur le dos du remix de Don't Understand du Danois Tomas Barfod par les Anglais d'Abstraxion. Cette fois c'est la voix qui vous entrâine ne cessant de répéter tel un mantra : "And I'm walking in dream / And I'm walking so fast".



J'en profite, au passage, pour vous conseiller le très bon album de Tomas Barfod pour qui, évidemment, s'intéresse aux musiques électroniques. En même temps, si vous ne vous intéressez pas aux musiques électroniques, vous n'êtes sans doute pas en train de lire ces lignes. Ou alors vous vous faites du mal. Masochiste ! Ou bien encore vous êtes hypnotisé. Aussi hypnotiques soient-elles, ces musiques ne pourront jamais m'ordonner de dormir profondément. Pour une bonne raison, c'est que je ne peux pas m'endormir en musique. Evidemment, ça m'est arrivé, un peu comateux, de tomber après une certaine heure disons avancée de la soirée, alors que la musique hurlait encore des baffles. Mais jamais la musique ne m'a bercé au point de m'endormir. Il semblerait que l'écoute d'un morceau, même à volume minimum chez moi, laisse invariablement ma conscience sur "on". Sauf pour UN disque. Je mets "un" en capitale, car il n'y a bien que ce disque qui ait cet effet et on atteint des sommets, ce disque étant l'un de ceux que j'ai le plus écouté, le plus usé de ma vie ; et ce n'est pas parce qu'il est le seul à avoir cet effet soporifique, au premier degré du terme, qu'il l'est, au second degré. The Guardian, qui l'a classé dans sa liste des 1000 albums à écouter avant de mourir, en parle comme d'un "chef d'oeuvre intemporel d'une insondable beauté". Je sens que j'ai assez fait  monter la sauce pour briser la le suspense : Mesdames et Messieurs,  roulement de tambour, voici 76:14 de Global Communication.


Sorti en 1994, ce disque est considéré pour beaucoup comme l'un des plus beaux albums d'Ambient. Pour moi, c'est LE plus beau et c'est presque dommage de le réduire à un genre. Son titre, c'est sa durée, soit à peu près le maximum de ce que vous pouviez rentrer sur un CD, ce me semble ; Mark Pritchard et Tom Middleton, les deux têtes pensantes de Global Communication, n'avaient pas voulu lui donner de titre (pas plus qu'à chacun des morceaux qui le composent qui, eux aussi, portent leur minutage en guise de nom) de manière à laisser les auditeurs libres d'interpréter comme bon leur semble leur musique. Mon morceau préférée, c'est sans doute le deuxième, le préféré d'ailleurs, je m'en rends compte en allant sur le Web, de beaucoup de personnes qui ont écouté cet album. Il s'ouvre et se ferme par un lent battement métronomique qui pourrait tout aussi bien être le son de la trotteuse d'une horloge. D'ailleurs pour moi, elle s'apparente exactement à ce bruit : petit garçon, on me faisait dormir, chez mes grands parents, dans un lit installé au salon où trônait une horloge qui avait la même sonnerie que Big Ben. Tous les quarts d'heure, elle se manifestait et, entre deux quarts d'heure, toutes les secondes, émettait ce bruit un rien stressant puisque je savais que je n'avais que quinze minutes pour m'endormir. Rien ne prédisposait donc ce bruit à devenir un ingrédient phare d'une de mes chansons, c'est le cas de le dire, de chevet. D'ailleurs, ce bruit, me semble-t-il, renvoie tout le monde au temps qui passe. Mais ce qui pourrait être anxiogène ailleurs est ici étrangement réconfortant. On est littéralement bercé, passant au ralenti d'un motif à un autre. Car, c'est là où Global Communication fait très fort, ce n'est pas à un motif qu'il vous attache mais à plusieurs qui reviennent en boucles, se liant, se déliant, envoûtant, hypnotisant. Autant vous dire, que si vous avez commencé la journée du bon pied avec le premier morceau de cette page, vous risquez de la voir se terminer bien vite. Plus exactement dans 14 minutes et 31 secondes, qui vous laisseront, sans doute, quelque peu engourdi. Si vous aimez, faites passer, faites tourner.

vendredi 19 octobre 2012

Vampires

Je suis tombé ce matin sur un blog dont l'auteur, en postant Landfill des prometteurs anglais de Daughter, s'interrogeait en ces termes : "when can you ever have too much solid material from a burgeoning young singer-songwriter ?" La réponse sous entendue à sa question étant jamais. Non, on ne peut jamais avoir trop de la solide production d'un jeune auteur compositeur émergent.


