mercredi 23 janvier 2013

Sprechen sie Deutsch ?

J'avouais ici il y a peu de temps mon amour pourtant inavouable pour Nena (attention, hein, le premier album). Hier, on célébrait les cinquante ans de l'amitié franco-allemande qui ont donné lieu à un paquet de reportages depuis Berlin. Depuis le début de ce blog, je m'étonne d'un gros following allemand (l'ami d'un ami ? Mon double allemand ?) car oui, on peut voir d'où ce blog est lu. Enfin, hier, au hasard de la lecture d'un dispensable polar autrichien, le héros se retrouvait à écouter Falco. Stop ! N'en jetez plus : tout m'incite à parler ici de mon rapport à la musique allemande. Remarquez, ça va aller vite : je n'ai pas de rapport avec la musique allemande. Je veux dire pas de rapport régulier, d'artiste dont je suis la carrière avec attention. Cela ne veut pas dire que l'Allemagne n'occupe pas une place à part dans mon rapport à la musique. J'ai du faire mon premier voyage en Allemagne dans le cadre d'un jumelage alors que j'avais douze ou treize ans, soit l'âge où j'ai aussi commencé à faire de la radio et l'âge officiel auquel on devient teenager, thirteen succédant à twelve. Ou, en l'occurence, dreizehn à zwölf. J'avais donc les oreilles grandes ouvertes lorsque je débarquais à Balingen chez ma correspondante Heike. Et la chance me souriait car si l'Allemagne n'a pas franchement marqué l'histoire rock de son empreinte (enfin pas trop), j'arrivais en Allemagne en pleine Neue Deutsche Welle, soit la Nouvelle Vague Allemande qui culmina à travers le monde via Nena donc et Falco itou et leurs tubes respectifs, 99 Luftballons et Der Kommissar, en allemand dans le texte s'il vous plaît (à l'exception des Américains qu'il a fallu convaincre à coup de Redballoons et d'une reprise par les After The Fire de la chanson de Falco). Ce n'était que la partie visible d'un gigantesque iceberg dont on ne pouvait mesurer l'ampleur qu'en se rendant sur place. Et je me gavais. Car s'il y avait déjà des spécialistes de new wave, rock, punk, et, grosso modo, tous les styles imaginables sur ma petite radio libre, il n'y avait pas de spécialiste de Neue Deutsche Welle, ce que je devins et fis, au départ, une de mes spécificités. J'étais pour la première fois un relais, ce que j'aspire à être encore aujourd'hui, et donc une première fois, forcément, ça ne s'oublie pas. Ca ne s'oublie d'autant pas que ça s'accompagnait d'une cassette que j'ai du traîner des années durant de déménagement en déménagement, et, maintenant que j'en parle, qui pourrait très bien se trouver encore en ma possession (ça fait combien de temps que vous n'avez pas regardé vos cassettes, vous ? Et d'abord, vous avez encore un magnéto pour les jouer ?). Son titre : Neue Deutsche Welle. Et oui, évidemment, il y a beaucoup de choses qui ont vieilli sur cette cassette : n'allez pas - ou alors, c'est que vous aurez fait un voyage de la même nature et que vous voudrez vous remémorer des souvenirs - écouter Skandal im Sperbezzirk du Spider Murphy Gang, Einmal nur mit Erikah d'Hubert Kah ou Ein Jahr (es geht foran) de Fehlfarben (encore que cette dernière..). Autant de morceaux que je connais pourtant par coeur tant j'ai passé et repassé cette cassette. Mais tout n'a pas si mal vieilli sur cette cassette. Il y a même un morceau devenu culte : Eisbaer de Grauzone (qui fut bien plus le groupe de Martin Eicher que de son frère Stefan, comme dit par la suite, Stefan ne faisant alors qu'accompagner son frère sur scène, et, parfois sur disque, à l'instar de la saxophoniste nommée, ça ne s'invente pas, Claudine Chirac, comme le livre leur note biographique Wikipedia, ce qui me fait faire une parenthèse d'autant plus monstrueusement longue qu'elle vous prive du premier titre de musique de ce post, ce qui veut dire qu'il serait temps que je la ferme - moi, comme la parenthèse).



