jeudi 17 janvier 2013

Maintenant ou jamais

Cela faisait un moment, pardon, neuf jours que je me demandais si j'allais parler du dernier Bowie. Mon hésitation ne venait pas de Bowie lui même dont j'ai déjà parlé ici, mais bien plus de ce Where are we now ? et de toute l'agitation qu'il a su créé. D'ailleurs, d'un point de vue marketing, chapeau l'artiste : une vidéo postée sur le Net et il se retrouve à la une de tous les journaux, y compris du vingt heures en France, mais aussi en tête des ventes d'albums sur Itunes, ce qui est assez fort pour un album en précommande. Quand on pense d'ailleurs aux millions dépensés en pub par d'autres sans le dizième du résultat, ça laisse songeur. Du coup, tout ça avait un peu des allures de Bowiethon : pauvre David qui était malade mais qui revient en forme et, double cerise sur le gâteau  avec Tony Visconti, le producteur historique, et avec un texte faisant ouvertement référence à la trilogie berlinoise de la fin des années 70, l'album à venir, The next day, détournant même au passage la couverture du mythique Heroes.



A vrai dire la stratégie de l'absence est toujours payante. D'ailleurs, une semaine seulement après Bowie, Justin Timberlake a provoqué peu ou prou le même engouement en publiant à son tour sa nouvelle chanson, annonciatrice de l'album à venir, lui aussi, en 2013, le premier depuis sept ans. Mais, à la différence de Bowie, j'ai trouvé la nouvelle chanson de Timberlake dans le classement des titres les plus appréciés parmi ceux postés par les blogs musicaux à travers le monde. C'est le fameux classement Hypem, dont j'ai déjà parlé à de nombreuses reprises mais dont je vous rappelle le principe : le site Hypem référence pas mal de blogs à travers le monde se faisant écho de leurs trouvailles musicales. Les internautes peuvent alors se rendre sur le site et attribuer un cœur aux morceaux pour afficher leurs préférences : c'est le classement. Or, Timberlake arrive à la deuxième place avec Suit and tie quand Bowie arrive... nulle part dans les 50 premières places. Ce n'est pas que Suit and tie soit meilleur que Where are we now (j'ai plutôt tendance à penser le contraire): ils ne jouent tout simplement pas dans la même cour. Toutefois, si je dois encore lier les deux dans la même phrase, c'est parce que le dernier morceau de Timberlake qui m'ait vraiment intéressé est un remix tout comme Bowie. Le My love de Timberlake a été brillamment détourné en morceau house par Fet  & Moi devenant, au passage, Paris is for lovers (mais ne vous y trompez pas, derrière le patronyme français et le titre évoquant la capitale, se cachent, si je ne me trompe, des Allemands).



Quant à Bowie, la dernière fois que ça m'a vraiment passionné, c'était il y a vingt ans, via ce fabuleux remix de Jump they say qui m'avait fait espérer, un temps, qu'il se tourne vers la techno. J'avais oublié qu'il s'agissait bien plus de l'oeuvre des Leftfield, les remixeurs, que du remixé.



Tout cela, vous me direz, ne fait pas franchement avancer le schmilblick. Enfin plutôt, vous allez me dire : "Mais qu'est-ce que t'en penses du dernier Bowie ?" Ben en fait, pas grand chose. Surement pas en tout cas l'extase qu'il semble avoir provoqué chez tous ses fans, pour qui il est interdit de critiquer ce morceau crépusculaire, cette ballade sombre, bla bla bla... A vrai dire, je ne sais pas si c'est le fait que le morceau soit réellement réussi qui provoque une telle pâmoison ou, bien plus, qu'il ne soit pas raté. Et après dix ans d'absence, c'est quand même le minimum syndical, non ? D'ailleurs n'est-ce pas ce qui me gêne fondamentalement : que Bowie ne propose que le minimum de ce qu'on attend de lui ? Minimum mais effet maximum, comme je l'ai déjà dit plus haut. Sauf donc, comme dit plus haut également, sur ces petits merdeux qui créent la hype sur Hypem et qui ne se signent pas devant Saint Bowie. Blasphème. Bon, allez, parce qu'on est sympa et pour les quelques uns qui auraient loupé le Grâal, rappel des faits.



Non, elle n'a rien de mal cette chanson. Elle est juste d'un grand classicisme. Elle est tellement classique que si l'on n'écoute que l'intro, on pourrait penser à une ballade de Paul McCartney. Je n'ai pas choisi ça au hasard : ce qu'on n'aurait pas passé à Macca absout presque Bowie de tous ses pêchés musicaux passés (et ils sont assez nombreux). Ah, l'absence !... C'est merveilleux ce que ça fait naître. Pendant ce temps-là, nos petits branleurs du Net font la part belle, entre autres, à London Grammar, nouveau groupe en provenance de Londres. C'est d'ailleurs réconfortant de voir que malgré le poids du sieur David, des artistes surgis de nulle part arrivent à mieux faire porter leur voix juste par la qualité de leur morceau. Morceau qui, je l'ai pas fait exprès, s'appelle Hey now. J'ai lu dans un blog que, pour se faire une idée de la musique de London Grammar, il fallait imaginer une chanson de The XX chanté par Florence Welsh (Florence + The Machine) produite par Massive Attack ; l'image est assez juste.



Là aussi, c'est une ballade. Mais quand London Grammar en parlant de now, tourne notre regard vers l'avenir,  Bowie, lui, regarde résolument en arrière. Où en sommes-nous maintenant donc, signe avant coureur du jour d'après, le jour où l'on n'est plus des héros. Car si Bowie reprend la pochette d'Heroes, c'est qu'il fait référence à ce "We can be heroes / Just for one day" que nous avons tous en tête. Eh oui : juste pour un jour. Mais le jour d'après, houlala, ça fait mal. Les London Grammar font partie des héros d'aujourd'hui. Plus Bowie. Il a vieilli. Comme ses fans, ces décideurs qui se sont hâtés de répandre sa nouvelle et plus ou moins bonne parole sur les affres de l'âge. Mais croyez-vous vraiment qu'à vingt ans, on se soucie de vieillir ? C'est un peu comme dans la pub qu'on voit ces temps-ci : non, à vingt ans, moi non plus je ne pensais pas à ma retraite. Bowie est sorti de la sienne pour annoncer la nôtre. C'est pas beau de vieillir ; ça fait un moment, perso, que je m'en doutais. Bowie, de toutes façons, a dépassé le stade des critiques, des commentaires et même du héros. C'est un dieu qui a inspiré, et continue à le faire, une multitude de musiciens. Il n'y a qu'à écouter cette récente reprise par les suédois de Simian Ghost de Be my wife, extrait de l'album Low de Bowie pour s'en rendre compte.



Oui, David Bowie est l'une des plus grosses racines de cet arbre aux multiples ramifications qu'est la musique pop rock d'aujourd'hui. Mais quand on admire un arbre, avouez quand même qu'on a plus tendance à regarder vers le haut, vers les nouvelles pousses, que vers les racines. Racines nourricières depuis longtemps enterrées. Where are we now ? Six pieds sous terre, that's where.

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