Daughter - Landfill

J'ai immédiatement eu en tête l'image d'un vampire assoiffé qui n'en aura jamais assez du sang frais. Et n'est-ce pas en quelque sorte ce que nous devenons quand nous courrons perpétuellement à la recherche de la Next Big Thing, essaimant les cadavres de nos découvertes à peine y avons-nous planté les crocs ? Il y a toujours sur le Web un emballement excessif pour tout ce qui est nouveau. L'attrait pour les vierges sans doute. Et l'on fait monter la sauce à l'aune d'un morceau, qui, aussi agréable soit-il, n'est qu'un seul morceau. Cela a sans doute aussi à voir avec notre façon de consommer la musique. Depuis l'avènement du shuffle, on n'écoute plus vraiment un album dans son intégralité mais on préfère un titre ici, puis un titre par là, etc... Mais dans ces conditions, fait-on vraiment émerger des artistes ? Il me semble au contraire que nous les tuons dans l’œuf, ne leur laissant pas le temps de grandir. Car on attribue des qualités aux titres de ces jeunes artistes qu'ils n'ont pas vraiment. Je ne veux pas dire, par exemple, que la musique de Daughter ne soit pas agréable. Mais est-elle à ce point géniale qu'elle se retrouve tout en haut des classements des morceaux les plus appréciés sur le web en ce moment ? Va-t-on encore s'intéresser à Daughter quand ils sortiront leur premier album. Car Daughter n'a sorti, à ce jour, que dix titres (deux EP et un single). Cela condamne les artistes au toujours mieux. Or, c'est une évidence, un artiste émergent, pour se faire remarquer, mettra en avant ce qu'il a de meilleur en stock avant de délivrer des morceaux disons plus fragiles. Et qui risquent donc de se faire briser. Evidemment il y aura toujours, dans le lot, des artistes qui valent le coup tout de suite et dont on poursuivra longtemps les efforts. Mais pour un Daughter (sur l'avenir duquel je ne me fais quand même pas trop de souci), combien de On And On, célébré avant même d'avoir pu peaufiner leur propre style ?



Qu'est-ce qui nous pousse à toujours aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte ? Ce travers m'étreint chaque jour au moment de poster quelques chansons sur ce blog. Je me dis toujours qu'il faut faire connaître des choses nouvelles. Quitte à perdre mon temps à les chercher. Quitte à perdre du temps tout court parce qu'avec cette fuite en avant, j'en oublie que la connaissance ne passe pas seulement par demain, mais aussi par hier. Bon là, je sens que je vous embrouille ou que je vous emmerde, ce qui revient au même. Alors parlons plus concrètement : plutôt que de vous diriger vers de jeunes artistes, qui vous apporteront l'ivresse du beaujolais nouveau, ne vaut-il pas mieux vous orienter vers des artistes qui ont (disons fort à propos) de la bouteille, bref vous servir un excellent Bourgogne tiré tout droit de la cave ? Et se laisser du temps pour voir si la petite piquette ne peut pas donner quelque chose avec l'âge.
On en arrive à des situations absurdes où, pour toujours intéresser le chaland, un musicien doit se réinventer sous une nouvelle identité à peine a-t-il dévoilé la première. C'est le cas de Matt Mondanile, que j'ai découvert l'année dernière avec son groupe Real Estate et qui réapparaît ces jours-ci avec le projet Ducktails.


Il faut dire que les artistes, comme l'industrie du disque, ont su très vite s'adapter à notre inclination naturelle vers le toujours plus frais, toujours plus excitant. De manière très cynique, Bill Drummond, employé d'une maison de disque, en avait démontré le principe avec un livre The Manual (How to Have a Number One the Easy Way) où il expliquait non seulement comment faire un gros succès mais aussi comment, pour continuer d'intéresser les gens, il fallait se réinventer une identité. Le pire, c'est qu'il en a fait la démonstration d'abord avec The Timelords pour Doctorin' the tardis qui fut n°1 des charts anglais en 1988, puis avec The KLF qui atteidra la même place deux ans plus tard.



Toutes ces considérations ne m'empêcheront pas de conclure par un duo américain qui n'a que cinq ans d'existence, un seul album au compteur et toujours le même nom. Mais qui continue d'exciter les curieux. Tout simplement parce qu'ils continuent de faire de la bonne musique, sans baisse de régime. Sans baisse de régime jusqu'à présent. Mais jusqu'à quand Holy Ghost! continuera à nous faire croire qu'ils ont toujours le sang frais ?

jeudi 18 octobre 2012

La plus belle chanson du monde

La plus belle chanson du monde n'existe pas. Il y en a trop que j'adore pour en désigner une en particulier. Ce serait comme rentrer dans un musée et dire que telle toile est plus belle que toutes les autres. Ou dans un jardin que telle fleur est plus belle que toutes les autres. Leurs beautés respectives sont tout bonnement incomparables. Nous le savons tous très bien. Il n'empêche que nous continuons tous à nous passionner pour des concours de Miss : qu'ils s'appellent Oscars, Césars, Grammy, Victoire, classement de fin d'années et autres Top en tous genre, nous n'avons de cesse de savoir qui remportera la statuette, qui sera le premier sur le podium. Me demander quelle est la plus belle chanson que je connaisse, c'est un peu comme me demander : "T'écoutes quoi comme musique ?" Une question qu'on m'a souvent posée et à laquelle je réponds souvent embarrassé car cela arrive dans une conversation où ma réponse est attendue en trois minutes maximum quand il me faudrait des heures, des jours, des semaines... D'où l'écriture de ce blog.
Mais pour les gens pressés, et n'étant pas à une contradiction, ainsi, en l'occurrence, qu'à une absurdité près, si je devais désigner la plus belle chanson du monde, ce serait celle-ci.



Je connais cette chanson par coeur. Je dis bien PAR COEUR et, par capitales interposés, je ne veux pas parler du texte. C'est quand même pas compliqué de connaître un texte qui doit connaître quatre lignes ; une fois que vous connaissez le titre de la chanson, vous connaissez déjà le refrain ! Non, je veux dire que je connais les notes de clavier, le moment précis où la basse attaque puis celui où démarre la voix angélique de James Warren, le chanteur des Korgis, où l'instant magique où les nappes de synthé apparaissent comme sous le premier "I Neeeeeeeeeeed your lovin'".  Je peux l'écouter n'importe où, n'importe quand, cette chanson me fout systématiquement des frissons.
Et puis mon histoire avec cette chanson commence avec mon histoire avec la musique. Je me souviens très bien que c'est le premier disque de ma discothèque. Je veux dire le premier disque que j'ai voulu, que j'ai demandé à ma mère d'acheter. Avant, il y avait bien eu les disques de mes soeurs ainées dont, pour certains, je raffolais jusqu'à ce qu'ils s'usent. Et puis ma mère m'avait bien acheté des disques et j'en garde, pour certains, un souvenir très précis. Par exemple, je me souviens parfaitement, mais alors parfaitement de Chansons pour de vrai de Jeanne-Marie Sens et en particulier de C'est une histoire très jolie qu'avec un sens particulier du sadisme, je ne peux m'empêcher, ici, de vous proposer.



Voilà, voilà. En même temps, votre torture n'aura duré qu'une minute et trente secondes. Et puis, c'était mignon, quoi ! Qui plus est, je suis persuadé que c'est aussi avec ce genre de disques que s'est fait mon oreille. Je pourrais en dire autant d'Emilie Jolie, autre grand classique de notre maison mais revenons au Korgis. Je voulais donc absolument ce 45 tours. Absolument. Et je l'ai réclamé si fort qu'un jour ma mère l'a acheté au supermarché. Je me souviens très bien, c'était un Leclerc et les disques étaient à l'entrée du magasin. Ma mère avait pris le 45 tours, l'avait mis sous son bras et avait continué à faire ses courses dans le magasin en poussant son chariot. Moi, je n'avais pas quitté le 45 tours des yeux. A la caisse, ma mère avait mis toutes les affaires sur le tapis. Moi, je n'avais toujours pas quitté le 45 tours des yeux qui était... resté sous le bras de ma mère. Elle paya, on sortit et c'est alors que je lui fis remarquer qu'elle n'avait pas payé le disque qu'elle avait totalement oublié. Un début de relation placée sous le signe de la clandestinité, ce qui n'est pas pour me déplaire.
J'ai passé, repassé ce disque sans jamais m'en lasser jusqu'à connaître donc la moindre de ses respirations. Au cours des années qui ont suivi, la carrière des Korgis étant ce qu'elle fut, le groupe réinterpréta sa chanson, la réenregistrant avec parfois d'infimes changements. Il n'empêche que je les reconnais systématiquement. Par exemple dans cette version que j'ai failli vous poster, en écoutant que le début, l'erreur se glisse à 1'12'' avec un nouveau couplet qui dit : "Everyday / So confused inside"etc... So confused indeed, pourrais-je rajouter. Troublé, je l'ai quand même été un peu aujourd'hui en regardant la video du titre sur Youtube. Ce n'est pas cette version que j'ai choisi d'intégrer à cette page car les plus attentifs d'entre vous auront remarqué que la version vidéo dure 3'34'' alors que la version ci-dessus, celle du 45 tours, dure 4'13" et qu'il était impensable de se priver de 40" de la chanson la plus belle du monde, merde. En tout cas en regardant le clip, je suis un peu eberlué quand démarre le solo de saxo à 2'10". Enfin, ce que j'avais toujours pris pour un saxo jusqu'à ce que, dans le clip, je vois ce type s'emparer d'un violon pour nous faire son solo. Je tends l'oreille, vais fouiller sur Internet, et, oui, c'est bien un violon. Electrique, façon Catherine Lara, mais un violon quand même. Comme quoi, même les choses que vous pensez connaître par coeur...
J'ai longtemps pensé qu'il était impossible de reprendre cette chanson. Il y a pourtant eu une flopée de reprises par des gens parfois très recommandables, comme celle pastorale et acoustique des Anglais de Dream Academy ou celle plus sombre et torturée de Beck pour la BO d'Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Aucune n'atteint pour moi l'original, l'original étant pour moi la perfection absolue. Ou plutôt, car, pour reprendre cette chanson, il ne faudrait pas reprendre que la mélodie mais aussi toute son instrumentation, ce qui en fait tout le charme à mes oreilles. Or, c'est précisément ce qu'a fait The Field sur l'album Looping State of Mind. Cet artiste electro suédois (ils sont forts ces Suédois!), obsédé par la boucle, comme le nom de son album l'indique, a tout simplement samplé l'original pour y poser sa voix, bouclant, rebouclant, jusqu'à livrer cette version parfaite ni tout à fait une autre, ni tout à fait la même, au charme envoutant.



Comme quoi, ça pouvait se reprendre. Comme dit la chanson, everybody's got to learn sometimes.

mercredi 17 octobre 2012

Préjugés

En ouvrant Libération ce matin, je suis tombé sur deux pages sur le nouvel album de Raphaël et n'ai pu m'empêcher de pousser un "Oh non ! Pas Raphaël". Depuis quand Raphaël est-il devenu cool ? Attention, hein, c'est pas le pire : quand on est programmateur à France Bleu (oui, sachons nommer les coupables), Raphaël, c'est presque une bulle de bonheur quand on doit caser dans la journée les titres de Michel Sardou,   Chimène Badi ou la soupe infâme cuisinée par les so called comédies musicales françaises. On s'étonnera, après, que l'industrie du disque aille mal ; allez à Broadway, vous comprendrez ce que c'est qu'une comédie musicale ! Il n'empêche qu'une fois que vous n'êtes plus programmateur à France Bleu, oublier Sur la route ou Caravane et le timbre nasillard de leur créateur est un bonheur. Or donc, ce serait cool d'écouter Raphaël aujourd'hui. Bon. Je suis donc allé, curieux, écouter Manager, single annonciateur de l'album Super Welter qui sort dans quelques jours. Et ça l'a pas fait du tout. Désolé, là, je vois pas, y a comme un mystère qui m'échappe. Perso, je me dis que si Raphaël n'avait pas fait filmer sa tournée par Jacques Audiard, réalisateur qui, lui, "a la carte", comme on dit, il n'aurait pas de telles faveurs de la presse autorisée à vous dire ce qui est ou pas de bon goût. Mais je peux me tromper et proclamer exactement l'inverse dans une semaine, une fois que j'aurais écouté l'album ? Je revendique le droit à la contradiction la plus totale ; elle fait partie de mon paysage musical. Il n'empêche que Raphaël part avec un à priori défavorable.
On a tous des idées préconçues. Sur les choses, les gens et donc les artistes. Quitte à passer à côté de très jolies choses. Tenez, par exemple, si je vous dis R'n'b, vous allez tous penser à ce truc nauséabond qui coule des radios FM à destination des jeunes (les pauvres !) et vous n'aurez pas totalement tort, le pensant longtemps moi-même. Et si on voyait ça juste comme un moyen d'expression pour certains artistes. Je veux dire que j'aurais vingt ans et serais artiste aujourd'hui, je ne sais pas si, en vivant aux Etats Unis par exemple, je ne ferais pas moi même du R'n'b. Parce que le R'n'b serait alors comme une seconde nature pour moi, un truc dans lequel j'aurais grandi et qui serait, en quelque sorte, ma grammaire, ma langue maternelle, celle allant de soit dans mon mode d'expression . Est-ce pour autant que je serais un mauvais artiste ? Non. The Weeknd, jeune Canadien de 22 ans, est venu apporter de l'eau à mon moulin via la publication de trois albums entre l'année dernière et cette année (qui seront d'ailleurs regroupés sous l'appellation Trilogy à paraître début nobembre). Ses morceaux ont immédiatement envahi les blogs du monde entier, mais c'est le cas de bien d'autres artistes R'n'B et le fait qu'il ait mis ses albums en téléchargement gratuit sur son site y a sans doute largement contribué (maintenant c'est trop tard, fallait vous y prendre avant). Il n'empêche que je suis tombé sur cette musique "à priori" pas à mon goût et que, via le sample malin du Happy House de Siouxsie & the Banshees, je suis rentré dans cet univers (tous les albums étant recommandables).


