Dans le très rigolo et parfois émouvant recueil de nouvelles You better not cry - stories for Christmas, son auteur, Augusten Burroughs parle de l'effet qu'a sur lui un titre mille fois entendu par le passé. En l'occurrence, il s'agit d'un titre de Julia Fordham, Manhattan Skyline. Il explique que cette chanson était la première de son couple (le sujet de sa nouvelle). Or, le voici dans son appartement, seul. Il écrit : "J'ai mis le disque de Julia Forham sur la platine. Je ne voyais pas pourquoi je ne l'aurais pas fait. Mon erreur a été de sous estimer la puissance émotionnelle d'une chanson que vous avez déjà écouté un millier de fois". Bon, je ne vais pas parler de la chanson à proprement parler puisque je ne la connaissais pas et correspond bien plus à son histoire qu'à la mienne. Je garde en revanche un excellent souvenir (j'ai le vinyle à la maison) de Happy ever after, le premier single de Julia Fordham, à la voix si particulière.
Mais bien entendu, ce n'est pas non plus de Julia Fordham dont je veux parler ici. Il se trouve que par un curieux hasard de circonstances, j'ai connu le même genre de (més)aventure en tombant sur une chanson entendue mille fois par le passé. Je roulais sur une route américaine quand mon Ipod en shuffle a décidé de déverser dans mes oreilles Vu du ciel d'Alain Chamfort.
Cette chanson de1994 faisait partie de l'album caritatif Entre sourires et larmes. Album au profit de la lutte contre le SIDA, plusieurs artistes y mettaient en musiques les textes de séropositifs. Je sens que j'ai plombé l'ambiance. D'ailleurs c'était tout le problème de cet album même si l'on y trouvait de très jolies choses : une ambiance un peu pesante propre au sujet évidemment. Vu du ciel n'était pas, à l'époque du moins, la chanson qui me parlait le plus. Je lui préférais alors nettement Des p'tits trucs cons de Pascal Obispo (dont c'est d'ailleurs la seule chanson qui fasse partie de ma discothèque à l'exception de son duo avec Zazie, Les meilleurs ennemis)
Mine de rien, cet album, s'il n'a pas profondément marqué les mémoires, marque néanmoins un vrai tournant dans la carrière d'Obispo : durant le processus d'enregistrement de l'album, il rencontra Lionel Florence, dont six textes avaient été retenus pour Entre sourires et larmes. Il allait devenir l'un des auteurs les plus importants de la chanson française par la suite signant des tubes pour Pascal Obispo (Lucie), Florent Pagny (Savoir aimer) ou David Hallyday (Tu ne m'as pas laissé le temps) entre autres. Pas vraiment ma came. Mais c'est aussi à Lionel Florence qu'on doit ce Vu du ciel qui l'est bien plus. Sans doute parce qu'outre un texte réussi, il est délivré avec élégance par Alain Chamfort. En fait, c'est un pléonasme tant l'élégance est la marque d'Alain Chamfort ; il n'en fait pas des tonnes mais tout est impeccable. C'est justement cette absence d'effets qui a sans doute valu à Alain Chamfort son insuccès quand bien même il livrait une variété de la plus belle facture qui soit. Et même dans la déveine, il a su rester élégant en livrant ce clip alors qu'il se faisait virer de sa maison de disques.
Dans Vu du ciel, il monte très haut dans les aigüs sur le refrain. Je pense que c'est aussi sa voix, et sa façon de monter fragile, pas essoufflé mais sur le fil tant on sent qu'il n'est plus vraiment capable de monter aussi haut, qui m'a cueilli tout autant que le texte du refrain : "Vu du ciel / Faut-il qu'on nous enlève / Ceux qu'on aime pour qu'on s'élève / avec eux vers l'essentiel / Etait-ce prévu du ciel / D'mettre les pendules à l'heure / Et à leur juste valeur le leurre de nos vies superficielles". Et ce n'est pas parce que la chanson parle du SIDA qu'elle a su m'émouvoir à ce point mais bien plus parce qu'elle parle aussi (surtout ?) du deuil dont, à l'époque, le SIDA était synonyme. Qui dit deuil dit souvenir, et il n'y a rien de mieux (ou de pire) que la musique pour les évoquer. Je vous rassure tout de suite, j'ai réécouté plusieurs fois le morceau pour écrire ces lignes et n'ai nullement eu besoin de sortir ma boîte de kleenex. Il fallait aussi le contexte, le moment et il n'était clairement plus là. Toutefois puisque j'en suis là, difficile de ne pas évoquer cet autre morceau que j'ai toujours adoré mais qu'il m'est impossible dorénavant d'écouter sans avoir les larmes aux yeux : Samba in preludio, repris en italien par Ornella Vanoni, Vinicius de Moraes et Toquinho est en effet le morceau que nous avons joué à l'enterrement de ma mère. D'où mon conseil du jour : si vous aimez un morceau, ne le jouez jamais à l'enterrement d'un de vos proches au risque de le voir grillé à tout jamais.
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