mercredi 16 janvier 2013

Récurrence

Comment parler de ce qui m'est arrivé aujourd'hui alors que je m'apprêtais à écrire un post sur Big Star ? D'une étrange coïncidence ? D'un curieux hasard ? J'utiliserais plus en l'occurrence le terme de récurrence. Dans son sens premier pour le Robert, soit "un retour, une répétition", mais aussi, quelque part, au sens médical défini par ce même Robert par la "reprise d'une maladie infectieuse due au réveil du pouvoir pathogène de germes déjà présents dans l'organisme (distinct de la rechute et de la récidive)". Je ne suis pas au lit avec 39 de fièvre, hein ; les germes présents dans mon organisme étaient musicaux et d'ailleurs, je ne savais même pas que j'étais malade. Mais prenons les choses dans l'ordre. Big Star est un groupe américain des années 70 cultissime chez nombre de musiciens. Le magazine Rolling Stones, par exemple, écrit en juillet 2010 que Big Star est à l'origine d'un travail qui n'a "jamais cessé d'inspirer des générations de rockers de la fin des années 70 à aujourd'hui". R.E.M. les a toujours cité comme une de leurs plus importantes influences. Pourtant vous seriez bien incapable, je pense, de me chanter, à moins d'être pointu, une chanson de Big Star. A vrai dire, la seule chanson rentrée dans la mémoire collective d'Alex Chilton, le leader du groupe, est celle qu'il chanta, à l'âge de 16 ans, au sein de son précédent groupe, les Box Tops : The letter. J'aurais pu choisir une autre vidéo que celle qui suit mais l'incident son et image qui arrive aux alentours d'1'20" donne finalement pas mal d'étrangeté et d'inconnu à une chanson que vous connaissez par cœur.


The Box Tops - The Letter par scootaway

Je n'ai connu Big Star que dans les années 80. Et encore... Car ma rencontre avec leur musique date de la reprise de deux de leurs chansons qui furent faites en 1984 par This Mortal Coil, sur le premier album du collectif de la maison de disque 4AD. Et si je savais qu'on leur devait Holocaust et Kangaroo, longtemps les seules versions que j'ai connues de ces titres furent, précisément, celles de This Mortal Coil.



Des années plus tard, en mars 2010, Alex Chilton disparaît. Sa mort fait naître une flopée d'articles sur le Net. Et c'est alors, pour la première fois, que je tombe sur une chanson de Big Star. Plus exactement que je tombe amoureux d'une chanson de Big Star. La chanson s'appelle Thirteen et c'est sans doute l'une des plus belles et des plus simples chansons d'amour adolescentes que je connaisse. Fragile et magnifique et, à mes oreilles, totalement intemporelle, tant elle pourrait faire partie, telle quelle, de n'importe quel album sortant ces jours-ci.



Ma réflexion fut alors de penser que je passais forcément à côté de quelque chose, vu la force de ces chansons. Or, après écoute, rapide certes, mais écoute quand même, je m'aperçus que non. Il n'y a guère qu'une poignée de chansons qui me convainquent vraiment sur ces trois albums et je laisse à d'autres le plaisir de s'en gaver. Très peu pour moi, merci. Allez savoir pourquoi, deux neurones se connectant dans les tréfonds de mon cerveau sans doute, je repense alors à The Innocents. Non, pas les Innocents, le groupe français, mais un petit groupe américain que j'avais découvert en 1982, l'âge de mes Thirteen, sur la radio dans laquelle je bossais déjà. C'était un single. Un 45 tours qui avait tellement su me charmer, que, des années plus tard, là encore, en trouvant l'album au fin fond de je ne sais quelle solderie, je m'étais précipité pour l'acheter. Ne serait-ce que pour me remettre dans l'oreille cette chanson mais dans le secret espoir, aussi, de trouver d'autres merveilles sur cet album. J'ai été très déçu. Aucune n'avait la force, l'ambiance de Hold my hand. Evidemment il y a des moments sur cette chanson que j'aime moins que d'autres, quand les guitares et la batterie s'en mêlent par exemple (sans parler du solo imbitable). Il n'empêche : je trouve toujours cette chanson magnifique aujourd'hui et suis persuadé que sa beauté apparaîtrait à tous si on la déshabillait de ces arrangements d'époque. Faites un effort et imaginez la donc ainsi.



Je ne suis pas le seul à me souvenir de The Innocents puisqu'outre le fait que cette chanson fut postée sur Youtube, j'ai trouvé leur nom dans quelques blogs comme celui-ci qui avoue son amour pour l'album. Il faut dire que quelques américains se souviennent encore de ce groupe via un documentaire diffusé à la télévision américaine où l'on suivait leur parcours depuis les petites salles de concerts jusqu'à la signature du contrat avec une maison de disques. Maison de disques qui les vira juste après devant le flop de cette chanson comme de leur album. Je ne me suis jamais demandé ce qu'étaient devenus The Innocents jusqu'à présent. C'est à dire jusqu'à ce post et la lecture du blog mentionné plus haut. Or, si la plupart des membres du groupe ont disparu de la circulation, il n'en va pas de même de Tommy Newman, en charge des claviers dans The Innocents. Et à la réflexion, ce sont bien ces claviers alliés à cette voix en forme de plainte qui instaurent toute l'ambiance de Hold my hand, qui lui insuffle toute sa beauté à mes oreilles. Tommy a repris son prénom de baptème : Thomas. Thomas Newman, grand compositeur de musiques de films, pour lequel j'avouais ici même, il y a un peu plus de deux mois, ma grande admiration. Sans savoir qu'il était responsable de quoique ce soit dans ce petit miracle de 1982, resté gravé dans un coin dans ma mémoire. Ce qui n'apparaîtra donc que comme un hasard ou une coïncidence à certains me plonge dans des abimes de réflexion. Mon attachement aux musiques de Thomas Newman date-t-il de, mettons, Six feet under ou American Beauty ou bien avait-il déjà, bien plus tôt, planté une petite graine, quelques germes attrapés en lui tenant la main (Hold my hand, je le rappelle, pour les moins attentifs) qui ne demandaient qu'à être réveillés ?

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