Ceci étant dit, je ne connaissais pas The Weeknd avant de l'écouter et n'émettais des réserves que sur son style musical. Les préjugés ne seraient-ils pas plus difficiles à combattre s'ils portaient précisément sur l'artiste. Il m'a fallu, dans les années 90, passer cette barrière, que certains croient, hélas, infranchissable, pour jeter une oreille à l'album Bevillacqua de Christophe. Pour moi, Christophe, c'était" Allo Stéphanie / Ne raccroche pas" et "Avec les filles/J'ai un succès fou/ Ouh Ouh Ouh". Ouille ouille ouille. Soient les pathétiques gesticulations d'un chanteur des sixties pour rester au top dans les années 80. Et on avait beau me dire que Le beau bizarre, album paru dans les années 70, était génial, je voyais pas trop le truc dans Les mots bleus ou Señorita, sans doute aussi, parce que je travaillais à Radio France en région (l'ancêtre encore fréquentable des France Bleu) et devais me le coltiner une à deux fois par semaine. J'ajouterais qu'en plus des daubes suscitées (parce que faut pas déconner non plus, on va pas tout réévaluer), Christophe est aussi responsable (il faut dénoncer l'insupportable) de l'épuisante scie Comme une boule de flipper de Corinne Charby dont il suffit d'écrire le titre pour que la chanson reste gravée dans votre tête pour la journée (et si c'est pas le cas, tenez, cadeau). Bref, ça partait mal. Ce qui m'avait intrigué dans l'article que j'avais lu alors, c'était que Christophe avait bossé avec quelques musiciens de la scène Techno, ce qui m'avait poussé à écouter Bevilacqua. Et là, grosse claque : c'était pour moi un des meilleurs albums français de l'année 96. Maintenant, je vais être parfaitement honnête, je ne trouve pas que l'album ait entièrement bien vieilli. Mais c'est le cas de pas mal de sons de synthés de ces années-là. Et il n'empêche que J't'aime à l'envers reste pour moi une petite merveille où Christophe parle d'inverser sa voix, ce qui se produit à la fin du titre mais l'étrangeté de sa voix et de son interprétation, ce côté ovni (décuplé sur la partie où il parle d"un mec qui s'appelait Cannelle/Bizarre pour un mec") font que je ne cesse de me demander si Christophe a chanté l'intégrale de la chanson à l'endroit pour renverser la fin à l'envers, ou bien le contraire. Et vous n'avez qu'à écouter si vous trouvez ma phrase trop longue ou trop compliquée.


Personne n'a écouté Bevilacqua. Sans doute parce que l'ancien public du chanteur était trop déconcerté, et que ceux auxquels il aurait pu parler n'ont pas daigné l'entendre. Là où l'histoire se termine bien pour Christophe, c'est que cinq ans plus tard, avec Comm'si la terre penchait, il a commis plus ou moins le même album (en moins bien, pour ce qui me concerne) avec un tout autre succès, et un statut culte qui ne s'est pas démenti depuis.
Mais comme on n'est pas au pays des Bisounours, ça ne se passe pas forcément comme ça. Cette même année 1996 sort Chaque jour est un long chemin qui est l'inverse de l'album de Christophe, soit un album très acoustique, folk, et signé... Elsa. Oui, Elsa, la nièce de Marlène Jobert, T'en va pas, Quelque chose dans mon coeur et Le beau roman d'amitié avec Glen Medeiros. Aargh ! Sauf qu'Elsa, en 96, a vingt-trois ans et ne se voit pas, elle a raison, continuer à incarner les parfaites petites filles qu'elle n'est plus. Elle veut montrer qu'elle a grandi et qu'elle écoute Joni Mitchell. Grave erreur quand on sait qu'en France, il n'y a qu'un Johnny et non une Joni (c'est peut-être d'ailleurs là un de nos plus grands problèmes). Elle sort donc cet album qu'il était encore possible, jusqu'à il y a peu, de se procurer dans n'importe quelle brocante ou solderie tant son échec fut total. Pour vous poster la chanson qui l'illustre, il m'a d'ailleurs fallu aller la charger sur le Web. Je ne dis pas que tout l'album passe aujourd'hui encore en boucle entre mes oreilles. En revanche, j'ai du écouter un demi milliard de fois (je vis pas avec un gars du Sud pour rien) Les Affaires de Franck et je trouve cette chanson sublimissime.



Aujourd'hui encore, il faut que je me batte contre mes préjugés. Je vais, par exemple, avoir beaucoup, beaucoup, beaucoup de mal à écouter le prochain album de Carla Bruni. Et j'aurais sans doute encore plus de mal à le trouver bien (s'il l'est bien entendu, mais faut pas déconner non plus). C'est dommage car c'est sans doute se priver de certains plaisirs. Pourtant, je sais qu'ils sont bien là, ces terribles préjugés, inscrits dans notre histoire personnelle comme dans notre histoire commune. Je veux dire par là que je ne suis pas le seul à jeter l'omerta sur Elsa ou Christophe. On décide qu'un tel ou qu'un autre n'en vaut pas la peine. Et on, c'est toi, c'est moi, c'est nous. C'est beau comme une chanson de Corinne Charby, ce que je viens d'écrire. Bref. J'aimerais m'arrêter un instant (et m'arrêter tout court) sur une dernière victime de ce rejet collectif. Basé sur le fait qu'il a une tête de gland (ce qui est vrai), que c'est pas un musicien (c'est un DJ, faut pas pousser) et qu'il a commis de nombreuses bouses (c'est vrai aussi), la France prend avec des pincettes (ou une pince à linge sur le nez) le cas David Guetta. Français, je suis, mais con, je ne reste pas. D'abord parce que j'ai raffolé d'Acapella de Kelis sorti il y a deux ans avant même de savoir que Guetta en était responsable. C'est précisément quand j'ai su que c'était lui qui était derrière cette bombe que j'ai commencé à me poser des questions. Car, après tout, si Guetta n'est pas à proprement parlé un compositeurs des plus subtils, il a quand même un don pour les titres foutrement efficaces. Sinon pourquoi ça marcherait PARTOUT dans le monde, hein ? Pour sa tête de burne ? Et puis Sia, l'immense Sia qui chante avec lui deux titres, elle est devenue bête d'un seul coup ? Ben, non. D'ailleurs, en tombant plusieurs fois sur des radios de djeunz (oui, j'écoute les radios de djeunz parfois pour mieux identifier l'ennemi) sur l'intro de Titanium (et avant que la chanson ne devienne un tube immédiatement identifiable donc), je me suis pris à penser : "Tiens, c'est pas mal, ça". Et oui. Et c'est David Guetta. Avec Sia certes, mais David Guetta quand même. Oui, les préjugés ont la vie dure. Dure d'oreille, parfois.


mardi 16 octobre 2012

Suède, 12 points

D'aussi loin que je me rappelle, j'ai toujours voulu voyager en Suède. Je ne sais pas d'où me vient cette obsession. J'ai tendance à la confondre avec mon goût pour Abba, mais, j'ai l'impression que c'est antérieur à ma découverte du groupe. Or deux récentes acquisitions me donnent envie de parler ici de ce pays. J'aurais pu parler, d'une manière plus générale, de la Scandinavie. Parce que les Norvégiens, Danois, Islandais et autre Finnois (si l'on parle de la Scandinavie au sens large) m'ont eux aussi apporté de nombreuses émotions musicales. Mais elles sont si nombreuses que, dans un louable effort de recentrer mon propos, je ne parlerais donc que de la Suède. D'autant qu'ouvrira prochainement un musée à Stockholm, qui, si je ne me trompe pas, devrait être consacré à la pop music de ce pays, à la demande (si je ne me trompe toujours pas) des membres du groupe Abba qui trouvait un peu limitatif de faire un musée seulement autour d'eux. Je ne saurais leur donner tort. D'ailleurs, je me suis toujours demandé si on donnait des cours de pop music à l'école pour qu'un pays qui ne compte que 9 millions d'habitants puisse à ce point compter dans les discothèques du monde entier, et, particulièrement, la mienne. Mon idée sur la question est que vous devez tellement vous faire chier bloqué par la neige en hiver qu'il n'y a qu'écouter et/ou faire de la musique pour faire passer le temps. Résultat des courses, si c'est la première fois que je vous parle de la Suède, c'est loin d'être la dernière.
D'autant que l'un des groupes les plus intéressants qui soit apparu ces dernières années vient de Suède : Miike Snow, qui, méritent à eux tout seul un post en entier. Aussi me permets-je pour aujourd'hui de balayer le sujet avec un remix plutôt chouette de leur Pretender qui vient de sortir, signé Deniz Koyu.



J'ai découvert Little Dragon, comme beaucoup j'imagine, sur l'album Plastic Beach de Gorillaz et sur le morceau Empire ants. C'est mon titre préféré de l'album ; j'adore la façon dont la petite plainte presque acoustique de Damon Albarn devient à la moitié du morceau une ritournelle synthétique envoûtante où plane la voix de Yukini Nagano, la chanteuse de Little Dragon. Je me suis donc précipité sur leur album Ritual Union, l'année dernière, pensant qu'après la rampe de lancement Gorillaz (dont ils ont aussi assuré les premières parties de concert), ils ne pourraient que s'envoler. Ritual Union n'est pas un mauvais album. Pas un excellent non plus. Je n'ai pas eu envie de m'y attarder sans doute parce qu'il n'y avait pas LE morceau qui fait qu'on se retourne, un peu comme sur une jolie fille. Ou un joli garçon. Et puis, il y a quelques semaines, alors que j'écoutais Radio Nova, je tombe en arrêt sur un titre. Je reconnais la voix mais suis incapable de dire d'où elle vient. Je pars sur le site de Nova et me dis : ça y est, Little Dragon tient enfin LE titre. Son tube. Et même si ce n'est que chez moi, je peux vous assurer, au nombre de ses lectures sur mon Itunes qu'ici, Sunshine est un tube.



On pourrait croire, passés ces deux premiers titres, que j'aime les Suédois uniquement dans le registre synth pop. Mais dans un style plus rock, j'aime aussi beaucoup The Mary Onettes. On pourra m'objecter que les Mary Onettes sont de très bons copieurs mais pas des créateurs. Je m'en tape un peu quand l'imitation est à ce point réussie. Je les avais découvert avec le très bon Puzzles, il y a trois ans, où ils m'évoquaient Echo & The Bunnymen, période The Killing Moon.  Mais sur leur dernier EP en date, Love Forever, paru en début d'année, je pense plutôt aux Lotus Eaters. Ce n'est une nouvelle fois pas une raison de bouder le plaisir que procure Love's taking strange ways (bon, j'aime aussi beaucoup A broken heart is a brilliant start mais fallait bien choisir).