Avouez qu'il en jette encore le petit morceau post punk qui fait qu'on s'en fout complètement qu'il chante qu'il "voudrait être un ours polaire parce que les ours polaires ne doivent jamais pleurer" (sic). Vous allez me dire que je triche, que le groupe était suisse allemand. Mais c'est bien en Allemagne que ce titre chanté en Allemand est devenu un tube d'où présence sur la cassette. En Autriche aussi, rajouteront les plus pointus. Mais on y parle allemand, non ? D'ailleurs, c'est bien pour ça que je classe l'Autrichien Falco dans la catégorie des chanteurs allemands. Là, c'est le 45 tours que j'avais ramené d'Allemagne, fier d'avoir été l'un des premiers à l'avoir détenu quand le single était devenu un tube ici. Ce qui fait que j'ai aussi suivi la suite de la carrière de Falco ou, plus exactement, l'album qui suivit. Et je me suis toujours étonné du peu de succès (sauf, allez savoir pourquoi, en Espagne) du single suivant qui offrait une alternative crédible et teutonne au Bowie de Let's dance : Junge Roemer.



Vous aurez reconnu que le son n'est pas le même que Grauzone et qu'on est déjà un peu plus dans la copie que dans une véritable expression musicale originale (ça fait un peu savant pédant comme formule mais bon, vous m'aurez compris). Il faut dire que la Neue Deutsche Welle, vous savez le gros iceberg, eh bien il avait fondu. Je m'en suis aperçu lors d'un autre voyage en Allemagne, qui me conduisit de Cologne à Hambourg en passant par une troisième ville dont je ne me rappelle plus. Je me rappelle toutefois très bien le but de ce voyage : j'avais gagné une bourse de l'Office Franco Allemand pour la Jeunesse à qui j'avais soumis un projet de reportage sur... la Neue Deutsche Welle. Un projet dans lequel je ne me serais jamais lancé sans la participation d'une camarade bilingue, mon allemand, malgré huit ans de pratique, en première puis en seconde langue, s'étant hélas échoué sur les cas masculin, féminin et neutre (pourquoi neutre? Croyez que c'est déjà pas assez compliqué avec le masculin et le féminin !?). Durant le voyage, j'appris donc que ce qu'on appela la Neue Deutsche Welle ne dura au mieux que quelques mois : devant les quelques succès internationaux, les maisons de disques s'étaient mis à signer et sortir tout et n'importe quoi jusqu'à la rapide saturation du marché et la belle mort de la vague. Dès lors, mes rencontres musicales avec l'Allemagne se firent plus occasionnelles et, euh, moins allemandes. Car si j'ai adoré l'album de Propaganda, il était en anglais et produit par des Anglais. Moins connues, les soeurs Humpe, Annette et Hinga, dont le nom de scène était donc Humpe Humpe (prononcez Oumpeu Oumpeu) ont sorti la même année un très mignon premier album auquel participa notamment Martin Gore de Depeche Mode. Mais ma chanson préférée sur l'album reste Yama-ha, fausse chanson japonaise où Humpe Humpe énumère de grandes marques japonaises. On est en droit d'apprécier encore un peu (oumpeu).



Evidemment tout cela peut paraître bien mineur par rapport à des artistes bien plus "respectables" que sont Kraftwerk ou Nina Hagen. Mais ces deux artistes ne sont jamais rentrés dans mon intimité musicale. Prenons Kraftwerk pour commencer. Je comprends bien tout ce qu'ils avaient de novateur et tout ce que la scène électronique leur doit. Je comprends qu'on éprouve du respect donc pour Radioactivity. Mais moi, Radioactivity me fait chier, comme à vrai dire, la majeure partie de la production de Kraftwerk. Evidemment il faut bien qu'il y ait une exception à la règle : cette exception, c'est Das Model (et pourquoi Das ? Pourquoi pas Die ? ou Der ? Putain de cas !) que je peux écouter en boucle sans jamais me lasser.



