mercredi 11 décembre 2013

Changement d'ère

Le New Musical Express a publié il y a quelques semaines la liste des 500 meilleurs albums de tous les temps. En sachant d'emblée tout ce que ça peut avoir de dérisoire, le NME affiche en couverture "the final, definitive, definetily last of its kind, never to be repeated" liste des meilleurs disques. Evidemment, ils en sortiront une autre dès l'année prochaine et ce pour une très bonne raison: il se trouvera toujours des abrutis (comme moi) pour acheter ce genre de publication et biens d'autres encore (comme moi) pour les commenter.
Pourquoi j'achète ? La première raison, viscérale, est de vérifier que Hounds of Love, le joyau de la discographie de Kate Bush, s'y trouve bien et, sinon je m'énerve, en bonne place. Je ne me suis pas énervé puisqu'on l'y trouve bien à la 48eme place, ce qui est tout à fait honorable à l'échelle de "tous les temps". On y trouve même plus loin dans le classement The Kick Inside, le premier album de l'Anglaise, que, même fan invétéré, je n'aurais sans doute pas rangé là, lui préférant des œuvres antérieures autrement plus culottées et réussies, même si The Kick Inside emmené par le tube planétaire Wuthering Heights à ouvert la voie à toutes ces "jeunes-filles-romantiques-chantant-leur-passion-voire-leur-sexualité-derrière-un-piano" (cherchez, y en a eu plein depuis 1978). Une sorte de maître étalon en quelque sorte.



Et c'est bien en matière de maître étalon que ce nouveau classement est riche en enseignement. La musique pop rock telle qu'on la concevait jusqu'à présent n'avait qu'un seul maître étalon : les Beatles.  Or, ce ne sont pas les Beatles qui squattent la première place. Certes, avec Revolver, 2ème, et le double blanc, 9ème, les Beatles restent le groupe le plus représenté dans le Top10, voire dans le reste du classement puisqu'on y trouve à des places diverses et variées la quasi intégralité de leur discographie. Mais, même pour eux, pour la perception qu'on a d'eux, les choses ont changé. Sergent Peppers, longtemps considéré comme l'une des pierres angulaires de la musique moderne, n'atteint aujourd'hui que la... 87ème place juste derrière le Grace de Jeff Buckley. Et c'est pour moi lourd de sens.
Quand j'ai commencé à écouter et apprécier la musique, LA référence, c'était les années 60. Mais c'est bien loin pour les kids d'aujourd'hui. Ça ne leur parle plus, ne les inspire plus, ou, du moins, moins. L'avènement des Smiths à la première place de ce classement - car,oui, je ne le cacherais pas plus longtemps si ne vous le savez pas déjà, le meilleur album de tous les temps, pour le NME, c'est The Queen is Dead - nous propulse dans une ère nouvelle, où la référence, ce sont les années 80 et 90 puisqu'on trouve dans les 10 premiers, Doolitle des Pixies et le premier album des Stone Roses (tous deux de 1989), mais aussi Different class de Pulp (1996) ou Definitely Maybe d'Oasis (1994).
Le reste du classement est à vau-l'eau où l'on apprend qu'aujourd'hui, Nirvana, Pj Harvey, Radiohead, ou, plus récents, Arcade Fire ou Arctic Monkeys, "valent mieux" que les meilleurs albums des Rolling Stones, des Beach Boys ou de Marvin Gaye.



Je lisais dernièrement une interview d'Etienne Daho qu'on interrogeait sur l'influence manifeste, voire déclarée, qu'il pouvait avoir sur la jeune scène française. "Je crois" disait-il "au cycle des 20 ans". Et d'expliquer que ses références étaient des Sixties quand les artistes d'aujourd'hui regardent avec nostalgie vers les Eighties. Car qu'on ne s'y trompe pas : tout ça n'est finalement que de la nostalgie. Une peau de chagrin contre laquelle on aime se frotter pour trouver les mots pour chanter son propre blues. 
Mais moi j'y étais, kids, dans les Eighties. Quand on me disait que c'était vraiment de la merde, ce que j'écoutais. Aujourd'hui donc, mon gros étron est étalon. Ça vous laisse de l'espoir quand tout ce que j'entends à la radio me semble bien piteux. Mais bon, on sait bien que tout ne passe plus par la radio et, de toutes façons, qu'est-ce que vous en avez à faire des réflexions d'un vieux con? C'est en tout cas ce que je me disais quand je n'étais qu'un jeune con qui n'écoutait que de la merde. Les temps changent mais on reste tous des cons.

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