L'autre actualité suédoise qui m'a amené ici, c'est la sortie imminente du nouvel album d'El Perro Del Mar, qui comme son nom ne l'indique pas du tout, est en fait le projet de l'unique Sarah Assbring. L'album s'appelle Pale fire, sortira en novembre (mais n'allez pas dire que je l'ai déjà écouté et qu'il est très bien) et est précédé par le single Walk on by. J'aurais d'ailleurs pu, ici, vous poster la chanson mais je préfère vous poster A Change Of Heart, sorti il y a trois ans, et à côté de laquelle, il serait dommage de passer. C'est d'ailleurs ce que j'aurais fait si l'excellent blog musical Said The Gramophone n'avait classé, en 2009, cette chanson en deuxième place de leur best of de l'année, la décrivant comme "un Fleetwood Mac satiné et désespéré". Jolie image, très jolie chanson.



Alors évidemment, vous allez me dire que les Suédois trichent un peu puisqu'ils n'utilisent pas leur langue maternelle quand, à l'instar d'El Perro Del Mar, ils ne vont pas carrément nous faire croire qu'ils sortent de je ne sais quel pays latin. C'est d'ailleurs un reproche qu'on pourrait faire aussi à Veronica Maggio. Or Veronica chante, elle, en Suédois. Là, dans votre tête,il y a peut-être des images du chef cuisinier Suédois du Muppet Show qui se forment. Je le sais parce qu'elles y étaient en ce qui me concerne. Je ne sais foutrement pas de quoi parle Veronica Maggio dans Finns det en så finns det flera (à vos souhaits) mais je sais qu'elle me met à chaque fois que je l'entends d'humeur très joyeuse. Et de reprendre en choeur Finns det en så finns det flera qui est un peu une formule magique façon Supercalifragilisticexpiadélicieux de Mary Poppins.



Je ne suis toujours pas parti en Suède. Il faudra quand même que je me renseigne pour connaître le prix du vol pour Stockholm.

lundi 15 octobre 2012

Anonymes

A l'heure où je vous parle/écris, je suis en train de mettre au point une page d'accueil pour ce blog : un truc dingue où chaque lettre de "C'EST UNE VIE" sera faite de pochettes de disques. Wouahou ! Bon, j'en ai marre de cette police, que, certes, j'ai choisi parmi d'autres, mais qui reste une police comme tant d'autres et l'idée d'illustrer par des pochettes de disques m'a paru, si ce n'est révolutionnaire, du moins adéquate. Et puis merde à la fin, je fais ce que je veux, na !
Toujours est-il que pour ce qui sera, à n'en pas douter, une oeuvre majeure du XXIème siècle, j'ai ressorti mes 45 tours du grenier. Au départ, me suis-je dit, j'allais uniquement prendre les pochettes qui parlent à tout le monde. Sauf que ce qui fait de moi l'auditeur que je suis, ce qui est plus ou moins, je vous le rappelle, l'identité de ce blog, c'est aussi les disques qui ne parlent qu'à moi ou, en tout cas, peu aux autres. Et de tomber sur une liste d'anonymes au plus grand nombre mais qui sont chers à mes oreilles. D'autant qu'il y a quelques années (sacrilège !), j'ai revendu une grande partie de ma collection de vinyles ; j'en avais marre, au gré de mes (très) nombreux déménagements, de porter des caisses lourdes bourrées d'objets que je n'écoutais plus. Ce qui veut donc dire que ce qui est là était assez important pour que j'ai envie de les garder ; oui, bon, aussi parce que ça n'avait sans doute aucune valeur marchande, mais c'est un détail. J'ai déjà posté ici les singles d'Yvonne Heim et de Sense et, tout comme ceux-ci, il est clair que les titres qui vont suivre vont me (vous ? nous ?) replonger dans les années 80.
Premier de ceux-là (parce qu'il en faut bien un, hein, pas de notion de préférence), Leisure Process, un duo anglais qui sortit 4 singles au cours de sa carrière longue de deux ans (!). J'en possède trois. C'est dire si je suis un grand malade parfois. Leisure Process, c'était quand même, pour moitié, Gary Barnacle, très grand joueur de saxo qui a aussi bien joué avec Bowie, Simple Minds ou Siouxsie and the Banshees qu'avec Julien Clerc et Alain Bashung (plus une flopée d'autres à découvrir ici). J'ajoute que tous les singles de Leisure Process ont été produit par Martin Rushent, très grand producteur de ces années là à qui l'on doit le son de plusieurs albums des Stranglers, de Téléphone ou de Human League. C'est bien évidemment à ces derniers que font penser Leisure Process et qui dit que l'Histoire ne se serait pas écrite autrement si Love Cascade n'était pas sorti après mais avant Don't you want me des Human League ?