Quant à Nina Hagen, je dois bien avouer qu'à l'époque d'African reggae, le petit garçon de dix ans que j'étais était bien plus effrayé par cette dame qui faisait un peu peur, avouez, qu'autre chose. Je n'ai apprécié que plus tard cette chanson. J'ai beaucoup aimé et beaucoup dansé sur New York, New York, mais le mieux pour moi, chez Nina Hagen, c'était Band, car quand Nina Hagen est apparue, on pouvait lire (en tout cas sur ses deux premiers albums) : Nina Hagen Band. C'est ce Band qui a signé African reggae et ce même Band qui est devenu, après que Nina se soit séparée d'eux, Spliff. Spliff, dont j'aime encore aujourd'hui plusieurs titres, dont Das Blech, sorti en 1982, qui, en quelque sorte, annonçait avec deux ans d'avance (et, à mon goût, autrement plus de talent) le Din daa daa de leur compatriote George Kranz.



Puisque nous en sommes là, Din daa daa, la piste de danse, tout ça, tout ça, j'ai eu un passage obligé par l'Allemagne une décennie plus tard au moment où la Techno faisait naître la Love Parade outre rhin et des barrages de gendarmes chez nous. Je me souviens nettement d'une compilation Esprit de Jeunesse qui rassemblaient une flopée d'artistes allemands et ne peux, aujourd'hui encore, me lasser du Ready to flow de Nikolaï. Je sais bien ce que la plupart d'entre vous vont penser mais je le prouve encore une fois : il faut aussi assumer ses mauvais goûts. Dont acte.



En ce qui concerne les musiques électroniques - l'héritage conjoint de Kraftwerk et Giorgio Moroder, j'imagine, les Allemands ont toujours su tirer leur épingle du jeu comme avec Paul Kalkbrenner, dont je suis loin d'apprécier toute la production mais suis totalement sous le charme de l'étrange Dockyard.



Et maintenant, où en sommes-nous (oui, Where are we now ? comme le chante Bowie, évoquant un Berlin fantomatique, mais Où en sommes nous/ Où en sommes nous ? comme le chantait aussi Souchon, il y a pile vingt ans dans Le zèbre), moi et l'Allemagne (je sais qu'on dit "L'Allemagne et moi" mais le blog étant quand même un joli exercice égocentré voire narcissique, permettez-moi la formule et cette nouvelle parenthèse)? Eh bien nous en sommes comme tout le monde, dans le monde, ou si vous préférez, au temps de la mondialisation. Soit donc une époque à laquelle si un Allemand veut être connu d'un Français, et un Français connu d'un Allemand, et au-delà, dans les deux cas, il vaut mieux qu'ils chantent en anglais. D'où des groupes dont les spécificités se font plus stylistiques que géographiques (vous avez vu, j'ai repris mon petit ton savant pédant). Par exemple quand tout le monde a adoré l'album de The Notwist, Neon Golden, il y a plus de dix ans, combien se sont souciés de savoir que le groupe était allemand ? Et de toutes façons, était-ce important de le savoir ? Si je vous en parle, c'est parce qu'ils sont, ma dernière aventure sonore germanophile en date puisque tombant par hasard il y a deux ans, sur ce morceau pourtant sorti dix ans plus tôt, je me dis que c'était vraiment chouette Pilot, leur single. Or, me souvenant parfaitement du déluge d'éloges reçues par leur album, je m'empressais il y a un mois de l'acheter en le trouvant dans une solderie, en me disant que j'étais forcément passé à côté de quelque chose. Mais, euh, non.



Il est donc fort probable que mes prochaines aventures au sein du son allemand s'inscriront dans le grand tout de ma découverte de la musique globale anglophone (putain, la phrase !). Et quelque part, ça fait un peu chier (oui, c'est pour atténuer l'effet de la phrase précédente). Parce que, même si, comme tout le monde, je ne trouve pas une infinie beauté à la langue de Goethe (c'est évidemment un euphémisme), je ne pourrais imaginer la chanson de Profil chantée autrement. Une chanson sur la cassette. Une chanson chantée d'une voix timide, avec des pianos plongés dans l'écho, sur un rythme marqué. Une chanson qui pue les années 80. Et c'est pour tout ça que je l'adore. En VO. En allemand, Ich liebe dich. Schön conclusion, nein ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire