Comme l'écrivait cette journaliste du Daily Telegraph dans ce post l'année dernière, ce difficile second album a toujours été le croque mitaine de la pop" car, poursuit-elle, il peut "faire ou briser le restant d'une carrière". That difficult second album est une expression que j'ai lue et relue au cours des nombreuses années où j'ai pu lire de la presse spécialisée anglo-saxonne et, si le concept existe aussi en France, il ne donne pas lieu à ce qu'on peut réellement considérer comme une expression de la presse écrite outre Manche. Une figure de style pour les journalistes sur laquelle je m'étais déjà penché ici même et, plus encore donc, un passage obligé pour les artistes, ce qui me fait dire que je n'ai pas fini de m'étendre sur le sujet... Qu'attend-t-on au juste d'un second album ? A mon avis, qu'il soit meilleur que le premier. Finalement, c'est assez simple d'attirer l'attention sur soi avec un premier album : l'attrait de la nouveauté attire les regards même sans une formule géniale ou totalement novatrice. Suffit d'un peu de travail. Or, un premier album, finalement, c'est le fruit de toute une vie, soit un assez long travail. En tout cas de toute votre vie jusqu'à ce premier album. Un second album, c'est le fruit d'une, deux, voire, comme nous allons le voir ici, trois années. Or, il va falloir, en trois ans, faire mieux que durant le reste de votre vie. Ecartons tout de suite ceux qui font moins bien au second essai qu'au premier en prenant le cruel exemple de Delphic. C'est donc en 2010 qu'est apparu Delphic adoubé par les critiques rock du monde entier car ce groupe de Manchester avait retrouvé une formule qu'on croyait unique, propriété d'un autre groupe de Manchester : New Order. Delphic faisait du New Order. Mieux, Delphic faisait du bon New Order.
Mais Delphic a du en avoir marre de s'entendre dire qu'ils étaient les nouveaux New Order à longueur de temps. Il fallait que ça change. Du coup, ils ont élargi leur champ de références à la synthpop des années 80, se rêvant sans doute en Duran Duran contemporains. Sauf que Baiya, qui, au demeurant, n'est pas totalement désagréable, les fait très clairement reculer d'une case, et annonce hélas clairement la pauvre qualité de l'album Collections à sortir lundi prochain. Du coup, c'est un peu comme si, au lieu d'être resté le groupe qui fait du New Order, Delphic devenait le groupe qui fait du Alphaville. Big in Japan, on leur souhaite, big ailleurs, on en doute.
C'est aussi il y a presque trois ans (quatre pour être précis - c'était en 2009) que l'on remarqua pour la première fois Wave Machines qui sort aujourd'hui même son second album, Pollen. C'était vraiment pas mal la musique pop rock matinée de synthés rigolos de Wave Machines et ça l'est d'ailleurs toujours comme on peut en juger sur I hold loneliness, extrait dudit album.
C'est gentil, c'est mignon et c'est bien là le problème : on n'attend pas du gentil, du mignon pour le second album. On attend du magnifique, de l'énorme ; faut envoyer le bois. C'est d'autant plus problématique pour Wave Machines qui partait avec un gros atout et donc avec le recul du temps, un gros handicap : un énorme single. Or il n'y a pas d'énorme single sur cette nouvelle mouture, rien qui tienne la comparaison avec leur formidable et initial effort Keep the lights on, la véritable raison, si vous voulez mon avis (et vous ne sauriez pas en train de lire ces lignes si ce n'était pas le cas), de l'engouement qu'avait suscité les Wave Machines.
Retour à 2010 avec un autre groupe anglais : c'est pas ma faute, c'est l'actualité. A vrai dire, je n'avais pas retenu grand chose de Man Alive, le premier album d'Everything Everything. C'est peut-être d'ailleurs la clé de la réussite de votre second effort : qu'on ne retienne pas grand chose du premier de sorte que vous ne fassiez pas naître de fols espoirs chez ceux qui vous auront aimé la première fois. Or Everything Everything n'avait rien fait naître chez moi qu'un peu de plaisir avec l'agréable (mais derrière agréable, il y a souvent "sans plus") My kz, ur bf, soit My Keys, Your Boyfriend dans un style savamment écourté.
Et puis voici que l'été dernier, le nom d'Everything Everything fleurit sur les blogs musicaux un peu partout avec le single Cough Cough. Ce n'est pas un autre groupe, on reconnaît bien le style esquissé sur leur premier album, mais, précisément, ce n'est plus une esquisse. C'est un style affirmé, poussé jusqu'au bout de sa logique, avec beaucoup d'ambition. Cough, cough, soit pour les moins non anglophones, Tousse Tousse, et, effectivement, ça tousse dès les premières secondes et si l'on tousse, c'est parce qu'on s'étrangle, tant Everything Everything semble avancer à pas de géants.
Bon, c'est pas tout d'être ambitieux : il faut se montrer à la hauteur de ses ambitions et c'est là où Everything Everything gagne son pari, et passe donc le cap de that difficult second album. Arc est brillant de bout en bout. Il l'est tellement que je me suis dit, en l'écoutant, que l'année 2013 avait vraiment commencé. Car, jusqu'à présent, nous en étions tous, moi le premier, à nous remémorer les bons moments de l'année dernière. Ca y est, c'est bien fini : je passe à autre chose, Everything Everything donc, le premier grand album de cette année 2013, tant il est clair, dès à présent, qu'on devrait s'en souvenir à la fin de l'année et souhaitons le, au delà. Un bonheur n'arrivant jamais seul, lundi dernier toujours est sorti {Awayland} des Villagers, l'autre album qui nous plante dans le présent de cette année et non dans le passé de l'année dernière. Des Villagers, le groupe de l'Irlandais Conor O'Brien, je n'attendais strictement rien et pour cause : je suis passé totalement à côté du premier album sorti il y a trois ans aussi. J'avais fait connaissance avec sa production via la très avisée Charlotte Gainsbourg qui lui demanda et obtint sa collaboration pour le titre Memoir en 2011.
Je pourrais du coup détourner à mon compte le refrain de Nothing arrived, le premier single extrait du nouvel album des Villagers : je n'attendais rien et tout est arrivé. Sauf que l'écriture de Conor O'Brien est nettement plus maline et réussie puisqu'il chante : "I waited for something/ And something died/ So i waited for nothing/ And nothing arrived", ce qui me réjouit assez pour un, ne pas vous en offrir la traduction parce que bon, faut pas déconner, quelques notions d'anglais, ça n'a jamais fait de mal à personne, et pour deux, lui décerner illico la palme du meilleur refrain de l'année 2013.
Ce qu'il y a de formidable dans cette chanson, c'est qu'elle vous tient jusqu'à la fin. Elle atteint même des sommets à la fin quand entrent dans la partie les violons, aux alentours de 3', et qu'avec la voix de Conor O'Brien, s'envole la chanson vers des hauteurs insoupçonnées. Comme si les Villagers avaient placé la barre encore plus haut. That difficult second album, c'est ça d'ailleurs : placer la barre encore plus haut et arriver à la franchir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire