lundi 14 janvier 2013

Réinvention

Comme j'avais promis ici, revenons sur le cas POP ETC. Avant de s'appeler POP ETC, le groupe s'appelait The Morning Benders. D'après leur déclaration, le groupe a changé de nom car "bender" au Royaume Uni, est une expression d'argot qu'on peut traduire par "pédé", ce que ne savait pas ce groupe de San Francisco. Or le groupe faisant de la musique pour unir les gens et non les séparer, ils ne voulaient plus user d'un nom qu'ils avaient pourtant mis quelques années à installer, une véritable marque sur laquelle ils pouvaient capitaliser. Car les deux premiers albums très indie rock de Morning Benders avaient eu un large écho. Big Echo était d'ailleurs le nom de leur deuxième album en 2010 dont je garde un très bon souvenir et particulièrement de cette version live de Excuses, enregistrée avec toute une bande de leurs potes san franciscains dans un studio à la manière dont Phil Spector enregistrait ses morceaux dans les années 60 (c'est ce que Chris Chu, le leader des Morning Benders, explique au début de la vidéo).



Aussi louable soit cette déclaration d'intentions (je ne vais quand même pas taper sur un groupe qui change de nom quand il s'aperçoit qu'il a un caractère homophobe après ce que j'ai écrit hier !), je pense qu'il y a bien d'autres raisons pour lesquelles Chris Chu (le chanteur, compositeur, leader donc du groupe) a changé le nom de sa formation. D'abord parce qu'après avoir longtemps été un groupe de San Francisco, le groupe a déménagé à Brooklyn. Ensuite, il y a eu des changements dans la formation comme le départ de leur bassiste et l'arrivée du frère de Chris Chu. Enfin et surtout, leur son n'est plus du tout le même. D'indie rock, le groupe offre aujourd'hui une musique influencée par le r'n'b où la voix n'a pas peur d'être triturée à l'autotune et où les synthés prédominent sur les guitares. Résultat : des critiques incendiaires se sont abattues sur le premier album de POP ETC et je pense que ça ne s'arrangera pas avec leur nouveau single Speak up, qui outre les "défauts" plus hauts, cumule le fait d'être tiré de la bande originale du film Twilight : Breaking dawn (part 2) et dont le clip a été tourné sur un voilier.



Oui, je sais, le clip sur le voilier, vous vous dites que c'est pas un gros handicap. Sauf que le dernier groupe que j'ai vu enregistrer un clip sur un voilier, ce sont les malaimés (du moins à l'époque) Duran Duran avec ce qui est une référence en matière de clip sur un voilier, un genre limité je vous le concède mais quand même : Rio.



Bref, ça risque pas de s'arranger pour les Morning Benders, euh, pardon, POP ETC, qui n'ont finalement eu qu'un seul tort : l'envie de se réinventer. Pourtant si l'on gratte un peu, au dessus du vernis, on retrouve finalement le même Chris Chu. Reprenons Speak up par exemple. Ou plutôt faisons reprendre par Chris Chu, ce même Speak up, qui va jeter à nouveau l'ire sur Pop Etc, dans une version acoustique et que trouve-t-on ? Une chanson qui vaudrait des louanges aux Morning Benders.



La petite histoire de POP ETC me rappelle le sort qui fut réservé, par ses anciens fans, à Scritti Politti quand le groupe sortit son deuxième album en 1985. Le groupe n'avait jusqu'alors sorti qu'un album en 1982, le très estimé Songs to remember dont est extrait ce Jacques Derrida.



Trois ans plus tard, Green Gartside, chanteur, compositeur et donc leader vire ses acolytes ; le petit groupe post punk qui fit les belles heures du label indie Rough Trade (l'album fut un des plus vendus du label) signe chez Virgin et se fait produire par Arif Martin, gros producteur US, influencé qu'était alors Green Gartside par le son en provenance de New York. L'album s'appelle Cupid & Psyche et était annoncé par l'excellentissime single Wood beez.



Je ne sais pas si Scritti Politti a, à ce moment là, agrandi son audience, ou, bien plus, changé d'auditoire. Mais à réécouter ces deux albums, on trouve toujours le même auteur. Avec un souci de proposer autre chose. De se réinventer donc, en quelque sorte. Mais le plus bel exemple de réinvention qui me vienne à l'esprit est celui de Terry Hall. Le chanteur des légendaires Specials est passé par tant de réincarnations que je dépasserais largement mon quota de titres postés (déjà dépassé d'ailleurs) si je m'amusais à illustrer chacune de ses aventures musicales. En voici trois qui m'ont marqué dans les années 80 : les Fun Boy Three, avec qui il signa deux albums impeccables, The Colourfield, dans un style plus pastoral, formé par la suite et avec lesquels, là encore, il signa deux albums, puis, plus tard, Vegas, un duo qu'il forma avec Dave Stewart, qui venait de mettre fin aux Eurythmics.







Evidemment, on pourra me dire (ce qui fut dit) que d'album en album, la production de Terry Hall a perdu en qualité, ce que je ne démentirais les albums de Colourfield et plus encore de Vegas n'étant que partiellement réussis. Mais je crois que, tout autant que la qualité, c'est simplement le changement qu'on reproche à ces artistes, de manière paradoxale, puisqu'on reproche aussi à d'autres de ne pas changer. Quand vous voulez changer la formule, ou plutôt, la révolutionner, il faut que le résultat soit exemplaire, exceptionnel (à la manière d'un Damon Albarn passant de Blur à Gorillaz - qui a d'ailleurs invité Terry Hall sur un de ses titres). Sans quoi la baguette magique avec laquelle on veut se transformer risque de devenir elle même un (retour de) bâton.

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