Comme je sens bien que vous êtes fan, je vous ai même trouvé un lien pour le télécharger. Non, non, ne me remerciez pas.
A la même période, Ronny réalisa, elle, trois singles entre mars 1981 et avril 1982. C'est cette fois, Rusty Egan d'Ultravox qui lui mit le pied à l'étrier. M'est avis qu'il lui a mis bien d'avantage mais c'est une autre histoire. Enfin non, pas tout à fait, car Ronny était mannequin et hantait les boites entre Londres et Paris avec un total look garçon et un maquillage digne des grandes heures de Visage. Oscillant entre ces deux pôles, son dernier effort discographique, To have and have not révélait son bel accent germanique façon Marlene Dietrich. Sauf que Ronny n'était pas du tout allemande mais bien française ; c'est peut-être là qu'il y a eu un problème et, à la problématique posée par le titre de sa chanson, Ronny, en fin de carrière, put désormais répondre : have not.


C'est aussi à la France que l'on doit Via Viva, là encore immense carrière : deux singles, l'un en 1983 et l'autre en 1984 (avec, quand même, pochette de Mondino - quoiqu'à l'époque, on peut avoir l'impression que toutes les pochettes étaient signées Mondino). Comme je suis quand même assez marteau, j'ai bien entendu, là encore, les deux 45 tours. Je crois quand même préférer le premier, Propaganda, où, tous synthés dehors, Via Viva évoque, pour le meilleur, Taxi Girl, et, pour le pire, Partenaire Particulier et c'est peut-être là que ça a coincé.



Les synthés prédominent toujours chez Intaferon, duo britannique dont je ne sais pas grand chose si ce n'est que leur chanteur Simon Fellowes abandonna le duo pour tenter une carrière solo sous le nom de Simon F, avec toujours autant de chance. Baby Pain fut le troisième et dernier single d'Intaferon. Très jolie pochette et une bonne chanson. La preuve (et quelle preuve !) : Simon F l'a reprise sur son album.



On arrive, du moins à mon sens et à mon goût, à nettement plus sérieux avec I Start Counting dont j'avais acheté le premier single, Letters to a friend, en Angleterre. Je le sais parce que, bien qu'il s'agisse d'un 45 tours, il y a un petit trou qui fait qu'on avait pas besoin d'un centreur, comme c'était le cas en France. C'est Mute, le label de Depeche Mode, qui avait signé ce groupe et c'est assez logique, étant donné leur son. Le groupe a aussi sorti un album My translucent hands que j'avais aussi acheté tant j'étais tombé sous le charme de Letters to a friend. L'album était pas mal (surtout la chanson titre à mon souvenir), mais bon, pas  assez pour porter mon interet sur la suite de la carrière de I Start Counting, qui, avec la vague techno se rebaptisa Fortan 5, pour finalement devenir Komputer, suite à une première partie assurée pour Kraftwerk. On nage donc également dans les claviers millésimés mais il se dégage de Letters to a friend, un charme intact à mes oreilles ; là où les chansons qui précédaient s'ancrent dans leur époque et réveille en moi des souvenirs, Letters to a friend a toujours une résonance plus intime.



En faisant des recherches pour ce post, j'ai trouvé une vidéo de l'année dernière où I Start Counting (enfin Komputer donc) reprend son succès (si l'on peut dire) séminal. Mal filmé, on y voit (mal) les deux compères dans ce qui semble être un pub, une bouteille de bière accolée au synthé Korg d'un des deux duettistes et c'est assez pathétique pour que je me passe du lien ici. Z'avez qu'à le chercher si vous êtes curieux.
Curieux, c'est précisément l'adjectif que j'utiliserais pour parler du dernier 45 tours que j'évoquerais ici, soit Love has passed me by de Rock Goddess. A priori, rien, je dis bien rien ne me prédisposait à écouter ce titre puisque Rock Goddess est un trio féminin de Hard Rock qui fit notamment les premières parties d'Iron Maiden. Aïe ! Mais, à l'époque, j'écoutais à peu près tout ce qu'on recevait dans la radio libre où je travaillais et je pense que le tirage limité à 1000 exemplaires dans un vinyle bleu (mazette !) m'a incité à poser le disque sur ma platine. Et là, choc : Love has passed me by est une ballade à la guitare nimbée d'écho qui évoque bien plus This Mortal Coil ou les Cocteau Twins que Scorpions.



Pourquoi et comment ce groupe a pondu ce morceau demeure un mystère, mystère bien entretenu par le fait que ce disque, que l'on doit pourtant à un groupe anglais, ne sortit qu'en France. A l'époque Rock Goddess avait des problèmes financiers et contractuels avec sa maison de disque à la suite desquels elles durent changer de nom mais aussi, donc, voir relégué leur album aux oubliettes d'une sortie exclusive et forcément confidentielle en France.
Ce ne sont pas, contrairement à ce que certains penseront, des scories de ma discothèque mais bien des morceaux qui, eux aussi, m'auront construit, tout comme d'autres, plus recommandables. Ce que je trouve toujours étonnant, aujourd'hui, c'est de constater qu'ils ont tout de même été assez importants pour que des personnes, à travers le monde, aient pu aller les numériser et les poster sur Youtube ou Soundcloud. D'accord il n'y a que 25 vues affichées pour le Love has passed me by de Rock Goddess. Mais 25 qui font qu'aujourd'hui, je me sens quand même un peu moins seul.