samedi 12 janvier 2013

L'âge bête

Je ne sais pas si la chose la plus charmante/navrante concernant Les sucettes de France Gall est que Gainsbourg la lui ai faite chanter sans qu'elle en connaisse le sens (forcément) profond ou le commentaire de France Gall elle même, qui, justifiant son choix de ne plus l'interpréter sur scène, disait : "Ce n'est plus de mon âge". Et je vais tacher d'expliquer maintenant comment j'en suis arrivé là via une petite chanson triste de Divine Comedy qui s'est immiscée dans mes oreilles ce matin. Je ne me souvenais pas du nom de la chanson. Et, le hasard fait bien les choses, d'autant qu'il n'y a jamais de hasard, il s'agit de Timewatching.



J'aurais du préciser : Timewatching dans sa version 97 sur A short album about love, où Neil Hannon (soit Divine Comedy pour ceux qui ne le sauraient pas encore) reprenait ce morceau de Liberation avec une formation classique. C'est notamment avec ce morceau, mais dans sa version originelle, que j'ai connu Neil Hannon, qui, s'il avait déjà commis un album auparavant (passé totalement inaperçu) allait éclater au grand jour avec l'album Liberation. Il n'y a pas grand chose à jeter sur cet album où Divine Comedy passe allègrement de ce type de morceau, élégamment arrangés, tels de la dentelle, avec force cordes voire clavecin, à d'autres plus pop. Le morceau qui précédait Timewatching sur Liberation était précisément Europop, et à la réécoute, je me suis dit qu'il y avait comme un air de famille avec le Girls and boys de Blur, sorti un an plus tard, mais qui rafla pourtant bien plus dans les charts du monde entier.



Si vous avez une mémoire d'éléphant, vous en aurez conclu qu'un an avant Blur, c'était en 1993. Soit, eh oui, il y a vingt ans. Bon, c'est pas que je sois très anniversaire, mais il y a chez nous tous une propension à trouver tous ces anniversaires par dizaine assez symbolique. Mais symbolique de quoi en fait ? Du temps qui passe, ça, c'est vrai ma bonne dame ! Non, plus inconsciemment, ça doit nous chatouiller quelque part, nous rattraper par le colback en nous interpellant : "Hé ! T'as pas oublié un truc, là !?" Et qu'est-ce qu'il devient Divine Comedy ? A vrai dire, il y a bien longtemps que je ne m'étais pas posé la question et, en allant voir son site, la réponse - car il y en a une - m'a laissé coit. Divine Comedy, et quelques amis musiciens irlandais au nombre desquels David Gray, a sorti il y a un mois Oscar the hypno dog, une compilation autour des chiens dont les fonds iront à une association irlandaise de chiens en détresse. C'est pas que je me désintéresse du sort de ces pauvres toutous, mais les chiens, ça avait un côté Michel Drucker (le côté "Vous aimez les chiens ?") qui renvoyait à nouveau au temps qui passe, et pas forcément en bien. La chanson de Neil Hannon pour le machin (qui d'ailleurs lui donne son nom) n'est pas mauvaise mais purement anecdotique à l'instar de cette autre, seule disponible sur le Net, sur laquelle il chante dans un "super groupe" formé pour l'occasion, Harry Haller and the Hooligans.



A défaut de m'amuser, comme on le voit, Neil Hannon s'amuse toujours. Alors comment ça se fait que je n'ai plus envie de m'amuser avec lui ? En fait, ma relation avec Divine Comedy a eu des hauts et des bas. Mais cela correspondait-il vraiment aux hauts et bas de la carrière de Divine Comedy ou à ma propre envie de Divine Comedy ? Je veux dire par là que Divine Comedy a peu ou prou, à partir de Liberation, livré le même genre (très bon genre, hein, d'ailleurs) de musique, le même genre d'albums. Or je m'aperçois que si j'en ai parfaitement retenu quelques uns, j'en ai zappé totalement d'autres comme Regeneration, sorti en 2001 et dont je ne possède aucun extrait dans ma discothèque. C'est d'autant plus curieux que j'ai adoré l'album suivant, Absent friends, et plus particulièrement le brillantissime Our mutual friend.



En même temps, si je dois prendre une parabole alimentaire, il y a des périodes où vous avez envie de yaourt (ou de saumon ou de banane, enfin, bref, vous avez compris), où vous vous gavez de yaourt, puis vous n'en mangerez plus un durant des mois jusqu'à ce qu'une nouvelle période yaourt s'ouvre avec vous (et venez pas me dire que vous, non, parce que vous avez une alimentation parfaitement équilibrée). N'ai-je plus envie de Divine Comedy parce qu'il a dépassé la date de péremption ou simplement parce que j'ai changé de rayon ? Et si j'ai changé de rayon, à qui Divine Comedy fait envie pendant ce temps là ? C'est alors que m'est venu une autre image. Celle du film Toy story qui se posait la question de savoir ce que deviennent les jouets que nous avons adoré une fois qu'on ne joue plus avec. J'ose espérer qu'à l'instar des jouets du film qui trouvent d'autres propriétaires, les artistes (de qualité s'entend) trouvent d'autres amateurs (sinon ce serait trop triste, snif). Et puis, contrairement au gamin qui grandit et qui rejette alors tous ses jouets, l'amateur que je suis en a gardé beaucoup. Y compris certains auxquels je ou que je ne devrais plus jouer : des disques innommables mais qui sont bons comme des madeleines de Proust. Et là, devant la foule de lecteurs qui crient "Un exemple ! Un exemple !", j'ai été chercher une chanson de 1983, que par le passé, j'avais pensé poster jusqu'à ce que je me rende compte à quel point elle n'était pas très défendable. Sauf ici donc. Voici donc Nena (oui, oui, celle de 99 Luftballons) et un extrait de son premier album que j'ai du écouter un demi milliard de fois mais que vous n'êtes pas obligé d'apprécier, ce que je comprendrais parfaitement mais qui ne m'empêchera pas de monter le son la prochaine fois qu'elle passera dans mon Ipod en chantant les paroles en allemand dans le texte s'il vous plaît.



Et voyez-vous, c'est là où je me dis que la phrase de France Gall est charmante/navrante : parce que, même si je suis ridicule, je ne me dirais jamais que j'ai passé l'âge. CQFD.

PS : c'est souvent après avoir écrit l'un de ces posts que j'en cherche le titre. Après quelques minutes de réflexion, je me disais que "l'âge bête" m'allait bien. Mais alors, il me fallait aussi poster cette chanson dont Françoise Hardy avait signé le texte pour Diane Tell. Dont acte.

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